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00:00Brice Balanche, merci d'être avec nous, vous êtes maître de conférence à Lyon,
00:03deux spécialistes du Moyen-Orient.
00:04Votre dernier ouvrage, Les leçons de la crise syrienne, est paru chez Odile Jacob.
00:08Quelle analyse faites-vous de cette escalade depuis une semaine maintenant,
00:13depuis l'affaire des Bipers et de ces milliers de blessés ?
00:18On est entré dans une nouvelle dimension, mais ce n'est pas encore une guerre totale ?
00:23Ce n'est pas encore une guerre totale, bien sûr.
00:25Tout dépendra effectivement de la réaction de l'Iran.
00:28Si l'Iran riposte, on peut dire qu'on sera dans une guerre totale, dans une guerre régionale.
00:33Pour l'instant, l'opération israélienne va se limiter au Liban.
00:37On dirait que c'est déjà une guerre totale avec le Liban, par contre,
00:41parce que l'objectif d'Israël est vraiment d'éradiquer le Hezbollah ou Aminima,
00:49de réduire sa capacité de nuisance pour les dix à vingt ans à venir.
00:54Ce qui veut dire qu'au début de cette offensive, on a déjà 500 morts, des destructions massives,
01:00mais ce n'est rien par rapport à ce qui va se produire dans les jours, dans les semaines à venir,
01:06puisque l'armée israélienne a choisi, contrairement à 2006,
01:11de rester avec des frappes aériennes et sans doute d'éviter une offensive au sol,
01:16parce que ça avait été sa principale faiblesse en 2006.
01:21Donc ça veut dire des destructions massives dans le sud, dans la banlieue sud de Beyrouth,
01:26où se trouve le quartier général du Hezbollah, dans la Beka, où vous avez aussi des foyers du Hezbollah,
01:31et puis surtout des lieux de stockage de missiles d'armement,
01:35parce que c'est depuis la Syrie qu'arrivent aujourd'hui les missiles, les roquettes à destination du Hezbollah,
01:40et sont stockés dans ces zones.
01:43Donc on va avoir des campagnes de bombardements extrêmement puissantes sur le Liban.
01:49On va s'arrêter un instant, Fabrice Balanche, si vous le voulez bien, sur la stratégie des Israéliens,
01:54qui semble donc être cette instauration d'une zone tampon, en tout cas pour l'instant, sur le sud du Liban.
02:01On va écouter notre envoyée spéciale à Jérusalem.
02:04Elle vient d'arriver, Pauline Godard, qui était interrogée un peu plus tôt sur France 24.
02:10Il est vrai, en effet, que ici la population est inquiète.
02:13Alors il y a toujours, bien sûr, plusieurs discours.
02:16Certains qui se disent qu'en ouvrant ce front au nord, on oublie les otages, on oublie de négocier.
02:23C'est vrai que pour l'instant, un possible accord sur une libération des otages ou bien une trêve à Gaza, tout est au point mort.
02:28L'objectif de Benyamin Netanyahou semble de toute façon être le fait de vouloir rompre ce lien,
02:34rompre ce lien qui existe entre le Hezbollah et la bande de Gaza,
02:37puisque le Hezbollah soutient depuis le début les Palestiniens de la bande de Gaza.
02:41Et puis Benyamin Netanyahou veut surtout avoir une victoire dans un sens,
02:45une victoire qui lui permettrait de retrouver cette crédibilité qu'il a perdue depuis le 7 octobre
02:49et qui permettrait également, si il arrive à reprendre le dessus sur le nord d'Israël et sur le Hezbollah au sud de Liban,
02:57de permettre aux plus de 65 000 Israéliens qui ont été évacués depuis plus d'un an de retourner enfin chez eux.
03:07Et ce retour, Fabrice Balanche, des déplacés israéliens, c'est l'une des obsessions de Netanyahou depuis le début de la guerre,
03:15depuis le 7 octobre dernier. Est-ce que cette opération contre le Hezbollah peut le permettre ?
03:26Sécuriser le nord d'Israël, permettre aux civils israéliens de retourner chez eux,
03:30effectivement c'est un objectif de guerre déclaré par Netanyahou.
03:35En détruisant la capacité guerrière du Hezbollah de lancer des missiles sur Israël,
03:41c'est la seule manière pour Netanyahou de le permettre.
03:45Mais il faut bien comprendre que cette opération au Liban va bien au-delà de cet aspect.
03:50C'est vraiment abattre le bras armé d'Iran au nord d'Israël,
03:56de manière à éloigner cette capacité de nuisance iranienne qui se trouve à proximité d'Israël.
04:04A Gaza, le Hamas aujourd'hui a neutralisé.
04:08Donc l'armée israélienne se porte vers le nord, mais ça c'était prévu dès le 7 octobre.
04:13Parce qu'il faut bien comprendre que pour Israël, le 7 octobre c'est l'équivalent du 11 septembre.
04:18C'est une menace existentielle pour Israël.
04:22Donc il fallait frapper le Hamas, comme les États-Unis ont frappé Al-Qaïda après le 11 septembre.
04:27Et il faut frapper ensuite le Hezbollah, le bras armé de l'Iran,
04:31et si ce n'est frapper l'Iran ensuite dans un troisième temps s'il y a une réaction iranienne.
04:35Mais est-ce qu'on est quand même dans un impasse stratégique sur l'après Gaza, sur l'après Hezbollah,
04:41si les Israéliens parviennent à affaiblir, voire éradiquer la bellicite ?
04:48Oui, alors ce qui se passe c'est qu'il y a deux options.
04:52Soit frapper l'Iran pour détruire son potentiel nucléaire, ça paraît difficile,
04:56ou espérer dans les dix ans à venir que le régime iranien s'effondre.
05:01Il y a deux ans avec les manifestations, on a vu qu'il n'était pas si solide que ça.
05:04Et si le régime iranien s'effondre, évidemment tous les proxys de l'Iran dans la région,
05:09le Hezbollah, les militias itiraquiennes, les Houthis, seront durablement affaiblis.
05:13Donc en attendant cet effondrement du régime iranien potentiel à l'horizon de dix ans,
05:19il faut casser les proxys iraniens qui sont dans cette proximité d'Israël.
05:24C'est à mon avis ça l'objectif de Benjamin Netanyahou.
05:28Les proxys iraniens, rappelez-le, qui sont un peu partout dans la région, en Irak, en Syrie aussi ?
05:33Tout à fait. En Syrie, le Hezbollah a contribué à la création de ce qu'on appelle la Defah al-Watani,
05:40des paramilitaires qui ont soutenu le régime de Bachar al-Assad pendant la guerre.
05:44Les Houthis, cette milice zaïdite qui a pris le pouvoir dans le Nord-Yémen
05:48et qui envoie régulièrement des missiles sur Israël, mais aussi sur les bateaux qui passent en mer Rouge.
05:53Et surtout ce potentiel milicien chiite que vous avez en Irak,
05:58parce qu'en Irak vous avez une communauté chiite de 25 millions de personnes,
06:04une des milices qui compte plus de 200 000 hommes et qui sont régulièrement utilisées par l'Iran
06:10pour aider justement Bachar al-Assad en Syrie.
06:12Il y a eu jusqu'à 50 000 miliciens chiites en Syrie pendant cette guerre
06:17et éventuellement pour aller donner un coup de main au Hezbollah,
06:20qui a des problèmes de recrutement parce qu'il a une démographie en Berne,
06:24parce que ce Hezbollah a contribué à organiser ces milices chiites dans les années 2014
06:30lorsque vous avez eu le problème de Daesh en Irak.
06:34Et donc c'est tout ce petit monde qui constitue entre guillemets l'axe de la résistance
06:37qu'il faut abattre pour Israël.
06:41Pour les Israéliens. Le président iranien a dit ce matin sur CNN
06:44que le Hezbollah ne pouvait pas rester seul face à Israël,
06:48mais il n'annonce aucune mesure, aucune riposte concrète.
06:52On reste dans la rhétorique ?
06:54Alors, ils vont peut-être sans doute faire quelque chose
06:57parce que laisser écraser le Hezbollah, ce n'est pas bon pour leur image,
07:00ce n'est pas bon évidemment pour leurs alliés qui perdront confiance
07:03dans la capacité offensive de l'Iran.
07:06Mais il faut bien comprendre que pour l'Iran, l'objectif premier,
07:09c'est le programme nucléaire.
07:12Parce qu'ils ont bien compris que lorsqu'on dispose de la bombe atomique,
07:15on peut aller embêter son voisin sans subir des représailles sérieuses
07:19d'Igcit, la Russie vis-à-vis de l'Ukraine.
07:22Donc c'est ça leur objectif.
07:24Ils vont évidemment sacrifier ce programme nucléaire
07:27dans une guerre au Proche-Orient.
07:30Donc l'Iran aura sans doute une riposte limitée
07:33pour éviter d'entrer dans une guerre ouverte avec Israël
07:36et par-delà avec les États-Unis puisqu'il ne faut pas oublier
07:39qu'on a des porte-avions américains dans la région pour protéger Israël.
07:42Donc ils n'ont aucun intérêt à affronter les Israéliens
07:44parce qu'il y a les Américains derrière ?
07:46Les Américains donnent évidemment une capacité de défense
07:49à Israël bien supérieure.
07:52En avril, lorsque les Iraniens ont envoyé une volée de missiles sur Israël,
07:56ils ont été interrompus aussi grâce à des missiles américains et français
08:00puisque les Français en Jordanie également ont réagi.
08:03Donc l'Iran n'a pas intérêt à affronter Israël.
08:07Ils ont juste intérêt à essayer d'attirer Israël au sud du Liban
08:11par une offensive terrestre et de le piéger comme ils ont fait en 2006,
08:16ce qui a mis fin à la guerre puisque l'armée israélienne s'est retrouvée
08:21prise au piège par le Hezbollah.
08:23Les combattants sortaient de tunnels.
08:25Avec des RPG, ils ont mis hors d'usage une quarantaine de chars.
08:28Et donc l'opération terrestre s'est arrêtée
08:31et c'est ainsi qu'on a mis fin à la guerre des 33 jours en 2006.
08:35Le Liban est au bord du gouffre.
08:37C'est ce que vient d'annoncer Antonio Guterres
08:39qui vient d'ouvrir l'Assemblée Générale des Nations Unies.
08:42Est-ce que vous voyez un lien entre les événements de la semaine dernière,
08:45les bombardements d'hier et cette semaine diplomatique
08:49qui s'ouvre à New York ?
08:51Je ne pense pas que du côté israélien,
08:55on ait calculé l'organisation des Nations Unies.
09:01Parce qu'au contraire, les Nations Unies sont toujours assez contre
09:06l'attitude israélienne.
09:08Il y a l'Assemblée Générale qui prend des positions très anti-israéliennes.
09:11Non, je pense que le timing est dû à la fin des opérations à Gaza,
09:16provisoirement en tout cas.
09:18Ensuite, plus à l'élection américaine.
09:20Aujourd'hui, Joe Biden est quand même très affaibli
09:23puisqu'il va devoir remettre le pouvoir.
09:25On a donc Trump et Kamala Harris qui sont en campagne.
09:29L'élection aura lieu début novembre.
09:31Mais si Trump est élu, de toute façon,
09:33il n'y aura pas de nouvelle administration avant le mois de janvier
09:35puisqu'il y a une période de latence de deux mois.
09:37Pour Kamala Harris, ce sera pareil.
09:39Les Israéliens, là, je dirais qu'ils ont trois ou quatre mois devant eux.
09:41Sachant qu'ils ne subiront pas un éventuel frein important
09:47de l'administration américaine.
09:49Bien au contraire, ils ne peuvent être que soutenus
09:53en vertu des accords de défense entre Israël et les États-Unis pour l'instant.