• il y a 2 mois
Un pari fou ou le film de trop pour le parrain du cinéma américain ? Le public va pouvoir juger sur pièce le dernier opus de Francis Ford Coppola, "Megalopolis", film testament dans lequel il a investi une partie de sa fortune. Il sort le 25 septembre au cinéma. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mardi-24-septembre-2024-3407918

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Transcription
00:00Bonjour Francis Ford Coppola.
00:02Bonjour.
00:03Mégalopolis, c'est une vision hyper noire de l'Amérique,
00:08et pourtant votre génération, elle incarne une partie du rêve américain.
00:12Des gamins qui démarrent de rien et qui arrivent tout là-haut,
00:15alors est-ce que c'est fini ? Est-ce qu'il est mort le rêve américain ?
00:19Mégalopolis propose une vision aussi noire de l'Amérique.
00:27On voit des événements qui s'y déroulent.
00:29La fin du film, la fin de Mégalopolis, c'est en fait pleine de joie, d'espoir,
00:36mais effectivement, il y a une analogie.
00:39On a l'impression quand même que l'Amérique est devenue une espèce de Rome moderne.
00:44L'Amérique a été fondée sur l'idée même de Rome, parce que nous ne voulions pas de roi,
00:49et Rome donc a inventé la République.
00:52L'Amérique est une république, et Rome était également une république il y a de cela 2000 ans.
01:02Mais si l'Amérique suit l'exemple de Rome, alors elle pourrait perdre sa république.
01:08Mais mon point de vue, en tout cas mon espoir, c'est que cela ne se produise pas.
01:13Au-delà de cela d'ailleurs, je pense, j'espère que l'humanité,
01:18que l'homme retrouvera sa véritable nature, qui est d'être une grande famille humaine.
01:24Vous êtes ma cousine, nous sommes plus que cela.
01:27Nous sommes une grande famille, mais nous sommes surtout l'espèce humaine.
01:32Nous sommes des génies, l'homme est un génie.
01:36Alors, on nous dit que non, parce qu'on veut nous contrôler,
01:40mais nous sommes des génies, il n'y a aucun problème que nous ne sachions résoudre
01:44avec nos talents, avec notre créativité.
01:47Donc ce qui vous intéresse, ce n'est pas la chute de l'Empire Romain, c'est la fin de la république, c'est ça ?
01:52Il faut quand même voir que l'histoire de l'Empire Romain est quand même assez particulière.
01:59Vous aviez un empereur qui était comme un roi, et même à l'époque moderne,
02:04le mot Tsar, ou Kaiser, ou Shah, tout cela vient du même mot latin, César, l'image donc d'un roi.
02:13Mais l'époque des rois est révolue.
02:17Nous sommes une famille humaine, et à ce titre, nous sommes bien plus intéressants que les rois,
02:25et cette famille humaine remonte à plus de 300 000 ans, c'est depuis ce temps-là que le mot sapien s'existe,
02:34mais la patriarchie remonte à quoi, il y a 10 000 ans, l'époque romaine trouve ses racines.
02:42Avant cela, c'était des matriarchies, et dans les matriarchies, les femmes ne donnaient pas des rôles,
02:52elles n'étaient pas limitées à la conception, les femmes étaient les conservatrices des ressources,
02:59nous avons besoin d'eau, de nourriture pour les enfants, et cela, notre véritable nature.
03:06Mais quand même, vous ne pensez pas qu'il y a un risque, en tout cas que le film raconte cela,
03:11que l'Amérique pourrait basculer un jour dans un régime autoritaire ou un autocrate,
03:17qu'on confisquerait les pouvoirs comme César a confisqué les pouvoirs ?
03:21Mais c'est vrai, ce que vous dites, la patriarchie, c'est l'homme qui a inventé l'esclavage, la guerre,
03:29qui a même inventé la peste et la cruauté, c'est le fait de l'homme, mais cela remonte à 10 000 ans,
03:38ce n'est qu'une toute petite fraction de notre histoire.
03:41Moi, je regarde la véritable nature humaine qui est une nature créative, la capacité de résoudre les problèmes,
03:47mais vous avez raison, c'est intéressant, il y a quelques années, lorsque je me suis dit,
03:53je vais faire un film sur un empereur ou un empire romain, mais je voudrais que cet empire soit l'Amérique,
03:59on m'a raconté, mais pourquoi, pourquoi faire ça ? Je me suis dit, je ne sais pas, il me semble que ce serait un sujet intéressant,
04:04alors qu'aujourd'hui, maintenant, tout le monde en parle, tout le monde dit que l'Amérique est un peu...
04:08Donc c'était avant Donald Trump, ce projet remonte à bien avant l'avènement politique de Donald Trump.
04:13Or, c'est intéressant, la façon dont ce film se télescope avec l'actualité,
04:19parce que ça raconte New York rongé par le vice, l'argent et la corruption,
04:24Donald Trump, c'est l'élite new-yorkaise, c'était l'homme de pouvoir à New York,
04:29c'était le vice, l'argent et la corruption à New York.
04:33Écoutez, vous savez, encore une fois, nous sommes tous des génies, tout le monde, dans cette pièce même,
04:41mais tout le monde n'a pas les dons qu'il souhaite, moi, je n'ai pas reçu le don que je voulais,
04:46moi, je voulais être un danseur de claquettes, quand je suis allé à l'école, quand j'étais un petit peu solitaire,
04:54je me suis dit, voilà, si je monte sur la table et je danse des claquettes, tout le monde va m'aimer, voilà.
04:59Alors, c'est un peu comme Cassandre, mon oeuvre raconte un petit peu l'avenir,
05:04quand j'ai fait le film Conversations secrètes, c'était quelqu'un qui écoutait aux portes,
05:10et on se dit, mais à quoi bon tout cela ? Et puis, 10 ans plus tard, il y a eu le Watergate, et tout était là.
05:15Eh bien là, maintenant, mon film, c'est un peu l'Amérique en tant que nouvelle version de Rome.
05:22Il y a 10 ans, on me disait, pourquoi faire ? Mais maintenant, on comprend parce qu'on suit effectivement dans la tracée de Rome,
05:28et il y a le risque de perdre notre république. Je ne crois pas que ce soit le cas, mais c'est quand même une possibilité.
05:33Mais quel regard vous portez sur Donald Trump, aujourd'hui, vous qui avez 85 ans et qui avez quand même toujours raconté l'histoire politique américaine ?
05:43Je ne m'intéresse pas à la politique en tant que telle. Les politiciens ne m'intéressent pas.
05:49Ce qui m'intéresse, c'est ce qui dépasse la politique et les politiciens, parce que les véritables décisions vont au-delà.
05:58Les hommes politiques, les sénateurs en Amérique, ils sont un peu comme les sénateurs de Rome.
06:03Ce qui les intéresse, c'est leur propre fortune, leur propre pouvoir. Moi, ce qui m'intéresse, et même dans mon film,
06:10on voit des gens qui ont travaillé sur mon film, qui ont toutes les opinions politiques.
06:16Il y a des hommes et des femmes qui ont été annulés par la cancel culture. Il y en a d'autres qui ont voté pour le parti républicain.
06:24Nous sommes tous au-dessus de cela, parce que nous travaillons ensemble de manière très heureuse, même si nous avons des opinions différentes,
06:31pour faire un film, une œuvre, qui ne résulte pas d'un type de politique, d'opinion politique,
06:38mais ceux qui ont fait ce film viennent de tous les horizons, et nous nous sommes réunis.
06:43C'est vrai, c'est vrai, c'est-à-dire que vous avez réuni, par exemple, un Dustin Hoffman, qui représente, qui incarne plutôt la gauche américaine,
06:50et un John Voight, par exemple, qui est vraiment un trumpiste militant, et ça s'est bien passé sur le tournage ?
06:58On a très bien travaillé ensemble de manière très heureuse. Tous les acteurs étaient liés par une très forte solidarité,
07:06et c'est ce qu'il nous faut aujourd'hui. L'espèce humaine a besoin de cette solidarité en tant qu'espèce créative qui peut résoudre les problèmes.
07:15Il faut rester unis. Je pourrais vous parler de ce qui, à mon sens, représente les plus grands problèmes de la planète,
07:23mais ce n'est peut-être pas ça que vous voulez écouter. Mais posez-moi n'importe quelles questions, j'essaierai de répondre franchement.
07:31Parce que, par exemple, le personnage que joue Adam Driver, l'inventeur génial qui promet un futur étincelant, une vie éternelle,
07:42et qui se révèle un homme profondément dépressif, profondément instable, est-ce qu'il peut nous faire penser à une sorte d'Elon Musk, par exemple ?
07:53Non. Effectivement, peut-être. Écoutez, les génies créateurs, le génie créatif est quelque chose de complet.
08:03Je ne pense pas que le personnage d'Adam Driver soit si dépressif que cela. Certes, il a des difficultés à résoudre, mais il les résout à sa façon.
08:12Vous dites des choses négatives sur lui, mais quand même, il trouve des choses positives à travers l'amour.
08:18Il tombe amoureux d'une femme et elle lui apporte une espèce de lumière. Mais sa vision n'est pas négative.
08:30Il se dit qu'on peut vivre dans un monde composé de la nature. Alors, nous avons appris à maîtriser le génome.
08:39Alors, pourquoi pas vivre dans un environnement amical, fait non pas de béton, mais de nature. On peut vivre parmi les fleurs et les arbres.
08:51C'est une vision très positive. Moi, j'aimerais bien vivre dans ce monde si je pouvais.
08:54Et alors, il y a la grande famille de l'espèce humaine, comme vous dites, Francis Ford Coppola. Et puis, il y a votre famille, il y a votre clan.
09:03Parce que, comme toujours à l'écran, il y a votre sœur, Talia Shire, qui était déjà dans Le Parrain, par exemple.
09:11Il y a votre petite fille qui est là dans le film. Il y a votre neveu. Il y a des acteurs qui ont déjà tourné avec vous,
09:18comme Laurence Fishburne, qui avait un petit rôle dans Apocalypse Now, ou John Voight, dont on vient de parler.
09:25Et j'adore, encore une fois, la famille humaine. Je vous aime. Vous avez des enfants, vous ?
09:33Oui, deux.
09:35Moi, je voudrais que le monde soit meilleur pour eux qu'il ne l'est pour nous. Mais qu'est-ce qu'on laisse à nos enfants ?
09:42On leur laisse des millions de problèmes sans solution. Moi, je voudrais qu'ils aient les solutions, justement, parce qu'ils sont tout aussi importants pour moi que mes propres enfants.
09:50J'aime toute la famille humaine et les enfants de tout le monde. Moi, ce qui me fait de la peine, c'est de voir des enfants mourir au Soudan, en Palestine.
09:59Ces enfants sont des êtres précieux. J'ai pour la même chose que pour mes propres enfants.
10:04D'ailleurs, c'est le ressort du film. C'est l'idée qu'une naissance va renverser le cours de l'histoire et va renverser le film,
10:11et va faire passer certains personnages du côté obscur à la lumière.
10:18C'est que l'espoir...
10:20Il le dit clairement. Nous avons besoin d'un grand débat sur l'avenir.
10:26Et je veux que chacun soit participe à ce débat et que chaque question soit posée.
10:33Ça, c'est quand même une déclaration importante. Si nous pouvions simplement parler, discuter, dialoguer, poser n'importe quelle question...
10:40Parce qu'on n'a pas le droit de poser toutes les questions. Moi, je ne peux pas dire que la publicité est mauvaise pour la santé mentale,
10:48parce qu'il y a des tas de gens qui vivent de la publicité.
10:51Mais en même temps, tout ce que nous faisons, nous essayons de tout faire pour le PNB, le Produit National Prud.
11:01Ça consiste à faire quoi ? A faire plus de tout. On ne peut pas faire ça éternellement.
11:07Il y a une espèce de fétiche de la croissance. Il y a ce qu'on appelle également l'indice humain qui concerne la longévité, l'éducation. C'est ça qui compte.
11:20Et c'est le message du film.
11:22Donc c'est ça la chute de l'empire américain ? C'est le capitalisme et la croissance qui va tuer l'Amérique à la fin ? Ou le monde moderne ?
11:29C'est ça le modèle dont il faut sortir ?
11:33Si vous appelez ça le capitalisme, tout le monde va dire « Ah, ce sont des communistes ».
11:38Je vais aller au-delà de cette notion de capitalisme ou de communisme.
11:43Tout ce que je dis que cette notion de PNB qui consiste à produire de plus en plus, ce n'est pas ça la solution.
11:48Même les économistes, un John Maynard Keynes, qui était un économiste très respecté, a dit qu'en 100 ans, il faudra arrêter cette croissance.
11:58Et ça, il l'a dit il y a déjà 100 ans.
12:00Donc il est temps maintenant, au lieu de faire toujours plus et d'accumuler 8 milliards de dollars ou d'euros en publicité pour vendre du bonheur à tout le monde,
12:15si on vend le bonheur aux gens, on ne peut le vendre qu'aux personnes malheureuses.
12:22Et notre population, elle est heureuse parce qu'on la laisse consommer plus.
12:29Les gens sont malheureux aujourd'hui parce que, délibérément, on les laisse dans cet état, parce que ce sont des moutons que l'on peut tondre.
12:37Mais on n'a pas besoin de faire ça. On n'a pas besoin de rendre les gens malheureux. Il faut qu'ils soient heureux, qu'ils soient épanouis.
12:44On a suffisamment de talent pour créer le paradis sur Terre pour tout le monde.
12:48Et nous y arriverons. En tout cas, c'est mon espoir, c'est ce que je dis.
12:52Et c'est le Francis Ford Coppola, qui a 85 ans, qui me dit ça aujourd'hui.
12:57C'est un discours que vous ressentez, que vous élaborez depuis longtemps, ou c'est quelque chose qui vient ces dernières années, qui monte en vous ces dernières années ?
13:04L'obsession des générations futures ?
13:08Non, je n'ai jamais participé, disons, à l'activité politique.
13:14Je pense que les hommes politiques sont des gens très limités, qui ne s'intéressent qu'à leur propre pouvoir.
13:18Ce sont des démagogues qui disent, ah voilà, ces gens... Non.
13:22Moi, j'ai dit que les êtres humains sont merveilleux. Ce que disent les démagogues, nous sommes formidables, mais les autres sont nuls.
13:30Mais non, personne n'est nul. Nous avons évolué dans cette mentalité, mais non, ça n'est pas nécessaire. On n'a pas besoin d'avoir ces problèmes.
13:39Quand je parlais de votre soeur qui est dans le film, de votre petite-fille, de votre neveu, des acteurs qui ont déjà tourné avec vous,
13:46il y a quand même quelque chose chez vous où la famille, mais votre famille, et le cinéma sont indissociables. Pourquoi ?
13:53Parce que quand j'étais jeune, j'étais marié à une seule fin pendant des années.
14:03Et quand il s'agissait de faire un film, de partir, ne serait-ce que dix jours en déplacement, je prenais mes enfants avec moi, je prenais tout le monde avec moi.
14:11Et on était un peu comme une famille chinoise d'acrobates. Mes gamins étaient toujours avec moi.
14:17Même ma femme, on a fait un film pour raconter tout ça. Alors, bien entendu, ils sont entrés dans le cinéma parce que c'est tout ce qu'ils savaient faire.
14:26Je les ai même sortis d'école Sophia lorsqu'elle avait cinq ans et elle est allée dans une école chinoise. Elle sait toujours compter en chinois à propos.
14:32Mais elle ne comprenait pas un mot de tout ce qu'on racontait. Quand même, elle comprenait ce qui se passait chez les costumiers.
14:41On lui faisait des costumes. Donc, ma famille a toujours été associée au cinéma parce que quand ils étaient gamins, l'été, on montait des pièces ensemble.
14:52C'est tout ce qu'ils ont jamais connu. Ils ont tous réussi. Sophia n'a pas besoin de moi. Romain n'a pas besoin de moi.
14:58Mais ma petite fille vient de faire un film merveilleux sans moi.
15:02Et alors, le vieux maire de New York, dans le film, dans Mégalopolis, il est souvent borné, il est empêtré, il est coincé dans le passé.
15:13Et c'est son épouse qui le ramène sans cesse à la raison, qui lui ouvre les yeux vers l'avenir.
15:20Et c'était le rôle que jouait votre épouse qui est morte il y a quelques mois. C'était le rôle que jouait votre épouse dans votre vie.
15:27Personne au monde qui n'ait pas aimé ma femme. C'était une femme merveilleuse.
15:34Alors, pour répondre à votre question, mes moments les plus heureux, c'était le matin lorsque je lui parlais.
15:39Je lui racontais mes pensées, mes problèmes. Et puis elle me parlait de ses propres réflexions.
15:44Le mariage est une chose merveilleuse. Aujourd'hui, les gens se marient et divorcent pour des raisons stupides, à mon sens.
15:52Eh bien, dans mon film, Julia dit, parmi toutes les choses que l'on pourrait espérer, quelle est la chose la plus importante?
16:00Elle dit, c'est le mariage. Vous savez, il y a toutes sortes d'institutions humaines.
16:06Le mariage peut changer les gens. Le mariage lui-même peut changer de nature.
16:10Quand j'étais gamin, ma maman n'avait pas le droit de travailler, de quitter la maison.
16:14Quand j'étais gamin, un orchestre symphonique était composé essentiellement uniquement d'hommes.
16:19Maintenant, il y a 60% de femmes parmi les musiciennes et le monde a changé dans le bon sens.
16:25Nos partenaires féminins, nos collègues féminines sont très importantes pour nous.
16:31Les femmes donnent la vie, donc elles comprennent qu'on a besoin d'eau, de nourriture.
16:40Elles savent mener les affaires avec prudence et c'est ce qui va se passer à mon sens.
16:45Donc, il manque un être essentiel à la grande famille Coppola.
16:49Oui, effectivement, un être essentiel.
16:52Merci beaucoup, Francis Ford Coppola.
16:54Merci à vous.

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