Mais jusqu’à présent, sa vraie personnalité est toujours restée une énigme... Patrick Jeudy a voulu aller au-delà du portrait classique et plus loin que le documentaire basé sur les archives de Zapruder, en partant du point de vue de Jackie, pour découvrir "ce que savait Jackie"... Jackie était dans tout ce qu’elle faisait "une femme moderne" – une femme qui exprimait ses opinions et imposait ses idées – tout comme Jack qui était "un homme moderne" dans le sens où il jouait sans limite de la séduction que son pouvoir lui conférait.
Jackie ne fut pas que "la femme du président". Elle imposa son propre style ; elle changea non seulement l’image de la "First Lady", mais aussi l’image que le monde entier avait de la femme américaine.
Jackie ne fut pas que "la femme du président". Elle imposa son propre style ; elle changea non seulement l’image de la "First Lady", mais aussi l’image que le monde entier avait de la femme américaine.
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00:00Lorsqu'on demandait à Jackie quel était le plus beau jour de sa vie, elle ne répondait
00:14jamais que c'était le jour où John avait été élu président.
00:16Le plus beau jour de sa vie, c'était celui où elle était devenue mère pour la première
00:23fois.
00:24Ce jour de septembre 1963, elle fêtait son dixième anniversaire de mariage.
00:31Caroline avait six ans et John John presque trois.
00:35Alors même qu'adolescente, elle proclamait ne pas vouloir finir femme d'intérieur, rien
00:45ne lui plaisait tant que de donner à ses enfants le reflet d'une famille normale, entourée
00:50d'amis.
00:51Et l'Amérique, regardant les images de simplicité et de bonheur que lui renvoyait ce couple
00:57familier, s'imaginait que c'était pour elle que Jackie se laissait ainsi filmer.
01:03Dans ces moments-là, John lui semblait aussi attendrissant qu'à leur première rencontre,
01:10car curieusement, ce n'était pas son avenir prometteur qui l'avait attiré chez lui, mais
01:16sa fragilité.
01:17Lorsque Jackie s'envola pour Washington assister à l'investiture de son mari, elle n'avait
01:39pas changé le regard qu'elle portait sur lui depuis ce mois de mai 1951, où il fit
01:44reconnaissance chez un ami commun.
01:48Elle continuait de trouver qu'il émanait de lui quelque chose que les autres ne voyaient
01:53pas, et qui réveillait en elle son instinct protecteur.
01:56L'Amérique se félicitait d'avoir élu un président si jeune et si vaillant, mais Jackie
02:04ne partageait pas cette euphorie, elle savait John vulnérable.
02:08Il souffrait quotidiennement, parfois jusqu'au martyre.
02:14Sa colonne vertébrale se disloquait, ses jambes l'abandonnaient, la maladie d'Addison
02:22affaiblissait son système immunitaire et mettait sa vie en danger.
02:25Même ce jour-là, au fête des honneurs, elle ne pouvait s'empêcher de le voir comme un
02:34petit garçon.
02:36C'était ses propres termes.
02:37Un petit garçon tellement souvent malade, lisant et relisant dans son lit l'histoire
02:44des chevaliers de la table ronde.
02:45Elle en avait la certitude.
02:49Tout au long de sa présidence, il allait souffrir, et elle allait se taire.
02:55Sur sa santé, sur ses douleurs, sur ses médicaments dont elle gérerait les prises, sur ses angoisses
03:04de président chétif.
03:05Qui le savait alors aussi clairement qu'elle ? Cet homme qui accédait au pouvoir suprême
03:13était en fait un malade à demi-perclus.
03:15Washington, Jackie l'avait visitée très jeune pendant la guerre avec sa sœur Lee.
03:36Toutes deux accompagnaient leur mère, Jeannette, qui cherchait un mari par petites annonces
03:42après s'être séparée de leur père.
03:44Jackie avait trouvé la National Gallery admirable, et la maison blanche du président Roosevelt
03:51sinistre.
03:52Son goût prononcé pour l'art et la culture, ce n'était pas son père, fêtard et donjuant
04:01qui le lui avait transmis.
04:02John Vernon Bouvier portait beau, mais pensait peu.
04:06Jackie se débrouilla seule, en pension, délaissée par une mère aussi peu instruite
04:13que mondaine, pour qui le seul but que devait se fixer une femme dans la vie était de capter
04:19l'attention d'un homme et de le garder.
04:21Ce que sa fille, pensait-elle, n'arriverait jamais à faire.
04:25Mais elle ne renia pas pour autant son histoire familiale, et fière de ses lointaines origines
04:34françaises, elle vécut l'année 1951 à Paris pour y poursuivre ses études à la
04:39Sorbonne.
04:40De retour aux Etats-Unis, elle devint reportère à Washington et photographia les hommes politiques
04:47du moment, parmi lesquels un jeune représentant du Massachusetts, John Kennedy.
04:54Elle n'avait pas encore 22 ans, il allait en avoir 34.
04:58C'était le fils d'un puissant homme d'affaires, ancien ambassadeur à Londres.
05:06Démocrate, catholique, manifestement doué pour la politique, John répétait que son
05:12destin était ce que son père voulait qu'il soit.
05:15C'était surtout un célibataire à la vie dissolue, aussi convoité que libertin.
05:20Jackie le trouva émouvant.
05:22Comme elle, entre une mère distante et un père absent, il avait vécu une enfance solitaire
05:29et mélancolique.
05:30Son expérience de la maladie, expliqua-t-il à Jackie, l'avait rendue fataliste.
05:40Il pensait que la vie est aussi courte que douloureuse, et qu'on ne doit jamais renoncer
05:45au plaisir quand il s'offre à vous.
05:50Étonnamment lucide, Jackie comprit qu'il ne renoncerait jamais, même s'il l'épousait,
05:56à la passion qu'il avait pour les femmes.
05:59Elle fit d'ailleurs une interprétation si clairvoyante de son mariage, que beaucoup
06:05voulurent y voir un lapsus.
06:06En épousant John, avouait-elle, je savais que je connaîtrais la déception, le chagrin,
06:14mais je décidais que ce chagrin vaudrait la douleur.
06:17Oui, c'est ce que déclara Jackie, non pas que le chagrin serait compensé par l'amour
06:28ou l'affection, mais qu'à ce chagrin prévisible correspondrait une douleur supplémentaire,
06:34et que c'était justement cette souffrance redoublée qui valait le coup d'épouser
06:39Kennedy.
06:41C'est peu dire qu'elle décida de s'unir à John en connaissance de cause.
06:51Tous les journaux du pays se firent l'écho de leur mariage à l'église Saint Mary de
06:55Newport.
06:56Jackie arriva, parmi trois mille curieux, escorté par son beau-père, car son père
07:04ivrement gisait dans sa chambre d'hôtel, soigneusement tenu à l'écart du mariage
07:08par les efforts conjugués de tous les membres du clan maternel.
07:11Sa mère aurait souhaité une cérémonie plus intime, mais les Kennedys imposèrent
07:17une manifestation grandiose.
07:19A leurs yeux, ce mariage s'inscrivait dans la campagne politique qui devait lancer John
07:26sur la scène nationale.
07:27C'est son père, Joe, qui l'avait convaincu de se marier.
07:33Avec ce cynisme bien-pensant dont les Kennedys étaient coutumiers, il avait affirmé à
07:39son fils que sa carrière politique exigeait désormais qu'il prenne une épouse.
07:44Il lui garantit que rien ne changerait pour autant, sinon l'apparence.
07:47Alors qu'elle embrassait tous ceux qui se pressaient vers elle pour la féliciter, elle
08:02aperçut une amie de la famille dont elle n'ignorait pas la vie sentimentale troublée.
08:07Avec gêne, Jackie lui demanda « Comment une femme mariée supporte-t-elle un mari infidèle ? »
08:14Son interlocutrice accusa le coup, puis répondit « J'ai toujours pensé qu'en fin de compte,
08:20c'était moi que mon mari aimait ».
08:21Jackie murmura « Merci », puis partit rejoindre son tout nouveau mari qu'elle retrouva entouré
08:30de plusieurs jolies filles.
08:36A-t-elle vu ces photographies de John prises par Jacques-Henri Lartigue sur la côte d'Azur,
08:55quinze jours avant leur mariage ? A-t-elle su sa liaison avec une jeune Suédoise à
09:00qui il avait promis le mariage, alors même qu'il venait de se fiancer avec Jackie ?
09:04« C'est là, » dira-t-elle à ses proches, « la façon dont certains hommes agissent,
09:12à commencer par mon père ». Cette impudence de goujat la blessa, mais elle ne l'étonna
09:18pas.
09:19Image trompeuse d'un couple paisible.
09:23Car à peine mariée et déjà trompée, elle est devenue une femme nerveuse, se rongeant
09:29les ongles, fumant cigarette sur cigarette.
09:32« J'étais seule presque tous les week-ends, » raconta-t-elle, « nous n'avions aucune
09:38vie de famille et la politique était devenue mon ennemi ».
09:45A l'automne 1954, elle retrouva John pour elle seule.
09:50A la veille de l'opération qui devait lui éviter une quadriplégie permanente, il avait
09:57appris à Jackie un poème d'Alan Seager « I have a rendez-vous with death ». Mais par chance,
10:04la mort, cette fois-là, se défaussa.
10:06Traumatisé par l'opération, invalide, il quitta l'hôpital de New York et la vie politique
10:14pour entamer une longue convalescence.
10:27Tandis qu'il repose, immobile et muet, parfois presque comateux, elle devient ses yeux, ses
10:40jambes, le rattachant au monde par mille et un fils, lui tenant la main, lui achetant
10:45des livres, lui lisant des journaux.
10:47Profitant de son noisiveté inattendue, elle lui fit découvrir ce qu'elle aimait le plus
10:56au monde, l'art et la culture.
10:58Elle lui apprend la peinture, comme Churchill, le modèle de John, et l'incite à écrire
11:09un ouvrage sur des hommes politiques d'exception.
11:12Sans que l'on sache tout ce qu'il devait aux talents de Jackie, le livre obtint le
11:17prix Pulitzer.
11:18De retour à Washington, John affirma qu'il avait compris maintenant à quel point elle
11:23était différente de toutes les femmes qu'il avait connues jusque-là.
11:26Mais Jackie savait, elle, qu'en dépit de ses bonnes paroles, il n'avait pas le moindre
11:32désir de changer.
11:33Ayant abandonné toute ambition professionnelle, elle ne travaillait plus.
11:47John était programmé pour être président, sans fanfanterie, avec juste ce qu'il faut
11:52d'amertume.
11:53Elle était prête à l'aider.
11:54Pourtant, à la différence des autres femmes du clan Kennedy, la politique ne l'intéressait
12:03pas.
12:04Un jour, John se plaignait à un ami.
12:08Jackie est formidable dans sa vie privée, mais tu crois qu'elle vaudra un jour quelque
12:12chose dans la vie politique.
12:13Jackie se tourna vers cet ami et lui demanda posément, John est formidable dans la vie
12:20politique, mais tu crois qu'il vaudra un jour quelque chose dans sa vie privée.
12:23C'est vrai, on ne voyait pas souvent John auprès de leur petite fille, Caroline, qui
12:32était née à l'automne 1957.
12:38Même si, de temps en temps, il jouait le jeu du parfait père de famille, John Kennedy
12:46avait un destin à assumer.
12:49Des dizaines d'états à parcourir, des centaines de discours à prononcer, des milliers de
12:54mains à serrer.
12:55Mais qu'attendait donc Jackie du soutien régulier qu'elle apportait aux campagnes
13:00politiques de son mari ? Quelle contrepartie, quelle reconnaissance de sa part ? Sans doute
13:08aucune.
13:09Alors que John allait au devant de la foule, elle restait souvent de marbre, dissimulée
13:16sous un voile de charmante insouciance.
13:18Énigmatique sourire de cette femme qui, depuis le premier jour où elle décida d'aimer
13:24Kennedy, sut qu'il resterait son débiteur.
13:46Les Américains pensaient de plus en plus que Kennedy se confondait avec leur avenir,
14:00surtout quand Jackie se trouvait à ses côtés.
14:02Lorsqu'elle était du voyage, constataient les conseillers de John, la foule assistait
14:08deux fois plus nombreuses aux réunions électorales que s'il avait été seul.
14:11Jackie brisait le moule dans lequel l'Amérique, tout au long des années 40 et 50, avait fabriqué
14:17ses femmes idéales.
14:18À la blonde aux formes pleines, aux lèvres pulpeuses, succédait cette grande brune sans
14:25poitrine dont l'intelligence et la culture étaient sans commune mesure avec celles des
14:30Américains moyens, mais dont le charme les touchait.
14:33Jackie fut prise pour modèle par des milliers d'admiratrices.
14:39Ses vêtements et sa coupe de cheveux constituaient un chef-d'oeuvre de simplicité étudiée,
14:45remarquait le New York Times, et son influence sur les femmes devint presque indécente.
14:50Tous les deux ensemble étaient beaux comme aucun autre couple politique ne l'était,
14:58mais cette complicité médiatique ne les rapprochait pas pour autant.
15:01Plus l'élection présidentielle approchait, plus John avait peur que l'élégance toute
15:09française de Jackie ne le coupe de ses électeurs.
15:11Il lui demanda finalement de s'effacer et fit campagne seule, en célibataire.
15:17Ce n'était pas encore l'heure de Jackie.
15:22Pas encore l'heure où elle serait indispensable au président pour flatter l'orgueil des foules,
15:28séduire un chef d'état en visite, apaiser les tensions d'un sommet.
15:31C'est ce qu'il y a de mieux que d'être la femme d'un candidat.
15:38Je suppose que ça dépend du candidat, mais j'aime beaucoup être mariée à John Kennedy.
15:46Pensez-vous que vous avez un rôle dans l'aide à votre mari dans cette campagne?
15:51Je pense que chaque femme a un rôle, qui est d'aider son mari dans ce qu'il veut faire,
15:59et de faire la vie facile pour lui.
16:03Jusqu'à son mariage, Jackie n'avait jamais pénétré à l'intérieur d'un isoloir.
16:07Ce n'est qu'en novembre 1960, quand John sera élu président des Etats-Unis, qu'elle
16:12votera pour la première fois.
16:15Comme un journaliste voulu savoir de quelle partie elle se sentait la plus proche.
16:20« Je suppose que je suis démocrate à présent », répondit-elle pas sans rire, en montrant
16:26la couverture d'un magazine où posait Kennedy.
16:36C'est à Paris, au premier printemps de la présidence, que sonna enfin l'heure de Jackie.
16:41Pour la première fois, elle sentit qu'elle pouvait exister à part entière, non plus
16:47derrière, mais à côté de John.
16:50La France, c'était son histoire, sa culture, pour tout dire, son affaire.
16:56Oui, c'est à Paris que Jackie comprit qu'elle pouvait s'égaler à Madame Récamier,
17:01qui personnifiait tout ce qu'elle admirait depuis son adolescence.
17:04Le savoir, le bon goût, l'art de la discussion, de recevoir, de faire salon.
17:10Ce voyage officiel en France lui donnait raison.
17:14Contrairement à ce que sa mère ne cessait de lui répéter, une femme pouvait exister
17:18indépendamment de son mari, par son esprit, par son charisme propre, en ne renonçant
17:24pas sur le chemin de son désir.
17:37Les premiers mois de John à la Maison Blanche avaient souffert du débarquement raté à Cuba.
17:42Jackie avait été meurtrie de l'échec de son mari.
17:46À son retour de France, elle se fixa un but.
17:49Redonner du lustre et du crédit à la présidence, en métamorphosant la Maison Blanche,
17:54en faisant de ce qu'elle considérait comme l'endroit le plus horrible au monde,
17:58le siège grandiose de l'exécutif américain.
18:16S'inspirant du palais de Versailles, elle changea la décoration, restaura les meubles,
18:22choisit elle-même les objets d'art et les tableaux de chaque pièce.
18:26Renoir, Cézanne, Matisse.
18:31Et puis elle infléchit le style des réceptions officielles.
18:34À chaque chef d'état, sa décoration.
18:37George Washington pour l'un, Abraham Lincoln pour l'autre,
18:41la Maison Blanche devait devenir le symbole de la puissance de John.
18:44Et John, le plus raffiné des chefs d'état.
18:49Elle regrettait que des milliards de dollars soient dépensés par le Pentagone,
18:53mais qu'il n'y ait pas de véritable politique artistique.
18:56Peut-être se pensait-elle alors comme un ministre officieux de la culture.
19:03Fidèle à l'idéal de Madame Récamier,
19:05elle organisait dans son salon des manifestations artistiques,
19:08des ballets, des concerts.
19:10Et elle y entraînait son mari parfois réticent,
19:13lui faisant un signe discret de la main pour qu'il sache à quel moment applaudir.
19:25Les invités avaient pour nom Balanchine,
19:27qui était le chef d'état du Palais de Versailles.
19:31Les invités avaient pour nom Balanchine,
19:33Lisa Agstern, Igor Stravinsky, Rostropovich,
19:37mais aussi bien Léonard Bernstein ou Pablo Casals.
20:01On fit jouer Shakespeare, on projeta Truffaut, René, Fellini.
20:06Sans mesurer l'extravagance de ses propos,
20:08Jackie expliqua que les Américains, en admirant la nouvelle Maison Blanche,
20:13devaient avoir le sentiment que c'était la France dont John était le président.
20:21Newport, 29 septembre 1961.
20:25Quand ses conseillers lui faisaient remarquer qu'il s'était peut-être absenté trop longtemps,
20:30John revenait voir Jackie,
20:32comme pour vérifier qu'elle trouvait toujours dans les joies de la maternité
20:36une occupation à temps plein,
20:38capable de lui faire oublier l'inconstance de son mari.
20:49Elle ne se leurrait pas sur les vertus de ce service minimum.
20:54D'ailleurs, même lorsque John était là, elle le trouvait absent.
21:00Souvent le dimanche, la foule le guettait lorsqu'il se rendait à l'église.
21:05Elle ne soupçonnait pas encore ses adultères,
21:07mais elle était curieuse de savoir s'il allait communier,
21:10s'il avait quelque chose à se faire pardonner.
21:15Jackie appréhendait les révélations sur leur vie privée,
21:18entrevoyant derrière chaque témoin un voyeur,
21:21derrière chaque observateur une biographie indiscrète ou un article à scandale.
21:28Comme pour prouver qu'il n'y avait rien à cacher,
21:31un caméraman fut chargé de filmer les moindres faits et gestes du président.
21:36Ils seront bientôt trois, à tour de rôle, à le suivre en permanence.
21:47Les archives de la Maison Blanche.
21:51Regardez ces images.
21:54Grâce à elles, on sait à quoi ressemble un président américain
21:57qui va tromper sa femme une heure plus tard.
22:02Car une heure plus tard, ce jour-là,
22:04John repartit seul pour Washington où il avait rendez-vous avec Mary Mayer,
22:08l'une de ses plus longues liaisons,
22:10qui mourra une année après lui dans un crime prétendument crapuleux.
22:15Entre octobre 1961 et août 1963,
22:18les registres de la Maison Blanche révéleront 15 visites de Mary Mayer,
22:22dont 14 lorsque Jackie était absente.
22:26Mary Mayer n'était pas la seule des visiteuses du président
22:29et Jackie n'ignorait rien de leur existence.
22:33Mais elle traitait tout cela par le mépris.
22:36Elle ne voulait pas en dire mot,
22:38pas davantage en entendre parler.
22:40Plus d'une fois, les services secrets allèrent jusqu'à rabattre des prostituées,
22:44comme ici, en novembre 1961,
22:47lors d'un déplacement à Los Angeles.
22:50Car John ne pouvait pas imaginer terminer la soirée seul.
23:02Seul.
23:04Seul.
23:06Seul.
23:08Seul.
23:10Comme Jackie l'était le plus souvent.
23:12La nuit, le jour,
23:14avec comme compagnon d'infortune des agents des services secrets.
23:25Jackie n'en continuait pas moins d'aider John à étoffer son personnage.
23:29Depuis leur voyage à Paris,
23:30elle était le supplément d'âme de tous ses déplacements officiels.
23:34Le président, manifestement fier d'avoir épousé une femme chic et polyglotte,
23:39la laissait charmer les foules et leurs dirigeants.
23:42Et elle, sans doute heureuse d'occuper une place
23:45qu'aucune des maîtresses de John ne pouvait lui ravir,
23:48assumait à merveille ce rôle d'ambassadrice.
23:58Jackie savait que personne ne pourrait lui contester son statut,
24:01et ce privilège inaliénable lui donnait le sentiment
24:03de n'être jamais totalement humiliée par les trahisons conjugales de John.
24:15C'est à leur retour d'Amérique du Sud, peu avant Noël,
24:18que Joe Kennedy, le père de John, fut victime d'une attaque.
24:22Celui qui avait répété à ses enfants
24:24« Ne soyez jamais les seconds, cela ne compte pas, gagnez ! »
24:31se retrouvait maintenant au bout du chemin.
24:35Avec lui allait disparaître le seul membre de la famille Kennedy
24:38qui comprenait Jackie,
24:40lui qui avait si souvent réglé les factures de ses robes
24:43pour que John n'en reproche pas le montant trop élevé à sa femme.
25:01Jackie et sa garde-robe.
25:05« Mon objectif est de l'habiller comme une reine », affirmait Cassini.
25:09Et preuve que l'opération avait réussi,
25:11le magazine Lou qualifia les Kennedy de « nouvelle famille royale américaine ».
25:18En privé, elle était décontractée, nonchalante.
25:21Elle enfilait un pull, un pantalon.
25:25Mais en public, c'était une toute autre histoire.
25:28L'histoire d'une femme qui achetait compulsivement des robes,
25:31dissimulant sans cesse un corps qu'elle n'aimait pas,
25:34ne supportant pas davantage ses mains,
25:36qu'elle recouvrait de gants parce qu'elles étaient trop grandes
25:39ou que plusieurs de ses doigts étaient hachés par le tabac.
25:42Personne ne réussit avec autant de talent
25:44à associer l'élégance et le camouflage.
25:50À Noël 1961, Jackie fut élue par la presse « Femme de l'année ».
25:59Consciente du mythe qu'elle avait contribué à créer de toutes pièces
26:03et de sa propre place dans la légende des Kennedy,
26:06le 13 février 1962, pour CBS,
26:09elle fit visiter sa maison blanche.
26:29John, Jackie et quelques intimes
26:31regardèrent l'émission dans le petit salon de la maison blanche.
26:59Même s'il continuait de la tromper sans relâche,
27:02l'admiration que John portait à Jackie n'avait cessé de croître.
27:07Il finissait par être surpris d'avoir été choisi
27:09par une femme aussi intelligente,
27:12aussi littéraire, aussi profonde.
27:15Pourquoi une telle femme s'était-elle attachée à lui ?
27:19On ne comprend rien au couple qu'ils formaient ensemble
27:22si on s'imagine que des deux, c'était elle qui se sous-estimait.
27:26Bien plus tôt, était-ce John qui manquait de vanité
27:29et Jackie qui l'incitait à se prendre au sérieux.
27:33Et c'est peut-être cela, justement, qu'elle préférait en lui.
27:37Son absence totale d'infatuation
27:40et la conscience douloureuse qu'il avait de ses limites.
27:48Au printemps, Jackie partit seule en Inde et au Pakistan.
27:52Elle fit une halte à Rome pour rencontrer Jean XXIII
27:55et expier peut-être, par on ne sait quelle pénitence,
27:58les péchés de John.
28:05John avait envoyé sa femme en mission.
28:08Il s'agissait pour elle d'atténuer les dissensions
28:10entre Nehru et les Etats-Unis.
28:12Elle avait acquis progressivement un sens politique acéré
28:15et le président attachait une grande importance à ses jugements.
28:18Sur les droits de l'homme,
28:20sur le Vietnam,
28:22où sa connaissance du français était précieuse,
28:25mais aussi bien sur la cuisine électorale qui l'amusait.
28:29Parce qu'à la différence de tous ceux qui entouraient le président,
28:32aucune ambition personnelle ne la dévorait.
28:35Elle gardait un esprit critique impitoyable.
28:51Pendant que Jackie visitait le Taj Mahal,
28:54John Edgar Hoover, le maniaque directeur du FBI,
28:57mit John en garde.
29:00Ses multiples conquêtes amoureuses mettaient la présidence en danger.
29:04Ce 22 mars 1962,
29:07Hoover l'obligea à rompre avec Judith Campbell
29:10en raison des liens qu'elle entretenait avec l'Allemagne.
29:13C'était la dernière fois qu'elle s'est rencontrée.
29:16Elle l'obligea à rompre avec Judith Campbell
29:19en raison des liens qu'elle entretenait avec la mafia.
29:23L'hôtel Carlyle à New York.
29:26C'est là, dans sa garçonnière, qu'il reçoit Sarlette,
29:29journaliste de la presse féminine,
29:32amie de Jackie et prostituée.
29:38C'est là bientôt qu'il recevra Marilyn Monroe
29:41rencontrée pour la première fois pendant le voyage de Jackie en Inde.
29:47Jackie n'avait pas tort de se comparer aux héroïnes de Corneille,
29:50à ces femmes qu'elle admirait pour avoir été capable
29:53d'affronter le pire sans faiblir.
29:58Elle avait pris la mesure de la place qu'elle occupait dans l'histoire.
30:01Elle avait tout à la fois une destinée et une mission.
30:04Le reste, elle essayait de toutes ses forces de n'y point penser.
30:17En l'absence de Jackie, John prit une initiative
30:20qu'il savait risquer.
30:23Il entreouvrit le rideau qui protégeait ses enfants
30:26des convoitises de la presse
30:29et convient un photographe à la Maison Blanche.
30:32C'était une transgression qui allait à l'encontre
30:35des souhaits de leur mère.
30:38Jackie veillait jalousement sur les enfants.
30:41C'était une transgression qui allait à l'encontre
30:44des souhaits de leur mère.
30:47Jackie veillait jalousement sur leur intimité
30:50et elle s'indigna devant le peu de cas que faisait John
30:53de ses préventions.
30:56Étrange logique que celle de Kennedy.
30:59Indélicat avec sa femme, négligent avec ses enfants,
31:02imprudent avec ses maîtresses
31:05et cependant frileux avec ses électeurs.
31:09Jackie rentra par Londres et retrouva John.
31:12Elle savait qu'il n'avait pas une fois passé une soirée seule.
31:15Elle savait qu'il n'avait pas une fois passé une soirée seule.
31:22Ses appels téléphoniques de Bombay, Delhi ou Lahore
31:25avaient toujours retenti dans le vide.
31:28Sans doute, leur présence à l'office dominical
31:31de Palm Beach fut-elle salutaire.
31:34Ils appurèrent leurs comptes et en donnèrent quittus
31:37à l'opinion publique.
31:55Ils partageaient l'un et l'autre le même amour pour la mer.
31:58Je vais toujours à Yannisport pour reprendre des forces,
32:01disait John, pour mesurer le pouvoir de la mer.
32:04Je reviens toujours ici marcher sur la plage
32:07lorsque je suis confrontée à des décisions difficiles.
32:10C'est le seul endroit où je peux réfléchir
32:13et être seule.
32:16Enfant, Jackie arpentait durant des heures
32:19les plages de Long Island
32:22et elle était tombée, elle aussi, amoureuse d'Yannisport.
32:25Quelques mois après l'assassinat de John,
32:28elle demandera à voir les images prises par les caméramans
32:31de la Maison Blanche pendant les trois années de la présidence.
32:34Elle fera le tri dans chaque film,
32:37éliminant les scènes trop personnelles.
32:40Mais elle gardera celles-là
32:43qui montraient son couple tel qu'elle voulait
32:46qu'on s'en souvienne.
32:49Jackie savait qu'il lui faudrait,
32:52jusqu'à la fin de sa vie, protéger les siens.
32:55Ces images en mer si calmes,
32:59si paisibles, si familiales,
33:02qu'on les dirait tournées sur une autre planète que celle de Kennedy,
33:05étaient sans doute pour Jackie
33:08la meilleure des protections possibles.
33:16Le 29 mai 1962, John a 45 ans.
33:29À la différence de sa mère,
33:32Jackie ne chercha jamais à dresser ses enfants contre leur père.
33:35Elle s'efforça même de préserver leur estime à son égard.
33:38En privé, cependant,
33:41elle faisait preuve d'une ironie autrement plus cinglante
33:44que l'humour primaire des Kennedys.
33:47Un jour, qu'ils parlaient ensemble
33:50de ce que John pourrait faire à la fin de son mandat,
33:53elle lui suggéra de prendre la direction d'un pensionnat
33:56de jeune fille.
33:59Une autre fois, trouvant dans sa chambre un soutien-gorge qui ne lui appartenait pas,
34:02elle le brandit sous ses yeux en s'étonnant,
34:05avec une naïveté feinte, qu'il ne soit pas à sa taille.
34:08À plusieurs occasions encore,
34:11elle s'amusa à utiliser devant des tiers le surnom de lapin
34:14qu'elle avait donné à John,
34:17Bunny, allusion non masquée à son appétit sexuel.
34:27Le 4 août 1962, Marilyn Monroe se donna la mort.
34:42« C'est une étoile qui continuera longtemps à briller au-dessus de nous »,
34:45déclara Jackie.
34:48Contrairement à la légende,
34:51John ne l'avait rencontrée que deux ou trois fois.
34:55Peut-être est-ce en Italie que Jackie décida,
34:58une fois pour toutes, d'accepter l'évidence
35:01en s'invoiant à elle-même que la femme du président des États-Unis
35:04jouissait de quelques avantages.
35:07Quelle vie avouera-t-elle à une amie ?
35:10Quelles incroyables opportunités !
35:13Les figures historiques que tu rencontres,
35:16ce témoin de l'histoire que tu deviens,
35:19les endroits que tu n'aurais jamais pu voir et qu'aujourd'hui tu as tout le loisir de contempler.
35:25Dolce Vita.
35:28Jackie fuyait donc la maison blanche attirée par la vie excitante et mondaine
35:31que menait sa sœur Lee.
35:34Elle a 33 ans.
35:37Regardez-la épanouie, rayonnante.
35:40Sans ce regard de bête traqué qu'elle jetait si souvent à ses gardes du corps
35:43quand la foule des meetings se rapprochait d'elle et lui faisait peur.
35:48On avait dit de John que son dégoût du mariage
35:51était comme celui de l'épouse.
35:54Jackie, elle aussi, trouvait son compte.
35:57A John, le mariage avait apporté la respectabilité.
36:00A Jackie, il avait apporté la sécurité et l'aisance.
36:11Mais leurs petits arrangements choquaient l'opinion
36:14et menaçaient la présidence.
36:17La rumeur allait bon temps.
36:20Lors de la presse, John demanda à sa sœur de l'accompagner à la messe.
36:27Les ligues féminines se déchaînèrent,
36:30condamnant non pas John pour son infidélité,
36:33mais Jackie pour sa trop longue absence.
36:36Un journaliste commença son intervention par ces mots
36:39« Bonjour Madame Kennedy, où que vous soyez dans le monde ».
36:43Photographe agressif, une de journaux mensongères,
36:46c'est-elle que cette vie sera bientôt la sienne
36:49et qu'il lui faudra en payer le prix ?
36:58Jackie et John se retrouvèrent comme si de rien n'était,
37:01se contentant de prendre cette attitude à la fois digne et détendue
37:04qu'ils avaient rôdée depuis des années.
37:07Leur mariage n'était plus qu'un rêve.
37:10L'Amérique du début des années 60 n'en demandait pas plus.
37:13Tous deux lui étaient redevables d'un minimum de semblants,
37:16les détails de leur vie intime,
37:19ils pouvaient les emporter dans la tombe.
37:34La santé de John ne s'améliorait pas.
37:37Il marchait avec difficulté,
37:40le visage crispé par la douleur,
37:43la nuque raide,
37:46dopée par les amphétamines et fatiguée par les antidouleurs,
37:49les antispasmodiques et les antibiotiques.
37:55Fatiguée, dépressive,
37:58en proie elle-même à ses démons intérieurs,
38:01Jackie suivait John de loin en loin,
38:04en lui donnant le plus souvent possible,
38:07même lorsqu'elle était à Washington.
38:10A de nombreuses reprises, elle fut absente à des cérémonies officielles
38:13où elle était conviée,
38:16laissant à l'occasion sa mère jouer les premières dames de remplacement.
38:19Jamais aucune femme de président n'avait agi ainsi.
38:27A l'automne 1962, les Etats-Unis et l'URSS se déchirent pour Cuba.
38:30Une attaque nucléaire surprise sur Washington devient possible.
38:34John fait revenir auprès de lui ses enfants et sa femme.
38:37Il demande à Jackie de se rendre à proximité de l'abri anti-nucléaire
38:40destiné à la famille du président,
38:43mais elle refuse de le quitter.
38:57Pendant quelque temps, face à la menace,
39:00comme si la tension du monde les réveillait dont ne sait quel torpeur,
39:03leur couple se ressoudre.
39:16Lorsque les soviétiques reculent,
39:19John veut partager son succès avec sa femme.
39:22Elle a été à la peine, il veut la mettre à l'honneur.
39:25Jackie apprendra plus tard que dans l'abri,
39:28où son mari souhaitait qu'elle se réfugie avec ses enfants.
39:31Il avait également envisagé que sa maîtresse,
39:34Marie Meyer, prenne place.
39:37Révélation à peine voilée,
39:40menace de scandale,
39:43querelle domestique pour une robe trop chère,
39:46le couple se déchire et leurs amis boudent les dîners privés de la Maison Blanche.
39:49Jackie s'échappe de Washington
39:52pour une escapade d'une semaine à New York.
39:59Que se dire-t-il ce soir-là en aparté ?
40:02Quelles justifications,
40:05quelles explications lui demande-t-elle une fois de plus
40:08avant que, décontracté,
40:11il ne lui envoie au visage la fumée de sa cigarette ?
40:288 janvier 1963.
40:31La dernière année de la vie de John Kennedy
40:34et la dernière initiative de sa femme,
40:37la visite de Mona Lisa aux Etats-Unis.
40:40En acceptant de prêter le plus célèbre tableau du monde
40:43à la National Gallery,
40:46André Malraux précisa que c'était en hommage non au peuple américain
40:49mais à sa première dame.
40:53Comme si Jackie voulait imposer, une dernière fois,
40:56la France à l'Amérique.
40:59Comme si l'étrange sourire de la joconde
41:02symbolisait l'ambivalence de ses propres sentiments.
41:05Comme si elle prenait à témoin
41:08cette figure emblématique de la féminité.
41:11Comme si elle lui demandait de constater la dégradation
41:14de sa propre vie depuis sa visite à Paris.
41:18Et les Américains, sagement,
41:21défilèrent en ombre.
41:48C'était le printemps.
41:51Jackie attendit le dernier moment
41:54avant d'annoncer qu'elle était enceinte pour la troisième fois.
41:57Quelques années plus tôt,
42:00elle avait fait une hémorragie et perdu l'enfant qu'elle portait.
42:03Souvenir horrible à plus d'un titre.
42:06Lorsqu'elle sortit de l'anesthésie, c'est Bobby, son beau-frère,
42:09qui lui annonça que son bébé était mort.
42:12John, à des milliers de kilomètres de là,
42:15ne se manifesta que deux jours plus tard par un coup de téléphone
42:18sans même juger nécessaire de rentrer sur le champ.
42:21Ce qui est arrivé est arrivé,
42:24se contenta-t-il de dire.
42:29Un week-end à Camp David.
42:32Jackie prend désormais prétexte de sa grossesse
42:35pour ne plus assurer de manifestations officielles.
42:38Aucun moment de notre vie ne se ressemble,
42:41dira-t-elle plus tard.
42:44Le bien, le mal, la joie, la tragédie, l'amour et le bonheur
42:47sont entremêlés dans le tout indescriptible et unique
42:50que l'on appelle la vie.
42:53J'ai traversé beaucoup d'épreuves
42:56et j'ai eu aussi de nombreux moments de bonheur.
42:59Alors je suis parvenue à une conclusion simple.
43:02Nous ne devons pas trop en demander à l'existence.
43:05Songe-t-elle à ce qu'elle dira après la mort de Nancy,
43:08son futur mari ?
43:11J'ai toujours vécu à travers les hommes.
43:202 août 1963,
43:23Jackie accueille John qui vient passer quelques jours de vacances.
43:36Cette fois-là encore,
43:39victoire rétrospective de son père sur sa mère,
43:42ses enfants furent les rois.
43:45Sa mère avait toujours imposé à Jackie retenue et froideur.
43:48Il y avait toujours une façon correcte de s'habiller,
43:51de marcher, de parler,
43:54y compris pendant les périodes de détente.
43:57Mais quand Jackie et Lee rendaient visite à leur père,
44:00rien n'était plus interdit.
44:03Il n'y avait plus de maison que courir dans Central Park
44:06ou manger des glaces sur la 5e avenue.
44:09Jackie se rappelait souvent combien elle pleurait
44:12quand elle rentrait chez sa mère
44:15après un week-end de liberté chez son père.
45:04Alors qu'il était en pleine réunion à la Maison Blanche,
45:07John apprend par téléphone que Jackie s'est évanouie de douleur
45:10et qu'elle a été transportée d'urgence à la base aérienne d'hôtis.
45:24Le temps qu'il y parvienne en début d'après-midi,
45:27le bébé était né, prématuré de 6 semaines,
45:30et ses difficultés respiratoires étaient telles
45:33que l'aumônier n'attendit pas pour le baptiser.
45:42Le président, vivide, découvrit son fils
45:45auquel il donna le prénom de Patrick.
45:48Il l'accompagna à l'hôpital pour enfants de Boston,
45:51puis John repartit voir Jackie à hôtis.
45:54L'Amérique, informée en temps réel du drame
45:57qui se jouait, se retrouva suspendue
46:00aux allers et retours de ce père désemparé.
46:12À 2h du matin, alors qu'il tentait de trouver le sommeil
46:15à l'hôpital où il avait décidé de passer la nuit,
46:18on l'appela au chevet du bébé.
46:21Deux heures plus tard, Patrick Bouvier Kennedy mourut.
46:25Et pour la première fois, de mémoire de tous ceux
46:28qui le connaissaient, John s'assit et éclata en sanglots.
46:36Jackie hospitalisée, John se retrouva seul
46:39avec Caroline et John-John.
46:42Il répondit à leurs questions, apaisa leurs peurs,
46:45conjura leurs angoisses, et dès que les médecins
46:48autorisèrent les visites, il les emmena voir leur mère.
46:55Trop affaiblie pour s'y rendre, elle n'assista ni au service funèbre
46:58ni à l'enterrement de son enfant.
47:02Le cardinal Cushing confia peu de temps après la cérémonie
47:06que John ne pouvait se résoudre à lâcher le petit cercueil.
47:10J'avais peur qu'il ne l'emporte avec lui.
47:18Jackie sortit de l'hôpital quelques jours plus tard,
47:20soutenu par son mari.
47:23Tous les proches des Kennedy apportent le même témoignage.
47:26Durant les semaines qui suivirent la mort de Patrick,
47:29Jackie et John semblèrent plus proches qu'ils ne l'avaient jamais été.
47:33Ils se téléphonnaient plusieurs fois par jour,
47:35ils faisaient du bateau ensemble,
47:37ils s'enlaçaient en public.
47:41Elle entama sa convalescence à Yannisport.
47:45C'est un mois après la mort de leur fils qu'ils célébrèrent en mer
47:48leur dixième anniversaire de mariage.
47:52Elle offrit à John une médaille de Saint-Christophe
47:55qu'il portera avec lui à Dallas au moment de sa mort.
47:59Il avait placé celle que Jackie lui avait offerte.
48:03Elle a fait la même chose pour John.
48:07D'un enfant qui perd ses parents, on dit qu'il est orphelin.
48:11Et pour une mère dont l'enfant meurt,
48:14curieusement, il n'existe pas l'unique.
48:18Pour son malheur, et alors même que ses images
48:21pouvaient laisser croire à une quiétude retrouvée,
48:24elle n'est pas la seule.
48:28Elle est la seule.
48:32Et alors même que ses images pouvaient laisser croire à une quiétude retrouvée,
48:36elle n'aura pas longtemps à attendre pour obtenir un nouveau statut
48:39dans la langue du deuil, celui de veuve.
48:43John sera assassiné trois mois seulement après la mort de Patrick.
49:02Une dernière visite officielle à Washington.
49:05Elle redevient pour quelques heures la première dame.
49:16Mais le soir même,
49:19après avoir provoqué l'irritation de John en se coupant les cheveux,
49:22elle quitte la soirée de gala et part pour la grèce.
49:25Pendant deux semaines, elle allait naviguer sur le Christina,
49:28le palace flottant d'Aristote Onassis,
49:31que les États-Unis considéraient comme un pirate de grande envergure
49:34et dont la fortune augmentait d'année en année.
49:39Tandis qu'Onassis accueillait Jackie dans une débauche de luxe,
49:42la presse se déchaîna contre elle.
49:55Comme toujours, quand la rumeur enflait,
49:58John alla à la messe, faussement désinvolte.
50:19Mais la vérité n'en était que plus visible.
50:22Jackie avait abandonné John
50:25et ses enfants
50:27et la maison blanche
50:29et les États-Unis.
50:40Déprimée, certes,
50:42mais bien consciente de ce qu'elle faisait en se compromettant
50:45sur le bateau d'un armateur grec
50:47qui était l'objet de plusieurs inculpations
50:49et qui n'avait rien à voir avec le fils.
50:52Jackie suivait maintenant une autre logique que celle de John,
50:55que celle des intérêts supérieurs de l'État
50:58et mettait ainsi en péril sa réélection.
51:01Onassis avait 23 ans de plus qu'elle.
51:04Il était difficile pour l'opinion publique de le trouver beau et désirable.
51:08Mais c'était justement parce qu'il ne pouvait être comparé à John
51:11qu'il plaisait à Jackie.
51:14Il la détachait du mythe des Kennedy.
51:17Vu que John n'était pas encore mort,
51:19elle formula sur Onassis ce commentaire singulier.
51:22C'est une personne vivante.
51:26Après l'assassinat de John,
51:28Jackie fera preuve d'une fidélité absolue à la mémoire de son mari.
51:32Jusqu'à la fin de ses jours,
51:34elle veillera à ce qu'il ait sa place dans l'histoire,
51:37à ce qu'il ne soit pas livré aux historiens,
51:40à ce que la postérité ne retienne de lui que le meilleur.
51:43Mais dans le même temps,
51:45elle rejoint Onassis avec la détermination qu'elle avait montrée quelques années plus tôt
51:48en partant naviguer avec lui.
51:51Ce mariage, dira-t-elle,
51:53m'a libérée de l'obsession insupportable que le monde nourrissait à mon égard.
51:59La campagne pour sa réélection approchait.
52:01John fit pression sur Jackie pour qu'elle ne le quitte plus.
52:05Il lui formula deux demandes.
52:07Qu'elle intervienne auprès d'Onassis pour qu'il s'abstienne de venir aux Etats-Unis
52:10avant les élections de 1964.
52:13Et qu'elle l'accompagne en novembre à Dallas.
52:18Sa dépression l'avait abandonnée.
52:21Jackie était transformée.
52:24Peut-être maintenant était-elle décidée à infléchir sa vie de première dame.
52:30John n'eut pas le temps, avant de mourir, d'en être informé.
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