Chères lectrices, chers lecteurs,
Voici la captation de la rencontre d'Olivier Guez, enregistrée le jeudi 5 septembre 2024. Dans le cadre de nos Mardis de L'écume, cet échange est animé par Hélène Bihèry-Dupuy.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume
La Quatrième :
"Vous ne la connaissez pas, pourtant elle a tenu le monde entre ses mains. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Gertrude Bell a dessiné les frontières de l'Orient, dans ce désert sauvage où tout a commencé : le pays entre deux fleuves, le Tigre et l'Euphrate.
Aventurière, archéologue, espionne, parlant l'arabe et le persan, elle fut la première femme puissante de l'Empire britannique, mais aussi une héroïne tragique. Idéaliste comme son ami et frère d'âme Lawrence d'Arabie. Impérialiste et courageuse comme le jeune Winston Churchill. Enfant aimée et incomprise d'une riche famille victorienne. Amoureuse éperdue. Et une énigme pour nous : celle des femmes que l'Histoire a effacées.
Olivier Guez lui rend sa gloire et nous offre une épopée flamboyante : de la découverte de gigantesques gisements pétroliers aux jeux de pouvoir cruels entre Britanniques, Français et Allemands, des négociations sous les tentes bédouines aux sables de Bagdad où se perdent nos rêves.
Le roman de Gertrude Bell dessine la vaste fresque de la première mondialisation, quand le plus grand empire de tous les temps s'approprie une contrée mythique et maudite, terre d'Abraham, du déluge et de Babel, tombeau d'Alexandre le Grand : la Mésopotamie. "
Voici la captation de la rencontre d'Olivier Guez, enregistrée le jeudi 5 septembre 2024. Dans le cadre de nos Mardis de L'écume, cet échange est animé par Hélène Bihèry-Dupuy.
Vous souhaitant de belles lectures,
L'écume
La Quatrième :
"Vous ne la connaissez pas, pourtant elle a tenu le monde entre ses mains. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Gertrude Bell a dessiné les frontières de l'Orient, dans ce désert sauvage où tout a commencé : le pays entre deux fleuves, le Tigre et l'Euphrate.
Aventurière, archéologue, espionne, parlant l'arabe et le persan, elle fut la première femme puissante de l'Empire britannique, mais aussi une héroïne tragique. Idéaliste comme son ami et frère d'âme Lawrence d'Arabie. Impérialiste et courageuse comme le jeune Winston Churchill. Enfant aimée et incomprise d'une riche famille victorienne. Amoureuse éperdue. Et une énigme pour nous : celle des femmes que l'Histoire a effacées.
Olivier Guez lui rend sa gloire et nous offre une épopée flamboyante : de la découverte de gigantesques gisements pétroliers aux jeux de pouvoir cruels entre Britanniques, Français et Allemands, des négociations sous les tentes bédouines aux sables de Bagdad où se perdent nos rêves.
Le roman de Gertrude Bell dessine la vaste fresque de la première mondialisation, quand le plus grand empire de tous les temps s'approprie une contrée mythique et maudite, terre d'Abraham, du déluge et de Babel, tombeau d'Alexandre le Grand : la Mésopotamie. "
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00:00Vous, Olivier Guez, d'avoir accepté notre invitation,
00:03vous nous offrez en cette rentrée certainement le roman le plus flamboyant,
00:07le plus envoûtant, étourdissant je dirais presque,
00:12en nous emmenant sur les traces d'une femme aussi complexe que fascinante, Gertrude Bell,
00:20effacée de l'histoire, à qui vous rendez les honneurs,
00:24dans une région du monde, le Moyen-Orient,
00:27dont on parle hélas beaucoup depuis quelque temps, beaucoup trop,
00:32mais qui reste une région mystérieuse, méconnue,
00:35et vous nous offrez un roman qui est à la fois comme une biographie romanesque,
00:40je n'ai pas dit romancée parce que je pense que tout est vrai,
00:42vous nous l'expliquerez, de cette femme,
00:45et aussi un point de vue géopolitique sur cette région.
00:48L'essentiel du roman, je dirais, se passe après la Première Guerre mondiale,
00:52mais pas seulement.
00:53On va y croiser toute une galerie de personnages hauts en couleurs,
00:57dont vous allez nous parler aussi,
00:59mais j'ai une première question pour vous,
01:01alors je rappelle quand même que vous êtes l'auteur remarqué
01:04de « La disparition de Joséphe Mengele » pris Renaud II en 2017,
01:07on est très heureux que vous reveniez au roman,
01:09puisqu'entre temps vous avez fait un détour par l'Europe,
01:11avec un très beau livre qui s'appelle « Le Grand Tour »
01:13que je recommande à tous ceux qui ne l'ont pas lu,
01:15il est sorti en poche je crois,
01:16où vous avez demandé à 27 auteurs européens de parler de leur vision de l'Europe,
01:20et c'est un projet que je trouve absolument magnifique.
01:23Mais venons-en à Gertrude Bell,
01:26comment avez-vous rencontré Gertrude Bell, et qui est cette femme ?
01:30Bonsoir à tous.
01:31Ma rencontre, c'est une vieille connaissance, Gertrude.
01:36Gertrude Bell, je l'ai croisée une première fois en 2003,
01:40je peux vous dire très précisément, au début de la guerre en Irak,
01:44lorsque les anglo-américains décident de chasser Saddam Hussein une bonne fois pour toutes,
01:49et à l'époque j'étais jeune et journaliste,
01:53et je m'occupais des affaires pétrolières et du Moyen-Orient,
01:56au quotidien économique et financier de la Tribune,
01:59il était question que j'aille en Irak.
02:02Donc j'ai essayé d'aller en Irak, j'ai débarqué au Kurdistan turc,
02:06sauf que j'ai perdu beaucoup de temps en chemin,
02:10et lorsque je suis arrivé à la frontière irakienne,
02:13les portes étaient fermées,
02:15mes guides turcs m'ont proposé d'entrer plus ou moins clandestinement en Irak,
02:20j'ai refusé, je ne voyais pas tellement l'intérêt de prendre autant de risques,
02:24mais toujours est-il que pour préparer ce voyage,
02:27j'ai énormément lu sur l'Irak, la création de l'Irak,
02:30et j'avais noté, et bien simplement que la créatrice de ce pays étrange
02:38et terriblement instable depuis sa création était une femme,
02:42et j'ai été tombé sur une photo très impressionnante de la conférence du Caire en mars 1921,
02:49où les britanniques sous l'égide de Winston Churchill,
02:52à leurs jeunes secrétaires aux colonies,
02:56à l'issue de cette conférence où les anglais délimitent les frontières du Moyen-Orient moderne,
03:03ils prennent une photo de groupe,
03:05et autour de Churchill, il y a ce qu'il appelait lui-même ses 40 voleurs,
03:09donc plénipotentiaires, envoyés spéciaux, experts de la région,
03:13et parmi les 40 voleurs, on trouve une voleuse.
03:16Donc cette voleuse, elle est à l'extrême gauche de la photo,
03:19elle a un grand chapeau, elle a un boa en fourrure,
03:22et je m'étais demandé qui était cette femme.
03:24Donc évidemment, c'était Gertrude Belle,
03:26j'avais regardé un petit peu ce qu'elle avait fait,
03:28j'avais noté son nom dans un guide,
03:30je me souviens d'avoir parlé à un ami en disant
03:32ça pourrait être vraiment une héroïne intéressante,
03:34un jour, je suis passé complètement à autre chose,
03:36j'ai abandonné le Moyen-Orient,
03:38et en lisant un livre de Jean Rollin qui s'appelait
03:41Le Traqué Kurde, qui racontait l'histoire
03:45des ornithologues britanniques dans le Golfe,
03:48Gertrude Belle est apparaissée,
03:50et là, j'ai couru chez Grasset,
03:55et je leur ai dit, j'aurais montré cette photo,
03:58je leur ai dit je vais raconter l'histoire de Gertrude Belle,
04:01et à travers elle, raconter la naissance du Moyen-Orient moderne.
04:04C'est comme ça que cette histoire a commencé,
04:06donc elle a plus de 20 ans.
04:08Alors Gertrude Belle, elle naît en 1868 dans le nord de l'Angleterre,
04:12est-ce qu'on peut un peu situer le contexte de sa naissance,
04:16cette famille qui n'est pas n'importe quelle famille,
04:18et un peu son parcours très très surprenant
04:21pour une femme née quand même dans l'Angleterre victorienne,
04:24et cette grande liberté dont elle va très vite jouir ?
04:28Et s'emparer surtout.
04:30Alors Gertrude Belle est la rejetonne
04:33d'une famille richissime d'industriels, de métallurgistes,
04:37il y avait les forges Belle dans le nord-est de l'Angleterre,
04:42donc c'est la région de Newcastle, Middlesbrough,
04:45Middlesbrough, non, Middlesbrough, comment on dit ?
04:47Enfin bref, cette région-là,
04:50c'est le grand-père de Gertrude qui a fondé les forges,
04:54qui devient vraiment un empire,
04:57ils construisent des rails, des poutres, des ponts
05:00pour tout le Royaume-Uni, mais aussi pour l'Empire,
05:04donc c'est une famille qui s'enrichit très très vite.
05:07Donc elle est la petite-fille de cet homme,
05:10elle naît, comme vous l'avez dit, en 1868,
05:12donc dans un milieu très favorisé,
05:14très favorisé.
05:16Alors elle perd très jeune sa mère,
05:18mais son père se remarie rapidement
05:20avec une femme très bien introduite
05:22dans les milieux culturels londoniens,
05:25donc à la fois elle a la richesse,
05:27et par ailleurs elle a ce qu'on appelle aujourd'hui
05:29un capital culturel immense.
05:32Son père, sa belle-mère fréquentent les esprits
05:35les plus aiguisés de la Londres
05:37de la fin du 19e siècle,
05:39donc elle a accès à tout,
05:41c'est un garçon manqué,
05:43elle a besoin de se dépenser,
05:46donc elle monte à cheval, elle court,
05:48elle nage, elle patine,
05:50elle est assez incontrôlable,
05:52et comme elle est très brillante,
05:54elle va faire des études
05:56d'histoire moderne à Oxford,
05:58donc elle est l'une des premières diplômées
06:00avec mention.
06:02Donc ça c'est un petit peu le background
06:04et social et culturel de Gertrude.
06:07Alors vous parlez de cette belle-mère,
06:09justement il y a un passage très plaisant
06:11je trouve, dans le début de votre roman,
06:13où on voit que cette belle-mère,
06:15donc très introduite dans les milieux culturels,
06:17et aussi très élégante, appartenant à ce milieu très choyé,
06:19la haute société de l'époque,
06:21qui fait venir de Paris des robes haute couture,
06:23et essaie de la lancer dans le monde,
06:25c'est-à-dire qu'on l'emmène au bal,
06:27on veut absolument lui faire rencontrer x ou y,
06:29qu'il faudrait qu'elle fasse un beau mariage.
06:31Et en fait, Gertrude, les beaux mariages,
06:33ça n'intéresse pas du tout.
06:35Je nuancerais.
06:37Je pense qu'elle aurait adoré faire un beau mariage,
06:39sauf qu'elle ne trouve pas l'homme de sa vie.
06:41C'est une femme assez incomplexe,
06:43mais qui surtout ne se résout pas
06:46à vivre la vie d'une femme
06:48de la haute société londonienne
06:50de l'époque,
06:52c'est-à-dire un rôle marginal.
06:54Il s'agit d'être un petit peu cultivée,
06:56d'avoir un peu de conversation,
06:58mais au fond, surtout, de ne pas travailler,
07:00et encore moins de se mêler des affaires des hommes,
07:02la guerre, la diplomatie, la politique, les affaires.
07:04Comme elle a cette relation de proximité
07:06très forte avec son père,
07:08qui l'initie un petit peu à tout,
07:10elle ne veut absolument pas ce rôle-là,
07:12et elle ne trouve pas le parti,
07:14alors qu'elle était très convoitée.
07:16Vous imaginez la dot de Gertrude Belle,
07:18une des filles les plus riches d'Angleterre.
07:20Qui n'était pas vilaine à défaut d'être vraiment
07:22une grande beauté, mais après,
07:24tous les goûts sont dans la nature.
07:26En tout cas, ce n'est certainement pas ça
07:28qui a pu éloigner les prétendants,
07:30mais elle a du touper, en fait.
07:32Elle est impertinente,
07:34elle interrompt les hommes,
07:38et surtout, il y a très peu d'hommes
07:40qu'elle respecte intellectuellement,
07:42ce qui est quand même la base, en fait, pour elle.
07:44Donc, passer les trois saisons
07:46où les jeunes femmes
07:48de la meilleure société
07:50essayaient de trouver un mari,
07:52eh bien, en fait,
07:54elle se retrouve dans une situation
07:56assez à la fois difficile et très facile,
07:58compte tenu des moyens dont elle dispose,
08:00et donc, elle va commencer à voyager.
08:02Voilà. Alors, elle voyage énormément,
08:04et elle a une passion,
08:06très tôt, en fait, pour l'archéologie.
08:08Et elle devient une archéologue
08:10assez mérite, elle apprend plus ou moins
08:12sur le terrain, je dirais,
08:14auprès d'un archéologue allemand,
08:16si je m'en souviens bien.
08:18Elle fait une formation à Paris.
08:20Mais tout est possible,
08:22c'est-à-dire qu'elle a des cours privés,
08:24et puis, c'est la grande mode de l'archéologie,
08:26à l'époque, fin du XIXe,
08:28on redécouvre toutes ces cités mythiques
08:30de l'Antiquité, la culture antique
08:32est ultra importante pour tout le monde,
08:34et notamment dans ces milieux,
08:36et à l'époque, il faut imaginer
08:38que les grandes découvertes archéologiques
08:40faisaient la une de la presse.
08:42Donc elle, elle se lance là-dedans,
08:44comme elle se lance dans un certain nombre d'activités,
08:46toujours liées, quand même, à une matière
08:48intellectuelle, et
08:50elle part
08:52d'abord, son premier
08:54chantier, c'est en...
08:56C'est en Anatolie, exactement.
08:58Voilà, à Konya, où elle s'offre un site
09:00archéologique, en fait.
09:02Elle s'offre des fouilles, oui, pourquoi pas.
09:04Elle offre un vice-consul qu'elle rencontre sur place.
09:06Alors, c'est pas le...
09:08Le vice-consul est sur place,
09:10elle le rencontre, et elle offre à un
09:12grand savant, un grand archéologue d'Oxford,
09:14si ma mémoire est bonne, de fouiller
09:16avec elle, et d'écrire
09:18ensuite un livre ensemble.
09:20Le tout financé par la famille Bell.
09:22Alors, ce qui est très intéressant, je trouve, dans votre roman,
09:24c'est que vous entremêlez vraiment cette fascination
09:26pour l'archéologie, pour l'antique,
09:28cette fascination pour l'Orient, à laquelle on va
09:30venir, avec ce désir
09:32d'expansion de l'Empire, et vous dites
09:34l'Empire britannique, comme tous les
09:36grands empires, vous parlez aussi de Guillaume II
09:38de son délire de surpuissance
09:40et de supplanter les Anglais, etc.,
09:42qui se rapprochent de l'Empire ottoman,
09:44veulent, se réclament
09:46en fait, les héritiers d'Alexandre,
09:48de la Grèce antique, mais on voit bien cette fascination
09:50et ce grand grand désir
09:52d'expansion, ça vous l'entremêlez vraiment
09:54avec ce destin, avec le destin de Gertrude Bell.
09:56Je pense que pour comprendre
09:58la mentalité de l'époque, et notamment ces personnages,
10:00que ce soit Gertrude Bell,
10:02que ce soit Lawrence,
10:04que ce soit Churchill, et tous les autres qui
10:06vivent dans ce monde-là,
10:08la proximité avec le monde antique est très très forte.
10:10D'abord, ce sont des gens qui sont imbibés
10:12par cette culture, qui l'ont étudiée,
10:14que ce soit la culture grecque,
10:16la culture romaine, évidemment, mais aussi
10:18les grands empires de Mésopotamie,
10:20les Sumériens, les Assyriens,
10:22les Perses, etc.,
10:24et eux se voient
10:26véritablement comme
10:28les continuateurs,
10:30les perpétuateurs
10:32justement de l'Empire romain.
10:34Il y a une fixation chez les Britanniques,
10:36mais comme, je dirais,
10:38dans tous les grands empires,
10:40sur l'Empire romain. Et on voit encore
10:42aujourd'hui les comparaisons entre les États-Unis,
10:44l'Empire romain, c'est-à-dire à la fois la puissance,
10:46la conquête du monde, et aussi le moment
10:48où la chute s'amorce.
10:50Et à l'époque, donc à la fin du XIXe,
10:52les Britanniques sont là-dedans, c'est-à-dire qu'ils ont,
10:54ils sont à la tête du plus grand empire de l'histoire,
10:56ils sont présents sur les cinq continents, il faut quand même imaginer
10:58qu'entre un tiers,
11:00entre un quart et un tiers des surfaces
11:02émergées du globe, il y avait un drapeau
11:04britannique, pour une île
11:06qui est minuscule, au fond.
11:08L'Inde était régentée par
11:10peut-être 20 000 fonctionnaires britanniques,
11:12donc ils avaient trouvé un espèce de système
11:14assez génial, qui leur permettait
11:16à la fois d'exploiter et aussi
11:18de bénéficier de tout un système de base.
11:20C'était vraiment une telle assocratie, en fait.
11:22Et donc Gertrude, qui naît en
11:241868, elle, elle grandit
11:26vraiment à l'acmé de cet empire. Elle a huit ans
11:28lorsque Victoria est
11:30couronnée impératrice des Indes,
11:32que d'Israëli
11:34met la main sur le canal de Suez,
11:36et donc elle baigne là-dedans. Par ailleurs,
11:38je l'ai déjà mentionné,
11:40l'empire familial
11:42bénéficie énormément des commandes...
11:44Croix et...
11:46des commandes impériales, tout à fait.
11:48Alors elle fait un premier grand voyage avec sa
11:50cousine, elle va rendre visite à son
11:52oncle, Sir Frank, qui est lui ambassadeur de
11:54Perse, si je ne me trompe pas.
11:56Ambassadeur en Perse.
11:58Et donc là, il y a vraiment
12:00le déclic, je dirais. C'est-à-dire que
12:02ce voyage, cet Orient
12:04rêvé, l'envoûte plus encore
12:06que ce qu'elle n'aurait imaginé.
12:08En fait, le rêve, la réalité est plus grande
12:10que son rêve.
12:12Cette première expédition en Perse,
12:14il y a un triple déclic. D'abord, il y a le grand
12:16voyage. Il y a l'Orient Express,
12:18il y a l'arrivée à Constantinople,
12:20il y a le Pérapalace, il y a la traversée
12:22de la mer Noire, il y a...
12:24Vraiment, on entre...
12:26Elle entre dans l'Orient à partir des
12:28Balkans. Elle est totalement fascinée
12:30parce qu'elle découvre aussi la liberté.
12:32Donc il y a cette dimension-là.
12:34Deuxièmement, il y a la découverte
12:36de la Perse, qui est un pays
12:38absolument envoûtant. Elle se plonge parce
12:40qu'elle a cette curiosité incroyable.
12:42Elle se plonge
12:44dans la culture persane.
12:46Elle apprend le farsi.
12:48Elle s'intéresse à la poésie
12:50classique persane.
12:52Troisièmement,
12:54on va dire un embryon
12:56d'amour. Elle rencontre quelqu'un qui, pour une
12:58fois, la séduit.
13:00Et puis quatrièmement, elle est...
13:02C'est l'époque du grand jeu
13:04à l'époque en Perse. Donc on est à la fin du 19e
13:06et de cette immense rivalité entre
13:08la Grande-Bretagne et la Russie.
13:10La Russie qui veut se rapprocher des
13:12mers chaudes et de l'Empire des Indes
13:14et les Britanniques qui craignent justement
13:16cet empire qui ne cesse de
13:18grignoter des territoires depuis un
13:20ou deux siècles et qui ne sont plus qu'à
13:22quelques jours de marche de la frontière
13:24indienne. Donc elle se retrouve
13:26dans ce jeu-là. Évidemment,
13:28son oncle est ambassadeur.
13:30Ça facilite les choses, bien évidemment.
13:32Et donc elle va se prendre à ce
13:34jeu. Donc il y a quelque chose.
13:36C'est vraiment un moment clé de son
13:38existence, ce voyage en Perse.
13:40C'est une épiphanie.
13:42Oui, il y a un avant. Il y a la jeune femme
13:44brillante à Oxford
13:46qui n'arrive pas à trouver les chaussures à son pied.
13:48Et puis là, tout d'un coup, elle trouve quelque part une espèce de porte
13:50de sortie qui est
13:52l'entrée en Orient.
13:54Et son oncle, il ramène jusqu'à écrire
13:56au Foreign Office en disant
13:58« Ma nièce, douée
14:00pour les langues. Elle apprend l'arabe, le persan
14:02très facilement. Elle traduit les
14:04poèmes d'Aphèse. Elle a
14:06un don assez unique pour
14:08entrer en contact avec les populations
14:10locales. Donc elle obtient
14:12facilement la confiance.
14:14Vous dites, on ne se méfie pas d'elle.
14:16C'est une femme.
14:18Ces histoires-là l'intéressent beaucoup. Et puis elle va être
14:20très, très vite fascinée par le monde arabe,
14:22par les Arabes.
14:24Il y a la Perse.
14:26Il y a les drames amoureux.
14:28Après, il y a aussi les facilités du romancier.
14:30En vérité, ce n'est pas l'oncle
14:32exactement qui va la recommander au Foreign Office.
14:34Je ne vous ai pas demandé quelle était la part de Romanesque.
14:36Suffisamment de personnages,
14:38suffisamment de complexité, suffisamment.
14:40J'ai tout rassemblé.
14:42En fait, celui qui va
14:44vraiment l'introduire auprès
14:46des...
14:48En tout cas, qui va l'introduire
14:50auprès des services
14:52secrets, qui va la lancer là-dedans.
14:54C'est un homme qui n'apparaît pas dans le
14:56livre, qui était son meilleur ami
14:58et qui était un journaliste au Times et qui s'occupait
15:00de politique étrangère. Mais alors là, si j'entrais
15:02là-dedans, on n'en sortirait plus.
15:04Voilà. Donc
15:06ce malheureux a
15:08disparu dans le roman. Mais là,
15:10je peux vous le dire puisqu'on en discute.
15:12Mais effectivement, l'oncle va repérer
15:14chez elle des prédispositions à tout ça.
15:16Et par ailleurs, elle a une appétence.
15:18Au fond, elle est née
15:20pour ça, pour à la fois papillonner,
15:22s'instruire, apprendre,
15:24communiquer,
15:26apprendre les langues étrangères. Donc, elle va...
15:28Elle est la recrue idéale, en fait.
15:30Elle est la recrue idéale.
15:32Alors, elle va rencontrer au cours de ses pérégrinations,
15:34puisqu'elle voyage énormément, vous l'avez dit,
15:36elle a des moyens assez limités, dont elle va profiter largement.
15:38Elle va rencontrer sur un autre
15:40site de
15:42fouilles archéologiques
15:44un autre grand personnage de cet Orient
15:46de l'époque, qui est
15:48Thomas Edward Lawrence,
15:50plus connu sous le nom de Lawrence d'Arabie,
15:52dont elle va être très amie,
15:54qu'elle considérera presque comme un frère.
15:56Et tous deux vont faire des parcours
15:58assez parallèles, je dirais.
16:00Archéologue,
16:02agent secret, impérialiste
16:04jusqu'au bout des ongles,
16:06des cheveux, déterminé
16:08à défendre les intérêts britanniques,
16:10parfois aveuglément,
16:12qu'est-ce qui les rapproche
16:14et qu'est-ce qui les différencie ?
16:16Alors, ils ont 20 ans d'écart,
16:18Gertrude a 20 ans de plus
16:20que Lawrence,
16:22mais ils ont énormément de choses en commun.
16:24Ils ont une même culture,
16:26dont on a déjà parlé,
16:28la proximité avec les textes antiques,
16:30avec la mythologie,
16:32avec la poésie,
16:34même plus moderne,
16:36avec le Moyen-Âge, ça c'est une chose.
16:38Gertrude paria à l'Angleterre,
16:40ils se sont très mal à l'aise.
16:42Lawrence, à cause de sa naissance,
16:44une naissance illégitime,
16:46ses parents n'étaient pas mariés,
16:48il l'a découvert assez tard,
16:50par sa sexualité aussi.
16:52Elle, on en a parlé,
16:54elle n'a pas trouvé chaussure à son pied,
16:56donc elle se sent aussi rejetée,
16:58elle n'a pas sa place dans la société
17:00britannique de l'époque.
17:02L'archéologie, puisque Lawrence
17:04est un jeune archéologue,
17:06il travaille pour les services secrets
17:08tous les deux, il ne se l'avoue pas.
17:10Et dernier point commun, il déteste les Français.
17:12Et Lawrence, et Gertrude,
17:14abordent les Français.
17:16D'ailleurs les Français n'ont pas tellement la part belle
17:18dans votre roman.
17:20Je raconte un peu l'histoire
17:22d'un point de vue très proche
17:24de celui de Gertrude,
17:26mais effectivement, les Français
17:28et les Anglais, l'entente cordiale
17:30du début du XXe siècle est une alliance de circonstances
17:32parce que l'Allemagne fait peur à tous les deux,
17:34il y a des siècles et des siècles d'inimitié,
17:36de méfiance,
17:38et sur le Moyen-Orient, les deux veulent
17:40la plus large part du gâteau.
17:42Et
17:44Lawrence et Gertrude
17:46sont fondamentalement des conservateurs.
17:48Et donc la révolution
17:50française
17:52ne plaît pas
17:54à ces deux aventuriers, entre autres.
17:56Alors ils ont un autre point commun,
17:58c'est cette fascination pour le désert.
18:00C'est-à-dire qu'elle,
18:02à quel moment du roman qui est dedans,
18:04c'est effoisonnant, elle se promène
18:06avec sa cousine, je crois,
18:08il y a toujours un chaperon quand même,
18:10ou sa tante, je ne sais plus,
18:12et elles vont aborder le désert.
18:14Et bien sûr, la cousine et l'entente n'ont
18:16qu'une envie immédiate,
18:18c'est de retourner en ville, de rejoindre
18:20l'Oasis ou la maison,
18:22les rafraîchissements, les attentes,
18:24tandis qu'elle est littéralement aimantée par le désert.
18:26C'est aussi le cas de Lawrence.
18:28Oui, oui, c'est évidemment peut-être
18:30un point...
18:32Ce qui les rapproche au départ,
18:34c'est qu'en fait, dans le désert,
18:36ils ont trouvé un espace
18:38où ils se sentent libres, où ils peuvent être eux-mêmes.
18:40Où ils peuvent être...
18:42Leur part d'excentricité, quelque part,
18:44peut s'exprimer sans
18:46le regard de leur contemporain.
18:48Et ils s'épanouissent
18:50dans le désert, et notamment
18:52auprès des Bédouins. Ils ont une grande proximité
18:54avec les Bédouins, ce qu'ils considèrent un petit peu
18:56comme leur frère d'âme. C'est-à-dire qu'ils ont ce culte
18:58de liberté. Ils sont à la fois des rebelles
19:00et des êtres conservateurs, comme Lawrence
19:02et Gertrude. Il y a cette idée
19:04de mouvement, cette idée de ce
19:06rapport aux traditions, quelque part.
19:08Et les deux vont s'identifier
19:10avec les conséquences politiques
19:12dont on parlera peut-être plus tard,
19:14aux Bédouins. C'est-à-dire qu'ils ne font pas du tout
19:16confiance aux Arabes citadins, par exemple.
19:18Ils le trouvent déjà trop européanisé,
19:20trop, quelque part, spolié
19:22par la civilisation. Ils cherchent quelque chose
19:24d'authentique. C'est un peu le...
19:26Ils revisitent le mythe
19:28du bon sauvage, quelque part.
19:30Et alors moi, je me demandais quel était votre rapport,
19:32vous, à l'Orient. Parce que je vous voyais jusqu'ici,
19:34moi, comme un Européen
19:36fervent Européen,
19:38vivant tantôt à Berlin,
19:40tantôt à Rome,
19:42publiant beaucoup de livres
19:44autour de l'Europe. Et puis
19:46tout à coup, on vous découvre
19:48fasciné aussi par l'Orient. Quel est
19:50votre rapport à l'Orient ?
19:52J'ai été jeune, aussi.
19:54Et pendant
19:56mes études, j'étais fasciné. J'ai beaucoup
19:58étudié l'histoire du Moyen-Orient, en fait.
20:00Et notamment en Angleterre.
20:02J'étais à la London School of Economics.
20:04Et j'ai
20:06particulièrement... J'ai même écrit
20:08un mémoire de master
20:10sur l'identité turque,
20:12l'identité ottomane. Et j'avais deux
20:14professeurs incroyables.
20:16Un homme qui s'appelait Fred Halidé, qui était
20:18capable en une heure de raconter
20:20l'histoire de l'Égypte des pharaons
20:22à Moubarak. Et un
20:24homme beaucoup plus âgé, c'était le professeur
20:26Wilson, donc on est milieu, fin
20:28des années 90,
20:30qui avait servi dans
20:32l'administration britannique en Transjordanie.
20:34Donc au milieu des années 40.
20:36Et ces deux hommes ont dû me marquer.
20:38Après, j'ai continué un peu à travailler sur le Moyen-Orient.
20:40Et puis, comme journaliste, au début,
20:42je me suis jamais été
20:44basé au Moyen-Orient, mais je me suis beaucoup promené
20:46dans la région. En fait, j'ai fait
20:48quasiment tous les pays du Moyen-Orient,
20:50à Pirogue. C'est le seul pays
20:52où je n'ai, autant le dire tout de suite,
20:54j'ai jamais mis les pieds.
20:56Donc j'ai cette tentative à avorter
20:58parce que j'avais procrastiné
21:00avec mes guides turcs,
21:02mais Kurdes surtout.
21:04Mais je suis allé plusieurs fois
21:06en Iran, en Syrie, je me suis promené,
21:08je me souviens, un été,
21:10l'été 99,
21:12je m'étais promené
21:14en Syrie tout seul pendant des semaines.
21:16J'avais vu Palmyre un matin, comme ça, au mois d'août,
21:18il faisait déjà très très chaud,
21:20et j'étais tout seul dans les salles.
21:22Il y a eu une empreinte très forte.
21:24Et puis,
21:26ne parlant pas arabe,
21:28ni turc, ni farsi,
21:30et trouvant que la situation, quand même,
21:32était de mal en pied,
21:34j'ai abandonné le Moyen-Orient
21:36il y a 20 ans, à peu près,
21:382004-2005.
21:40Donc Gertrude Bell vous donne l'occasion d'y revenir.
21:42Tout à fait, de me replonger dans mes amours de jeunesse.
21:44J'ai lu dans une interview
21:46que vous avez donnée. Vous avez consacré
21:486 ans de travail à ce roman.
21:50Quand on regarde, à la fin
21:52de votre ouvrage, vos sources et la bibliographie,
21:54c'est absolument stupéfiant.
21:56Comment on passe 6 ans
21:58avec une Anglaise un peu corsetée,
22:00pas toujours très sympathique,
22:02à la personnalité multiple,
22:04on va en parler,
22:06elle est anti-voix des femmes,
22:08pas du tout, elle ne soutient
22:10évidemment pas du tout les suffragettes.
22:12D'ailleurs, il y a un déjeuner ou un dîner chez son frère
22:14et sa belle sœur. Elle est tout à fait anti-moderne.
22:16Oui, elle est inclassable en fait.
22:18Alors comment on fait pour passer 6 ans
22:20avec une femme comme Gertrude ?
22:22Quand on a passé 5 ans avec Magalé, on peut passer 6 ans avec Gertrude.
22:24C'est une promenade de santé en fait.
22:26À côté, finalement,
22:28c'est presque agréable.
22:30Comment on fait ?
22:32D'abord, je ne savais pas que ça me prendrait
22:34autant de temps, je dois dire,
22:36mais le problème avec Gertrude,
22:38c'est que chaque fois que vous ouvrez un tiroir,
22:40il y a 3-4 tiroirs.
22:42En fait, les archives sont colossales.
22:44Les archives, moi, je ne me prétends pas du tout
22:46historien.
22:48Je ne veux pas dire que j'ai épluché toutes les archives.
22:50J'ai déniché la lettre de 1912
22:52qui permet de comprendre la psychologie.
22:54Non, pas du tout. Je lis énormément.
22:56Il y a quelques très bonnes
22:58biographies qui sont sorties
23:00en langue anglaise,
23:02justement quand on l'a redécouverte au moment
23:04de la guerre en Irak.
23:06Il y a une biographie en français aussi
23:08qui est vraiment
23:10pas mal du tout.
23:12Je reprochais un peu quelque chose à ces livres,
23:14c'est que fondamentalement, parce que c'était une femme,
23:16elle n'avait fait que des choses extraordinaires.
23:18Je pense qu'il était temps,
23:20quelque part, de prendre
23:22Gertrude simplement comme un individu.
23:24Gertrude est un homme
23:26comme les autres, j'ai envie de dire.
23:28Donc, sa part d'erreur,
23:30les choses extraordinaires qu'elle a faites,
23:32les choses moins bonnes, moins belles,
23:34parce qu'elle travaille quand même pour les services secrets,
23:36elle a une responsabilité historique.
23:38Je pensais qu'il était temps simplement de la regarder
23:40comme un dirigeant, la dirigeante politique
23:42qu'elle a été à ce moment-là.
23:44Donc, comment on fait ?
23:46La partie plaisante, c'est qu'on lit.
23:48On lit longtemps, on lit des années.
23:50Quelquefois, j'avais
23:52un coup de fil de grasser
23:54quand même, de temps en temps. En plus,
23:56j'ai quitté Paris, donc il n'y avait vraiment aucune idée
23:58de ce que je faisais. Donc, de temps en temps,
24:00j'avais un rappel à l'ordre.
24:02Mais, on va dire,
24:04le plus pénible dans ce genre de
24:06préparation, c'est ce que je prends des notes
24:08surtout. Mais je ne prends pas des notes immédiatement.
24:10Je prends des notes une fois que j'ai
24:12à peu près tout lu.
24:14Mais une fois que j'ai pris les notes, ça a pris tellement de temps.
24:16Il a fallu relire les notes,
24:18parce que j'avais oublié les notes que j'avais prises.
24:20Et surtout, j'avais une structure très...
24:24quasiment comme un metteur en scène de cinéma.
24:26Je savais à peu près, plus qu'à peu près.
24:28Donc, comment on fait ?
24:30On prend son...
24:32J'étais obligé de prendre mon temps dans la mesure où
24:34j'étais dans la tête d'une femme
24:36anglaise, victorienne,
24:38richissime, archéologue, née en
24:401868. Elle n'était pas...
24:42Elle n'était pas immédiate, on va dire.
24:44Oui. Le vêtement était un peu
24:46étroit, peut-être.
24:48Pas étroit. Aussi trop large, probablement.
24:50Enfin, elle n'était pas la bonne taille.
24:52Donc, il a fallu
24:54trouver la bonne mesure.
24:56Justement, le contexte historique, il est
24:58primordial dans votre roman.
25:00Je tiens à dire, ce n'est pas un livre de géopolitique.
25:02Mais, évidemment, la géopolitique,
25:04il tient une grande place.
25:06Est-ce que vous pouvez nous
25:08dire
25:10à quel moment Gertrude se retrouve
25:12dans cet orient ?
25:14C'est-à-dire, on va au fil
25:16des pages assister, finalement, à la fin des
25:18empires. Est-ce que c'était aussi un peu
25:20le but de votre travail, de vouloir raconter
25:22ce moment de bascule ?
25:24Entre la fin du XIXe siècle, l'avènement du
25:26XXe siècle, l'hyper-industrialisation,
25:28l'impérialisme, et puis
25:30ce moment de bascule.
25:32À la fois, je voulais raconter l'odyssée
25:34moyen-orientale de cette femme
25:36méconnue ou inconnue, et de l'autre,
25:38pour moi, il était essentiel de raconter
25:40la naissance du Moyen-Orient moderne et, quelque part,
25:42du monde moderne, en fait,
25:44qui se créait autour
25:46de la Première Guerre mondiale, en général,
25:48et en particulier dans la région.
25:50En fait,
25:52il y a à la fois la course de Gertrude
25:54et la course du Moyen-Orient.
25:56Donc, elle, on l'a dit, elle découvre
25:58l'Orient d'abord en Perse, et puis après,
26:00ça, on ne l'a pas dit, mais elle arrive à Jérusalem
26:02en 1899-1900,
26:04elle commence à apprendre l'arabe,
26:06deuxième épiphanie,
26:08beaucoup plus forte encore que la persane,
26:10la langue arabe, la civilisation arabe,
26:12pas tant l'islam, mais
26:14vraiment la civilisation arabe, et encore une fois,
26:16les Bédouins, donc elle commence à s'aventurer
26:18dans le désert, d'abord autour
26:20de Jérusalem, et puis après en Syrie,
26:22puis après en Arabie, puis après en Mésopotamie,
26:24donc ça, c'est sa propre course.
26:26Et en parallèle, le Moyen-Orient,
26:28à partir de la fin du XIXe,
26:30redevient le barycentre du monde, en fait.
26:32D'abord, il y a le percement
26:34du canal de Suez,
26:36qui entre en...
26:38qui commence à être
26:40en usage
26:42en 1869, d'abord français,
26:44puis les Britanniques
26:46font main basse
26:48sur le canal de Suez,
26:50et puis encore plus fondamentalement,
26:52c'est la deuxième révolution industrielle
26:54et l'émergence de l'économie pétrole.
26:56Et on peut rappeler l'importance du canal de Suez
26:58à cette percée ?
27:00Imaginez, avant, pour transporter
27:02des marchandises des Indes
27:04ou de la Chine, il fallait faire tout
27:06le tour de l'Afrique,
27:08ou alors débarquer les marchandises
27:10à un moment dans le Golfe Persique,
27:12traverser tout le Moyen-Orient,
27:14reprendre un bateau, donc là,
27:16vous imaginez, vous traversez
27:18l'isme de Suez, et vous êtes en Europe,
27:20donc ça divisé par trois,
27:22par quatre, la durée des transports.
27:24C'est là aussi la base de cette première mondialisation.
27:26Deuxièmement, donc, le pétrole,
27:28l'économie hydrocarburée,
27:30les premiers gisements,
27:32les premiers gisements,
27:34ça, c'est en Perse,
27:36mais on trouve un peu
27:38du pétrole,
27:40on trouve un peu du pétrole en Russie,
27:42évidemment, ça commence à être con,
27:44on ne veut pas faire l'histoire du pétrole maintenant,
27:46mais toujours est-il que,
27:48il suffit de se promener
27:50à l'époque dans les déserts
27:52de Mésopotamie ou d'Arabie, vous avez des nappes,
27:54des flaques de naft,
27:56de pétrole, tout simplement,
27:58et vous avez des géologues qui commencent à se balader
28:00parce que toutes les grandes puissances
28:02ont besoin de pétrole pour alimenter leur nouvelle
28:04économie. Donc, à la fois, vous avez
28:06la course de Gertrude qui se prend de passion
28:08pour les Arabes, le désert,
28:10et de l'autre, vous avez le Moyen-Orient
28:12qui revient au centre du jeu
28:14après des siècles d'éclipse.
28:16Et donc, comme Gertrude
28:18connaît parfaitement les déserts,
28:20et peut-être que c'est la meilleure connaisseuse,
28:22à ce moment-là, des tribus,
28:24parce qu'il y a la géographie, mais il y a aussi,
28:26évidemment, les hommes,
28:28les tribus, les dialectes,
28:30l'incroyable complexité
28:32de ces tribus, parce qu'il ne faut
28:34froisser personne.
28:36Et donc, lorsque
28:38les Britanniques arrivent en Mésopotamie,
28:40ils lancent une grande offensive,
28:42tout se passe bien au début, mais très rapidement,
28:44ils sont arrêtés, et ils vont devoir
28:46faire un appel à ces services.
28:48C'est comme ça que Gertrude débarque à Bassora,
28:50en mars 1916,
28:52avec cette mission-là,
28:54qu'elle doit faire,
28:56faciliter la progression des armées britanniques
28:58vers le nord.
29:00Et justement, il y a un personnage qui est très intéressant aussi dans votre roman,
29:02et qui va être un des hommes de sa vie, d'une certaine manière,
29:04c'est Sir Percy Cox,
29:06qui est le secrétaire
29:08de l'administration britannique,
29:10qui est le haut-commissaire,
29:12l'équivalent un peu du gouverneur en Mésopotamie.
29:14C'est gentil.
29:16Donc il va jouer un rôle très important,
29:18et là, ils ont une relation
29:20que je trouve très intéressante, parce qu'elle va être très évolutive,
29:22au début,
29:24très franchement, elle leur casse les pieds, à tous ces officiers,
29:26à tous ces
29:28administrateurs de des régions,
29:30comme ça, elle est casse-pieds,
29:32elle parle beaucoup, elle est à l'aise partout,
29:34on dit d'elle,
29:36c'est une femme, mais elle est plate comme une limande,
29:38et elle a un cerveau d'homme, enfin bref,
29:40elles ne correspondent pas du tout à l'image de la femme
29:42telle qu'ils l'entendent, d'ailleurs,
29:44elle ne devient pas du tout amie avec leur propre femme,
29:46qui, elles, sont censées faire des réceptions,
29:48etc., donc elle n'est pas du tout dans ce truc-là.
29:50Et puis, Persicoque,
29:52finalement, va en faire sa plus précieuse alliée,
29:54parce qu'il va...
29:56Il va comprendre
29:58qu'elle a des talents incroyables,
30:00qu'elle connaît incroyablement bien la région,
30:02et donc, en fait, il n'a pas d'autre choix
30:04que de travailler avec elle.
30:06Lui aussi, au début, est sceptique,
30:08tout simplement parce qu'une femme n'a jamais travaillé
30:10dans le monde colonial britannique,
30:12personne ne sait exactement d'où elle vient,
30:14elle n'a pas d'ordre de mission,
30:16elle n'appartient à aucune institution,
30:18donc il se demande qui est cette femme en pleine guerre,
30:20qu'est-ce qu'elle vient faire en Mésopotamie
30:22à ce moment-là. Par ailleurs,
30:24elle n'est pas très aimable non plus,
30:26elle a ce côté un peu premier de la classe.
30:28Lorsque ça ne va pas,
30:30comme elle a toutes ses relations à Londres,
30:32elle écrit aux secrétaires
30:34aux Indes ou aux secrétaires aux colonies,
30:36et donc, elle n'est pas toujours
30:38très bonne camarade.
30:40Et puis, il se rend compte aussi très rapidement
30:42qu'elle a une volonté de faire,
30:44et qu'elle veut
30:46faire sa place au soleil
30:48et qu'elle est prête
30:50à tous les moyens pour y parvenir.
30:52C'est ce que vous racontez très bien dans votre livre.
30:54On voit très bien toutes les intrigues, tous les enjeux,
30:56on voit très bien tous les jeux d'alliance
30:58qui sont absolument terrifiants
31:00et très bien comptés,
31:02et on voit très bien comment c'est un énorme jeu de dupe.
31:04D'ailleurs, je crois que vous dites à un moment
31:06que l'Asie britannique est un billard à mille bandes.
31:08On s'y perd totalement.
31:10Et elle, claire de rien,
31:12elle sait très bien ce qu'elle veut.
31:14Elle trace sa route.
31:16Elle manipule au passage.
31:18Elle manipule quand il faut manipuler.
31:20Elle use de ses contacts quand il faut.
31:22Elle est ambitieuse, tout simplement.
31:24Et elle a, en plus,
31:26une vision très précise
31:28de ce qu'elle va faire,
31:30de ce qu'elle va considérer comme son pays.
31:32Très clairement.
31:34Et en fait, dans le même temps,
31:36elle vote contre le droit de vote des femmes en Angleterre.
31:38Elle s'insurge contre les suffragettes.
31:40Elle dit que les femmes ne comprennent rien
31:42à la politique, à la diplomatie,
31:44la guerre, la paix, tout ça à leur écharpe.
31:46Et elle, justement, au Moyen-Orient,
31:48se pique des politiques et devient diplomate.
31:50Elle se considère comme l'égale d'un homme.
31:52Elle devient plus que diplomate.
31:54Elle est vraiment chef des renseignements.
31:56Donc, comme elle a ses connaissances des hommes,
31:58comme elle a conscience,
32:00comme elle connaît les susceptibilités
32:02des uns des autres,
32:04mais elle s'est aussi appâtée, elle s'est récompensée,
32:06elle s'est punie, elle s'est menacée,
32:08c'est une chef des renseignements.
32:10Et donc, c'est la centrale du pouvoir
32:12à Bassora un petit peu,
32:14et puis très rapidement à Bagdad.
32:16Tout passe, tout filtre.
32:18Elle est le grand filtre, en fait,
32:20de l'administration britannique en Mésopotamie.
32:22Alors, justement, arrivons en Mésopotamie,
32:24ce pays, que vous dites, région aussi mythique
32:26que me dites,
32:28cette région qui a été le jardin d'Éden
32:30et le jardin d'Allah,
32:32qui redevient le barycentre
32:34du Moyen-Orient
32:36et l'enjeu de multiples
32:38désirs de conquête.
32:40Et elle a un dessin
32:42très très précis pour cette région.
32:44Et elle va tout mettre en place
32:46pour que ça devienne,
32:48quitte à s'aveugler un peu
32:50et à...
32:52beaucoup...
32:54Au départ,
32:56elle change, en fait.
32:58C'est sur la vision
33:00de l'empire
33:02du viceroy des Indes,
33:04qui régit
33:06l'autre hémisphère
33:08de l'empire britannique.
33:10En fait, c'est quasiment une monarchie
33:12bicéphale, l'Angleterre, enfin le Royaume-Uni à l'époque.
33:14Et l'idée,
33:16c'est de, finalement,
33:18d'offrir une colonie à la colonie.
33:20Et donc, il y a des plans extraordinaires
33:22à l'époque.
33:24Il s'agit de
33:26de reverdir, quelque part,
33:28la Mésopotamie antique.
33:30On en revient à la base de la Mésopotamie, c'est-à-dire le pays
33:32entre les deux fleuves, le grenier à blé
33:34de l'Orient antique.
33:36Et donc, l'idée, les Britanniques l'ont déjà fait.
33:38Ce qui va devenir le Pakistan.
33:40Ils font des barrages sur l'Indus.
33:42Et l'idée, donc,
33:44c'est de travailler ces deux fleuves,
33:46le Tigre
33:48et le Frat,
33:50reverdir toute la région,
33:52faire venir des centaines de milliers de
33:54colonnes des Indes.
33:56Et de manière, en fait,
33:58à ce que la Mésopotamie nourrisse
34:00l'Empire des Indes.
34:02C'est le point de départ. C'est la vision de départ.
34:04Elle, elle souscrit à cette vision.
34:06Mais rapidement, elle se rend compte qu'à la fin de la guerre,
34:08l'Angleterre n'a pas les moyens
34:10d'un tel projet. L'Angleterre
34:12est exsangue. Et que, surtout,
34:14les populations locales n'en veulent pas.
34:16Mais ce n'est pas pour autant
34:18qu'elle est... Enfin, ce serait une lecture
34:20tout à fait fausse d'imaginer
34:22qu'elle va favoriser l'indépendance
34:24des Arabes, de l'Irak.
34:26C'est une vision tout à fait
34:28fausse. Elle va trouver
34:30un espèce de compromis.
34:32Alors, c'est ce que je raconte un peu
34:34dans le livre. Moi, j'ai peut-être un peu
34:36trop étudié l'Empire britannique. C'est la gestion
34:38à la Nigerian. Donc, la gestion
34:40de Nigerian, c'est vous mettez
34:42un souverain plus ou moins fantoche, mais qui a
34:44une légitimité, et le
34:46colonisateur n'apparaît jamais.
34:48Il est toujours en...
34:50Il est toujours au deuxième rang.
34:52Le souverain est un peu la
34:54marionnette, et il ne s'occupe surtout pas
34:56ni de diplomatie,
34:58ni de guerre, ni de finances.
35:00Une espèce de... Oui,
35:02une marionnette. Et donc, elle va
35:04se mettre en quête d'un souverain.
35:06Mais, encore une fois,
35:08autant elle aime
35:10la région, elle connaît la civilisation
35:12comme personne, elle connaît la langue comme
35:14personne, ou les langues comme personnes,
35:16mais elle
35:18reste l'agent zélé
35:20de l'Empire britannique.
35:22Et donc, elle va faire la connaissance
35:24de ce fameux prince
35:26Faisal. Elle jette un peu
35:28son dévolu sur lui, non pas amoureusement,
35:30mais politiquement, et elle
35:32va décréter qu'il sera
35:34le premier roi d'Irak,
35:36et elle va parvenir à ses fins.
35:38Elle va parvenir à ses fins.
35:40Alors, Faisal, c'est le
35:42grand copain de Laurence.
35:44C'est lui qui mène la révolte arabe.
35:46Donc, c'est un prince hachémite,
35:48famille qui règne toujours
35:50sur la Jordanie
35:52aujourd'hui, mais qui est originaire
35:54d'une région de l'Arabie saoudite.
35:56Et,
35:58Laurence s'en tiche rapidement
36:00de Faisal, et elle, au départ, elle est
36:02assez sceptique. Et puis, à un moment, elle comprend
36:04justement qu'il faut ce souverain
36:06marionnette, et
36:08de par sa lignée, c'est-à-dire
36:10un descendant direct du prophète,
36:12elle estime, en fait, que
36:14lui seul est capable de
36:16régenter la Mésopotamie. En fait, les Britanniques
36:18font exactement ce que les Européens ont fait,
36:20en tout cas, les grandes dynasties européennes ont fait
36:22en Europe au XIXe siècle. Par exemple,
36:24lorsque la Grèce est indépendante, on va mettre
36:26à la tête de la Grèce un souverain bavarois.
36:28Vous avez une famille allemande,
36:30et après, ce sera un prince
36:32danois. En Roumanie, vous avez aussi une famille
36:34allemande. Donc, l'idée,
36:36voilà, c'est un petit peu
36:38une espèce de Tetris royal,
36:40on prend un prince, et lorsque Faisal
36:42arrive à Bagdad, il n'a jamais mis les pieds en Mésopotamie,
36:44il ne connaît absolument rien au pays,
36:46il est sunnite, la majorité
36:48est chimique, et en fait, le vert était
36:50déjà dans le fruit, c'est-à-dire qu'à un moment,
36:52et c'est ça qui m'intéressait fondamentalement,
36:54c'est qu'en fait, elle va céder à la démesure.
36:56C'est-à-dire qu'à un moment,
36:58elle se dit, je vais créer un nouveau monde.
37:00Et il y a des lettres, justement, que je cite, ça c'est pas une invention,
37:02où elle se voit comme la sage-femme
37:04d'un nouveau monde, la sage-femme d'un nouveau pays.
37:06Elle est presque un peu éliminée, d'ailleurs, à ce moment-là.
37:08Elle est souvent assez éliminée,
37:12que ce soit dans ses amours, que ce soit dans ses emportements,
37:14dans sa tristesse,
37:16et particulièrement lorsqu'il s'agit
37:18de faire naître
37:20ce nouveau pays,
37:22ce nouveau royaume.
37:24Ce que vous racontez aussi très bien, je trouve,
37:26dans ce découpage
37:28très arbitraire de cette région,
37:30entre les Britanniques,
37:32les Français, les Américains,
37:34qui s'en mêlent un peu, mais finalement...
37:36qui regardent...
37:38Ils ont compris très rapidement
37:40que ça allait être
37:42la clé, le noyau du monde, bien sûr.
37:44Et donc vous dites, en fait,
37:46ils sont en train de poser des frontières
37:48sur les dunes et sur le sable.
37:50Et ça, évidemment, on se dit, mais comment
37:52on pose des frontières sur les dunes et sur le sable ?
37:54Donc c'est totalement arbitraire.
37:56Cette région est découpée
37:58d'une manière assez
38:00folle, et il en découle
38:02évidemment de nombreux problèmes
38:04que nous connaissons encore aujourd'hui.
38:06Et donc le parallèle qu'on voit
38:08se produire aujourd'hui dans cette région du monde
38:10est assez vertigineux.
38:12Et vous faites aussi souvent le parallèle
38:14avec l'Europe centrale. Vous dites, on a fait la même chose
38:16en Europe centrale.
38:18Des empires, finalement, on a
38:20mis fin aux empires, on a créé
38:22des mini-empires, où le fameux État-nation...
38:24J'aimerais bien que vous nous parliez un peu de votre
38:26point de vue là-dessus.
38:28On ne peut pas succéder à des empires.
38:30L'Empire ottoman a duré
38:32cinq siècles. Avant l'Empire
38:34ottoman, il y avait l'Empire
38:36perse, il y avait l'Empire abbasside,
38:38il y avait les Oméades, il y avait...
38:40Et en fait, ce sont des régions
38:42qui n'ont jamais fonctionné par ethnie.
38:44C'était essentiellement des empires
38:46religieux ou des empires
38:48civilisationnels. Et après la première
38:50guerre mondiale, il a fallu...
38:52Exactement comme en Europe centrale et orientale,
38:54où au fond, là aussi, il n'y avait
38:56que des empires.
38:58On voit bien depuis un siècle que toutes les crises
39:00viennent justement de ces pays qui ont succédé
39:02aux grands empires. L'Empire austro-hongrois,
39:04l'Empire russe et l'Empire
39:06ottoman.
39:08Les Européens se retrouvent
39:10les vainqueurs en tout cas.
39:12Chacun veut sa part du gâteau. Les Français
39:14estiment qu'ils se sont sacrifiés
39:16assez justement d'ailleurs sur le
39:18front occidental, beaucoup plus que les Britanniques.
39:20Et donc, ils ont droit
39:22à une récompense au Moyen-Orient
39:24qui va être
39:26la Syrie dont ils vont détacher
39:28le Liban. Les Britanniques répondent
39:30aux Français
39:32c'est vrai, mais sans nous...
39:34C'est nous qui avons fait la guerre au Moyen-Orient
39:36et donc sans nous, vous ne nous poseriez
39:38même pas la question d'avoir
39:40votre gâteau syrien et libanais.
39:42Et donc, ils vont se disputer pendant des mois,
39:44des mois et des mois.
39:46Et à un moment, ils sont bien obligés
39:48à la fois de réduire leurs ambitions les uns comme les autres
39:50donc de trouver un espèce de compromis.
39:52Et ce que je trouvais assez intéressant
39:54mais ça, je l'ai plutôt découvert
39:56en lisant,
39:58c'est la façon, la désinvolture
40:00en fait, la nonchalance absolue
40:02avec laquelle
40:04ces frontières
40:06ont été créées.
40:08En gros, je parlais de cette fameuse
40:10conférence du Caire en mars
40:121921
40:14je l'ai dit, à la tête
40:16du ministère, du secrétariat
40:18aux colonies, vous avez
40:20le jeune Churchill
40:22qui lui n'a qu'une obsession, c'est remplacer son père.
40:24Enfin, il veut faire mieux que son père ou au moins
40:26faire aussi bien
40:28qui est arrivé jusqu'à la chancellerie de
40:30l'échiquier, donc le ministère des
40:32finances britannique. Et en plus, le père
40:34de Churchill est mort jeune et Churchill est persuadé
40:36qu'il va aussi mourir très jeune.
40:38Donc, il est dans cette espèce de court-poursuite
40:40avec un fantôme et
40:42il se dit que finalement,
40:44pour le meilleur moyen d'arriver
40:46à l'échiquier, c'est de montrer
40:48à Lloyd George, donc le premier ministre
40:50de l'époque, qu'il est capable de faire des économies.
40:52Donc, il réunit les 40 voleurs
40:54au cœur
40:56et la consigne,
40:58c'est de trouver la solution
41:00j'ai appelé ça un empire discount
41:02en fait, c'est-à-dire garder la mamie
41:04sur tous ces territoires en payant
41:06le moins possible, qui est le moins de charges, en réduisant
41:08un maximum le nombre d'hommes sur place
41:10tout en continuant à tirer les ficelles.
41:12Donc, il leur dit très clairement, il ne s'agit pas
41:14de sauver le monde et encore moins de créer
41:16le meilleur des mondes, mais de trouver une espèce
41:18de solution ad hoc qui permette
41:20en fait, la
41:22cohabitation, quelque part,
41:24la quadrature du cercle.
41:26Et pendant la semaine
41:28durant laquelle se déroule
41:30la conférence, lui assiste
41:32aux discussions et mène les discussions
41:34le matin et l'après-midi,
41:36il prend son chevalet, vous savez que
41:38Churchill était un grand peintre,
41:40son nom d'artiste
41:42était Charles Morin, et donc
41:44tous les après-midi, il prend son chevalet,
41:46il va peindre aux pyramides. Et quand il ne peint pas aux pyramides,
41:48il écrit ses mémoires de guerre.
41:50Donc, c'est comme ça que se crée le Moyen-Orient.
41:52Et je dis ça,
41:54moi, il n'y a jamais,
41:56je ne suis absolument pas là pour juger,
41:58je trouve assez fascinant, moi, simplement
42:00raconter. Après, tout le monde est suffisamment grand pour juger,
42:02penser ce qu'il veut.
42:04Mais revenir justement
42:06un petit peu aux origines
42:08de cette région
42:10qui n'a jamais cessé
42:12de s'enflammer, finalement, depuis
42:14un siècle, la façon
42:16dont ça a été fait, et de remettre au sens
42:18justement cette femme,
42:20je trouvais intéressant
42:22d'écrire sur une femme impérialiste,
42:24comme vous l'avez dit, un personnage extrêmement complexe
42:26qui est à peu près inclassable,
42:28au fond. Et qui aura
42:30un destin
42:32assez tragique et cruel,
42:34même, je trouve. Est-ce qu'on évoque
42:36brièvement sa vie amoureuse qui est
42:38absolument désastreuse
42:40tant elle est douée pour choisir
42:42les mauvais compagnons de route ?
42:44Elle tombe trois fois amoureuse
42:46de trois hommes impossibles, voire
42:48interdits, qui mourront
42:50dans des conditions tragiques.
42:52Vous n'avez pas raconté tout. Non, je n'ai pas tout raconté.
42:54Non, non, non. Mais je trouvais intéressant
42:56quand même cet aspect de l'histoire que vous racontez
42:58très bien. Mais c'est aussi
43:00la dimension romanesque
43:02de cette histoire.
43:04Donc il y a l'impérialiste,
43:06la voyageuse, l'alpiniste,
43:08l'aventurière, tout ce qu'on veut.
43:10Une montagne porte son nom d'ailleurs en Suisse. Absolument.
43:12De l'Aubergne.
43:14Exactement.
43:16La Gertrude Spitzer
43:18qui est incroyablement reine.
43:20C'est une grande alpiniste.
43:22Les alpinistes
43:24qui ont gravi des montagnes américaines
43:26n'en revenaient pas que ce petit bout de femme
43:28très mince
43:30ait cette force
43:32et cette endurance.
43:34Elle a un courage incroyable.
43:36Après oui, les amours
43:38c'est moins son truc.
43:40C'est sûr.
43:42C'est une femme
43:44empêchée
43:46on va dire par les interdits
43:48et toute
43:50cette folie quelque part
43:52dont les victoriens avaient de
43:54voir et de traiter
43:56et d'éduquer les femmes. Avec ce rapport
43:58au plaisir, à la chair,
44:00au corps totalement
44:02fou en fait.
44:04Et donc elle est empêtrée là-dedans.
44:06Elle n'arrivera jamais à
44:08s'en libérer. Alors elle est effacée
44:10de l'histoire. Laurence d'Arabie prend
44:12beaucoup de place. Laurence d'Arabie
44:14en plus va donner lieu en 62
44:16je crois au film de David Lin
44:18que vous connaissez bien sûr.
44:20Qui va encore accroître
44:22sa renommée.
44:24Mais elle laisse
44:26quand même des traces.
44:28Justement dans cette partie
44:30du monde, en Mésopotamie
44:32puis en Irak, puisque ça devient Irak en
44:341921. Elle est
44:36reconnue par les Arabes comme la femme
44:38britannique la plus influente.
44:40Et puis elle va laisser une autre trace
44:42qui est le premier musée archéologique de Bagdad
44:44qui s'ouvre je crois en 26
44:46c'est-à-dire au moment où elle disparaît.
44:48Elle va à peine voir le musée naître.
44:50C'est un petit musée au départ
44:52et puis ça va devenir
44:54avec celui du Caire le musée
44:56le plus important d'archéologie
44:58archéologique d'Antiquité du
45:00Moyen-Orient. Mais
45:02comme tout je dirais
45:04avec Gertrude Bell
45:06déjà
45:08la postérité effectivement n'a pas été très tendre
45:10avec elle mais elle n'a pas écrit le chef-d'oeuvre
45:12de Laurence. Elle n'a pas écrit l'équivalent
45:14des Sept Piliers de la Sagesse.
45:16Les Sept Piliers de la Sagesse
45:18ont donné naissance
45:20au film Laurence d'Arabie
45:22qui a propulsé Laurence
45:24dans la mythologie mondiale
45:26ou au moins occidentale.
45:28Et puis
45:30Laurence est associée à une révolte. Donc une espèce
45:32de geste héroïque
45:34alors qu'elle est
45:36associée à juste titre à la création
45:38d'une espèce de monstre géopolitique
45:40qui va être décapité
45:42par une révolution ultra-violente en
45:4458. Et les
45:46Irakiens, en tout cas les Kouchistes
45:48assassinent la famille royale
45:50qu'elle a mise sur le trône.
45:52Le premier ministre de l'époque
45:54qui est un compagnon de Roun
45:56de Fessal est assassiné
45:58enterré, déterré, dépecé
46:00son torse est traîné
46:02à l'arrière d'un pare-choc
46:04dans les rues de Bagdad.
46:06C'est ça qu'il reste quand même.
46:08Il reste très peu de choses
46:10de ce royaume irakien.
46:12Et puis ensuite l'Irak ne sera
46:14qu'une source d'instabilité pour
46:16toute la région en permanence. Inutile
46:18de rappeler Saddam Hussein, les guerres du Golfe,
46:20les invasions, etc.
46:22Donc
46:24son enfant
46:26n'est pas
46:28une immense réussite.
46:30C'est aussi les raisons pour lesquelles
46:32elle a
46:34un petit peu disparu.
46:36Et comment expliquez-vous alors, moi je l'ai découvert,
46:38je ne l'ai pas vu, mais je crois que vous l'avez vu vous récemment,
46:40que Werner Herzog lui consacre
46:42un film en 2015, on ne sait pas très peu,
46:44qui s'appelle La reine du désert,
46:46je crois, ce qui était le nom
46:48que les arabes lui donnaient.
46:50Oui, je ne l'ai vu pas plus tard qu'il n'y aura pas dit
46:52parce que ça fait des années que je veux
46:54le voir. Je refusais de le voir
46:56parce que je ne voulais surtout pas être influencé par la
46:58vision d'Herzog et parce qu'on me pose
47:00régulièrement cette question, donc je l'ai vu.
47:02Alors je ne sais pas ce que Herzog est allé faire
47:04dans cette galère, mais alors c'est
47:08très étrange comme film.
47:10Nicole Kidman n'est pas du tout...
47:12Oui, le casting est un peu difficile.
47:14Le casting est incroyable, mais elle n'est pas du tout...
47:16Elle n'est pas crédible.
47:18Non, elle ne souffre pas assez,
47:20elle n'est pas assez complexe,
47:22elle est Nicole Kidman.
47:24Elle n'est pas assez passionnée.
47:26Oui, mais il y a...
47:28Et puis toute la dimension politique,
47:30il y a une espèce de mélange, mais c'est impossible.
47:32Il a essayé de raconter
47:34l'histoire de Gertrude à travers ses histoires d'amour
47:36en 1h45.
47:38Et uniquement à travers ses histoires d'amour.
47:40Essentiellement.
47:42Mais en jouant
47:44trop
47:46avec...
47:48Ce n'est plus la vie de Gertrude et c'est encore moins
47:50l'histoire de la région.
47:52Ce n'est pas ce film qui va la faire passer à la postérité.
47:54En revanche,
47:56Mésopotamia.
47:58Je vous recommande vivement la lecture.
48:00Et je dois dire, j'ai été un peu intriguée
48:02par la jaquette du livre.
48:04Parce que moi, d'abord,
48:06je suis un peu myope, il faut dire.
48:08Je vois Laurence d'Arabie sur le chameau.
48:10Et je me dis, comment c'est possible ?
48:12Alors que justement, non.
48:14Regardez attentivement,
48:16on voit une jolie mèche rousse
48:18sur le voile, on voit une jambe assez galbée
48:20avec un joli petit soulier.
48:22Donc, même s'il aimait se déguiser.
48:24Oui, ce qui aurait pu être le soulier de Laurence.
48:26Même s'il aimait se déguiser.
48:28Et la mèche aussi, d'ailleurs.
48:30Il était très blond.
48:32C'est bien Gertrude.
48:34A priori, c'est elle.
48:36Donc, merci d'avoir rendu
48:38hommage à cette femme incroyable.
48:40Je vous invite vraiment à découvrir le destin
48:42fascinant.
48:44C'est une héroïne fascinante.
48:46Et je trouve que vous avez quand même
48:48fait un vrai tour de force littéraire
48:50que de mêler son destin à l'histoire
48:52tellement complexe de cette partie du monde.
48:54Et voilà. Donc, merci
48:56beaucoup pour ce roman.
48:58Merci à vous, merci à tous.
49:00Merci.
49:02Applaudissements.
49:04Applaudissements.
49:06Applaudissements.
49:08Et je propose bien sûr à notre public
49:10de vous poser des questions s'il y en a.
49:12Y a-t-il des questions dans le public ?
49:14Est-ce qu'il y en a, les tâches politiques
49:16Est-ce qu'on peut parler d'héritage politique ?
49:22Une bonne partie du chaos
49:24Moyen-Oriental, on le lui voit quand même.
49:26C'est pas négligeable.
49:28Si on parle de politique,
49:30oui. Si on parle archéologique,
49:32il y a le musée.
49:34Mais non, la postérité
49:36a pas été très tendre.
49:38C'est une faiseuse de rois et elle s'est trompée.
49:40Peut-être que simplement la mission était impossible.
49:42Alors, est-ce qu'elle est pas à l'origine du bordel que c'est ?
49:44Pardon ?
49:46Est-ce qu'elle est peut-être à l'origine du bordel que c'est ?
49:48Entre autres, oui.
49:50Enfin, elle est pas la seule, mais...
49:52Non, non.
49:54Elle a l'une des chevilles ouvrières, absolument.
49:56Madame ?
49:58C'était sur un plan thermo-littéraire
50:00qui passait l'été
50:02avec Alessandre Dumas et...
50:04C'est la liberté...
50:06Je sais pas si vous m'entendez.
50:08Non.
50:10Il y a une liberté dans la fiction
50:12énorme.
50:14Et puis, vous avez tout un contexte
50:16historique, donc vous avez bien recherché.
50:18C'est une question
50:20un peu idiote, mais comment est-ce qu'on
50:22fait ça ? C'est-à-dire, est-ce qu'on s'imprègne
50:24à une époque, une atmosphère
50:26d'humour ?
50:28Et ensuite, on remplit...
50:30Et ça, c'est le romancier.
50:32On remplit les blancs ?
50:34On fait des liaisons
50:36entre les événements, entre les personnages ?
50:38Je travaille
50:40un peu comme un réalisateur de biopic,
50:42en fait. Mais après,
50:44j'ai un côté totalement obsessionnel, c'est-à-dire que
50:46pendant 4 ans, je n'ai lu que des romans écrits
50:48entre 1880 et 1930.
50:50De manière, en fait, à ce que
50:52quasiment ça devienne mon univers.
50:54C'est-à-dire, pour...
50:56Souvent, quand
50:58on se lance dans un roman
51:00à dimension historique,
51:02il y a tellement de matière, parce que
51:04vous avez des catalogues, parce que vous avez des expositions,
51:06parce que vous découvrez la mode de l'époque,
51:08ce qu'ils mangeaient, etc.
51:10Je pense que ça, c'est un grand danger.
51:12C'est pour ça que ça prend aussi un certain temps.
51:14En fait, c'est que ça devient presque naturel.
51:16Quand vous lisez un roman contemporain,
51:18on ne vous décrit pas nécessairement la marque
51:20de la voiture, le bruit que ça faisait,
51:22qu'est-ce qu'on mangeait. Il y a une espèce de proximité.
51:24Et c'est peut-être ça
51:26le travail le plus
51:28difficile. Ensuite, pour répondre vraiment
51:30à votre question,
51:32oui, c'est plus un travail de mise en scène
51:34quelque part. C'est plus un travail
51:36de mise en scène. Donc, il y a certaines scènes
51:38que j'ai inventées, mais comme un metteur en scène,
51:40j'ai inventé certaines scènes.
51:42Tout en gardant, en étant
51:44le plus précis possible concernant
51:46la grande histoire et aussi la trajectoire
51:48de Gertrude, puisqu'elle a
51:50des vraies responsabilités politiques.
51:52Après, j'ai une certaine
51:54liberté. Enfin, je m'offre une certaine
51:56liberté.
51:58Monsieur ?
52:00Je suis assez intrigué
52:02par la partie
52:04liée à
52:06l'intimité,
52:08tout ce qui touche à la personne
52:10intime de Gertrude.
52:12Et je vous pose
52:14la question, comment vous avez pu
52:16remplir justement
52:18toutes ces parties-là, en entrant
52:20vraiment dans l'intimité de cette femme.
52:22Alors, vous avez eu suffisamment
52:24de textes, suffisamment
52:26de correspondances ?
52:28On pourrait,
52:30d'ailleurs, il y a des recueils de lettres.
52:32Gertrude appartient à cette
52:34génération qui écrivait
52:36tout le temps, en fait. Et donc, il y a
52:38des centaines et des centaines et des centaines
52:40de lettres.
52:42Des lettres d'amour, des lettres au père,
52:44des lettres aux amis. Et donc,
52:46c'est relativement simple, quand on
52:48est patient, de la suivre à la trace,
52:50d'être très prêt, enfin, d'entrer
52:52dans sa psychologie
52:54au fil du temps.
52:56Ah oui, oui, oui, absolument.
52:58Et les passages de lettres
53:00que je cite, je ne les ai pas inventés.
53:02Il y a quelques lettres que j'ai
53:04inventées, mais très très peu.
53:06Et en général, ces lettres sont fondées
53:08sur une espèce de compilation
53:10de correspondances. Mais c'est
53:12au plus proche de la réalité. Et les Trois Amants
53:14ont existé, bien sûr.
53:20Monsieur ?
53:22Il y a une photo qui présente
53:24Laurence Larrabie et Louis Massignon
53:26à Jérusalem.
53:28Est-ce que tu as vu ça ?
53:30Parce que, c'est vrai qu'ils n'aimaient pas
53:32la France, mais le grand orientaliste,
53:34le seigneur de l'époque,
53:36le français, c'est Louis Massignon.
53:38Est-ce qu'il joue un rôle ?
53:40Parce qu'il est dans la bibliographie.
53:42Tout à fait.
53:44Massignon, alors,
53:46je ne pouvais pas mettre les centaines de noms
53:48qu'il aurait fallu faire
53:50figurer dans un
53:52livre d'histoire, mais Massignon
53:54avait, une de ses missions
53:56était de surveiller Laurence.
53:58Et les deux se détestaient.
54:00Et il y a une citation
54:02que je prête à un expert du Quai d'Orsay
54:04qui est en fait une citation de Massignon
54:06précisément, sur Laurence,
54:08à la fois sur ce qu'il bricole
54:10au Moyen-Orient, la façon
54:12dont il perçoit la personnalité
54:14de Laurence, et les deux
54:16hommes se détestaient copieusement.
54:18Pourtant, ils ont eu le même genre d'épiphanie en Orient,
54:20quelque part, et Laurence et Massignon.
54:22Mais probablement qu'ils étaient trop proches
54:24pour pouvoir s'apprécier.
54:28Et puis, il détestait les Français.
54:30Massignon aimait plus les Français
54:32que Laurence, mais justement,
54:34oui, il y avait
54:36une inimitié aussi
54:38de Français à Britannique et vice-versa.
54:42Une dernière question
54:44dans la salle. Oui, madame.
54:46Est-ce que votre livre pourrait être
54:48adapté pour la télévision ?
54:50Est-ce que ça pourrait être une série ou un documentaire ?
54:52Si vous connaissez
54:54un producteur qui fait lâcher 100 millions
54:56d'euros pour financer une grande
54:58fresque... Cinq saisons, je crois, minimum.
55:00Minimum. Peut-être,
55:02pourquoi pas, pourquoi pas.
55:04Je ne veux rien dire.
55:06Documentaire, c'est moins cher, mais c'est moins amusant.
55:08C'est moins drôle.
55:12Ça arrivera peut-être, je ne sais pas.
55:14C'est trop tôt pour le dire.
55:16Oui, monsieur.
55:18J'ai compris que Nicole Kidman n'était pas adaptée,
55:20mais ça serait qu'à l'actrice en ce moment.
55:22Ah oui, quel serait le casting idéal ?
55:24Mon casting idéal ?
55:28Moi, je me disais Maggie Smith
55:30jeune, ça aurait été super.
55:32Françoise Fabian ?
55:34Qui a dit Françoise Fabian ?
55:36Ah, le professeur Bourrel.
55:38Un amoureux, sans doute.
55:42Très difficile.
55:44Non, là, j'avoue, je sèche.
55:46Je ne suis pas allé jusque-là
55:48dans mes réflexions.
55:50Ça serait allé un peu vite en besogne, je pense.
55:52Là, il s'occupe de la sortie du livre,
55:54de venir nous en parler, à nous et à d'autres.
55:56Je ne fais pas encore le casting.
55:58Il pourrait jouer Churchill.
56:00Dans un deuxième temps, il va s'intéresser au casting.
56:02Et justement,
56:04là, c'est trop tôt. Je pense que vous êtes encore
56:06vraiment sur les braises
56:08de ce livre.
56:10Vous avez déjà un projet
56:12de roman ou un sujet.
56:14J'ai un projet
56:16de roman contemporain
56:18qui ne nécessitera pas 4 ans
56:20de lecture.
56:24L'intrigue dans ma tête est déjà ça.
56:26J'ai beaucoup de notes, mais je n'ai pas commencé à écrire.
56:28Et je dois aussi écrire
56:30un dictionnaire amoureux de l'Europe.
56:32Est-ce que votre prochain roman a aussi
56:34un personnage central, très fort,
56:36comme c'était le cas pour Mengele, comme c'est le cas pour Mésopotamia ?
56:38Peut-être.
56:40D'accord. On va prendre patience
56:42avec votre éditeur.
56:44Merci beaucoup.