• il y a 2 mois
La fête de l'Humanité donne Carte Blanche à Judith Godrèche, actrice et scénariste, dont les révélations ont relancé #meTooCinema.

Animé par Kareen Janselme, journaliste à l'Humanité, et Michaël Mélinard, chef adjoint du service culture de l'Humanité.

Crédit photo : © Magali Bragard/L'Humanité

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Transcription
00:00...
00:24J.Gaudrèche, nous sommes très heureux de vous recevoir
00:27pour la 1re fois à la Fête de l'Humanité.
00:29Vous êtes comédienne, scénariste, réalisatrice, romancière
00:33et depuis quelques mois, vous êtes devenue
00:35l'une des figures du mouvement MeToo en France.
00:38Comment avez-vous endossé cette nouvelle stature ?
00:45Euh, écoutez... Ah, ouais !
00:47Euh... Bah, ça...
00:50...
00:56Pardon, excusez-moi.
00:57Écoutez, comment j'ai endossé cette nouvelle stature ?
01:01Avec des hauts et des bas
01:04et en essayant de faire avancer les choses
01:07à mon humble niveau, mais en même temps,
01:11je suis juste une chaîne du maillon.
01:14Et voilà, il se trouve que...
01:18Malheureusement, d'ailleurs,
01:20quand on dit que quelqu'un est la figure de MeToo,
01:23on se dit, zut, alors pourquoi faudrait-il...
01:26Pourquoi faudrait-il dire qu'il y ait une figure de MeToo ?
01:29Ca veut bien dire que, dans le fond,
01:31il faut toujours recommencer,
01:33comme si on recommençait à chaque fois à zéro, en fait.
01:39Alors, dès votre 1re prise de parole en France,
01:42euh...
01:44Quand vous avez nommé la violence que vous avez subie,
01:48quand vous avez nommé aussi les agresseurs,
01:51des femmes se sont adressées à vous.
01:55Elles vous ont envoyé leurs témoignages.
01:58Elles vous ont donné leur confiance.
02:01Comment l'avez-vous accueillie ?
02:05Oui, en fait,
02:08des femmes et des hommes,
02:10c'est important de...
02:12de parler d'eux aussi, d'ailleurs, parce que...
02:15je pense...
02:17C'est extrêmement, extrêmement difficile
02:21pour un homme de...
02:23de...
02:25dire qu'il a été victime de VSS.
02:28Et oui, j'ai reçu des témoignages, voilà,
02:31qui se trouvent que,
02:33à partir du moment où les gens s'adressent à vous
02:37en pensant qu'ils peuvent vous faire confiance,
02:40c'est une responsabilité.
02:42On peut, ben, se dire,
02:45ben, voilà, on m'a donné cette confiance,
02:48on m'a écrit, mais...
02:50je peux pas faire grand-chose,
02:53ou alors on peut se dire, ben, voilà,
02:55je suis quelqu'un de privilégié,
02:57quelqu'un qui, quand elle demande
02:59à aller parler à la télévision et reçu,
03:01demande ou envoie un manuscrit tout simplement,
03:05d'ailleurs, à un éditeur élu,
03:07il y a tellement de personnes
03:09qui aimeraient pouvoir être entendues,
03:11qui cherchent à s'exprimer,
03:13ou qui sont tout simplement invisibilisées par la société,
03:17qui me semblaient...
03:19ça me semblait être la moindre des choses
03:21à mon niveau d'essayer de leur donner,
03:24de leur rendre hommage
03:26à travers un film,
03:28un film parce que c'est...
03:31l'art que j'utilise
03:33pour transcender ce que je vis,
03:36ou mes souffrances, ma solitude,
03:38mes blessures,
03:40et que c'est mon moyen d'expression.
03:42Et donc, voilà,
03:44j'ai réalisé un court-métrage qui s'appelle Moi aussi.
03:48Et mille des cinq mille personnes
03:52qui m'ont écrit
03:54sont venues occuper une avenue de Paris avec moi le 23 mars.
03:57Et nous avons donc fait ce court-métrage
04:00qui s'est retrouvé être sélectionné
04:03au Festival de Cannes.
04:06Applaudissements
04:08...
04:10...
04:12...
04:14...
04:16...
04:19Dans les manifestations où vous vous rendez,
04:22je pense à celle d'Huimard,
04:24celle d'Alerte féministe
04:26avant les élections à l'Assemblée,
04:28aux places de la République encore plus récemment,
04:32la jeunesse vient vers vous.
04:34Vous incornez un...
04:36Vous incarnez un espoir,
04:38un combat.
04:40Comment...
04:43Comment on fait pour être à la hauteur de cette attente,
04:46Notamment de cette jeunesse
04:57Qui est là
05:01Écoutez
05:03En fait c'est assez étrange parce que quand vous me dites ça je renverse ça me fait je renverse les choses dans ma tête la manière dont j'entends ça pour moi c'est plutôt que c'est moi qui compte sur les autres
05:27Oui bah oui forcément d'abord on fait les choses pour soi
05:32On donne parce qu'on a besoin de donner
05:36On donne parce qu'en donnant on se sent moins seul
05:41D'ailleurs quand on se met à mener un combat je pense qu'on se dit aussi ou qu'on se retrouve aussi dans un système ou même par moment moi je me dis mais si j'arrête de me battre comment je vais faire pour rester debout
05:55C'est devenu mon moteur aussi
06:00A travers ce combat dans le fond et cette énergie et ce mouvement en avant je n'ai même pas le temps de m'asseoir et de sentir l'anéantissement d'un vécu ou d'une réalité ou d'une solitude
06:16Donc dans le fond je fais, je fais, je fais, je fais j'ai surement très très peur d'arrêter de faire
06:25C'est très angoissant quand on se retrouve dans cette espèce de vide inter sidéral de sa chambre et de sa réalité
06:34Donc j'ai ce privilège là encore une fois
06:40Ces personnes qui sont là et qui m'écoutent elles sont là, c'est à moi qu'elles donnent
06:47Je veux dire c'est pas, je trouve ça compliqué d'imaginer que les gens font les choses de manière complètement juste par complète abnégation et don de soi
06:58Le soutien de toutes les personnes anonymes qui à travers ma parole se retrouvent l'espace d'un instant, ce soutien là est une importance vitale pour moi
07:12Donc c'est pas, voilà
07:15Oui c'est une rencontre en fait
07:17Alors ça va être un peu difficile cette question, pour une femme en général c'est difficile de prendre la parole dans notre société, on lui laisse pas toujours la place
07:38Et bien plus encore quand elle dénonce
07:43Mener un combat à un prix, vous le dites souvent, est-ce que vous ressentez en ce moment un retour de bâton ?
07:52En fait bah oui évidemment je ressens un retour de bâton et puis c'est à partir du moment où on prend la parole publiquement et c'est très compliqué les choses, on fait face à d'abord de l'adversité forcément évidemment
08:15Ensuite on est aussi dans une demande de reconnaissance, on n'en finit pas de demander aux autres de vous dire je te crois, on s'adresse aux acteurs de notre enfance et pas au sens des actrices de cinéma
08:35Mais on s'adresse aux personnes qui ont vécu avec nous à ce moment là, à nos parents, aux personnes qui évoluaient dans le même milieu social et on leur dit, on espère en tout cas qu'ils viennent nous dire je te crois ou même je savais tout simplement parce qu'ensuite ils étaient là
08:53Et dans le fond on est dans une espèce d'attente perpétuelle de besoin dans le fond de reconnaissance et ce besoin crée une colère, une tristesse, crée du coup un désir de continuer de se battre, de parler etc
09:13Et forcément également avec la demande d'être entendu on se prend aussi une défense et la défense de certaines personnes c'est l'attaque
09:29Il y a des personnes qui attaquent parce que c'est elles qu'on accuse, il y a des personnes qui attaquent parce qu'elles étaient témoins muets et qu'elles n'ont rien fait, il y a des personnes qui attaquent parce qu'elles sont complices et qu'elles se sentent remises en question
09:41Et il y a des personnes qui attaquent parce qu'on prend trop la lumière ou qu'on leur vole ou que je sais pas quoi, donc forcément qu'on est sujet d'attaque et que c'est compliqué, à un moment donné je pense que c'est la force des petites filles qui ont été agressées
09:59C'est de se jeter dans ce combat un peu la tête baissée en se disant je regarde pas, je regarde pas, j'y vais, ça va faire mal, il fait noir, j'ai peur, c'est pas grave, j'y vais, j'y vais, j'y vais, parce que sinon si on se met à regarder, à se demander, à se poser les questions, est-ce que je vais travailler, est-ce qu'il y a des réalisateurs qui vont encore m'aimer, est-ce que je vais avoir des amis dans ce milieu, si est-ce que ça je pense que c'est
10:23Je comprends qu'on puisse ne pas tout simplement être paralysé, je comprends la paralysie de beaucoup de gens en fait, je la comprends et je sais ce que ça coûte de ne pas être, de briser, de passer à l'acte, de parler, je sais ce que ça coûte
10:44En même temps j'ai un certain âge, je suis maman de deux enfants, je trouve que la vie m'a beaucoup donné déjà, j'ai beaucoup reçu, c'est la moindre des choses qu'il est temps de devenir quelqu'un de bien à un moment donné
11:44La hiérarchisation du cinéma français a-t-elle concouru à l'impunité des agresseurs ?
11:49Oui en fait c'est intéressant je trouve et c'est pour ça aussi que je trouvais ça bien même si je me dis que les gens devraient avoir à le bol de m'entendre parler mais en tout cas la fête de l'humanité déjà ça porte un joli nom
12:12Et puis justement ce milieu social là qui est celui du cinéma c'est un drôle d'endroit parce que dans le fond c'est un endroit qui pour moi est vraiment un endroit où continue de se jouer les mêmes règles que dans un milieu d'aristocrate
12:33C'est à dire qu'il y a vraiment on est en haut et puis on descend en bas de la pyramide de plus en plus bas et plus on est bas moins on a de valeur et ce système là, ce système hiérarchique là, ce système de pouvoir également a un impact à tous les niveaux
12:50Il a un impact sur la manière dont quelqu'un est traité sur un tournage, il a évidemment un impact sur les VSS mais il a aussi un impact tout simplement sur moi, enfin en tout cas il y a aussi les mots qu'on emploie pour parler des personnes qui travaillent dans ce milieu là
13:09Par exemple moi je trouve que en tant que réalisatrice si je n'avais pas un chef opérateur, une chef opératrice pour m'aider à faire mon film, une personne qui fait la décoration, une personne qui s'occupe des costumes, un chef machiniste qui toute la journée se tape, porte des trucs super lourds
13:34Et qui tout d'un coup alors que je réalisais une série qui s'appelle Icon of French Cinema, mon chef machiniste me dit ah non non attends tu crois pas que tu devrais refaire ce plan là où ce personnage danse, c'est super beau le décor et je lui dis oui et c'est une des plus belles scènes de la série et c'est lui qui a eu l'idée
13:51Donc en fait c'est un travail collectif et ce système de hiérarchie, ce truc où il y a le réalisateur, l'auteur qui est mis sur un piédestal et qui est cette espèce de dieu vivant et ensuite plus on descend moins la personne a de valeur et d'importance
14:07Moi je trouve que c'est un système qui doit se réinventer également, pardon j'ai l'impression de crier, mais que c'est un système qui ne fonctionne pas ou qui en tout cas il est important de rappeler que c'est un travail collectif et que nous ne sommes rien, qu'un réalisateur, une réalisatrice n'est rien sans son équipe
14:31Et de la même manière c'est extrêmement compliqué dans ce milieu social là, comme dans tous les milieux, mais dans ce milieu social là quand vous êtes une ouvrière, une petite main du cinéma, ce qu'on appelle une technicienne, quand il vous arrive quelque chose sur un tournage il faut savoir que vous êtes encore plus en danger, bien plus en danger qu'une actrice qui a un statut justement social
15:01Qui a une forme de pouvoir liée à ce statut parce que d'abord c'est un milieu dans lequel ça marche pas par CV, c'est vraiment du bouche à oreille, c'est un petit milieu, quand on se fait griller avec une production qui a du pouvoir et qui est importante et qui produit des films avec des sous, avec des moyens, on est bien embêté
15:27Parce que d'abord on a besoin de l'intermittence, parce qu'on vit de boulot en boulot et que si tout à coup on se fait griller le bruit court vite qu'on est une emmerdeuse
15:40Et donc ça pose un réel problème parce qu'à partir du moment où vous dénoncez ce qui vous est arrivé sur un tournage on dit ohlala celle là c'est une empêcheuse, c'est un système bien huilé et tous les tournages ne sont pas comme ça
15:57C'est vrai que c'est aussi pour ça qu'il est important de mettre son pied dans la porte et de dire il faut que les choses changent et je dis ça et ça semble être dramatique, c'est dramatique mais vraiment je vous assure je n'en rajoute absolument pas
16:18C'est à dire que je vous parle du quotidien de beaucoup de techniciennes de cinéma, vraiment d'un truc même presque d'une banalité
16:32Je ne sais pas si j'ai répondu à la question pardon
16:35Oui je crois que je n'ai pas répondu à votre question en fait vraiment et vous me posiez une question sur l'impact du cinéma sur la société
16:55Moi quand j'étais petite je suis devenue actrice à 8 ans et je suis devenue connue enfin oui on peut dire ça très tôt et je me suis mis à travailler, à jouer des jeunes filles, des très jeunes filles
17:18Qui dans les scénarios inventés par les auteurs de cette époque, des auteurs extrêmement adulés, la crème de la crème du cinéma français, des jeunes filles qui avaient des histoires d'amour ou de séduction ou étaient désirées en tout cas par des hommes bien bien plus âgés
17:49Et la manière dont le cinéma on le sait a de tout temps eu un impact sur la société, influe, oriente nos désirs c'est à dire que nous allons voir je sais pas je me souviens de Béatrice Dalle dans 37 de le matin pardon je suis vieille et c'est mes références
18:13Mais c'était une femme tout d'un coup une actrice pulpeuse, voluptueuse et puis c'était tout d'un coup devenu à la mode, on avait plus besoin de s'affamer parce qu'il fallait être super maigre et tout d'un coup, donc le cinéma a de tout temps, les images et le cinéma a eu un impact sur la société et a eu un impact sur notre désir et sur la façon dont on, la représentation, la façon dont on aime
18:37Et quand j'étais jeune donc je jouais dans des films et puis je me rendais bien compte déjà à l'époque qu'il y avait des jeunes filles qui pensaient que ce que je vivais dans les films et ben c'était cool parce que c'était mis en valeur, parce que j'étais jolie ou parce que j'étais sur la couverture d'un magazine et que du coup ça voulait dire que enfin voilà
19:03Et donc le cinéma a un impact sur la société et sur nos désirs et aujourd'hui et à partir du moment où moi, ma parole s'est libérée et donc forcément que j'ai dû à travers cette parole raconter une sorte de versant des choses, la réalité quoi
19:25La réalité n'a rien à voir avec cette image glamour qui a été donnée avec cette représentation de ces histoires là, la réalité c'est que c'est sordide et que malheureusement il y a dans le cinéma français d'une certaine époque et dans l'écriture de réalisateurs, d'auteurs
19:51Une répétition de sujets qui sont mis en valeur, qui sont le point de vue qui est porté sur l'inceste, le rapport, la différence d'âge phénoménale entre une jeune fille, très jeune fille mineure et un homme plus âgé
20:06La façon dont ces histoires là sont mises en valeur sans que personne à cette époque là ne puisse dire, un journaliste de cinéma, qui que ce soit ne se pose la question quasiment comme un sociologue observerait la société et dirait tiens c'est bizarre en ce moment il se passe ça ça ça à répétition
20:26De se dire ah c'est bizarre tous ces films d'une façon ou d'une autre valorisent le viol ou l'inceste et dans le fond je pense que dans l'écriture justement des films c'est une question qu'il faut se poser aujourd'hui c'est à dire oui nous ne sommes pas obligés d'être des donneurs de leçons
20:49De faire des films consensuels où on ne soulève pas des problèmes importants mais en même temps de se poser des vraies questions sur ce que nous a raconté pendant des années un certain cinéma d'auteurs
21:06Applaudissements
21:17Mais quel regard neuf le féminisme peut il apporter au cinéma
21:21Applaudissements
21:36D'abord je pense que c'est très compliqué pour les femmes dans le cinéma en tout cas pour moi je vais parler en mon nom parce que les généralités me font peur mais en tout cas je vais vous parler de mon expérience
21:55Mon expérience est celle d'une personne qui a vécu toute sa vie mais vraiment toute sa vie d'abord qui a grandi dans le cinéma donc qui a connu vraiment aucun autre milieu réellement mais dans mon rapport à l'autre celui qui généralement a le pouvoir la plupart du temps c'est un homme
22:19Alors il est cinéaste il est producteur il est à la tête d'un organisme qui peut me donner de l'argent pour réaliser mon film il est à la tête d'une institution
22:35Et en grandissant dans ce milieu et puis dans mon environnement proche tout simplement enfin ce qu'on m'a dit implicitement que ce soit formulé ou que ça ne le soit pas toute ma vie c'est si tu veux ça tu dois séduire tu dois sourire tu dois rigoler aux blagues pas drôles
23:01Quand le mec va dire un truc complètement con qui n'a pas d'intérêt tu dois faire un grand sourire émerveillé
23:06Quand tu vas rencontrer un réalisateur et que tu passes un casting et bien que tu le veuilles ou non tu te mets dans cette position là c'est à dire que tu te dis est ce que j'ai été assez souriante ou est ce que je lui ai fait assez de compliments sur son oeuvre
23:32Est ce qu'il y a un endroit dans le fond ou à force d'être dans ce rapport de sentiments que pour accéder à un certain endroit de la société pour pouvoir travailler pour avoir de l'argent pour réaliser ce qu'on a envie de faire il faut passer par le biais d'un homme
23:57Ou dans le fond on perd notre propre langage notre langage intime notre vérité et notre identité et on se transforme en fille un peu qui sourit qui est un peu légère qui ne sait pas trop
24:11Et en fait moi j'ai navigué à cet univers d'homme et d'adulte qui d'une certaine façon pendant toute mon enfance et ma jeunesse m'ont dit quand tu es belle tu es à ta place quand je te filme tu es à ta place quand tu écris des poèmes et que je les mets dans mes scénarios mais que c'est moi qui les signe
24:29Parce que aussi il se trouve qu'on m'a volé mes mots en plus donc j'écrivais mais on ne voulait pas mettre au scénario que c'était moi qui avais écrit donc j'étais un objet dans sa totalité en fait ma voix mes mots mon écriture rien ne m'appartenait plus mais dans le fond je ne savais pas que ça pouvait être autrement
24:46Personne ne me disait mais Judith attends vas-y mais il faut que tu le signes ce scénario il faut qu'il le dise que c'est toi qui as écrit cette scène non dans le fond je me disais non non oh la la et d'ailleurs j'ai grandi et vieilli en me retrouvant il y a deux ans à sortir une série que j'ai réalisé et à passer mon temps et mes journées à dire à mon attaché de presse
25:09Dis leur journaliste de pas dire le nom de Benoît Jacot non non je vais pas faire cette interview je pense qu'il va dire son nom non non j'ai peur qu'on dise que c'est Jacques Doyon dans cette scène non non et en fait il s'est imprimé en moi comme un tatouage indélébile le fait qu'il fallait se taire et sourire ça prend beaucoup beaucoup de temps je souris encore mais je me tais plus
25:40Merci
25:54Merci
26:05Merci
26:09Alors ce silence il a peut-être duré 35 ans mais maintenant vous parlez on vous écoute on vous croit et vous avez participé à plusieurs universités d'été de partis politiques vous êtes ici présentez vous
26:34Alors une simple question qu'est-ce que vous attendez des politiques aujourd'hui
26:44C'est compliqué la politique c'est un vrai rouleau compresseur
26:51C'est compliqué la politique c'est un vrai rouleau compresseur
26:56C'est un vrai rouleau compresseur
27:01Qui prenne les devants et qui ne qui s'empare du problème et des questions féministes c'est à dire que justement ce ne soit pas un sujet parallèle ou un sujet qui épuise celles et ceux
27:19Qui se battent pour faire avancer les choses en ce qui me concerne et en ce qui concerne mon combat et voilà en fait moi je me suis un peu retrouvé projeté dans un univers que je ne connaissais vraiment pas d'autant plus comme je viens de le dire
27:43J'étais à une place dans ma vie dans la société dans un univers dans une bulle un peu ou dans le fond pour moi la politique c'était le truc des grands le truc des hommes le truc de ceux qui ont fait des études moi j'ai arrêté l'école à 14 ans et demi
27:58Conseillé par toutes sortes d'adultes qui trouvaient que j'étais pas assez disponible pour eux mais voilà et quand je me suis retrouvé à comprendre tout simplement qu'il y avait un endroit où les choses se jouent on le sait c'est l'assemblée nationale là où il y a des lois qui sont votées
28:23Et pour y aller pour y entrer il faut parler il faut dire il faut frapper à la porte continuer de frapper à la porte et donc je suis allée parler au sénat à l'assemblée nationale et je leur ai demandé de faire une chose qui se fait qui est une commission d'enquête
28:38Pourquoi c'était pour inscrire à un endroit où l'autorité entre guillemets du gouvernement c'est à dire des grands pour moi enfin un truc qui où on peut pas dire c'est qui cette actrice elle nous emmerde voyez c'est les politiques les partis politiques qui s'empareraient de ce sujet et diraient on va faire une commission d'enquête sur les VSS dans le milieu du cinéma
29:08Et pour moi il y a un truc qui est très important même si malheureusement ça a souvent très peu de valeur c'est parler sous serment c'est peut-être le truc des enfants justement on se dit toujours vous savez moi je suis un peu superstitieuse et je me dis ah non non je peux pas mentir sinon il va m'arriver un truc quoi
29:30Et parler sous serment c'est à dire que d'être convoqué à une audition à l'assemblée nationale on vous pose des questions vous devez donc lors d'une commission d'enquête parler sous serment êtes vous au courant c'est comme un peu lors d'un procès c'est pas du tout un procès hein mais et pour moi il était important de faire venir les acteurs et actrices au sens les personnes qui ont du pouvoir et qui font la pluie et le beau temps dans le milieu du cinéma
30:00De les faire venir lors d'auditions à l'assemblée nationale et qu'ils aient à répondre à des questions sous serment et d'essayer dans ce cadre là qui est censé être un cadre qui dans le fond vous protège aussi de donner la possibilité à des ouvrières du cinéma, à des techniciennes, à des jeunes actrices à qui il est arrivé des choses sur des tournages
30:23A de jeunes actrices ou plus vieilles qui sont allées parler au référent harcèlement et lui dire voilà ce qui m'est arrivé on lui aura dit ah non non non tu as pas commencé à foutre la merde voilà de raconter ça au grand jour enfin au grand jour oui voilà
30:39Maintenant on s'est rendu compte lorsque cette commission d'enquête donc a été votée et lors de ces auditions on s'est rendu compte et les députés qui étaient présents se sont rendu compte en direct enfin ils ont vécu dans le fond cet omerta dont on leur parlait ils l'ont vu c'était là en face d'eux ils ont vu en face d'eux des personnes terrorisées terrorisées et bon malheureusement cette commission d'enquête a été un peu morte
31:08Morte née puisqu'elle a eu lieu elle a été votée et elle a commencé donc les auditions ont commencé puis ensuite l'Assemblée Nationale a été dissoute et avec la dissolution de l'Assemblée Nationale cette commission d'enquête ainsi que celle de l'IS Loufoc et de voilà et donc maintenant je suis allée aux universités d'été pour dire aux politiques prenez les choses en main et utilisez votre droit de tirage
31:36c'est à dire je sais pas que l'image ce serait comme un ticket qu'on a et on peut dire bah j'utilise mon ticket pour remettre en place cette commission d'enquête et pour voilà
31:51Est-ce que vous avez obtenu des garanties est-ce qu'on vous a dit des choses est-ce que vous pouvez nous dire si vraiment ça porte ses fruits
32:00Ecoutez non j'ai pas obtenu de droit de tirage enfin personne ne m'a donné son droit de tirage mais je sais par ailleurs que que il y a d'autres commissions d'enquête que la mienne et que il y a des parties qui étaient déjà engagées par rapport à d'autres commissions qui ont été dissoutes
32:20Maintenant il y a une résolution d'une proposition de résolution qui a déjà été déposée et j'ai obtenu en tout cas la garantie oui que ce soit d'abord le désir d'Erwan Balanant qui faisait partie de qui était le président de la commission d'enquête
32:39Et le parti socialiste s'est engagé ainsi que les écologistes à faire tout à mettre tout en à essayer de faire en sorte que cette commission soit remise à l'heure du jour et soit et reprenne sa place
33:09La situation politique est inquiétante l'extrême droite n'a jamais été aussi puissante en France avec 143 députés élus les forces de gauche ont réussi à s'unir pour soutenir la première force et pour devenir pardon la première force à l'assemblée pourtant c'est un homme de droite dure qui a été nommé premier ministre
33:32Un déni de démocratie donc flagrant comment agir comment convaincre les électeurs et les électrices que le rapport de force doit être maintenu que le pouvoir et l'autorité d'un seul homme ne peut pas gagner face à la multitude et la solidarité
33:58J'aimerais bien pouvoir faire une réponse je suis persuadée que beaucoup de personnes présentes ici ont un espoir assez abîmé aujourd'hui je pense qu'on est tous assez déprimé et Dieu sait que nous sommes tous un peu déprimés
34:26Et Dieu sait que enfin c'est fou quand même moi j'ai été extrêmement impressionné par le rassemblement la force populaire c'était extraordinaire et alors je parle de Paris désolé parce que Paris c'est un endroit vraiment particulier enfin privilégié
34:55Moi je vais parler de la place de la république parce que c'est là que je vis à Paris mais c'était extraordinaire place de la république de voir cette foule et la manière dont tout le monde s'investit donne de son temps de son énergie des heures et des heures d'engagement de militantisme pour que le RN ne passe pas au pouvoir
35:19Et en fait voilà c'est comme ça qu'on se retrouve et que toutes ces personnes qui ont donné de leur humanité c'est le cas de le dire se disent mais alors mon vote vous quoi ?
35:33C'est je sais pas enfin c'est très très particulier d'être tout le temps ramené à une forme de silence à toutes sortes d'endroits de nos vies c'est que faut-il faire si quand on vote ça n'a pas de valeur alors quelle est la marche à suivre pour avoir une voix dans cette société dans le fond
36:00Alors c'est marrant moi je vivais aux Etats-Unis et aux Etats-Unis il faut dire que les français ont une réputation les américains ils me disaient souvent que c'est super pour eux les français c'est des gens qui sont tout le temps en train de manifester mais honnêtement je me dis mais qu'est-ce qu'on a d'autre ?
36:21Si on manifeste pas on fait comment ?
36:23Alors en ce qui concerne l'extrême droite ma fille et moi même avons été la cible de beaucoup de leurs attaques nous avons eu le droit à toutes sortes d'attaques publiques tranquilles sur Facebook, Instagram tout ce que vous voulez
36:52J'ai envoyé des images de ma fille avec des bulles pour créer des dialogues et moi qui l'encouragerais à aller se faire violer tout ça par des personnes, des candidates d'extrême droite aux yeux du monde enfin vraiment enfin je veux dire il y a un truc aussi c'est comment c'est possible de donner autant de plateformes autant de places
37:16Je ne comprends pas c'est à dire qu'il y a un moment donné où il y a des choses qui ne sont pas, qui ne devraient pas être même, il y a évidemment la liberté d'expression est une chose mais inciter au viol publiquement ou être ouvertement raciste sans que ça pose de problème à personne c'est un truc que je trouve absolument fascinant
37:40Moi j'ai vu des posts Instagram je me suis dit mais c'est dingue alors il y a des trucs sur Instagram si on met une photo il m'est arrivé d'avoir des trucs je ne sais pas j'avais dû mettre une photo de je ne sais plus ce que c'était qui a été enlevé immédiatement mais alors par contre il y a des trucs racistes qui sont laissés, il y a des trucs qui m'échappent alors je vais peut-être dire d'énormes conneries mais je ne comprends pas comment ça se fait qu'il n'y a pas plus
38:05Et pourquoi il y a certaines personnes d'extrême droite à qui on donne tant d'espace dans les médias, pourquoi est-ce que l'extrême droite a autant, alors on me dira mais alors vous êtes contre la liberté d'expression, non par contre il y a une forme de propagande qui est insidieuse et qui parfois est même totalement directe et frontale
38:32et celle-là je ne comprends pas qu'elle puisse avoir lieu aussi facilement sans que personne ne mette un holà
38:52Donc finalement la solution pour vous c'est d'occuper l'espace
38:55Moi je sais, moi je n'ai vraiment pas de solution, enfin je n'ai pas de solution, non je ne pense pas avoir de solution, je pense que en tout cas j'ai le sentiment que toutes les personnes qui sont là ont autant de solution que moi puisqu'elles sont là et qu'elles sont là, voilà la solution c'est
39:26On a tous une voix, on a tous un droit et des droits et on est tous, on a tous je ne sais pas les mêmes valeurs, enfin on a tous autant, on a tous la place et le droit de s'exprimer, il faut le faire, il faut essayer tant qu'on peut d'être entendu et voilà de le faire tant qu'on peut
39:52Ben écoutez, merci beaucoup, je suis dite
39:58Merci Julie
40:11Merci, merci, pardon, excusez-moi, pardon, merci et désolée si j'ai dit des conneries, vous ferez le cri, vous ferez le cri
40:26Non, non c'est important aussi je pense quand on est, plus on est exposé, plus on a, je me dis toujours qu'il est aussi important de dire que même si on dit des choses vraies, des choses qui vous touchent, des choses qui paraissent être importantes, je peux aussi dire des bêtises et mal les dire ou mal m'exprimer donc surtout ne prenez pas tout ce que je dis
40:52Pour argent comptant il y a des choses, je vous laisse faire le tri, vous avez votre opinion et elle est importante
41:07Judith, vous avez dit que vous dérangez, que vous dérangez souvent dans les dîners mondains, que vous dérangez souvent dans les festivals et je crois qu'on peut vous remercier de nous avoir dérangé aujourd'hui
41:21Merci, merci, merci beaucoup, merci beaucoup, merci
41:43Merci Judith Godrej
41:45C'est le coup d'envoi
41:51Merci pour ce nouveau moment fort sur l'agora de l'humanité

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