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00:00Et nous sommes de retour dans votre émission Angle de vue pour la troisième et dernière partie de cette émission avec Jean-Noël Degrasse
00:10et nous allons parler de votre intégration en Martinique.
00:14Aujourd'hui Jean-Noël Degrasse, votre femme Valérie qui est martiniquaise dit de vous que vous êtes plus martiniquais qu'elle
00:21et que notamment vous parlez beaucoup mieux créole. Justement vous, est-ce que vous vous sentez martiniquais ?
00:28D'abord je ne sais pas ce que ça veut dire plus martiniquais que quelqu'un.
00:31La notion de martiniquais elle est très compliquée, on le voit bien, elle est reprise, c'est compliqué, c'est politique, c'est social.
00:38Je ne sais pas si on est capable de définir. Moi je me définis juste comme quelqu'un qui n'a pas envie d'aller ailleurs,
00:46qui aime le pays, qui aime les gens, qui aime les qualités, les défauts et je pense que c'est ça qui est important.
00:54Après on n'est pas en train d'aller crier sur les toits, je suis, je ne suis pas.
00:58Par contre oui, je pense que c'est important aussi de s'investir dans ce pays, dans le sens, je ne parle pas financièrement,
01:07je parle de s'investir humainement aussi, d'aller essayer de comprendre.
01:11Même là quand on a des périodes de crise, je pense que c'est important de comprendre l'histoire,
01:16de se mettre un peu à la place des gens sur des choses que nous on ne connaît pas.
01:21Moi je ne peux pas forcément comprendre quelqu'un qui me dit oui mais moi c'est dans mes gènes, c'est dans mes racines,
01:27vous ne pouvez pas comprendre, ma famille, t'es une famille d'esclaves, même si ça remonte à quelques générations,
01:32donc tu ne peux pas comprendre. C'est vrai, mais j'essaye quand même, non pas de comprendre mais d'avoir un pourtour
01:39et de dessiner ce que ça veut dire pour pouvoir un peu avoir une compréhension globale de notre vie ici.
01:47Vous dites un pays dont vous n'avez pas envie de partir et alors ça me renvoie une confidence que nous a fait votre femme
01:53qui témoigne de votre profond attachement à cette île. L'année dernière vous avez reçu un message sur un réseau social professionnel
02:02qui vous a fait une proposition de job au Koweït. Vous avez envisagé cette évolution pour votre carrière,
02:10vous êtes même parti avec femme et enfant passer une semaine là-bas pour vous imprégner du pays.
02:16Votre femme était partante pour y aller, en tout cas de ce qu'elle nous a dit, mais vous, vous avez décliné la proposition
02:22incapable de quitter la Martinique.
02:24Oui, ça joue, c'est vrai. Vous savez comment c'est, dans des pays de ce type-là, on vous fait toujours des ponts d'or financièrement.
02:35C'était une réelle opportunité, ça aurait peut-être même terminé votre carrière.
02:39C'était aussi très intéressant professionnellement parlant parce que ce sont des pays, vous l'avez vu avec Dubaï il n'y a pas si longtemps que ça,
02:43c'est des pays où il y a tout à faire en termes d'informations à la population, où on croit qu'avant il fait chaud tout le temps
02:50et puis il ne pleut jamais et c'est le désert. Non, ce n'est pas ça, il y a des vrais risques, des vrais dangers, ce n'est pas géré.
02:55Et puis il y avait tout un système météo à construire avec des gens qui sont quand même assez ouverts finalement.
03:02Mais oui, je ne me voyais pas, à chaque fois ils me disaient, ouais mais bon, on regarde toujours ce qu'on gagne, ce qu'on perd.
03:10Et ce qu'on gagne, ce qu'on perd, ce n'était ni financier, ni professionnel, je pense que c'était juste sociétal, humain.
03:17Et oui, voilà, donc c'est ça.
03:23– Vous êtes ce qu'on appelle chez nous, de manière très prosaïque mais quand même, puisqu'on se parle sans langue de bois, un métro, un zoreil.
03:31Est-ce que vous trouvez ces expressions, déjà est-ce que vous les entendez souvent,
03:34est-ce que vous trouvez ces expressions péjoratives voire discriminatoires ?
03:39– Alors, moi ça ne me dérange pas, on est zoreil, on est zoreil, on est blanc, on est blanc, on ne va pas se flageller, c'est comme ça.
03:46Ce qui me gêne, c'est quand c'est mal utilisé ou utilisé dans un contexte où on veut faire un focus sur,
03:52je suis désolé, je vais prendre l'actualité, le problème de Bichert, il est réel,
03:56le problème entre des patrons peut-être où on peut dire,
04:01il faut regarder comment les patrons pourraient un peu moins s'enrichir pour que des salariés vivent mieux et ainsi de suite.
04:06Ok, il est réel, il n'est pas propre à la Martinique,
04:08ce n'est pas la peine d'aller dire c'est la faute des Blancs, c'est la faute des Béquets, c'est la faute de eux, il y a autre chose.
04:13Donc quand on l'utilise comme ça, oui ça me gêne.
04:16Le problème est là, mais tout de suite on dérape et on dérive sur une couleur de peau, sur une histoire.
04:22Ah oui, l'histoire, elle est ce qu'elle est, il ne faut pas l'oublier, il faut en tenir compte, mais à mon avis…
04:27– Est-ce que ces dérives dans le langage ou dans les postures ne sont pas liées aussi à une certaine réalité ?
04:32– Bien sûr, c'est une réalité, mais je veux dire, il vaut mieux,
04:37comme on dit, on apprend du passé, on apprend de l'histoire, je sais que c'est facile à dire,
04:41on dirait oui, mais c'est facile à dire, toi tes oreilles, tu n'as pas connu ci, tu n'as pas connu ça.
04:45Après, je veux dire, vous l'avez dit, j'ai grandi à Beaune,
04:48Beaune c'est une petite ville, c'est la capitale du meilleur vin du monde, le plus cher du monde,
04:53c'est une ville très bourgeoise où il y a beaucoup beaucoup d'argent.
04:56Quand vous n'êtes pas du bon côté, vous n'êtes pas du bon côté.
04:58Donc moi, j'avais avec moi au collège des familles très très riches de grands propriétaires de vignobles,
05:04de maisons de vin, et ben voilà, moi je n'étais pas du bon côté,
05:07non pas parce que j'avais été esclave, mais parce que ma famille n'a pas eu l'opportunité,
05:13n'avait pas la chance, peut-être que sur moins de 400 ou 500 ans,
05:16c'était peut-être des serres qui étaient exploitées, donc oui, je comprends un peu ça,
05:22mais en même temps, je me dis, il faut bâtir là-dessus.
05:24Vous savez, quand vous allez dans d'autres pays, vous allez aux Etats-Unis,
05:26il y a beaucoup de migrants aussi qui arrivent aux Etats-Unis,
05:29ils n'ont pas ce désir de revanche, il n'y a pas cette espèce de vengeance,
05:34cette espèce de jalousie sur l'histoire, c'est juste, ils ont des modèles en disant,
05:39ben moi, je veux arriver à faire ça, je peux faire ça, je peux faire mieux,
05:43et ça, c'est constructif.
05:45Moi, ce qui me gêne, c'est quand on prend justement des gens par leur couleur de peau, leur race,
05:50et qu'on oublie tout le reste, et que du coup, on n'est pas dans la co-construction.
05:54Moi, c'est un mot que j'aime bien, parce que je pense que c'est la réalité,
05:57de nos jours, on ne peut que co-construire,
05:59mais on n'a pas de bon exemple avec nos politiciens de l'Hexagone, par exemple, mais bon.
06:06– On l'a dit, vous êtes arrivé en Martinique il y a une trentaine d'années,
06:09est-ce que vous vous êtes tout de suite senti à votre place ici,
06:13ou est-ce qu'il a fallu faire des efforts pour vous intégrer ?
06:18– Non, je n'ai jamais eu ce sentiment, vous l'avez dit, je suis arrivé,
06:22alors j'étais le plus jeune à l'époque, il y avait des syndicalistes,
06:26et s'ils m'entendent, je les salue, parce que c'est devenu des gens
06:28que j'apprécie énormément, et que je vois encore régulièrement,
06:31des syndicalistes qui étaient très forts, j'allais dire puissants,
06:34dans leur capacité à faire bouger les choses, ou au contraire, à ne pas les faire bouger,
06:39et en fait, comme on dit, il faut montrer des choses,
06:45je pense qu'il faut montrer qu'on n'est pas là par hasard,
06:50qu'on n'est pas là pour profiter du système,
06:51qu'on est là parce qu'on a envie de travailler tous ensemble,
06:54qu'on a envie d'être proche des gens, et je pense que ça, les gens le sentent.
06:58– Est-ce que vous considérez qu'il y a des personnes comme vous,
07:02des métropolitains qui arrivent, et qui n'ont pas cette posture-là,
07:04mais une posture peut-être plus conquérante, plus donnante ?
07:08– Je vais vous dire franchement, des fois, j'en veux énormément à des métros
07:12qui viennent sur des positions un peu de pouvoir, entre guillemets,
07:17et qui se comportent justement en disant, on vit entre nous,
07:22on est des expats, on vit entre nous, on ne dit pas de nous.
07:27C'est vrai, j'ai connu des gens qui avaient leurs enfants à l'école ici,
07:29qui étaient là depuis plusieurs années, et qui disaient,
07:31ah ici, ils ont leurs vacances de Carnaval pendant telle période,
07:35je me suis dit, pourquoi tu dis ils, ou pas Adam ?
07:39Pourquoi tu ne dis pas de nous ?
07:40Ah ben parce que chez moi, c'est dans le nord de la France.
07:44Vas-y ! Et donc, moi, j'en veux à ces gens-là, quelque part,
07:47parce que ce type de comportement, forcément,
07:50qui favorise les réflexions qu'on peut entendre,
07:54ou même l'animosité, c'est sacré de l'animosité.
07:56– Vous avez été victime, je dirais, de racisme anti-blanc ?
07:59– Oui, bien sûr, oui, bien sûr.
08:01– Ça s'est manifesté comment, et comment vous avez réagi ?
08:03– C'était une anecdote, sur un tour d'aïeul,
08:06je me rappelle très très bien, sur un tour d'aïeul,
08:08on est en direct avec un confrère, vous, journaliste,
08:14et on parle, et il finit en disant,
08:17ah mais ça fait longtemps que vous faites le tour d'aïeul,
08:19mais ça va peut-être s'arrêter quand est-ce que vous rentrez chez vous ?
08:23Il dit, quand est-ce que je rentre chez moi ?
08:24Où ça, à Saint-Joseph ?
08:25Je suis Joseph 1 depuis plus de 20 ans.
08:28Non, non, lui, il voulait me dire,
08:29quand est-ce que vous rentrez chez vous, dans l'Hexagone ?
08:31Mais je n'ai pas de chez moi dans l'Hexagone, voilà.
08:34Et voilà, j'ai eu d'autres personnes, oui, qui m'ont dit ça aussi,
08:37vous n'êtes pas chez vous ici, moi, je suis chez moi.
08:40Une personne qui passait en bas de ma maison.
08:43Je l'ai vu dans le portrait,
08:44vous avez renoncé quand même à pas mal d'avantages de fonctionnaire.
08:47Pour quelle raison ? C'est pour vous légitimer, c'est pour… ?
08:51Quelque part, ça me semblait plus naturel.
08:53Ça me semblait plus naturel…
08:54Parce que personne ne vous l'a demandé ?
08:56Ah non, non, personne ne m'a demandé, non, non, non.
08:58C'est vrai que je n'ai jamais profité des congés bonifiés.
09:01Vous voyez, j'avais le droit, tous les deux ou trois ans,
09:03je pouvais prendre, et en plus, on me payait tous les billets pour la famille,
09:05je pouvais aller passer deux mois, tout ça.
09:07Les 40 %… ?
09:09Et puis, les 40 %, ils sont, ça, on ne peut pas, voilà.
09:12On ne peut pas y renoncer.
09:13Mais le logement, moi, je pouvais avoir, en tant que responsable,
09:16logement gratuit à côté de mon travail.
09:18Voilà, ça vous fait quand même mine de rien,
09:20c'est l'équivalent d'un 1200, 1300 euros par mois à l'époque.
09:23Mais, je ne sais pas, j'avais envie de sortir de cet environnement un peu,
09:30justement, expatrié où, voilà, on est là pour trois, quatre ans,
09:35on vient faire, on visite partout, on court partout,
09:38toutes les plages, tous les sentiers, toutes les îles à côté,
09:41et après, on rentre chez nous.
09:42Je n'étais pas là-dedans.
09:43– À quel moment vous vous êtes dit qu'ici, c'était chez vous ?
09:47– Mais, ça vous semblait bizarre, je veux dire,
09:50mais en fait, je ne me le suis pas dit, c'est des choses naturelles,
09:54alors peut-être, je ne sais pas si ça choque ou pas, je ne sais pas,
09:57mais en tout cas, quand je suis venu ici,
10:00je n'avais absolument pas dans l'idée de dire,
10:02je vais venir, je vais profiter du système,
10:05et puis je vais repartir faire carrière.
10:07Je veux vous dire franchement, le choix de rester ici à Météo France,
10:11pour moi, ça voulait dire, je ne ferai pas carrière à Météo France, c'est clair.
10:15On m'a poussé, poussé beaucoup, je le reconnais,
10:19d'anciens grands directeurs qui m'ont dit, il faut que tu ailles ici,
10:21alors je suis allé une fois, j'ai passé un concours,
10:25j'ai été reçu à l'écrit, au deuxième écrit,
10:27je suis allé passer l'oral au ministère, à la Défense,
10:30et finalement, je n'ai pas été pris,
10:33je me suis fait, mais alors, insulter par ma direction générale,
10:36pourquoi ? Parce que j'avais dit, écoutez,
10:37moi, ça ne m'intéresse pas de venir travailler sur des ponts
10:42dans le centre de la France ou dans les forêts du Nord-Est,
10:44je pense que ma plus-value, elle est aux Antilles et dans la Caraïbe,
10:48et c'était ce qu'il ne fallait pas dire,
10:49parce que si j'étais pris, forcément, je serais rentré dans l'Hexagone,
10:53donc j'ai fait une croix sur ce genre de choses,
10:55ça ne m'a absolument pas posé problème, ce n'est pas un sacrifice,
10:58je ne suis pas en train de dire, je ne me suis sacrifié pas du tout,
11:00je suis très à l'aise avec ça,
11:02et je suis très content d'avoir fait ce que j'ai fait.
11:04– Vous avez déjà senti une forme de mépris, justement,
11:09de la part peut-être de certains de vos confrères de l'Hexagone,
11:13parce que vous, vous avez fait le choix de rester aux Antilles, sur une île.
11:16– Non, pas du tout, pas de mépris, des fois, un peu d'incompréhension,
11:24et puis, après, localement, c'est-à-dire qu'avec des gens qui venaient,
11:28je vois avoir un adjoint, un peu comme ça, qui venait,
11:30il y avait toujours un petit peu de jalousie ou d'incompréhension au début,
11:35mais globalement, non, ça s'est bien passé.
11:39– Que pensez-vous du fait, puisque vous avez été dans la fonction publique,
11:43du fait que les natifs de Martinique aient souvent du mal à accéder
11:48à des postes dans la fonction publique dans leur territoire,
11:51c'est très problématique pour les enseignants, par exemple,
11:53notamment les néo-titulaires, mais c'est aussi le cas
11:56pour les hautes fonctions publiques dans notre territoire,
11:59qui sont souvent occupées par des métropolitains,
12:02et puis, dans toutes les autres fonctions,
12:03il y a des personnes qui attendent pendant des années
12:05avant de pouvoir rentrer travailler au pays,
12:08est-ce que ce ne serait pas un système à revoir ?
12:12– C'est la complexité entre vouloir faire partie d'un système national
12:16et avoir ce côté proximité et vouloir rentrer.
12:22Alors, il y a quand même, dans la fonction publique,
12:23en tout cas, à Météo France, c'était le cas, une priorité qui est donnée,
12:27un martiniquais qui a le profil,
12:30mais même des fois, on peut faire rentrer le profil au chauspier,
12:35qui veut rentrer en Martinique sur un poste,
12:37il est prioritaire par rapport à n'importe quel autre collègue
12:40qui, lui, marche avec des points.
12:42Sauf que, qu'est-ce qui se passe ?
12:44Quand vous demandez à rentrer en tant que prioritaire,
12:48vous ne bénéficiez plus davantage de style,
12:51je ne vais pas avoir les congés bonifiés,
12:54je ne vais pas avoir, à l'époque, il y avait même des primes
12:56ou des choses comme ça.
12:57Donc, les gens préfèrent attendre de ne pas demander la priorité
13:01et de dire, je vais attendre d'être dans le classement de tout le monde,
13:04c'est la première chose.
13:05La deuxième chose, c'est que j'en connais des martiniquais,
13:09il y en a qui était, c'était mon meilleur ami de promotion,
13:12des martiniquais de Trinité, voilà, il a quitté Météo France
13:16et il n'a jamais voulu revenir en Martinique, jamais.
13:19Je connais une martiniquaise qui a fait des brillantes études de météo,
13:22qui a travaillé à l'université à Nice,
13:24qui a travaillé à Miami avec les spécialistes cyclones,
13:28jamais elle n'a voulu rentrer en Martinique.
13:30Donc, si vous voulez, c'est ça qui est compliqué.
13:34Je pense qu'il y a sûrement du cas par cas à faire,
13:36mais c'est compliqué d'aller tirer des leçons en disant,
13:39oui, c'est inadmissible que, ou alors, oui, ce n'est pas normal,
13:42on donne la place aux blancs.
13:44Moi, quand je suis parti de Météo France, la porte était grande ouverte,
13:47pour me remplacer, il n'y a pas de problème.
13:51– Et vous, que répondez-vous à ceux qui disent,
13:54ils sont de plus en plus nombreux, qu'il y a trop de blancs en Martinique ?
13:57Ma question peut sembler cash, mais on l'entend.
14:00– Non, non, ce n'est pas cash, d'abord, je ne sais pas ce que c'est blanc,
14:06dans le sens, non, mais je veux dire, voilà, il y a un certain melting pot,
14:11et ce que je trouve dommage en Martinique,
14:12c'est que ça soit entretenu sur le côté négatif.
14:15Vous savez, la Réunion, c'est un melting pot encore plus important,
14:19il y a plus d'Indiens, il y a des musulmans, il n'y a pas cette problématique.
14:23– Comment vous expliquez alors qu'en Martinique,
14:24on a encore du mal à dépasser ça ?
14:26– Je suis désolé, je vais le dire, ça va peut-être choquer beaucoup de gens,
14:29je pense qu'il y a derrière, quand même, une certaine manipulation qui est faite.
14:34Il y a des gens qui, finalement, tirent profit de cette guerre,
14:38mais ce n'est pas économique.
14:40– Vous parlez des politiques ?
14:41– Je pense que politiquement, on a beaucoup de progrès à faire,
14:44c'est-à-dire, sur la politique politicienne, je ne parle pas,
14:47mais sur la politique stratégie de développement aussi,
14:49on n'est quand même pas…
14:50On était, il y a 20-30 ans, la Martinique était le fer de lance
14:54de tous les Outre-mer, économiquement parlant,
14:57maintenant, on est presque en dernière position.
15:00Donc, ça veut dire que se focaliser comme on le fait,
15:04c'est-à-dire avec uniquement les points négatifs de l'histoire et de la culture,
15:09ça ne nous fait pas avancer comme on devrait avancer.
15:12Je veux dire, on a un pays qui a des capacités incroyables,
15:15on a des gens qui sont incroyables,
15:18si on met tous ces gens-là ensemble et toutes ces capacités qu'on a,
15:21on doit être bien au-delà de ce qu'on fait actuellement.
15:24Donc, moi, c'est ça que je souhaite, en fait.
15:26– Alors, nous arrivons bientôt au terme de cette émission, Jean-Noël Degrasse,
15:30mais avant, nous allons aussi parler d'une autre de vos passions, la musique.
15:35– Ah, oui.
15:37– Vous avez commencé à jouer du saxophone par votre père,
15:41ici, vous grattez la guitare, vous jouez du saxophone,
15:44vous jouez de la musique antillaise, vous jouez du mariuscultier, du brassard,
15:47vous avez monté un petit groupe, parlez-nous de cette passion.
15:51– Oui, oui, c'est venu très tôt, parce qu'effectivement, mon père jouait du saxo,
15:55c'est pas un grand saxophoniste, moi non plus d'ailleurs, voilà,
16:00et il m'a transmis ça, alors un petit peu au début par obligation,
16:03c'est vrai que quand on a 7-8 ans et qu'on va jouer du saxo,
16:06alors que tous les copains, les copines font du vélo,
16:11vont s'amuser dans les champs ou choses comme ça,
16:13et vous, vous allez au solfège à prendre des notes de musique,
16:15vous avez l'impression d'être à nouveau à la classe, en classe,
16:17donc c'est pas génial, mais je suis très content
16:20que mes parents m'aient un petit peu poussé pour faire ça,
16:23voilà, j'ai joué à l'harmonie municipale de Bode,
16:26j'avais quoi, 10, 11, 12 ans, là, je défilais avec tous les adultes,
16:29avec un beau costume, une belle casquette, marcher au pas,
16:32enfin, c'était un peu bizarre, mais ça m'a appris beaucoup de choses.
16:36Après, j'ai un petit peu laissé tomber, après au lycée,
16:39voilà, j'avais des copines qui jouaient de la guitare,
16:41on a fait un groupe, on jouait un petit peu des trucs,
16:45quand on est au lycée, il y a un petit peu des groupes de lycée,
16:47et alors après, là, j'ai vraiment complètement arrêté,
16:51pendant tout le temps, et en fait, c'est en arrivant à Martinique,
16:55où j'ai eu la chance d'avoir un collègue qui jouait du piano,
17:00de rencontrer quelqu'un qui jouait de la guitare,
17:02et donc Hervé, qui est resté mon guitariste pendant 20 ans,
17:05maintenant, il a pris sa retraite, il est parti dans le sud de la France,
17:08et voilà, et donc je me suis remis, et on va juste écouter ce que ça donne,
17:14et ensuite...
17:16– Écoutez ce que ça donne ? – Oui, on a un petit extrait.
17:18– Moi qui t'ai payé, longtemps, tant, tellement, longtemps de vie,
17:26qui m'en est la oubliée,
17:32quelle richesse nous t'ai mis, il y a dans ton petit jardin nouveau,
17:38vielle et large, mais il n'y a pas de bien grand,
17:42c'est lui qui te pose tout, c'est lui qui laisse faire tout le jour.
17:48– C'est d'ailleurs grâce à la musique que vous avez appris à parler créole ?
17:51– Oui, mais surtout avec ce genre de musique-là, je ne suis pas très zouk,
17:55j'aime bien un ou deux morceaux de Jean-Luc Gouanel, comme tout le monde,
17:58je vais faire un Sweetie Doudou si vous voulez, mais je ne sais pas,
18:03ce morceau-là de Mario Canon, je ne sais pas, je trouve que c'est juste formidable,
18:08c'est-à-dire que c'est une espèce de mélange de plein de choses,
18:10des textes qui sont bien, des rythmes qui sont un peu jazz caribe,
18:15avec un petit peu presque de salsa des fois, enfin je trouve que c'est une complexité
18:21d'avoir pu créer quelque chose qui est magnifique comme ça,
18:23c'est-à-dire que ce n'est pas de la musique facile, on met trois accords,
18:25on vient pousser la chansonnette et puis on a deux millions de vues,
18:30et j'ai tout de suite accroché avec ça, et j'ai voulu, je me suis dit,
18:34c'était un gros challenge, je ne me dis pas les premières fois
18:37où je suis allé chanter en créole, je me dis que je vais me faire incendier,
18:42insulter les gens, on me dit en plus, tu n'as pas le bon accent,
18:44mais qu'est-ce que tu te permets, tout ça, et en fait, non,
18:47et j'ai même fait un spectacle à l'Atrium où je chantais Grand automobile,
18:52ça commence par, moi, maman ici, et sur un tout petit extrait,
18:59toute la salle s'est mise debout, voilà, j'adore ça,
19:04et quand je ne le fais pas, ça me manque un peu.
19:07– Et qu'est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique pour du grand public,
19:10ça aurait pu rester très intimiste ?
19:12– Je ne fais pas de la musique pour du grand public,
19:14j'ai juste envie de le partager, en fait, je n'aime pas,
19:18je suis un petit peu comme ça, quand je suis tout seul, je ne me sens pas bien,
19:23je ne vais pas déjeuner tout seul, par exemple, ça n'a aucun intérêt pour moi,
19:26je ne joue pas de la musique tout seul non plus,
19:28alors bien sûr, il faut travailler un peu, mais donc, j'ai juste envie de le partager,
19:33alors au début, c'était avec des amis, j'ai joué beaucoup,
19:35dans des fêtes d'amis, des choses comme ça,
19:37et puis après, de temps en temps, dans les restaurants,
19:39donc là, vous avez vu, au 1643, une superbe table à Saint-Pierre,
19:43où je suis allé, mais ça fait 15 ans que je vais de temps en temps,
19:47je trouve le retour des gens et cette simplicité,
19:52je la trouve très sympa, très motivante,
19:55et en même temps, ça demande aussi à s'appliquer,
19:59à être un petit peu tiré vers le haut,
20:02parce qu'on n'a pas envie de décevoir non plus.
20:05– Eh bien, merci Jean-Noël de Grèce d'avoir partagé avec nous ce soir
20:08un pan de votre existence.
20:11Merci à mes consoeurs, Kathleen et Melinda, pour cette émission,
20:15et merci à vous, chers téléspectateurs et chers auditeurs,
20:18de nous avoir accompagnés pour cette deuxième émission Angle de vue,
20:22une émission à retrouver bien sûr sur les ondes,
20:25dans les colonnes de votre quotidien,
20:27et en ligne sur nos trois médias,
20:28via atv.mq, rci.fm et franceanti.fr,
20:33et on se retrouve dès la semaine prochaine pour un nouveau Portrait,
20:36à très vite.