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00:00– Sous-titrage ST' 501
00:23– Chers téléspectateurs, chers auditeurs,
00:25bienvenue pour ce nouvel épisode de votre émission Angle de vue.
00:28Pendant près d'une heure, nous allons dresser le portrait intime
00:31et sans concession d'une personnalité que vous pensez connaître.
00:35Et pour mener cet entretien, à mes côtés,
00:37Kathleen Bilas-Coppet, rédactrice en chef de RCI,
00:40ainsi que Mélinda Boulay, rédactrice en chef de France Enty.
00:44Cette émission, vous le savez, est bien évidemment à retrouver sur les 3 médias.
00:48Mais sans plus attendre, faisons la pluie et le beau temps sur ce plateau
00:51en accueillant Jean-Noël Degrasse.
00:54– Bonsoir, bonjour et merci de me recevoir.
00:56Je ne sais pas si c'est un plaisir ou une torture, je vous le dirai à la fin.
01:01– Alors Jean-Noël Degrasse, vous êtes bien évidemment connu
01:03comme le Monsieur Météo de Martinique,
01:06mais ce serait évidemment bien trop réducteur de nous arrêter aux prévisions du ciel.
01:11Vous qui avez posé vos valises sur cette île il y a bientôt 30 ans,
01:15nous avons évidemment beaucoup de choses à nous raconter.
01:17Mais avant cela, Mélinda Boulay va croquer votre portrait.
01:21– Jean-Noël Degrasse, bienvenue.
01:23Vous êtes le Monsieur Météo des Martiniquais,
01:25celui qui au fil des années a vulgarisé les termes techniques météorologiques
01:29pour que tout un chacun puisse les comprendre.
01:31Vous êtes né à Bonnes en 1964, la capitale des vins de Bourgogne.
01:36Un petit garçon amoureux de la nature qui passe ses vacances à la ferme
01:39avec ses grands-parents agriculteurs.
01:41Très bon élève, un brin turbulent.
01:43Vous auriez pu être un très bon ingénieur informatique,
01:46ce que vous êtes également.
01:48Mais vous quittez votre province à bord de votre grosse moto
01:51pour entrer à l'École Nationale de la Météorologie à Toulouse.
01:55Vous êtes doué, très doué, puisque vous bouclez vos études
01:58en à peine deux ans au lieu de trois.
02:00Vous démarrez votre carrière à Nîmes, puis à Paris,
02:03à la direction centrale de Météo France.
02:05Vous partez ensuite en Nouvelle-Calédonie
02:07parce que vous avez envie de voyager,
02:09de vous challenger professionnellement parlant.
02:12Vous revenez travailler quelques années à Toulouse
02:14avant votre grand départ pour la Martinique en 1997.
02:18Vous avez alors 33 ans.
02:20Vous prenez la tête de Météo France
02:22où vous managez entre 30 et 60 personnes.
02:25Vous êtes le plus jeune de la station.
02:27Vous êtes blanc et les syndicats vous préviennent
02:29que c'est eux ici qui font la loi.
02:31Mais ça ne vous fait pas peur.
02:32Vous gagnez la confiance de vos équipes
02:34et vous voilà parti pour rester plus de 25 ans à Météo France
02:37et surtout en Martinique.
02:39On le sait, vous aimez vous investir à fond dans ce que vous faites.
02:42Vous avez besoin de faire évoluer les choses,
02:44inculquer la culture du risque cyclonique.
02:47Vous multipliez les projets de coopération régionale,
02:50vous travaillez avec Miami, Haïti.
02:53On vous doit la création de la procédure de vigilance.
02:56Vous êtes un bon technicien et aussi un bon communicant.
02:59Toujours disponible pour les médias 24 heures sur 24.
03:03Vous vous sentez chez vous en Martinique.
03:04Vous le dites vous-même, vous êtes martiniquais.
03:06Vous avez refusé les avantages du statut de fonctionnaire.
03:10Vous avez renoncé à vos congés bonifiés à la maison de fonction
03:13et vous avez choisi comme centre des intérêts matériels et moraux.
03:16Les fonctionnaires comprendront la Martinique
03:19parce que, je cite, vous n'êtes pas venu profiter du système.
03:22Vous avez quitté Météo France il y a deux ans
03:25pour aller travailler dans le privé,
03:26mais vous continuez votre travail d'éducation
03:28à la culture du risque à travers les médias.
03:31Vous êtes un musicien à vos heures perdues.
03:33Votre père jouait du saxophone et vous vous y êtes mis très tôt.
03:36Vous avez monté un groupe au lycée.
03:39Ici, vous grattez la guitare,
03:40puis reprenez le saxo pour jouer avec un petit groupe.
03:44Vous jouez du mariuscultier et du brassins et vous chantez en créole.
03:48Vous apprenez à parler créole justement grâce à la musique,
03:51à vos collègues de Météo France et au contact des gens.
03:54Vous avez été mariés, vous êtes en couple,
03:55vous avez trois garçons, deux qui vivent ici, un qui vit à Nantes.
03:59Vous êtes grand-père et ce que l'on sait moins de vous,
04:03c'est que vous n'aimez pas être pris en photo,
04:04vous ne faites jamais de selfies,
04:06que vous adorez voyager, que vous ne déconnectez jamais,
04:09que vous aimez l'eau, les sports de raquettes.
04:11Alors Jean-Noël Degrasse, ce portrait est-il fidèle à l'homme que vous êtes ?
04:16Je suis fou là.
04:17Oui, il est fidèle.
04:19On vous sent ému.
04:20Oui, oui, c'est toujours émouvant.
04:23J'allais dire, c'est un petit peu trop quand même.
04:26Il n'y a que le bon côté, il n'y a pas tous les mauvais côtés.
04:29J'en ai beaucoup des mauvais côtés, j'espère que je ne vais pas trop vous les dire.
04:31Non, non, mais merci, c'est très sympa.
04:33Oui, il y a des éléments importants.
04:35La vie martiniquaise, le contact.
04:39Vous l'avez dit, Météo France, les syndicats, tout ça, c'est un plaisir.
04:42Je veux dire, ce n'est pas du tout des contraintes.
04:45Tout ce qui m'a porté, parce qu'on travaille bien si on est bien,
04:49on s'investit, on a des projets, on est dynamique si tout est bien autour aussi.
04:54On ne fait pas des choses seuls.
04:55Donc, et c'est tout ça que j'ai eu ici et que je continue d'avoir.
04:59Donc, oui, c'était bien.
05:01Je vous propose de regarder des petites photos qu'on a sélectionnées pour vous.
05:05Alors, je les regarde où ?
05:06Alors n'hésitez pas à décrire ce que vous voyez Jean-Noël Degrasse.
05:09Alors oui, vous l'avez dit,
05:12oui, j'ai quitté ma province à 18 ans comme Charles Aznavour pour aller à l'école Météo.
05:17C'était ma première moto, ma première grosse moto.
05:19Une moto qui vous a servi à transporter votre ami,
05:23qui vous a incité à vous inscrire à l'école Météo, c'est ça ?
05:26Ce n'était pas la même, mais c'était ça.
05:27Oui, je suis rentré à la Météo par ce hasard de transporteur.
05:32Je transportais un ami qui, lui, voulait absolument passer le concours Météo.
05:34Donc, vous voyez, ça ne tient pas à grand chose, mais c'est vrai.
05:37Alors, je n'ai pas beaucoup de photos de ma jeunesse parce que j'avais beaucoup de diapos.
05:42Elles ont toutes brûlées dans un incendie, malheureusement.
05:44Mais celle-là, elle est symptomatique parce que ça montre aussi mon attachement
05:49à cette espèce de liberté de rouler en deux roues.
05:51J'adore cette sensation.
05:52Je suis toujours en deux roues.
05:54J'ai toujours roulé en deux roues.
05:57Pas comme un fou, ce n'est pas trop mon truc.
05:59Mais voilà, parce que j'aime le vent, j'aime la sensation, j'aime sentir l'air.
06:05Peut-être un tout petit peu d'impression de liberté.
06:07Deuxième photo.
06:13Ah ben, que des garçons, voilà, c'est ça.
06:17Une photo de famille, c'est bien ça.
06:19Qui est sur la photo à vos côtés ?
06:20Alors, mes deux grands-aînés.
06:24Donc Baptiste, qui vit ici, qui travaille ici, qui s'est installé ici.
06:30Il n'y a pas plus Martiniquais que lui, voilà.
06:33Mon deuxième, donc, qui est à Nantes, la région nantaise,
06:37qui a vécu un petit peu ici et puis qui est parti après.
06:40Et puis, mon dernier, donc, que je porte,
06:43alors qui a grandi depuis, qui a 12 ans maintenant, donc Solan.
06:47Voilà, qui m'oblige à être un père encore dynamique et attentionné
06:52et à courir un peu à droite, à gauche, parce qu'il est une pêche pas possible.
06:56Et donc, là, il y a deux de mes petits-enfants.
06:58Il y en a un troisième depuis et qui vivent tous.
07:01Et ça, c'est mon grand désespoir, ou presque, parce qu'ils vivent tous dans l'Hexagone.
07:06Et donc, je n'ai pas l'occasion de les voir souvent.
07:08Donc, c'est dommage parce que le rôle de grand-père, c'est super sympa.
07:12On n'a que les bons côtés, on n'a pas les contraintes,
07:14mais ça ne m'arrive pas assez souvent.
07:16Alors, vous qui êtes un passionné de mer et de yolle,
07:19vous emmenez justement vos enfants, vos petits-enfants, vous les initiez
07:22parce que ça, c'est une chose qu'on connaît moins de vous,
07:24votre amour pour ce patrimoine local qu'est la yolle.
07:29Oui, alors, j'ai emmené plusieurs fois sur des bateaux,
07:32même avec RCI ou avec d'autres, avec le comité de course, mes enfants.
07:37Alors, au bout d'un moment, ils s'ennuient un petit peu
07:38parce que des fois, les étapes sont longues,
07:41mais c'est quelque chose qu'ils partagent.
07:42Je me rappelle, mon second, celui qui vit à Nantes,
07:46a fait des pieds et des mains pour avoir le maillot des coursiers rosettes à l'époque.
07:49L'autre, c'était le maillot, alors c'était géant, après UBFR.
07:53Enfin, donc, il y avait quand même cette petite combativité.
07:56Et je me rappelle, quand ils ont commencé à être scolarisés ici, mes aînés,
08:01à l'époque, c'était, peut-être que vous ne vous rappelez pas,
08:03mais c'était, entre guillemets, la guerre patricide, gentille entre eux.
08:06C'était rosettes aux Yohannes.
08:07Et je me rappelle, chacun de mes fils avait choisi une équipe
08:11sans trop savoir encore ce qu'était l'aïeul,
08:14ce qu'était la culture de l'aïeul, le patrimoine, le côté sportif.
08:17Mais voilà, donc il y avait déjà cette petite fibre.
08:20Alors, moi, je ne suis pas du tout...
08:22Mais vous, qu'est-ce qui vous plaît, justement, dans ce sport ?
08:24Je crois que c'est ce mélange de culture, de tradition, de sport.
08:29Sincèrement, enfin, je veux dire, c'est un sport incroyable.
08:32J'ai eu la chance d'aller essayer deux ou trois fois
08:34avec les coéquipiers de Félix Mérigne, dans la baie du Robert.
08:38Je me rappelle une fois, dans les conditions de vent assez fort,
08:41ça fait une demi-heure, au bout d'une demi-heure,
08:43j'avais mal partout.
08:45Voilà, et à l'époque, je n'étais que sportif quand même.
08:47Mais voilà, et puis je le vois à chaque Tour d'Aïeul.
08:51Maintenant, je ne suis pas...
08:53Voilà, je regrette de ne pas aller régulièrement voir les compétitions,
08:57le week-end, choses comme ça.
08:58C'est vrai qu'on est très focus sur le Tour,
09:00mais il ne faut pas oublier que c'est un sport qui est régulier.
09:03Et puis, c'est sport et culture.
09:06Et moi, ce qui me plaît aussi, c'est le contact avec des gens
09:10de tous les niveaux, de tous les âges.
09:13Et moi, c'est quelque chose que j'adore.
09:15J'adore ces moments.
09:16J'adore les moments du départ où tout le monde discute avec tout le monde,
09:20où on oublie tous les problèmes.
09:21On n'a plus de niveaux sociaux.
09:23On n'a plus de...
09:24Voilà, on n'est plus dans les guéguerres.
09:26Alors, on l'a dit, vous avez adopté ce territoire, la Martinique,
09:30où vous êtes présent depuis presque trois décennies.
09:34Et vous avez incarné pendant longtemps la météo, fait la pluie et le beau temps.
09:38On sait combien le temps est important chez nous, la météo.
09:43Qu'est-ce que les gens vous disent quand ils vous rencontrent dans la rue ?
09:47Alors, c'est très, très bizarre.
09:48Alors, c'est toujours très sympa.
09:49Sincèrement, pas une fois, quelqu'un est venu en me disant
09:52« Ouais, vous êtes trompé, c'est une admissive. »
09:56C'est même le contraire.
09:56Les gens sont souvent très indulgents et prennent souvent ma défense.
09:59Je me rappelle, une petite dame dans un supermarché m'avait dit
10:02« Mais les gens ne comprennent pas, ce n'est pas vous qui vous trompez,
10:04c'est juste Dieu qui change d'avis au dernier moment. »
10:06Je trouvais ça génial.
10:08Mais il y a ça.
10:10Et puis, je n'explique pas trop sincèrement l'attachement,
10:14c'est-à-dire le transfert que font les gens entre la météo et puis moi au milieu.
10:18Je ne sais pas bien, d'ailleurs, mes collègues à l'époque de Météo France,
10:21quand ils venaient aux Antilles, ils ne comprenaient pas
10:23pourquoi les gens m'arrêtaient dans la rue,
10:25pourquoi tout le monde venait me boire,
10:26tout le monde m'appelait « Jean-Noël, ça vous fait beau ? »
10:29Les gens ont dit « Mais ils te connaissent, tu les connais ? »
10:30Non, pas vraiment, mais ça, je ne sais pas.
10:34Sinon, peut-être que les gens voient un investissement de tous les jours.
10:38On a dit 24 heures sur 24, on n'est pas loin de ça quand même.
10:42Et puis, cette envie d'être près des gens parce que j'aime ça,
10:45puis j'aime les gens, voilà.
10:46Alors, on a aussi posé la question à votre femme
10:49qui est régulièrement à vos côtés dans les espaces publics.
10:51Et voilà ce qu'elle nous a répondu sur cette question.
10:53Oui, il me vient une autre anecdote, enfin, il y en a plein.
10:56Mais c'est surtout de vivre avec quelqu'un de si médiatisé, de connu.
11:04J'en ai une, mais vraiment, je la trouve assez représentative de ce qu'on peut vivre.
11:10C'est une fois dans un supermarché, tout au début, nous faisions les courses ensemble.
11:16Maintenant, c'est un aspect de notre vie que nous avons arrêté
11:22parce que c'est quand même assez...
11:23Ah, mais M. Météo, mais Mankadu, mais oui, Céline, etc.
11:28Il a une notoriété, une popularité qui nous surprend toujours.
11:34Et les gens lui disent, mais M. De Grasse, il faut qu'on reste ici, il ne faut pas au patin.
11:40Quand on part en voyage et que les gens nous voient à l'aéroport,
11:43mais comment vous partez, mais vous ne pouvez pas partir,
11:46on va être en saison cyclonique.
11:47Voilà, c'est tous ces aspects qui nous amusent bien souvent.
11:51Et au début, j'en étais vraiment très surprise.
11:55Jean-Noël en est toujours très gêné parce que c'est quelqu'un qui n'aime pas les photos,
11:59qui n'aime pas être mis en avant comme ça.
12:03Donc, je sais que cet exercice va être assez particulier.
12:07Mais en même temps, n'oublions pas que c'est un homme de communication.
12:12C'est un vrai communicant.
12:14Voilà.
12:16Une réaction ?
12:18Oui, mais c'est paradoxal.
12:19Les gens s'imaginent, je suis là, je suis souvent à la télé.
12:22C'est paradoxal de ne pas aimer être photographié.
12:25Non, non, mais j'ai horreur de ça.
12:26Vous auriez interviewé ma mère, elle vous aurait dit,
12:28ma mère se plaint parce qu'elle n'a jamais de photos de moi,
12:30jamais de films de moi, je n'aime pas ça.
12:33Voilà.
12:35Vous pensez ou vous savez, peut-être que vous n'auriez pas eu cette notoriété
12:40si vous aviez exercé le même métier dans n'importe quelle région de France ?
12:46C'est possible.
12:48C'est possible parce que je crois qu'il y a un vrai,
12:50en tout cas, j'ai un vrai attachement avec le pays,
12:54mais le pays dans son ensemble.
12:56C'est-à-dire, pas uniquement, il y a des plages, la culture, les gens.
13:00Voilà, malgré toute la problématique, on va dire, martiniquaise
13:05qu'on voit bien en ce moment.
13:07Et c'est possible que, oui, c'est une espèce de combinaison magique
13:11qui s'est produite ici,
13:13ce qui fait que je ne me suis jamais posé la question,
13:15comme beaucoup de personnes, notamment de métros qui viennent
13:19à des postes comme ça en disant, je viens 3-4 ans,
13:21après je repars chez moi.
13:23Eh bien, moi, je ne me suis jamais dit ça, en fait.
13:25On en reparlera d'ailleurs.
13:27On va parler de votre métier dans la deuxième partie
13:30de cette émission Jean-Noël Degrasse.
13:31On se retrouve dans quelques instants, juste après une petite coupure.