Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d'entreprise de l'IFOP, était l’invité du Face-à-Face de ce vendredi 13 septembre sur BFMTV et RMC.
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00:00Il est 8h32 et vous êtes bien sur AMC et BFM TV. Bonjour Jérôme Fourquet.
00:04Bonjour.
00:05Merci d'être avec nous ce matin pour essayer de mieux comprendre la France et les Français d'aujourd'hui.
00:10Vous êtes le directeur du département Opinion et Stratégie de l'institut de sondage IFOP.
00:14Quelle France face à ce gouvernement introuvable ? Quelles attentes des Français ?
00:19On va sans doute parler d'une forme de fatigue mais aussi de colère, de frustration, peut-être même parfois d'indifférence.
00:24Mais je voudrais d'abord qu'on revienne sur les Jeux Olympiques.
00:28Demain, c'est la grande parade, dernière étape de ces Jeux Olympiques.
00:33Et je me suis demandé au fond, vous qui avez théorisé, observé une France que vous avez dit archipélisée,
00:40c'est-à-dire une France morcelée comme un puzzle qui se serait petit à petit séparé, détaché.
00:46Quand vous avez regardé ce moment des Jeux Olympiques, est-ce que vous n'êtes pas dit
00:50finalement on s'est planté, peut-être que la France est beaucoup plus unie qu'on ne le pensait ?
00:54Alors effectivement, il y a eu un grand moment de communion qui a duré plusieurs semaines
01:00avec la magie de l'été, la magie de Paris, les performances de nos athlètes, une organisation remarquable.
01:07Un événement de première importance qui arrivait aussi au lendemain d'une séquence électorale
01:14qui avait vu la France se mettre en tension. Et donc cette pause, ce moment de respiration était bienvenu.
01:21Les audiences l'ont montré, l'affluence dans les stades également, les Français ont été au rendez-vous.
01:27Les enquêtes, les sondages indiquent que plus de deux tiers des Français ont suivi ces Jeux.
01:32Donc ça a été une vraie réussite, mais qui a été une réussite quelque part, c'était un moment suspendu,
01:38une espèce de parenthèse enchantée, et qui a été d'autant mieux savourée et appréciée
01:45qu'on avait intuitivement l'idée que c'était une parenthèse enchantée.
01:50Toutes choses étant égales par ailleurs, on pourrait comparer ça, si vous voulez, un peu à ce qui se passe chaque année au Brésil,
01:55avec le carnaval de Rio. On a une société brésilienne qui est très divisée, très morcelée,
02:01mais l'espace du carnaval, l'ensemble des cariocas se rassemblent et communient dans la fête.
02:08Et on le fait d'autant plus qu'on sait que tout ça va avoir une fin et qu'on va hélas revenir ensuite aux affaires courantes.
02:15Mais est-ce qu'au fond, il pourrait subsister de cela quelque chose qui rassemble les morceaux ?
02:21Tout ça n'est pas anecdotique, il ne faut pas l'écarter d'un revers de main.
02:26De la même manière qu'on a vécu, et c'est souvent le sport qui permet ça,
02:30un grand moment d'effervescence et de liesse populaire avec les victoires à 20 ans d'écart des Bleus
02:37dans les Coupes du monde de football, il reste des images, il reste des souvenirs
02:42qui permettent aussi de maintenir un degré de cohésion le reste du temps.
02:47Un socle commun ?
02:48Un socle en disant qu'on sait parfois se rassembler. On a ces images qui ont marqué nos rétines,
02:55ces jeunes et moins jeunes avec les couleurs tricolores floquées sur leurs joues,
03:01les drapeaux qui sont agités, la Marseillaise qui est entonnée à plein poumon.
03:05Tout ça marque les esprits et va laisser des traces.
03:09Néanmoins, le réel, la vie courante, les tensions quotidiennes reprennent le dessus.
03:17Emmanuel Macron ne s'y est pas trompé quand il a reçu dans le courant du mois d'août
03:21l'ensemble des acteurs des JO pour les remercier et les féliciter.
03:25Il leur a dit en substance qu'il comprenait leurs Blues
03:28et que lui aussi aimerait que ce temps, ce moment, ne se referme pas.
03:33Et justement, c'est comme s'il y avait un peu de rab encore qu'on va avoir demain
03:36avec cette parade, tenter de tirer le plus loin possible ce fil,
03:41avec cette formule parfois qui a été utilisée,
03:44l'idée que les Français ont eu plaisir à se reposer d'eux-mêmes.
03:48Et puis, il y a eu ensuite l'attente, l'attente interminable pour un gouvernement.
03:54Alors maintenant, ça y est, on a un Premier ministre, Michel Barnier,
03:57mais toujours pas de gouvernement.
03:59D'ailleurs, Michel Barnier a dit je suis un montagnard, j'y vais étape par étape.
04:02Et je vais prendre mon temps.
04:05Est-ce que tout cela ne va pas finir par lasser les Français ?
04:08Et est-ce qu'il n'y a pas une contradiction,
04:11avoir un Michel Barnier, aujourd'hui Premier ministre,
04:14issu du parti qui est arrivé cinquième ?
04:18Alors, sur la lassitude, je pense que le suspense va bientôt se terminer
04:23et que les Français sont en capacité d'endurer encore une semaine
04:29sans ministre de plein exercice.
04:32On a eu un gouvernement démissionnaire qui a rempli ses fonctions
04:35et expédié les affaires courantes pendant toute la trêve estivale.
04:38Donc, ce n'est pas tant, je pense, sur l'attente que le problème est en train de se nouer.
04:44C'est, comme vous l'indiquez, sur la contradiction flagrante
04:48qui risque d'apparaître entre la composition de ce gouvernement,
04:52les orientations qui seront les siennes.
04:54Tout se passera comme si, quelque part, LR avait quasiment gagné les élections.
04:58Et puis, ce que vous rappeliez, c'est-à-dire le score de ce parti,
05:01au premier tour, 5%, et au deuxième tour, à peine un peu moins de 50 députés,
05:07quasiment tous élus dans des duels contre le Rassemblement national,
05:11avec des voix de gauche et du camp macroniste.
05:15Donc, ça renforce encore la contradiction.
05:17Et ça renforce encore, effectivement, la contradiction.
05:19On a entendu hier des formules, notamment cette formule dite par LR,
05:24qui dit à Michel Barnier, on vous soutiendra, mais en vœux,
05:27une politique de droite avec plus de sécurité, moins d'immigration.
05:31Plus de sécurité, moins d'immigration.
05:33Est-ce que c'est ça, les leçons des législatives de juin ?
05:35Alors, c'est une partie de la leçon, puisque ce sont les ingrédients
05:39qui ont présidé au mouvement très puissant qui aboutit à la situation
05:45dans laquelle on se trouve, c'est-à-dire la dynamique du Rassemblement national.
05:47Mais dans ce cas, pourquoi ils n'ont pas mis Jordan Bardella, Premier ministre ?
05:51C'est pour faire une politique avec plus de sécurité et moins d'immigration.
05:54Alors, quand les LR parlent de ça, c'est qu'ils savent que là-dessus,
05:58ils peuvent obtenir un consensus de la part du Rassemblement national.
06:02Donc, ils ont absolument besoin de la neutralité pour ne pas que…
06:07Une neutralité bienveillante.
06:09Bienveillante, mais qui sera monnayée.
06:11Mais Laurent Wauquiez et les autres ténors des Républicains
06:15vont aussi faire passer le message qu'il y a des attentes très fortes,
06:19de leur point de vue, sur les comptes publics, sur l'état du budget.
06:23Mais ça, c'est moins populaire et ça ne rentre pas, si vous voulez,
06:27dans l'opération de séduction en direction du Rassemblement national.
06:33Mais voyez cette façon de poser les conditions.
06:37Alors, les LR sont dans leur rôle, puisque c'est l'un des leurs qui a été désigné.
06:41Poser leurs conditions programmatiques, en coulisses, faire le forcing
06:45pour obtenir les postes clés.
06:47Tout se passe, encore une fois, comme si les LR avaient gagné cette élection.
06:51Donc là, il y aura manifestement, bien au-delà de cette question
06:55de l'attente interminable, un sentiment de frustration et de colère
06:59chez de très nombreux Français, d'horizons politiques différents.
07:03On a été marqué, pendant assez longtemps en France,
07:07par ce qui s'est passé le lendemain du référendum de 2005.
07:11Sur la Constitution européenne.
07:13Où une majorité de Français…
07:15Le non l'a emporté.
07:16La Constitution est tout de même advenue.
07:18Elle a été adoptée par voie parlementaire.
07:20Et beaucoup de Français qui avaient voté non à ce texte ont dit
07:23mais c'est bien la peine qu'on se déplace pour les voter,
07:25puisqu'on nous a fait un enfant dans le dos, qu'on a quand même,
07:28en dépit de notre décision et de notre souveraineté, voté, fait adopter ce traité.
07:34La participation avait été importante lors de ce référendum,
07:38comme elle a été importante aux législatives.
07:40C'est-à-dire que beaucoup de Français ont joué le jeu.
07:42Ils se sont dit là il y a une élection décisive.
07:44Emmanuel Macron dissout.
07:46On est dans un moment grave.
07:48Il faut qu'on exerce notre devoir de citoyen.
07:50Et quel que soit le bord politique qu'on regarde,
07:56on ne peut que constater, encore une fois,
07:58la dissonance entre les résultats sortis des urnes
08:03et les conséquences institutionnelles qui en ont été tirées.
08:07Le vote du référendum de 2005,
08:09est-ce que ce n'est pas la matrice de cette frustration aujourd'hui ?
08:13Si je vous suis, ça veut dire que la frustration déjà considérable
08:17qui était ressortie de 2005, avec le sentiment que le peuple n'était pas écouté,
08:20puisqu'effectivement, ce qu'ils avaient refusé est revenu par la fenêtre.
08:24Là encore, aux législatives, un vote massif,
08:27ça veut dire que les Français croient encore, malgré tout, à la démocratie.
08:31Est-ce que la frustration ne va pas être encore plus grande ?
08:34C'est la deuxième fois qu'on leur fait le coup, si je vous suis.
08:37Alors, laissons un peu de temps au temps
08:40et voyons quelles seront les orientations prises par ce gouvernement.
08:43Mais encore une fois, le casting va être important,
08:46les premières décisions qui vont advenir également.
08:49La semaine dernière, c'était la gauche qui a mobilisé,
08:51enfin une partie de la gauche, la France Insoumise,
08:53qui a mobilisé ses troupes dans la rue pour crier au coup de force institutionnel.
08:57Mais il n'y a pas que la gauche dans cette affaire qui va se sentir lésée.
09:00Pour l'instant, le Rassemblement National est dans un entre-deux.
09:03C'est pour ça que Laurent Wauquiez et d'autres
09:05essayent d'envoyer des messages ou des signaux en disant
09:08qu'il y a une partie de votre programme qui va être appliquée par ce qu'on va faire.
09:11Mais regardez la situation kafkaïenne dans laquelle on se trouve.
09:14Ce gouvernement va avoir un soutien minoritaire à l'Assemblée
09:18et le cœur de son soutien va être constitué par les députés des Républicains,
09:23qui sont 47.
09:25Et donc Michel Barnier, LR, va dépendre de plus de 160 députés macronistes
09:31du Modem, du parti de Gabriel Attal, d'Horizon.
09:35Et au bout de quelques semaines, la nature va reprendre ses droits.
09:39Chacun va essayer de faire valoir ses positions.
09:41Donc la situation de mon point de vue va être extrêmement difficile à tenir
09:45avec ce risque majeur d'un nouveau schisme démocratique
09:50qui va être ressenti par beaucoup de Français,
09:52qui vont dire qu'on a joué le jeu et qu'on est passé par-dessus notre vote.
09:57Est-ce que la colère est aussi ce qui motive ceux auprès de qui vous vous êtes tournés
10:03pour essayer de faire ce sondage ?
10:05L'un des enseignements d'un sondage qui est paru hier soir par votre institut à IFOP,
10:09qui montre que Marine Le Pen serait largement en tête des intentions de vote
10:14si les élections avaient lieu aujourd'hui.
10:17Quand je dis largement en tête, ça veut dire que ça continue encore à monter.
10:22On est bien d'accord ?
10:23Oui, on est sur des scores aux alentours d'un tiers des voix, ce qui est énorme,
10:28mais qui est dans la suite logique.
10:31Ça veut dire que la dynamique ne s'est pas arrêtée ?
10:33La dynamique n'a pas été stoppée.
10:34L'électorat RN s'est senti floué, pas dans la composition du gouvernement.
10:40L'annonce de la nomination de Michel Barnier, c'est l'entre-deux-tours.
10:43C'est le front républicain.
10:45Le RN est en tête avec ses alliés siotistes, avec quasiment 35% des voix.
10:51Ils ressortent avec 140 députés.
10:54Ils sont le troisième groupe à l'Assemblée nationale.
10:57Même cause, même effet.
10:59Ces électeurs RN disent que le message n'a pas été entendu.
11:02Donc, on continue.
11:03Ça ne les a pas découragés ?
11:05Non, au contraire.
11:07Ça les a renforcés.
11:09Ce qui peut encore les renforcer, c'est s'ils ont l'impression que,
11:12bien qu'étant minoritaires à l'Assemblée,
11:14le RN, ça va être tout l'enjeu des prochaines semaines,
11:17quelque part, joue le rôle d'arbitre
11:19et maintient sa pression sur l'exécutif.
11:21Jérôme Fourquay, l'un des enseignements de votre sondage,
11:23c'est que le vote RN est de plus en plus un vote d'adhésion
11:27et de moins en moins un vote de contestation.
11:30C'est renforcé également par une autre étude
11:32qui, là, sort de la Fondation Jean Jaurès.
11:34Ça veut dire que, concrètement, aujourd'hui,
11:36on vote RN pas juste parce qu'on est en colère.
11:39On vote RN pour le programme du RN.
11:41Pour le programme et peut-être encore davantage
11:43pour adhésion au consensus, excusez-moi,
11:48au diagnostic que le RN porte sur l'état de la société.
11:51Avant même les propositions que le RN peut faire,
11:53ce qui joue un rôle moteur, c'est que cet électorat se dit
11:56ce que raconte le RN, ce que le RN décrit,
11:59c'est ce que moi, je vois depuis ma fenêtre
12:01et le RN est le seul parti à poser un tel diagnostic
12:05en termes de situation sociale, situation sécuritaire,
12:08situation migratoire et conditions supplémentaires.
12:13Dans la grande toile que dresse le RN
12:16sur l'état de la société française,
12:18nous, moi et les miens, sommes partie prenante
12:22dans cette photo et nous comptons non pas
12:24pour quantité négligeable et, comme diraient les jeunes,
12:26au moins le RN, lui, nous calcule.
12:29Donc ça, ça fait longtemps que cette adhésion
12:32en termes de diagnostic a été posée
12:34et c'est le principal ressort de la dynamique.
12:37Et c'est ce qui fait que ce chiffre ne baisse pas
12:39et continue donc à monter dans les intentions de vote du RN.
12:42Mais ayons aussi quand même en tête,
12:44parce que ces chiffres sont spectaculaires,
12:46que l'enseignement de l'entre-deux-tours
12:48des élections législatives, c'est que face à cette montée
12:51des obles marines très spectaculaire,
12:54il y a encore une majorité absolue de Français
12:57qui ne souhaite absolument pas que le RN arrive au pouvoir.
13:01Et donc il faut le rappeler aussi,
13:03c'est-à-dire que c'est l'entrechoquement de ces deux mouvements,
13:05d'une dynamique frontiste et de l'autre côté un front républicain.
13:07Ça veut dire que ce front républicain, il n'est pas mort.
13:10Il ressuscitera à nouveau, comme à chaque élection,
13:13pour les prochaines élections, c'est vraisemblablement.
13:15C'est le constat qu'on peut tirer des élections législatives,
13:18c'est-à-dire que, objectivement, beaucoup de Français se sont dit
13:21cette fois le RN peut vraiment gagner.
13:23Jordan Bardella était déjà en train de composer son gouvernement.
13:26Marine Le Pen avait indiqué qu'il n'y aurait plus de domaine.
13:28Donc il y avait urgence, il y avait que deux.
13:30Et donc face à la perspective avérée d'une victoire,
13:33le front républicain a été ressoudé.
13:35Mais vous disiez tout à l'heure aussi qu'un certain nombre de Français
13:37avaient le sentiment de s'être fait avoir.
13:39Est-ce que ceux qui ont joué le jeu de ce front républicain
13:42accepteront de le faire à nouveau, si c'est pour se retrouver
13:45avec finalement un gouvernement de droite ?
13:47C'est tout l'enjeu.
13:48Regardez, le front républicain avait été pratiqué en 2017
13:51au deuxième tour de l'élection présidentielle,
13:54quand on était déjà, pour la première fois,
13:56dans un duel Emmanuel Macron-Marine Le Pen.
13:58Et en 2022, le front républicain, dans la même configuration,
14:02a moins bien fonctionné.
14:04Il a fondu.
14:05Marine Le Pen était passée de 34% à 41% en cinq ans,
14:08parce que toute une partie de l'électorat de gauche
14:10avait dit qu'on ne nous y reprendra plus.
14:12Et Emmanuel Macron, qui devait mener une politique
14:15de droite et de gauche, a mené en fait une politique de droite.
14:17Et donc nous, nous ne voterons plus pour ce candidat.
14:20Sauf que, et c'est là que l'enseignement des législatives est intéressant,
14:25le front républicain se réactive quand la perspective
14:28d'une victoire du RN est avérée.
14:30Là, en 2022, même si des électeurs pouvaient se dire
14:33que Marine Le Pen avait ses chances,
14:35le consensus majoritaire était qu'elle ne pouvait pas gagner.
14:39– Est-ce que, Jérôme Fourquet, vous avez regardé l'étude
14:41de Vincent Tiberges, il est sociologue et professeur à Sciences Po.
14:45Lui, il dit, au fond, il y a une forme de décalage
14:47entre la droitisation des élites françaises et la réalité d'un peuple
14:52qui, notamment sur l'action des valeurs, a énormément progressé
14:55et en réalité beaucoup plus progressiste que ses élites conservatrices ?
15:00– Alors, oui, j'ai commencé à regarder ses travaux,
15:03je suis en partie d'accord avec le diagnostic qui est fait.
15:06Il faudrait néanmoins nuancer quand on dit les élites.
15:09Toutes les élites politiques ou médiatiques ou intellectuelles
15:12ne sont pas conservatrices.
15:13Et puis, pour ce qui est du phénomène général ou non
15:16de droitisation dont on parle dans le pays,
15:18je pense qu'il faut distinguer trois axes.
15:20Le premier, c'est l'axe sociétal.
15:22Les valeurs, la tolérance en matière de mœurs sur l'IVG, sur l'homosexualité.
15:29Et là, toutes les enquêtes montrent qu'aujourd'hui,
15:32la France est beaucoup plus progressiste,
15:34beaucoup plus tolérante qu'elle ne l'était il y a 40 ans.
15:37Sur l'homosexualité, sur l'IVG encore une fois,
15:40la société française s'est très fortement décrispée
15:43et donc on ne peut pas parler de droitisation sur ce plan-là.
15:46Sur le plan économique et social, la première revendication
15:49d'une partie des candidats aux législatives
15:52était d'abroger cette fameuse réforme des retraites.
15:55Et vous voyez bien qu'il y a des attentes très fortes
15:57sur le pouvoir d'achat.
15:58Et en dépit du fait que le budget soit,
16:01pour la cinquantième année de l'État,
16:03la cinquantième année consécutive déficitaire,
16:05le consensus est qu'il faut encore augmenter les dépenses publiques.
16:08Donc sur le champ économique,
16:10on ne voit pas non plus les symptômes d'une droitisation.
16:12En revanche, sur le troisième pan,
16:14qui est celui des questions régaliennes,
16:16sécurité, immigration,
16:18là, je pense qu'on a des indices objectifs
16:20d'une droitisation du pays.
16:21Jérôme Fourquet, on l'apprend à l'instant,
16:23le chiffre de l'inflation,
16:26pour la première fois depuis trois ans,
16:28passe sous la barre des 2%.
16:30On peut le dire maintenant, l'inflation est derrière nous
16:33en termes de pouvoir d'achat.
16:35Ça, ça peut avoir un impact énorme sur les Français.
16:37Oui, alors attention, l'inflation diminue.
16:40Ça ne veut pas dire que les prix reviennent
16:42au prix d'avant, mais ça veut dire qu'ils cessent de monter.
16:44Avec quand même un certain nombre de marqueurs,
16:47de prix qui sont très sensibles pour les Français,
16:49notamment celui des carburants,
16:51où là, la baisse est pour le coup objective et avérée.
16:56Et on voit, nous, déjà dans nos enquêtes,
16:58que la préoccupation sur le pouvoir d'achat
17:00reste toujours très forte,
17:01mais qu'elle a un peu diminuée
17:03par rapport à il y a quelques années.
17:05Attention néanmoins,
17:07les fins de mois sont quand même difficiles
17:09pour plus de la moitié de nos concitoyens,
17:11et les efforts budgétaires
17:13qui vont être demandés
17:15dans le cadre des prochaines négociations
17:17vont bien évidemment crisper toute une partie de la population.
17:20Jérôme Fourquet, si vous aviez face à vous
17:22Michel Barnier, qui doit composer son gouvernement,
17:25à quoi lui diriez-vous d'être particulièrement attentif ?
17:29Justement à ne pas faire naître ou alimenter l'idée
17:33que la droite et les LR
17:36donneraient le sentiment ou l'impression
17:39qu'ils ont gagné ce scrutin
17:41et de leur rappeler en permanence,
17:43je pense que Michel Barnier est pleinement conscient de tout cela,
17:45l'état du pays et l'équilibre des forces.
17:49Il va composer les contraintes politiques
17:52en piochant dans le vivier du Bloc central
17:55et du camp des Républicains,
17:58mais dans le ton qui sera employé,
18:01dans les désignations qui seront faites,
18:03dans les premières mesures qui seront annoncées,
18:05tenir compte du fait qu'il y a un risque,
18:08encore une fois, de schisme démocratique
18:10de la part de tous ceux qui vont avoir le sentiment
18:12qu'on leur a volé cette élection
18:14ou que le Président et Michel Barnier
18:16se sont assis sur le résultat des urnes.
18:18Il y a un point sur lequel l'ERN et la gauche
18:20pour le coup sont d'accord,
18:22c'est le fait de revenir sur la réforme des retraites.
18:24Est-ce qu'il doit tenir compte de cela ?
18:26Est-ce qu'effectivement, pour les Français,
18:28ça reste la priorité ?
18:30C'est un sujet qui fait consensus
18:32dans une large partie de la population.
18:34De ce point de vue-là, l'attitude du RN
18:36sera très intéressante à observer
18:38parce que c'est eux, en tant que principal groupe
18:40à l'Assemblée nationale,
18:42qui disposent de la première niche parlementaire.
18:44On verra à quoi ils vont utiliser cette niche.
18:46Est-ce que ce sera un texte sur la proportionnelle,
18:48sur l'immigration, sur la sécurité ?
18:50Ou est-ce que ce sera, comme ils l'ont dit
18:52il y a quelque temps, un texte,
18:54une proposition pour abroger la réforme des retraites
18:56qui devrait normalement être soutenue
18:58par la gauche ?
19:00Il faudra aussi regarder quelle est l'attitude
19:02de Michel Barnier en la matière.
19:04Je ne pense pas, compte tenu des négociations
19:06et du rapport de force qui a été instauré
19:08avec Emmanuel Macron, que Michel Barnier
19:10est dans l'esprit de revenir
19:12sur cette réforme,
19:14mais peut-être de l'amender à la marge
19:16parce qu'il sait également que, compte tenu
19:18de la situation budgétaire très dégradée du pays,
19:20nous sommes sous observation
19:22à la fois de nos partenaires européens,
19:24mais également des marchés financiers
19:26dont nous dépendons pour nous financer
19:28quotidiennement, et donc
19:30que tout retour arrière
19:32trop brutal sur la réforme des retraites
19:34serait un signe,
19:36une ligne rouge qui serait franchie
19:38en direction de ces acteurs
19:40dont on dépend, qu'on le veuille ou non.
19:42Merci Jérôme Fourquet d'être venu
19:44dans ce studio répondre à mes questions, directeur
19:46du département Opinion et Stratégie de l'Institut
19:48de Sondage IFOP, et je voudrais citer
19:50votre dernier livre, La France d'Après,
19:52une France dans laquelle on se projette,
19:54tableau politique de La France d'Après,
19:56c'est aux éditions du Seuil.
19:58Merci à vous.