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Court métrageTranscription
00:00Bonjour Daniel Otteuil, avec 14 nominations au César de César pour votre rôle du Golin
00:05souberan, dit Galinette, dans Jean de Florette et Emmanuel Dessos, et pour celui de Gabor
00:09dans La fille sur le pont, vous êtes devenu au fil du temps l'un des acteurs les plus
00:12aimés et reconnus du cinéma français.
00:14Il faut dire que vous avez toujours été à part avec cette sensibilité juste, amplie
00:19d'humanité et d'humilité, l'enfant de la balle que vous êtes, a su cultiver un
00:23héritage précieux, transmis par vos parents, chanteurs, lyriques d'opéra et d'opérettes
00:27et amoureux de théâtre, la scène, les planches, le septième art, la musique, tout vous attire
00:31et tout vous intéresse.
00:32Aujourd'hui, vous êtes devant et derrière la caméra avec le film Le Fil qui sort aujourd'hui,
00:37vous êtes maître Jean Monnier, avocat pénaliste chargé de défendre un père de famille accusé
00:43du meurtre de sa femme, c'est tiré et basé sur une histoire vraie, une nouvelle réalisation
00:49six ans après la comédie Amoureux de ma femme, vous passez donc de l'amour à la
00:53haine.
00:54Oui, je passe de l'amour à la haine, mais en même temps de l'amour parce que ces métiers
00:59d'avocat, ce sont des métiers amplis d'humanité.
01:03C'est en voyant, en assistant pendant la préparation de mon film, en assistant à
01:11un procès, j'ai eu la chance d'être invité à un procès à huis clos, que j'ai ressenti
01:18en fait toute la profondeur, la difficulté et l'humanité de ce métier d'avocat,
01:26de justice même, souvent décrié, c'est un métier absolument difficile, ça m'a
01:29fait penser au métier de flic, au métier d'infirmière, ces métiers où on est en
01:37prise directe avec l'humanité et que la moindre erreur qu'on puisse commettre est
01:45fatale.
01:46On me dit souvent, mais avocat et acteur, c'est pareil.
01:48Non, non, c'est pas pareil.
01:49Qu'est-ce qui diverge ?
01:50Il y a un point, ce qui diverge, c'est que si vous voulez, au-delà, c'est sur la
01:59conclusion.
02:00C'est-à-dire que moi, si je rate mon rôle, je frise le ridicule, on n'en meurt pas,
02:05alors que si je suis avocat et que je me trompe, le type ou la femme peut prendre 20 ans de
02:09prison.
02:10Et ce qui m'a surpris, c'est que la réalité a tellement plus d'imagination que la fiction
02:16que ça m'a bouleversé.
02:19On parle d'intime conviction ?
02:20Oui.
02:21D'ailleurs, vous le défendez avec l'intime conviction qu'il est innocent.
02:24C'est quoi l'intime conviction ?
02:26L'intime conviction, au plus profond de sa conscience, c'est le degré de perception
02:33qu'on a sur la véracité des propos de l'autre et sur le fait d'être sûr de son
02:45innocence.
02:46Quand ça arrive souvent, c'est parole contre parole, il n'y a pas de preuve, pas de mobile,
02:55pas de témoin.
02:56Et c'est là où je comprends à quel point le public est fasciné par ces histoires de
03:05procès, de films policiers et tout ça.
03:08En assistant moi-même à ce procès pendant trois jours, je signais tous les jours, mais
03:13oui, il est innocent, mais non, il est coupable.
03:17Il y avait une chose aussi qui m'a touché, c'est souvent ceux qui n'ont pas accès à
03:24la parole et qui sont facilement coupables parce qu'ils ne peuvent pas se défendre.
03:30D'où le travail des avocats.
03:31Vous doutiez à un moment donné de revenir à la réalisation ?
03:34Oui, je pensais que c'était terminé.
03:36Moi, je pensais que c'était terminé.
03:38Et puis, j'étais reparti dans des aventures d'acteurs extraordinaires avec des gens passionnants.
03:45Donc, jusqu'à ce que Deslis et Auteuil, ma fille, et Productrice m'amènent cette histoire.
03:52Mais entre le moment où j'ai lu la première fois et le moment où on a tourné, il a fallu
03:58trois ans.
03:59Il a fallu que je m'accapare de cette histoire, que je la fasse mienne.
04:03Il fallait que je trouve un parallèle entre ma vie, mon métier d'acteur et cet avocat
04:15qui se remet à plaider en assise, comme moi, je me remets à faire de la mise en scène.
04:20C'est-à-dire que ça demande plus que de l'énergie, c'est une force de vie magnifique
04:28de faire un film.
04:29Et donc, il fallait que je retrouve cette force et je l'ai trouvée.
04:36Et je suis bien heureux d'avoir réalisé ce film-là, comme ça.
04:40Ça vous apporte quoi de jouer ?
04:42De jouer ? C'est ma vie, jouer.
04:47Je suis né pour jouer et je mourrais en jouant.
04:53Je ferais semblant de mourir.
04:55Jouer, ça m'apporte...
04:58Je dirais que c'est une espèce de...
05:03Malgré les rôles les plus durs, les plus compliqués, les plus obscurs, ça m'apporte
05:08une légèreté.
05:09C'est une espèce d'abandon, une légèreté.
05:14C'est une légèreté.
05:15Et un plaisir, c'est quelque chose.
05:17Et plus c'est douloureux, plus c'est dramatique et plus c'est jouissif parce que ce n'est
05:21pas pour de vrai, c'est pour de faux.
05:23Nous, on n'a pas à souffrir.
05:25C'est à vous de souffrir, d'être ému, de pleurer.
05:28Nous, on a juste à être convaincant.
05:31Pour terminer, vous parliez de votre oreille musicale.
05:34Vous avez cette oreille musicale, vous aimez chanter d'ailleurs, avec une complicité par
05:38un moment, celle de Gaëtan Roussel, qui joue à la salle de ce film, qui est l'un des
05:44protagonistes de cette histoire d'ailleurs.
05:46On entend que votre voix, vous la posez encore davantage, que vous aimez jouer avec la rythmique
05:52de votre voix.
05:53Elle représente quoi cette voix ?
05:54Alors, pour moi, c'est pour vous, l'histoire des voix, c'est un drôle de truc parce que
05:59c'est...
06:00Je peux juste dire que si ma voix fait le même effet que je peux, la voix, d'abord c'est
06:10un organe, mais ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que généralement, si on a un peu de
06:15chance, au cours d'une vie, cette voix ne change pas.
06:19Elle est reconnaissable, alors que le corps se transforme.
06:22Mais la voix reste, en tout cas, la voix chantée a une espèce de juvinilité comme ça.
06:28J'ai mal dit le mot, mais vous...
06:32Mais pour moi, ça représente, pour moi, c'est un outil et pour vous, c'est, j'espère,
06:39une émotion.
06:40Mais moi, je ne sais pas que c'est une émotion.