Restera, partira ? L'avenir de Yannick Noah à la tête de l'équipe de France paralympique demeure incertain après ces Jeux paralympiques, terminés pour les Français. Le bilan des Bleus : pas de podium, une première pour eux depuis les Jeux paralympiques de Sydney en 2000. L'ancien vainqueur de Roland-Garros, très ému en zone mixte, est resté évasif et se prépare à une "gueule de bois".
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00:00William, vous aviez prévenu avant le tournoi, une médaille, voire deux, ça serait très
00:08compliqué.
00:09Celle-là a été finalement pas de médaille pour votre équipe.
00:11Oui, en simple, on a été un peu surclassé.
00:16Stéphane a fait un bon match en quart, mais on perd contre plus fort que nous.
00:22Par contre, en double, que ce soit en demi hier et aujourd'hui, je pense qu'il y avait
00:29une place, forcément, parce que quand on est sur le bord du terrain, on a toujours
00:36des zones, on a toujours une façon de voir.
00:38Forcément, c'est plus facile quand on est assis sur le bord du terrain, mais c'est une
00:42grosse déception.
00:45On a vraiment rêvé, on a vécu ensemble une aventure tellement puissante depuis un an,
00:53avec cette montée de pression pendant la cérémonie d'ouverture, les matchs ici à Roland, jamais
01:02vu de match en para, fauteuil, avec autant de monde, avec un public formidable.
01:08Je ne sais pas si ça nous arrivera encore une fois dans nos vies.
01:11On savait qu'on vivait un truc unique et c'est pour ça qu'on avait nos ambitions décuplées,
01:16forcément.
01:17Donc là, il y a quelques minutes, il y a une heure, on perd à la porte d'une médaille.
01:24Mais voilà, la vie continue.
01:26C'est une déception.
01:28Vous prenez pour vous cette défaite parce qu'on vous a fait confiance, on vous a demandé
01:32de venir pour gagner et finalement, il y a échec.
01:36Donc vous prenez pour vous ça ou pas ?
01:38Il y a toute une question de perspective, de nuance, gagner, perdre.
01:43Il y a des victoires, il y a des défaites.
01:47Je n'ai pas envie de dire « je », c'est nous.
01:50C'est nous, on a vraiment, en tout cas mon équipe, les joueurs, ils ont vraiment tout
01:55fait.
01:56On a bossé beaucoup, on a parlé beaucoup, on a visionné beaucoup, on a rêvé.
02:03Et puis voilà, c'est le sport, c'est comme ça, il faut accepter de perdre parfois.
02:11Et c'est vrai que c'est bon, bien sûr, je suis déçu, je suis attaché à ces gars-là.
02:17Et en vrai, je nous voyais avec une médaille.
02:22Et puis voilà, c'est le match, il y a les adversaires, ça joue.
02:26Qu'est-ce que vous tirez de cette expérience unique ?
02:29C'est la première fois que vous occupez le joueur de tennis-fauteuil, donc qu'est-ce
02:33que vous tirez de ça ?
02:34Je suis dans le tennis depuis que je suis môme.
02:38J'ai vécu des choses, le tennis m'a donné vraiment beaucoup, vraiment beaucoup.
02:44J'ai vécu des...
02:45Enfin, c'est mon ADN, et vivre cette expérience grâce à Stéphane, l'idée, l'acceptation
02:52des joueurs, du staff, de la famille, c'est une des plus belles expériences de ma vie,
03:00grâce au tennis.
03:01Et ça, je n'oublierai pas, jamais.
03:03Vous voulez continuer avec cette équipe ?
03:06C'est difficile de prendre une décision là, à chaud, c'est beaucoup d'émotions.
03:12Vous savez, quand on vit un truc comme ça, certains sont mis au tennis en pensant au
03:16jeu.
03:17Vous imaginez le réveil quand ça se termine, quand la lumière s'éteigne.
03:22Donc on va tous, que ce soit les joueurs bien sûr, les familles qui sont investies, les
03:29staffs, les volontaires, enfin voilà, on va avoir un réveil compliqué.
03:38Donc il va falloir déjà gérer ça.
03:40J'ai déjà vécu ça, et c'est quelque chose qu'il faut anticiper, il faut être conscient
03:46qu'on va tous avoir une espèce de gueule de bois puissante, chacun va gérer comme
03:51il pourra.
03:52Mais en tout cas, je serai là pour cet atterrissage, après on va voir, Gilles, enfin Gilles Montmarton
04:02a mis vraiment tout ce qu'il pouvait pour qu'on aille au bout de ce rêve, de ce truc,
04:06et puis il ne faut pas voir que l'équipe de France.
04:09Enfin nous on est des joueurs de tennis, voir Roland Garros plein, avec des gens qui
04:15découvrent le tennis en fauteuil, pour la grande majorité, voilà, l'objectif c'est
04:26vraiment des gamins qui soient dans des situations, et puis voir ces matchs, peut-être certains
04:31sont venus, j'en ai vu beaucoup, qui disent qu'avec le tennis, c'est une belle thérapie.
04:36On a réussi ça, quelles que soient les joueurs, quels que soient les pays, c'était le but du jeu.
04:44Une dernière question pour ma part, au-delà du sport, vous avez reçu une vraie leçon
04:49de vie en côtoyant ces joueurs de tennis fauteuils ?
04:53Oui, oui, c'est la raison pour laquelle j'ai accepté cette aventure directe, quand Stéphane
05:03m'a proposé ça.
05:04J'avais déjà eu des contacts depuis des décennies, j'ai envie de dire, avec Pierre
05:10Fusad à l'époque, donc on parle des années 80, donc ça fait longtemps, mais là, être
05:16vraiment dans l'équipe, participer, être aux entraînements, c'est quelque chose, parce
05:23que bon, je pense, mon coaching il y a de l'affect, tu ne peux pas coacher quelqu'un,
05:29en tout cas moi ça ne m'intéresse pas, coacher quelqu'un que tu n'apprécies pas
05:33humainement.
05:34Et oui, j'ai donné tout ce que j'ai pu, mais ils ne le savent peut-être pas, ou ils
05:39le savent pour certains, ils le ressentent, et on verra dans les jours à venir.
05:42En tout cas, ils m'ont donné beaucoup, vraiment, là je suis plein de gratitude.
05:45Yannick, tu découvrais l'atmosphère des Jeux, qu'est-ce que ça t'a fait, tous ces
05:49enfants, cette enthousiasme, cette bienveillance, ça t'a ému, ça t'a bouleversé, ça t'a
05:54enthousiasmé ?
05:55Oui, tu sais, on s'entraînait beaucoup, on a fait des stages, mais c'était au CNE,
06:05entre nous.
06:06La première compétition à laquelle j'ai participé, c'est les Championnats du Monde
06:11en Turquie.
06:12J'ai joué l'ennemi final, il y a 40 personnes, dont 20 personnes du staff français, de chaque
06:17équipe en fait, de tous les pays.
06:18Je peux te dire que quand j'ai arrivé à Roland, que je connais depuis toujours, avec
06:25nous, arrivé, j'ai aussi vécu Roland-Garros avec les paras, il y a quelques semaines.
06:36On jouait sur des cours annexes, il y avait très peu de monde, c'est normal, les gens
06:41ne le savent pas.
06:42Mais ce qui m'a plu, c'est déjà rentrer sur le cours, c'est un mec qui mérite tellement
06:48C'est un vrai spectacle, on fait du sport pour les émotions, on ne le fait pas pour
06:53autre chose.
06:54Et il y en a des émotions, et surtout avec des gens qui ont eu une vie pas simple, c'est
07:02plein de leçons en fait.
07:05Mais à la fin, c'est du tennis, des balles de break, des balles de match, tu as un public
07:11avec une grande majorité de gens qui reviennent de vacances pour certains, c'est la rentrée
07:15des classes, des gamins qui applaudissent, des papas et des mamans qui sont en train
07:24de jouer en fauteuil.
07:25Je n'ai pas de mots, c'est tout ce qu'on aime en fait, c'est tout ce que j'aime.
07:32On te sent très ému je trouve, tu es amusé de regard, de plaisir.
07:41Chacun coache comme il peut, il y a des super coachs dans tous les sports, je me suis éclaté
07:49pendant les Jeux, en tant que spectateur, je me suis éclaté même là pendant les
07:54Jeux par un, à regarder les autres, des émotions comme ça, dans le monde dans lequel on vit,
08:01c'est rare, il n'y a que le sport qui peut te donner ça.
08:03C'est comme si on avait une espèce de parenthèse, où d'un coup on était d'accord, on allait
08:07prendre du sourire, on allait prendre de la joie, on allait faire du sport, on allait
08:10s'aimer.
08:11Je suis coach mais je suis artiste aussi, tu essaies de donner du bonheur et quand ça
08:17se passe, c'est puissant.
08:19Et puis tu sais que dans trois jours, les lumières s'éteignent.
08:22Donc il va falloir s'accrocher.
08:25Tu as voulu être un peu en retrait parce que tu as essayé de parler le dernier jour,
08:28tu ne voulais surtout pas prendre de lumière parce que tu es un personnage central du sport
08:32français.
08:33Est-ce que c'est important pour toi d'essayer de rester quasiment à ta place ou à la place
08:37que tu estimais ?
08:38Oui, comme je disais à ma sistère qui est là, qui s'occupe des médias avec nous depuis
08:44longtemps.
08:45Oui, je suis un passeur de relais.
08:47Moi, j'ai découvert depuis des années, mon ressenti, c'est que beaucoup de gens découvrent
08:57qu'il y a du sport, que ce sont des athlètes, qu'il y a du sacrifice, qu'il y a du travail
09:01derrière et qu'il y a un spectacle.
09:02Et c'est eux qui sont devant, c'est eux qui jouent, c'est eux qu'il faut rencontrer.
09:09Je n'étais pas à l'aise à l'idée de prendre une place qui n'est pas la mienne.
09:16Je suis derrière eux, je les pousse.
09:18Dernière question.
09:19Stéphane, vas-y.
09:20Depuis 2008, Stéphane a toujours gagné une médaille.
09:24Là, ce n'est pas le cas.
09:25C'est la première fois qu'il repart des Jeux sans médaille.
09:26Comment vous l'expliquez ? C'est un niveau général qui a augmenté.
09:29Comment vous l'analysez-vous ?
09:31Il a gagné sa première médaille en 2008.
09:33Il avait quel âge ?
09:34Voilà.
09:35Stéphane a fait des Jeux incroyables.
09:40Peut-être qu'il a parfois moins bien joué, il a gagné des médailles.
09:43C'est pour ça que tout à l'heure, je rebondisais sur la question de notre pote.
09:48Stéphane, il a ses six gosses sur le bord du cours.
09:53Quand il a commencé, il n'y en avait peut-être pas.
09:57Ça vaut, il y a des médailles.
10:00Et puis Anna, on l'a perdue.
10:03J'ai rencontré un mec qui se le prend humain et professionnel,
10:07grâce à cette aventure extraordinaire.
10:10C'est un champion.
10:12Il a joué contre des gens qui avaient l'âge de ses gamins.
10:17T'imagines si je mordais au tennis ?
10:20Je ne suis même pas dans les qualifs.
10:23Un respect incroyable.
10:26J'ai vu comment il travaillait, comment il est méticuleux par rapport à ça.
10:30À l'approche qu'il a par rapport au sport.
10:33Il y a vraiment des choses que j'ai apprises et que j'aimerais bien passer.
10:38Il a beaucoup de choses à apporter à des joueurs valides,
10:41des équipes de France valides.
10:44C'est quelque chose que j'ai vécu, de l'intérieur.
10:48J'ai un respect incroyable.
10:51La blague serait qu'il a perdu,
10:54mais c'est moi qui l'ai coaché cette fois-ci.
10:57Il a gagné, sauf que depuis je suis arrivé.
11:01Je ne le ressens pas comme ça.
11:04J'ai tellement de respect pour lui.
11:07Tout ce qui se passe en dehors, backstage,
11:10c'est vraiment un leader.
11:13C'est Stéphane Houdet.
11:16Si tu as fait ce palmarès, ce n'est pas pour rien.
11:19Quand tu as 53 ans, il faut changer ta façon de jouer.
11:23Il a fait un match en quart de finale simple.
11:26Incroyable, je le trouve.
11:29Aujourd'hui, et même hier en double, on était proche.
11:32Tout d'un coup, il y a ce truc, la médaille, la médaille.
11:35Évidemment qu'on a voulu une médaille.
11:38J'en ai rêvé.
11:41Moi, je suis un rêveur.
11:44On ne l'a pas fait. On s'aime toujours.
11:47On verra la semaine prochaine et la suite.
11:50Merci beaucoup.