• il y a 2 mois
Lundi s’ouvrait le procès des viols de Mazan à Avignon, où comparaissent 51 accusés. Nathan Devers, écrivain, revient sur l’enfer de Gisèle Pélicot : «Ça nous renseigne sur une mécanique du mal qui tend un miroir à la société dans son entier».

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Transcription
00:00Oui, cette affaire, elle est vraiment hallucinante et elle est incompréhensible pour deux raisons.
00:06D'abord, parce que quand on écoute les témoignages des gens de la famille,
00:11j'ai lu le livre qu'a écrit une des filles de l'accusé, la fille de l'accusé qui s'appelle « J'ai cessé de t'appeler papa »
00:18où elle raconte très précisément comment dans cette vie de famille, pendant des décennies entières,
00:23cet individu passait pour un père très sympathique, un mari tout à fait normal,
00:28quelqu'un qui n'avait rien de monstrueux en apparence, ça c'est la première chose.
00:32Mais la deuxième, et c'est là que ça pose une question de société, c'est que pendant dix ans,
00:36ce monsieur a mis sur une sorte d'application de rencontre sexuelle qui a été fermée depuis parce qu'il y avait beaucoup d'abus,
00:42il a mis une annonce qui indiquait clairement qu'il s'agissait d'abuser de son épouse, de la violer dans son sommeil.
00:48Cette annonce, elle a été vue par des milliers de personnes, il a communiqué lui-même avec des centaines de personnes
00:53et il y a des dizaines, peut-être une centaine de gens qui sont venus commettre ces viols.
00:58Cela signifie que parmi les milliers de gens qui ont vu cette annonce, il n'y en a pas un seul qui a songé à dénoncer les actions.
01:06Cela signifie que parmi les centaines d'hommes qui ont été en contact avec ce monsieur,
01:10et qui ont compris très très bien, enfin on verra le procès, etc.,
01:15mais qui manifestement en tout cas avaient très très bien compris de quel type de scénario il s'agissait,
01:20il n'y en a pas un seul qui s'est dit je songe à dénoncer.
01:24Et c'est là que ça a un aspect entre guillemets structurel, c'est que quand on voit la liste des prévenus,
01:28une cinquantaine de prévenus, on voit des gens qui ont tous les âges, qui font tous les métiers,
01:34surveillants de prison, pompiers, il y a même un journaliste, qui sont mariés, qui ont des enfants,
01:39qui sont insérés dans la société, si vous voulez vous voyez un échantillon de la société française.
01:43C'est effrayant, c'est peut-être ce qui est le plus effrayant.
01:45Et comme l'a dit Lola Laffont, elle a écrit un article intéressant dans Libération,
01:48elle dit en fait ça vient sonner définitivement le glas de l'illusion de la monstruosité.
01:53Là on ne peut pas se dire que le mal est le fruit de ce qu'on appelle le monde,
01:57ça veut dire d'une exception du corps social.
01:59Là c'est des gens qui représentent la totalité du corps social,
02:02et vraiment de manière très équilibrée, très échantillonnée,
02:05et qui sont tous autant impliqués, embourbés dans le mal.
02:11C'est presque un peu comme le procès de Heichmann, pour une raison différente,
02:15mais ça nous renseigne sur l'expression, elle a été très choquante,
02:18quand Anna Arendt avait parlé de la banalité du mal,
02:20mais en tout cas sur une mécanique du mal,
02:22qui vraiment tend un miroir à la société dans son entier.
02:26Alors vous faisiez allusion à la fille de Gisèle Pelly.

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