Michel Barnier élu Premier ministre, quelle sera la politique mise en place ? Matthieu Croissandeau, Étienne Girard, rédacteur en chef de L'Express et Vincent Jeanbrun, député "Droite républicaine" du Val-de-Marne débatent à ce sujet.
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00:00Nous, on a une ligne qu'on a mise en œuvre depuis le 7 juillet,
00:03l'élection législative, c'est-à-dire travailler sur le fond
00:05avant de parler des personnalités.
00:07Donc, on a proposé un pacte républicain, un pacte législatif,
00:11et c'est sur cette base-là que Laurent Wauquiez,
00:14Bruno Rotailleau, Gérard Larcher vont échanger avec notre premier ministre
00:18en lui disant « Nous, on a une ligne, c'est la ligne du groupe,
00:21la droite républicaine à l'Assemblée,
00:23qu'est-ce que tu reprends dans ce pacte législatif ? »
00:26Et à partir de là, qui pour porter ce type de projet ?
00:30Moi, je souhaite qu'il y ait des membres de ma famille politique
00:33qui rejoignent ce gouvernement dont le premier ministre
00:36est un membre de notre famille politique, c'est une chance.
00:38Mais c'est une chance, il faut bien s'en rendre compte,
00:40parce que la droite républicaine a été constructive depuis le départ
00:45et finalement, cette situation qui devenait ubuesque
00:48a été débloquée par le comportement responsable de la droite républicaine.
00:51– Votre ligne, elle a fait 5%, ça ne vous paraît pas ubuesque
00:55pour le coup, que ce soit la politique de la France ?
00:57– Ça ne me paraît pas ubuesque parce que finalement,
00:59on répond par le choix qu'a fait le président de la République
01:02à un besoin d'équilibre justement.
01:04– Mais les Français n'en veulent pas, sinon ils auraient voté pour…
01:06– Personne n'a gagné cette élection présidentielle,
01:08la droite seule ne l'a pas gagnée, mais le NFP non plus, Marine Le Pen non plus,
01:13il y a au contraire une division à l'Assemblée nationale
01:16et il faut en prendre acte et avoir une stratégie.
01:18Et c'est la lourde mission que va avoir Michel Barnier,
01:21il a l'expérience et les qualités, je l'espère,
01:23pour pouvoir réussir son passage dans l'enfer de Matignon,
01:27parce que ça va être quand même quelque chose de terrible,
01:29parce qu'il faut répondre à, à mon sens, trois problématiques.
01:32La première, un urgent besoin de sécurité,
01:35quand vous avez 11 millions de Français qui votent pour Marine Le Pen,
01:37c'est qu'il y a un ras-le-bol généralisé
01:40de toutes les problématiques d'insécurité, de violence,
01:43vous savez ce qui m'est arrivé à moi et ma famille pendant les émeutes,
01:45il y a un moment donné, il faut dire ça suffit
01:48et ce sera une des missions de Michel Barnier.
01:50Il y a aussi une énorme partie des Français
01:53qui ont voté NFP avec, je crois, au cœur de leur vote,
01:56une volonté de corriger un certain nombre d'injustices
01:59et d'inégalités sociales.
02:00Et ça va faire aussi partie de la feuille de route de ce gouvernement.
02:03Et puis, je crois que tout ça a été aussi
02:07choisi par les Français avec une ligne qui est
02:09pas d'augmentation des impôts,
02:10c'est pour ça qu'ils ont voté aussi pour le Bloc central,
02:12sérieux budgétaire, on arrête d'augmenter la dette
02:14et on prépare l'avenir.
02:15Etienne, c'était déjà compliqué d'obtenir un Premier ministre,
02:17là on voit pour la composition du gouvernement,
02:20compte tenu de toutes ces contraintes évoquées par M. Jean Grain,
02:22ça va être très difficile, parce que le RN,
02:24personne n'entrera évidemment dans ce gouvernement.
02:26Idem du côté du Nouveau Front populaire.
02:29Et on sent que les Républicains vont hésiter,
02:33en tous les cas vont se faire désirer
02:35ou vont poser des conditions.
02:36Comment va-t-il constituer ce gouvernement ?
02:38En consultant extrêmement largement,
02:40en appelant tous azimuts, comme ça se fait toujours.
02:43C'est pour ça qu'il faut être très présent.
02:44On ne peut pas dire qu'il y aura dans le gouvernement,
02:46à la fin, on peut imaginer qu'il recherche aujourd'hui
02:50comme personnalité dans son gouvernement.
02:52L'objectif, c'est d'avoir des personnalités de plus haut niveau,
02:56où la teneur politique, le poids politique,
03:00comptera finalement moins que la capacité à montrer
03:04un poids en termes de compétences sur un portefeuille ministériel.
03:08Il y aura quand même une base programmatique.
03:10Il faudra avoir des options, des sensibilités politiques
03:16qui soient compatibles avec un programme d'économie.
03:19Ça, c'est très clair, et un programme d'ordre,
03:22puisque la ligne de ce gouvernement,
03:24l'assiette, si je puis dire, à l'Assemblée nationale
03:27de ce gouvernement sera, on l'a compris,
03:29comprise entre le groupe macroniste, son aile gauche,
03:34et le Rassemblement national,
03:37qui ne fera pas partie de la coalition,
03:39qui ne donnera pas de soutien à ce gouvernement,
03:43mais qui donnera forcément une forme de bienveillance
03:47ou d'indulgence, parce que si le 1er octobre,
03:50le Rassemblement national vote la censure avec la gauche,
03:53le gouvernement tombe.
03:54Il a combien de temps pour constituer ce gouvernement,
03:56Mathieu Costando ?
03:57Et j'ajoute effectivement cette contrainte supplémentaire,
03:59qui est la contrainte de la censure.
04:01Il n'y a rien dans les textes qui fixe la durée
04:03pendant laquelle on peut composer un gouvernement.
04:05Mais ça va passer dans 50 jours.
04:06Non, ça ne va pas se faire en deux jours,
04:08c'est évident, pour toutes les raisons que vient de décrire Etienne.
04:10Mais il faut que ça se fasse vite.
04:11Il y a le budget, quand même, qui doit être présenté
04:13au Conseil des ministres, donc il faut quand même
04:14un ministre de l'économie.
04:15Et ça, généralement, c'est autour du 25 septembre.
04:17Donc ça nous emmène quand même assez rapidement.
04:19Vincent Gembrin, il y a cet épouvantail de la censure.
04:22Comment on fait pour s'assurer qu'on va au Parlement
04:25sans risquer cette motion de censure ?
04:27En étant capable de dépasser les clivages politiques.
04:30C'est-à-dire en donnant des gages au Rassemblement national ?
04:32Non, en donnant des gages aux formations politiques
04:35et en dégageant des majorités de projets.
04:37Michel Barnier n'est pas le Rassemblement national.
04:39Il est lui-même le représentant d'un courant gaulliste,
04:43mais il va, il l'a dit, sortir des clivages politiques habituels
04:47pour aller parler à chacune des formations.
04:49Et vous savez qu'il y a un arbitre.
04:51C'est le Rassemblement national.
04:52Non, il y a différents arbitres dans cette Assemblée.
04:55Et que la gauche ne travaillera pas avec vous ?
04:56Enfin, avec Michel Barnier.
04:58Laissons une chance à Michel Barnier d'élargir le spectre.
05:01Je rappelle que dans son parcours,
05:02il a été un des tout premiers écologistes
05:05quand il a été ministre de l'écologie.
05:07Il a fait énormément pour cette cause.
05:10Peut-être qu'il peut parler des camps
05:11qui ne sont pas la droite traditionnelle.
05:13Maintenant, je vais vous dire,
05:15il y a une responsabilité pour le camp de Mme Le Pen.
05:17C'est-à-dire que si demain, il y a des propositions fortes
05:20en matière de sécurité,
05:21en matière de protection de nos frontières,
05:23des propositions fortes en matière de pouvoir d'achat pour les Français
05:26et qu'elle censure,
05:27elle enverra un message très clair à ses électeurs.
05:29En fait, je vous vends du rêve,
05:31mais quand il s'agit de prendre des décisions à l'Assemblée nationale,
05:33je fais n'importe quoi.
05:34Et on l'a déjà vu, puisque au moment de l'élection du bureau,
05:37le Front national a voté pour des vice-présidents LFI.
05:40Donc effectivement, cette menace, vous avez raison,
05:41elle pèse et elle pèse fort.
05:42Etienne, est-ce que ces qualités de négociateur de Michel Barnier
05:45qu'on a vues par exemple à l'occasion des négociations sur le Brexit
05:48est capable de créer des surprises ?
05:51Ça peut créer des surprises.
05:53Michel Barnier a déjà esquissé une partie de sa stratégie
05:58qui était de consulter largement les partis politiques
06:01à chaque fois sur différents textes.
06:03C'est une stratégie intéressante
06:04parce que ça permet de dissocier la confiance politique.
06:09Comment ne pas voter quand on est de gauche un texte sur l'écologie ?
06:13Par exemple, intéressant, mais pas suffisant.
06:16Ce n'est pas parce qu'on est un bon négociateur
06:17qu'on peut faire des miracles
06:19dans le contexte de la vie politique française.
06:21Le choix qui a été fait est de gouverner à droite.
06:25La gauche l'a bien compris, puisqu'elle annonce une censure.
06:28Cette situation-là, elle crée de toute façon un fil à la pâte
06:33avec le Rassemblement national.
06:34Et ça, qu'on le veuille ou non, il existe et il existera.
06:38Combien même Michel Barnier serait un excellent négociateur,
06:42ça, ça veut dire que le risque de censure,
06:44il existera dès la déclaration de politique générale,
06:46mais il existera toujours.
06:48Il existera pendant trois ans, voire cinq ans,
06:51si la législature va à son terme.
06:54Donc, c'est une responsabilité extrêmement forte.
06:57Et c'est la première fois, sous la Ve République quand même,
07:00qu'on aura un gouvernement qui existe
07:03parce que le Rassemblement national, le Lex,
07:05est existé à l'Assemblée nationale.
07:06Mais Mathieu, dans ce contexte, on se dit,
07:08qui va aller s'embarquer dans cette galère ?
07:10C'est-à-dire, il y a un côté, viens qui veut en face de tout ça.
07:12Vous iriez, vous ? Vous iriez, M. Jean-Marc ?
07:14Vous êtes la nouvelle classe politique, en quelque sorte.
07:18Vous êtes jeune, on vous a découvert, malheureusement,
07:20à l'occasion de ces émeutes,
07:22et notamment dans votre ville de l'Isle-et-Rose.
07:24Si vous appelez, vous dites oui.
07:26Je suis candidat, simplement, à défendre les électeurs
07:29de ma circonscription, mais au-delà de ça,
07:32je pense qu'il va falloir qu'un certain nombre
07:33de personnalités politiques prennent leur responsabilité
07:35et prennent un pari, un pari risqué,
07:37vous avez raison de le dire,
07:39parce que c'est très compliqué.
07:41On va se dessiner une nouvelle façon de gouverner dans ce pays.
07:45Encore une fois, je pense que Michel Barnier
07:46est le mieux qualifié pour ça,
07:47parce qu'il sait prendre le temps et les bonnes méthodes.
07:51Plutôt qu'imposer un texte de loi,
07:52peut-être le négocier article par article,
07:54et ça peut faire la différence.
07:56Mais effectivement, on ne peut pas se plaindre
07:58qu'il n'y ait pas de gouvernement,
07:59on ne peut pas se plaindre que le pays
08:00est dans une situation catastrophique
08:01et ne pas prendre ses responsabilités.
08:03Donc effectivement, j'espère qu'un certain nombre
08:04de personnalités, de talents, de familles politiques
08:06et d'autres prendront ce risque et ce pari.
08:09On en a besoin en fait, il n'y a pas d'autre chose.
08:11La situation de la France nécessite des gens qui y aillent.
08:15Et peut-être au-delà des politiques, Mathieu ?
08:17Sans doute, sans doute.
08:18Mais après, la société civile a aussi montré ses limites
08:20parfois dans les gouvernements d'Emmanuel Macron.
08:23Il faut quand même que la classe politique se ressaisisse.
08:25Il y a eu un front républicain
08:26pour barrer la route au Rassemblement national.
08:27Depuis que ce front républicain a marché dans les urnes,
08:29il a explosé l'Assemblée.
08:30Personne n'a pris ses responsabilités.
08:32Aucun politique a dit, ok, mettons-nous autour d'une table et parlons.
08:35Tout le monde aura répondu plus ou moins
08:36aux convocations du président sans y croire.
08:38Donc là, soit tout le monde se ressaisit
08:40et décide de travailler ensemble.
08:42Si vous me permettez, sur la prise de responsabilité,
08:44la droite républicaine l'a prise dès le départ.
08:45Oui, mais en devant, on n'en sera pas.
08:47Elle a posé un pacte législatif, mais elle a dit on n'en sera pas.
08:50Attendez, et simplement en disant,
08:52y compris quand la semaine dernière, c'était l'hypothèse case-neuve,
08:55nous, on ne censurera pas de manière automatique.
08:57J'entends bien.
08:58On était prêts sur la base, effectivement, d'accords de fonds
09:00et pas de petits accords d'appareil, à laisser une chance.
09:04Parce que quand on disait tout à l'heure,
09:05le fil à la patte avec le RN, pardon,
09:07mais c'est quand même la gauche qui a décidé de ne pas gouverner.
09:11M. Cazeneuve, c'était le premier choix la semaine dernière de M. Macron.
09:14Donc, ils auraient pu être à la tête du gouvernement.
09:17Ils ont fait le choix de ne pas l'être.
09:18Ils n'ont pas pris leurs responsabilités.
09:19Nous, nous les prenons.