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00:00Les soldats conduisirent Jésus dans l'intérieur de la cour,
00:03c'est-à-dire dans le prétoire,
00:05et ils assemblèrent toute la cohorte.
00:08Ils le revêtirent de pourpre et posèrent sur sa tête
00:11une couronne d'épines qu'ils avaient tressée.
00:14Puis ils se mirent à le saluer.
00:17Salut, roi des Juifs !
00:20Et ils lui frappaient la tête avec un roseau,
00:23crachaient sur lui et fléchissant les genoux.
00:27Pour condamner Jésus, les grands prêtres affirmaient
00:30que celui-ci prétendait être le roi des Juifs.
00:33Aussitant, Hérode que Pilate ont tenté de lui faire avouer ce crime
00:37au motif de sa condamnation.
00:39Pour insister sur cette accusation,
00:41les soldats romains l'ont affublé d'un vêtement pourpre
00:44et couronné d'épines.
00:46Le roi des Juifs, le roi des Juifs,
00:49a-t-il fait la même chose ?
00:52Le roi des Juifs, le roi des Juifs,
00:55a-t-il fait la même chose ?
00:58Après la croix, la couronne d'épines du Christ
01:01devint l'un des plus populaires symboles de la Chrétienté.
01:04Qu'est-il advenu de cet objet de dérision
01:07devenu relique de raliement des croyants ?
01:17Le soir, à Paris, se détache, au-dessus de la Seine,
01:21a épousé l'histoire de la ville séculaire.
01:27Notre-Dame de Paris est probablement la cathédrale dont la silhouette est la plus connue au monde.
01:32Elle a été immortalisée par Victor Hugo,
01:35mais son histoire est encore plus fantastique que l'histoire qu'elle a inspirée aux célèbres poètes.
01:43Depuis son érection débutée en 1163,
01:46Notre-Dame de Paris a été le lieu de ralliement lors des grands moments charnières de l'histoire.
01:52Notre-Dame de Paris
02:04C'est le premier vendredi du mois,
02:06et comme à chaque mois il règne dans la cathédrale Notre-Dame de Paris une fébrilité inhabituelle.
02:12Notre-Dame de Paris
02:20Sur l'autel des préposés voit à la mise en place des accessoires.
02:24On apporte bientôt un magnifique reliquaire doré et orné de pierres précieuses.
02:29Il s'agit d'une œuvre réalisée au 19e siècle par l'orfèvre placide Poussiel-Guruzan.
02:42L'objet qui rappelle vaguement une coupe est supporté par trois personnages assis sur des trônes.
02:49Il y a la Saint-Hélène, mère de Constantin,
02:52et aussi en quelque sorte la mère de toutes les reliques du Christ,
02:56le roi Baudouin II, dernier empereur latin de Constantinople,
03:00et enfin le roi Louis IX, dit Saint-Louis.
03:04Le roi des Francs tient d'ailleurs dans ses mains la couronne d'épines.
03:07Parce qu'aussi surprenant que cela puisse paraître, ce précieux reliquaire est celui de la Sainte Couronne,
03:14celle-là même qu'aurait porté le Christ sur le chemin du Golgotha.
03:20À gauche de ce reliquaire qui domine l'autel, deux plus petits reliquaires,
03:25l'un contenant un clou de la passion et l'autre un morceau de la vraie croix.
03:31À quinze heures, la cathédrale Notre-Dame vibre aux échos des gloria et des alléluia.
03:37C'est le début de la cérémonie de la vénération des saints reliques.
03:42Sur l'autel des hommes vêtus de longues capes blanches s'avancent lentement.
03:48Leur manteau est orné de cinq croix rouges,
03:52une grande et quatre plus petites placées entre les branches.
03:55Ces croix symbolisent les cinq plaies du roi.
03:58Ces croix symbolisent les cinq plaies du Christ.
04:02Deux dans les poignets, deux dans les pieds et une autre au côté.
04:06Ces dignitaires représentent la confrérie de l'ordre des chevaliers du Saint-Sépulcre,
04:11un ordre chevaleresque remontant aux croisades.
04:14Enfin, au milieu d'eux, un prêtre s'approche et débute la célébration liturgique.
04:21Malgré la ferveur des fidèles, on sent bien une certaine hâte.
04:25L'anticipation de ce moment pour lequel ils sont tous là réunis.
04:30Puis enfin, un chevalier apporte un coussin rouge sur lequel on a placé la couronne d'épines.
04:39La couronne d'épines est un cercle de joncs réuni en faisceaux et retenu par des fils d'or.
04:45Elle est conservée dans un cylindre de cristal de roche richement décoré.
04:49Ce cylindre est lui-même gardé dans un autre reliquaire circulaire, celui-là en bronze certi de pierres précieuses.
04:57Ce remarquable ensemble est à présent exhibé dans le trésor de la cathédrale Notre-Dame de Paris,
05:02où pour quelques euros, tous les visiteurs peuvent le contempler.
05:08Au premier coup d'œil, on est frappé par l'absence d'épines sur la couronne.
05:13Un détail plutôt paradoxal pour cette relique.
05:15D'où vient-elle ? Est-elle la véritable couronne d'épines décrite par les évangiles ?
05:21Donc, on a effectivement des empreintes et des plantes qui ont été mises dans le linceul de Thurin au moment de l'embaumement.
05:28Et on a également, semble-t-il, des empreintes des instruments de la Passion.
05:33Et ça, on sait que c'était souvent l'usage également de mettre ces objets-là.
05:38Et il y a une couronne.
05:39Et alors, cette couronne serait peut-être celle de la dérision du Christ, qui n'était pas une couronne d'épines.
05:45Elle n'avait pas de raison d'être une couronne d'épines au moment où on lui met dans les mains un sceptre de roseau.
05:51On le revêt d'une tunique de pourpre en lui disant « Salut, roi des Juifs », etc., pour se moquer de lui.
05:57Et alors, ce serait peut-être cette couronne-là.
06:01Les textes canoniques ne disent rien à propos de ce que sont devenus les objets de la Passion.
06:05Il est possible qu'après la mort du Christ, les apôtres aient récupéré certains objets associés à la vie du Messie.
06:15Les premiers témoignages quant à la préservation de la Sainte Couronne remontent à l'an 409.
06:22Cette année-là, Saint-Paulin, l'évêque de Nols, en France, rapporte avoir vu la couronne d'épines parmi les reliques du Mont Sion, à Jérusalem.
06:30Un siècle et demi plus tard, Antoine le martyre raconte lui aussi avoir vu la relique exposée dans la basilique du Sion.
06:38Au début du IVe siècle et au cours du IVe siècle, on constate une espèce d'accroissement et vraiment une instauration plus officielle, en tout cas, du culte des martyres.
06:51Pour une raison assez simple, c'est qu'à partir du début du IVe siècle, les chrétiens n'avaient plus de reliques.
06:56Pour une raison assez simple, c'est qu'à partir du début du IVe siècle, l'Église est tolérée et qu'à la fin du IVe siècle, sous le règne de Théodose, disons peu avant 400, les choses sont complètement jouées.
07:07L'Empire romain est devenu officiellement et en principe totalement, à quelques rectifs près, chrétien.
07:13Le résultat est donc que le culte des reliques peut s'exprimer très librement.
07:19Cependant, entre le VIIe et le Xe siècle, les reliques de Jérusalem sont progressivement transférées à Constantinople, une cité protégée autant par ses murailles gigantesques que par la mer.
07:33Dans les royaumes chrétiens d'Europe règne au contraire la division, l'autorité morale de l'Église est sans cesse contestée, la nomination des papes est influencée par les États.
07:44L'Église à cette époque est en plein mouvement de réforme, l'Église essaie de s'improviser en tant que leader du monde européen à l'époque et l'Église dans ce contexte-là voit en fait un très bon moyen de promouvoir ses intérêts en unissant toute la chrétienté derrière un projet commun qui est la croisade et qui est un but commun pour tous les chrétiens contre un ennemi extérieur.
08:11En 1096, au sein de l'Église, un mouvement va changer le cours de l'histoire.
08:18Lorsqu'Urbain II a fait l'appel à la croisade le 27 novembre 1095, je crois que ça a surpris un peu tout le monde, les fidèles du moins qui étaient rassemblés à Clermont dans le sud de la France.
08:29Les sources de l'époque nous disent que la réaction de la foule a été spontanée et très positive et en fait dans l'espace de quelques mois à peine, on avait déjà des dizaines de milliers de croisés qui se dirigeaient déjà vers la Terre sainte.
08:45Alors si l'appel d'Urbain II a été si bien reçu, c'est forcément parce qu'il y avait des tensions qui s'accumulaient entre chrétiens et musulmans et ça tout au long du 11e siècle.
08:55Par exemple, il y avait cette perception en Occident que les musulmans empiétaient de plus en plus sur les territoires des chrétiens.
09:04En l'occurrence ici les Turcs qui vers la fin du 11e siècle avaient déjà conquis à peu près la moitié de l'Empire byzantin.
09:11Donc l'Église tire profit un peu de cet antagonisme entre occidentaux et musulmans à son propre profit.
09:22La première croisade change la donne à la fois pour l'Église et pour les royaumes chrétiens.
09:28Il faut comprendre que la première croisade a été un succès retentissant.
09:33Elle s'est terminée par la prise de Jérusalem en 1999 et l'établissement d'États latins, d'États chrétiens en Orient.
09:40Et pour ceux qui ont participé à cette croisade-là, évidemment les bénéfices ont été multiples.
09:46Évidemment, ils ont retiré un grand prestige de grande richesse aussi et un triomphe spirituel aussi de cette expédition-là.
09:54Pour les seigneurs féodaux, donc la noblesse, les attraits, les bénéfices étaient sans doute davantage matériels parce que c'est ça qui les intéresse eux.
10:03Donc ils ont évidemment conquis des richesses inestimables en Orient.
10:10Ils ont réussi à s'accaparer de vastes territoires au dépens évidemment des musulmans qu'ils ont conquis.
10:16Pour les paysans, le commun des mortels, les attraits, les avantages de cette croisade étaient sans doute davantage spirituels.
10:25Évidemment, ils ont l'impression d'avoir réalisé l'œuvre de Dieu.
10:30Ils ont l'impression d'avoir pris un rôle actif dans un rôle divin.
10:34Mais aussi tout l'aspect symbolique de pouvoir dire que dorénavant ils peuvent prier et pleurer sur les lieux qui ont été les fondements de leur religion.
10:43Qu'ils peuvent fouler le même sol que Jésus-Christ a foulé avant eux.
10:48Qu'ils ont accès aussi, un accès plus tangible aux endroits et aux objets relatifs à la passion, à la vie, à la résurrection de Jésus-Christ, notamment à travers les reliques.
11:01Donc tous ces facteurs-là font en sorte que les bénéfices se sont multiples à plusieurs niveaux.
11:06Ensuite, on a l'Église aussi qui tire un grand profit des croisades.
11:10Parce que l'Église avait voulu démontrer son rôle en tant que leader du monde européen avec les croisades.
11:18Et l'Église dans ce contexte-ci, bien évidemment, est victorieuse à la suite des croisades.
11:23L'Église, en fait, on dit aujourd'hui qu'elle est triomphante après la première croisade.
11:32Les croisades vont bientôt provoquer la création d'un nouvel ordre religieux.
11:37Les Templiers.
11:39L'Ordre des Chevaliers du Temple fut d'abord un groupe de neuf croyants dirigés par Hugues de Payens se rendant à Jérusalem.
11:48Au XIIe siècle, ces chevaliers offraient leur protection aux pèlerins qui seront déhantersats.
11:54L'Ordre des Templiers fut fondé par un vétéran de la première croisade, un chevalier nommé Hugues de Payens avec huit compagnons,
12:01qui ont senti le besoin de se réunir et de patrouiller les routes de pèlerinage qui se rendaient jusqu'à Jérusalem.
12:09Mais avec le temps, cet ordre-là va étendre un peu sa vocation militaire au point de devenir une armée permanente en Terre sainte
12:17qui avait pour objectif de défendre la Terre sainte et de mener la lutte contre l'infidèle musulman.
12:22En 1202, le papy Noção III en appelle d'une quatrième croisade contre les infidèles, mais sous des augures beaucoup moins favorables.
12:32La quatrième croisade est en quelque sorte le mouton noir des huit croisades officielles des XIIe et XIIIe siècles.
12:39Ce qu'il faut comprendre, c'est que dans son idéal premier, une croisade doit être menée contre des musulmans.
12:45ou des ennemis de la foi chrétienne. Et en théorie, en aucun cas, elle ne doit verser le sang d'autres chrétiens.
12:51Alors c'est justement ce que va faire la quatrième croisade. Elle va verser le sang de d'autres chrétiens.
12:57Les croisés devaient voyager par bateau pour d'abord se rendre sur les côtes égyptiennes,
13:04d'où ils partaient pour mener le sang de d'autres chrétiens.
13:08Ils s'embarquaient donc d'abord à Vénise, puisque seuls les vénitiens possédaient une flotte suffisante de navires.
13:15Mais les croisés n'avaient pas suffisamment d'argent pour payer vivres et navires.
13:21Un prince de Constantinople, voulant rétablir son père sur le trône,
13:27proposa aux croisés beaucoup d'or, en tant que cadeau.
13:32Cette offre divisa les croisés, mais finalement, pour pouvoir rembourser les vénitiens,
13:38les croisés firent voile jusqu'à Constantinople, où, effectivement, ils renversèrent l'usurpateur
13:45et rétablirent le père du prince sur le trône.
13:50Sauf que lorsque le prince de Constantinople, le prince de Vénise,
13:55devient empereur, il est assassiné à son tour par un autre prétendant impérial,
14:01et ce nouvel empereur, cet usurpateur, dit aux croisés qu'il n'a pas l'intention de respecter les engagements de son prédécesseur,
14:09donc il ne leur donnera pas la récompense que son prédécesseur avait promis.
14:15Donc les croisés, fâchés, frustrés, en rétablissant l'usurpateur,
14:20finalement, décident d'aller se servir eux-mêmes, vont attaquer la ville de Constantinople,
14:26et le 12 avril 1204, l'inimaginable se produit.
14:31La ville de Constantinople est capturée par les croisés,
14:36et évidemment, ça va être un événement qui va être lourd de conséquences pour bien les années à venir.
14:42En 1204, Constantinople est attaquée,
14:45Il faut comprendre que Constantinople était une ville merveilleuse au Moyen-Âge,
14:50une ville onirique, une des plus grandes villes du monde chrétien,
14:55qui regorgeait de richesses et de merveilles de toutes sortes, mais qui regorgeait aussi de reliques.
15:00Ces reliques-là, en fait, la tradition des reliques à Constantinople remontait à Sainte-Hélène,
15:06qui était la plus grande ville au Moyen-Âge,
15:09qui était en fait la mère de l'empereur Constantin, celui qui avait fondé Constantinople,
15:14et les reliques qu'elle avait trouvées de son vivant, la plupart avaient été logées dans la ville de Constantinople.
15:19Puis au fil des siècles, on continue à accumuler les reliques,
15:23et à trouver des reliques et à les transférer à Constantinople,
15:27étant donné la présence continue de l'Empire byzantin en Orient.
15:31Or, ces reliques-là s'accumulent de façon exponentielle,
15:35au fil des siècles, essentiellement parce que la ville de Constantinople demeure inviolée pendant presque 1000 ans.
15:41Pendant presque 1000 ans, la ville de Constantinople n'est jamais conquise par une armée étrangère,
15:47en raison d'un système de défense exemplaire qui fait en sorte que,
15:51bon, évidemment, la ville n'est jamais dépouillée de ses richesses.
15:55Or, lorsque les Croisés capturent Constantinople en 1204,
15:59je crois qu'ils ont été aussi surpris qu'il n'y avait pas d'armée.
16:02En fait, l'inimaginable venait de se produire,
16:05mais assez rapidement, la surprise fait place aux réalités de la guerre.
16:09Les sources de l'époque nous disent qu'il y a eu des atrocités qui ont été commises
16:15lors du saccage de la ville de Constantinople.
16:18Massacres des habitants, viols des habitants,
16:22la ville est pillée de ses richesses, profanations des églises,
16:26mais pire encore, profanations des reliques qui se trouvaient à l'intérieur de la ville.
16:30Profanations des reliques qui se trouvaient à l'intérieur des palais impériaux
16:34et à l'intérieur des principales églises de la ville.
16:39Les Templiers, cette riche et puissante milice religieuse,
16:43se sont rangés derrière leurs alliés latins.
16:50Quiconque entrait dans l'ordre des Templiers faisait don à l'ordre de tous ses biens personnels.
16:56Avec l'accumulation de ses richesses, les Templiers ont en quelque sorte créé le premier système bancaire européen.
17:04Quiconque voulait mettre de l'argent à l'abri, prêter de l'argent ou en emprunter,
17:09faisait affaire avec les Templiers qui inspiraient confiance, étant après tout des moines.
17:15Les Templiers étaient de bons chrétiens intègres et se montraient dignes de la plus grande confiance.
17:21Ils ont aussi inventé d'une certaine manière les chèques de voyage.
17:25Un pèlerin pouvait par exemple déposer des fonds auprès des Templiers en France,
17:30se rendre à un avant-poste Templier près de Jérusalem
17:34et retirer une somme équivalente en présentant simplement un billet contenant un code secret
17:39connu seulement des chevaliers du Temple.
17:42Puisque l'Église était alors très riche, même le Pape déposait des sommes importantes chez les Templiers.
17:48L'ordre du Temple contrôlait donc des sommes fabuleuses dans toute l'Europe.
17:53Qui dit richesse dit puissance.
17:56Or leur puissance va devenir telle en Europe que les Templiers vont commencer à inquiéter
18:01certains souverains occidentaux parce que leur pouvoir semblait rivaliser avec le leur.
18:08La fortune de cet ordre n'est rien face au trésor de la foi qui s'offre bientôt à eux.
18:15Les chrétiens latins ont pris possession de Constantinople.
18:20Les byzantins pour leur part, c'est une expérience qui à leurs yeux a été humiliante, traumatisante
18:27et même encore aujourd'hui dans le monde orthodoxe,
18:30la quatrième croisade évoque encore un vif ressentiment en raison des crimes et des horreurs qui ont été commises.
18:39Mais les byzantins se révoltent.
18:41Menacés de l'intérieur, le roi nommé par les chrétiens doit financer la défense de sa nouvelle autorité.
18:47Or les empereurs latins qui dominent dorénavant sur la ville,
18:52dominent une ville qui est un sombre souvenir de ce qu'elle avait été autrefois.
18:56C'est une coquille vide qui a été dépouillée essentiellement de toutes ses richesses.
19:00Sauf quelques reliques que les empereurs latins ont réussi à garder auprès d'eux
19:06avant qu'elles ne soient éparpillées à travers l'Europe comme toutes les autres.
19:09Or, avant que les byzantins ne réussissent à reprendre leur capitale en 1261,
19:16l'un des derniers empereurs latins de Constantinople qui se nommait Baudouin II
19:22devait financer ses guerres contre les byzantins pour essayer de sauver son empire,
19:27a décidé de faire un emprunt d'argent à des banquiers vénitiens.
19:32Il a emprunté une forte somme d'argent à des banquiers vénitiens pour financer sa lutte contre les byzantins.
19:37Les banquiers vénitiens lui fournissent ce montant, sauf qu'ils demandent une garantie.
19:43Ils demandent un gage sur la dette et l'empereur Baudouin II décide de leur fournir une des reliques
19:50qui n'avait pas été pillée à Constantinople en 1204 et qui se trouvait à être la Sainte Couronne,
19:57donc la couronne d'épines que le Christ avait portée durant la Passion.
20:06Venise, la cité des Doges, se trouve sur une lagune donnant sur la mer Adriatique.
20:13La ville est l'une des plus visitées d'Europe.
20:16En fait, les touristes y sont si nombreux qu'il est difficile de circuler le long de ces canaux ou sur la célèbre place Saint-Marc.
20:25Rien n'y a pratiquement changé depuis les croisades.
20:29Venise la sérénissime était alors puissante et riche.
20:33Sur la grande place Saint-Marc face au palais des Doges, ambassadeurs et négociants transigeaient des fortunes.
20:40Le rôle de ces banquiers allait le 4 septembre 1238 jouer un rôle dans l'échange d'un objet de très grande valeur,
20:48la Sainte Couronne.
20:54La couronne d'épines est donc transférée de la chapelle palatine du phare de Constantinople au palais des Doges à Venise.
21:01Mais la couronne n'arrivera pas seule.
21:07Le roi de France, Louis IX, également connu sous le surnom de Saint-Louis, décide qu'il veut se faire l'acquéreur de cette sainte relique.
21:17Donc il approche l'empereur Baudouin II et les Vinciens et signifie son intérêt d'acheter la relique pour une forte somme, l'équivalent d'environ 13 000 pièces d'or.
21:29Donc finalement on s'entend sur la somme et en 1239 la Sainte Couronne est rapportée à Paris où elle fait une entrée solennelle avec le roi et quelques proches de la famille royale.
21:43En 1239 Saint-Louis, pieds nus, dépose la Sainte Couronne sur le parvis de Notre-Dame.
21:50Les actes de dévotion du roi sont bien connus de tous ces sujets.
21:54Né en 1214 à Poissy, Louis IX est le fils de Louis VIII, dit Louis le Lion, et de Blanche de Castille, couple royal à la piété légendaire.
22:05Saint-Louis est probablement l'un des grands rois de France du Moyen-Âge, il n'est pas le seul et il a eu les honneurs de la sainteté pour un certain nombre de raisons.
22:13Sa piété personnelle n'est évidemment pas à mettre en cause et dans la mesure où il a été vraiment ce qu'on peut appeler un roi très chrétien, les reliques avaient pour lui une importance fondamentale.
22:22Il a régné longtemps Saint-Louis, il a régné presque 44 ans de 1226 à 1270 et tout au long de ces longues années de règne, il a fait une quasi obsession du salut de son âme, de faire des actes de piété et aussi de se montrer comme étant le souverain chrétien par excellence.
22:41Et pour ce faire, Saint-Louis a fait plusieurs actes de dévotion, les exemples sont multiples, par exemple les dimanches, Saint-Louis descendait à tous les dimanches dans les rues de Paris pour laver les pieds des lépreux, donc acte de dévotion important à l'époque.
22:56Il a dirigé deux croisades, donc ce que nous on connaît aujourd'hui comme étant les septièmes et huitièmes croisades et autre acte de piété que fait Saint-Louis, c'est qu'il commence aussi à acheter des reliques et il achète beaucoup de reliques qui à l'époque étaient vues comme un acte de dévotion.
23:17Louis IX est aussi un roi bâtisseur, il aime le travail dans la fraternité des chantiers qu'il visite régulièrement.
23:25Il demande à ce que les tombeaux de la nécropole royale de la basilique Saint-Denis soient personnalisés par des gisants aux traits des défunts.
23:42Une commande qui va faire de la basilique Saint-Denis la plus spectaculaire nécropole royale d'Europe.
23:49En 1248, il inaugure la Sainte-Chapelle à Paris.
23:55Une église qui se veut en quelque sorte un reliquaire géant, un repositoire uniquement dédié à cette relique puis à quelques autres reliques aussi qu'il va acquérir au fil des années.
24:06Et évidemment cette église-là prend le nom de Sainte-Chapelle, elle est construite sur l'île de la Cité à Paris, se trouve à quelques pas à la plaine de la cathédrale Notre-Dame et la Sainte-Couronne va rester dans la Sainte-Chapelle jusqu'à la Révolution française.
24:20Les reliques acquises par Saint-Louis vont donc rester à la Sainte-Chapelle, enfermées d'ailleurs dans ce qu'on appelle la Grande Chasse de la Sainte-Chapelle,
24:26qui au-dessus de l'autel, sur une tribune, exaltait dans un immense reliquaire, une grande vitrine en quelque sorte, qu'on ouvrait de temps en temps pour montrer l'intérieur, jusqu'à la Révolution.
24:36En fait, juste avant la Révolution, Louis XVI avait déjà un tout petit peu, non pas menacé l'existence des reliques, mais menacé l'existence de la Sainte-Chapelle elle-même, qui coûtait fort cher en entretien,
24:50et le roi avait déjà soutenu l'idée éventuellement de transporter toutes les reliques à Saint-Denis.
24:56Mais la couronne d'épines qu'a rapportée Saint-Louis à Paris ne porte aucune épine. Curieux pour une telle relique du Christ.
25:05L'absence d'épines de la Sainte-Couronne est généralement attribuée à la grande générosité du roi de France.
25:10Le souverain aurait fait don de tellement d'épines de la Sainte-Couronne que la relique en a été totalement dépouillée.
25:17J'ai essayé de retrouver quelques-unes d'entre elles.
25:21La plus célèbre, à cause d'un miracle qui lui fut attribué en 1626, avait été cédée à l'abbaye de Port-Royal-des-Champs, près de Paris.
25:29Mais aujourd'hui, de l'abbaye, il ne reste à peu près rien, et on ignore ce qui est advenu de l'épine miraculeuse.
25:37Une seconde épine est à Toulouse.
25:41La basilique Saint-Cernin se dresse au cœur des vieux quartiers de Toulouse.
25:45Construite entre le XIVe et le XVIe siècle, elle est la plus célèbre, la plus vaste et la plus belle église romane de tout le Midi de la France.
25:55Derrière le maître-hôtel, les fidèles accèdent à un déambulatoire.
25:59Ce passage en demi-cercle situé tout au bout de l'église est si caractéristique de l'art roman.
26:05Nous entrons ici dans le tour des corps saints, par la porte même qu'empruntaient les pèlerins à l'époque médiévale.
26:14Et effectivement, dans ce tour des corps saints, nous avons des reliques de beaucoup de saints qui étaient vénérés au Moyen-Âge,
26:22et deux cryptes où sont conservés les corps les plus saints, et qui est le sanctuaire de la basilique.
26:30Mais pourquoi Saint-Cernin ?
26:32Saint-Cernin, c'est le nom de Saint-Saturnin en langue occitane, sansarni,
26:40et cette église a été construite pour vénérer le corps de Saint-Cernin, premier évêque de Toulouse,
26:47qui a été martyrisé vers l'an 250, à l'époque de l'empereur Dès.
26:54L'un des murs du déambulatoire accueille de nombreux reliquaires.
26:58Sur le mur opposé aux chasses, des portes donnent accès aux cryptes.
27:03C'est aujourd'hui la plus grande église romane de la France.
27:07C'est aujourd'hui la plus grande église romane de la chrétienté,
27:11et elle a été construite à la fin du XIe siècle pour accueillir les foules de pèlerins,
27:18qui augmentaient puisque Toulouse est sur une des voies qui mènent à Compostelle,
27:23la voie d'Arles, qui prend le nom de via Toulousana, la route toulousaine,
27:29et les pèlerins étaient extrêmement nombreux à venir vénérer Saint-Cernin,
27:35et tous les corps saints et toutes les reliques étaient conservées ici.
27:39On ne peut pas comprendre d'ailleurs la foi médiévale
27:43sans comprendre le sens du pèlerinage, le sens du culte des saints,
27:48qui était vraiment au cœur de la foi de nos pères.
27:55C'est là que se trouvent les trésors les plus précieux de la basilique.
27:59Les visiteurs peuvent y contempler un magnifique reliquaire de la vraie croix,
28:03une œuvre en cuivre émaillée datant du XIIe siècle,
28:06et enfin un reliquaire contenant l'une des épines de la Sainte Couronne.
28:16La relique de la Sainte Épine a été conservée, elle,
28:20et au XIXe siècle, on a commandé à des orphèvres toulousains
28:26un nouveau reliquaire pour honorer cette relique insigne,
28:30et ce reliquaire, vous le voyez, est représenté sous la forme d'une tour,
28:35un dôme en bronze doré et en cristal,
28:39qui abrite un autre reliquaire en argent,
28:42qui lui a été fait par un des grands orphèvres toulousains,
28:47Samson, au XIXe siècle donc.
28:50À l'intérieur, une petite ampoule en or et en cristal
28:54conserve donc cette relique de la Sainte Épine.
28:58La relique est un don d'Alphonse de Poitiers, dernier comte de Toulouse,
29:02qu'il obtint de son frère, le roi Louis IX, dit Saint Louis, en 1251.
29:08La Sainte Épine, protégée par un tube de cristal,
29:11a été placée dans un reliquaire représentant un petit temple
29:14encadré par deux anges adolescents portant la Sainte Lance et la Sainte Éponge.
29:19Ce reliquaire a plus tard été placé dans une plus grande chasse de forme octogonale
29:23en cuivre doré, ouvrage de poussière gerusant.
29:26Mais pendant la Révolution française...
29:28On a non seulement perdu beaucoup de ce qui était conservé comme relique,
29:34mais surtout on a détruit, détruit, détruit des quantités d'œuvres d'art
29:39qui étaient essentiellement des reliquaires, des statues, des objets liturgiques
29:44qu'on a fondues pour leur valeur d'or ou d'argent.
29:47Le trésor de Saint-Cernin pouvait rivaliser avec celui de Venise aujourd'hui, si vous voulez.
29:54Deux autres épines de la couronne de Saint-Louis sont maintenant à Rome
29:58dans l'église de la Sainte Croix de Jérusalem,
30:00qui doit son nom à deux reliques de la vraie croix.
30:03Mais la chapelle des reliques ne contient pas que des fragments de la croix.
30:07Il y a aussi un morceau du pilier de la flagellation, un clou de la passion.
30:11Et enfin, deux épines de la Sainte Couronne.
30:16Les épines ont été une donation d'une famille d'Anjou en France
30:20et elles viennent de la Sainte Chapelle où était exposée la Sainte Couronne d'épines.
30:25Ces ronces sont de type Acacia Selvatica.
30:30Les épines sont longues de 9 cm.
30:34Le chercheur David Avinoham, un hébreu spécialiste de la botanique et des sciences naturelles,
30:41affirme que ce sont des épines très dures, très résistantes et flexibles,
30:47abondantes sur le territoire d'Israël.
30:50Elles poussaient partout.
30:53Et les soldats ont pris ces branches pour en tresser une couronne sur la tête de Jésus.
30:59Certaines de ces épines pouvaient pénétrer partiellement dans la tête
31:03et s'il y avait une plaie ouverte, elles pouvaient même s'y loger entièrement.
31:10Ces trois épines-ci sont des fragments.
31:13La plus longue fait à peine la longueur d'un doigt recourbé.
31:17Et on y voit même un trou, comme si elle avait déjà été cousue sur une étoffe.
31:24Les deux autres sont des fragments, comme le démontrent certains documents anciens archivés ici.
31:31Nous ignorons les circonstances exactes entourant l'acquisition de ces saintes épines.
31:36Elles sont toutefois identiques à celles de la basilique Saint-Cernin de Toulouse en France.
31:41Et la tradition les associe sans réserve à la couronne d'épines rachetée par Saint-Louis en 1239.
31:47D'autres épines de la Sainte Couronne seraient conservées dans la cathédrale de Viedo
31:51ainsi que dans la cathédrale de Barcelone en Espagne.
31:54La Sainte Couronne de Paris et ses nombreuses épines dispersées aux quatre coins de l'Europe
31:59sont-elles d'authentiques reliques de la Passion ?
32:02Difficile à dire.
32:05Les plus vénérables reliques sont bien évidemment les reliques de la Passion,
32:08comme la croix, les clous, la lance, la couronne d'épines ou encore les vêtements funéraires.
32:15Viennent ensuite les reliques liées à la vie du Christ, sa tunique, ses langes, des morceaux de la crèche.
32:22Au troisième rang viennent les reliques de la Sainte Famille et des apôtres.
32:26Puis enfin, les reliques des saints et des martyrs.
32:29Alors les reliques, tout le monde sait que ça signifie reste, sont de diverses natures.
32:35Tout d'abord, la première différenciation, c'est qu'il y a des reliques corporelles
32:40et les reliques de contact ou représentatives.
32:44Alors les reliques corporelles, c'est évidemment les restes de corps des saints, du Christ et de la Vierge.
32:50J'explique aussi de quelle façon.
32:52Et ensuite, il y a évidemment les reliques de contact, c'est-à-dire des objets, des vêtements
32:58et n'importe quoi qui a été contact avec les saints de leur vivant ou même après leur mort, donc dans leur tombeau.
33:05Dès le quatrième siècle, les écrivains chrétiens, par exemple Victrice de Rouen et d'autres aussi en Orient,
33:12déclarent que même la moindre parcelle des reliques a la même valeur, la même puissance, la même virtus que tout le corps.
33:21Mais dans la réalité, évidemment, les fidèles imaginent qu'un corps tout en entier ou une tête vaut quand même plus pour les miracles
33:30que toute petite parcelle ou des cendres assez négligeables.
33:38À travers le Moyen Âge, toute la ferveur religieuse autour du culte des reliques s'est développée selon cette grille d'importance.
33:46Les arrêts des grands pèlerinages étaient déterminés en fonction de ces reliques.
33:50Il suffisait pour une église ou une abbaye d'avoir une relique prestigieuse pour voir les pèlerins y faire un détour.
33:57Or qui dit pèlerin dit obole.
34:00Dans cette politique des reliques, on fragmentait des objets de piété comme les épines de la couronne ou des morceaux de la vraie croix
34:08pour mieux les redistribuer à travers tout un réseau d'églises ou d'abbayes délaissés sur le chemin des pèlerinages.
34:16Évidemment, quand on s'intéresse au problème des reliques, on est toujours frappé par la multiplication,
34:23en particulier pour la relique de la croix, des exemplaires et des morceaux ou des fragments.
34:29Il y a plusieurs hypothèses et plusieurs raisons à cela.
34:33D'abord, il y a la fragmentation des reliques.
34:36Je crois que c'était Odoré de Cyr qui disait que si petit soit le fragment d'une relique d'un saint,
34:41de toute façon, il a la même valeur spirituelle pour tout chrétien.
34:46Donc on peut fragmenter presque à l'infini jusqu'au niveau même de la poussière, pourquoi pas.
34:52Mais pour le bois de la croix, il est évident qu'outre les écharpes ou les petits morceaux,
34:57on peut, lorsqu'on a un tout petit fragment, le placer par exemple au sein d'une croix de bois plus spectaculaire et plus grande.
35:05Et quelques décennies ou siècles plus tard, prendre une écharpe à son tour de cette monture du bois,
35:12qui devient à son tour relique.
35:15Alors évidemment, ce n'est plus le bois de la croix en tant que tel, mais c'est par attouchement une relique de la croix.
35:26Ainsi, on offrait à ces petites communautés un moyen d'aller chercher un peu d'argent.
35:31Et à défaut d'une relique du Christ ou d'un saint, il arrivait parfois que Dieu lui-même y mette son grain de sel,
35:37comme ce fut le cas à Favernay, en France.
35:45Au nord-ouest de Vesoules, dans le département de la Haute-Saône, se trouve la commune de Favernay.
35:53Au 17e siècle, une épidémie de sorcellerie s'est développée dans la région.
35:58Les registres rédigés entre 1606 et 1636 rapportent au moins 68 procès.
36:04Durant cette période, on estime qu'au moins une centaine de personnes, surtout des femmes, ont été condamnées à mort pour sorcellerie.
36:12Une paysanne de Favernay, Bénigne Cordier, a été condamnée au bûcher pour avoir pactisé avec le diable.
36:19Au cœur de la commune, qui compte environ mille habitants, se dresse l'Abbaye Notre-Dame.
36:24Ses origines se perdent dans l'histoire.
36:27C'est entre ces murs que s'est produit le miracle de la Saint-Hostie.
36:33En 1608, la vie religieuse à l'abbaye n'est plus ce qu'elle était.
36:37L'endroit ne compte plus que six religieux et deux novices, dont l'un, le frère Antoine Hudelot, n'est âgé,
36:43Comme chaque veille de Pentecôte, depuis quatre ans, le sacristain s'affaire en ce 24 mai dans l'église abbatiale Notre-Dame-la-Blanche.
36:50Pour éclairer la nuit entière, il place sur le bord de l'hôtel deux lampes portées par deux chandeliers.
36:56Quelques heures plus tôt, au vèpre, le prieur a enfermé à l'intérieur du tabernacle un ostensoire d'argent contenant deux hosties consacrées.
37:05Au milieu de la nuit, le feu embrase la chapelle.
37:08La table qui servait d'hôtel est brûlée aux deux tiers, le tabernacle dévoré par les flammes.
37:13Arrivés en hâte, les moines cherchent l'ostensoire sur les dalles parmi les cendres.
37:18Mais où se trouve-t-il donc ?
37:20Soudain, le jeune Hudelot s'écrit, « Il est là ! »
37:24« Il est là ! »
37:26« Il est là ! »
37:28« Il est là ! »
37:30« Il est là ! »
37:32« Il est là ! »
37:34L'adolescent pointe du doigt l'ostensoire qui flotte littéralement à deux mètres et demi du sol sans aucun support.
37:40De la pure lévitation.
37:42Chacun admire le prodige.
37:44Pour l'officialiser, on fait appeler les Capucins de Vesoules à trois lieux de là et on avertit l'archevêque de Besançon.
37:52Déjà, les habitants de Faverné et des bourgeoisins envahissent l'église, contemplent et prient.
37:58Pendant la journée du lundi, la nuit suivante et le lendemain, les processions se succèdent.
38:04Le mardi 27 mai, alors que se tient une messe,
38:08les fidèles voient l'ostensoire qui flotte toujours à deux mètres et demi du sol, légèrement incliné, se redresser
38:15et descendre doucement sur le corporal déposé sur le sol.
38:19Le miracle prend fin.
38:21Il aura duré 33 heures.
38:28Du jour au lendemain, Faverné se retrouve non pas avec une, mais deux reliques.
38:33Deux hosties, plus ou moins noircies, sauvées des flammes par l'expression de la volonté divine.
38:39L'affaire fait des jaloux.
38:41À Dol, capitale de la comté, le vicomte mailleur de la ville, Jean-Baptiste Alix,
38:46demande au nouvel abbé de Faverné, Alphonse d'Aurémieux, de lui remettre l'une des deux hosties.
38:52Alix explique que les saintes hosties seraient plus en sécurité à Dol, une ville fortifiée,
38:57qu'à Faverné, une bourgade mal défendue et exposée aux querelles des protestants.
39:02Les archiducs envoient une lettre à l'abbé de Faverné l'enjoignant de remettre l'une des deux hosties aux autorités de Dol.
39:10Mais pendant la révolution française, le maire de Dol, un dénommé marchand,
39:15emporté par l'ivresse du moment, commet l'impensable.
39:19Il avale l'hostie.
39:21À Faverné, l'autre hostie échappe in extremis à la folie des révolutionnaires.
39:26La relique est sauvée par un citoyen, Claude-François Longchamp,
39:30qui réussit à convaincre les pilleurs de ne pas détruire l'hostie miraculeuse.
39:35Aujourd'hui, la sainte hostie de Faverné est exposée tous les lundis de Pentecôte
39:39en souvenir des événements mystérieux qui ont marqué l'histoire de ce petit village de Haute-Saône.
39:45Lors de mon passage à Faverné, le maire, M. François Laurent, et les responsables de l'église abbatiale
39:50ont bien voulu faire une entorse au règlement, en me permettant de voir et de filmer la sainte hostie.
39:59Le culte des reliques est un peu tombé en désuétude,
40:02et en dehors des Favernéens, bien peu de gens se pressent pour voir la sainte hostie.
40:06En 1958, cependant, à l'occasion du 350e anniversaire du miracle,
40:11on a organisé à Faverné un congrès eucharistique.
40:14Quelques 20 000 pèlerins ont fait le voyage pour y assister.
40:18Et du coup, voir la sainte hostie.
40:23Au premier niveau, lorsque l'on pense au culte des reliques,
40:26qu'il s'agisse de la Sainte Couronne de Paris,
40:29des épines de la Basilique de la Sainte Croix de Jérusalem ou de la Sainte Hostie de Faverné,
40:34on a l'impression que le Moyen-Âge n'a été qu'une exploitation mercantile de la foi.
40:39C'est un raccourci dangereux.
40:43Il y a un point très important, très particulier de la théologie chrétienne.
40:47La pensée du christianisme, très tôt, insiste sur la résurrection des corps.
40:54La chair, la matière, qui était méprisée par les philosophies orientales,
40:59a désormais un rôle dans la religion chrétienne.
41:03Et c'est pourquoi les chrétiens essaient de conserver des restes, des parties du corps,
41:10des os en particulier, des saints, des personnes qu'ils utilisent comme intercesseurs auprès de Dieu,
41:17puisqu'ils ont vécu d'une façon héroïque les enseignements du Christ.
41:21Et ils ont, ces chrétiens, dans leur piété,
41:25est-ce que c'est une piété populaire, je ne crois pas,
41:27puisqu'il y a des très grands savants, des très grands rois qui s'intéressent aussi aux reliques,
41:31ils concentrent toute leur spiritualité, toute leur piété sur le culte de ces reliques.
41:37Bien sûr, c'est un moyen pour arriver à Dieu, au Christ,
41:40mais à partir de ces éléments corporels des gens qu'ils admirent comme saints.
41:45Cette ferveur qui guidait les pèlerins sur le chemin des reliques
41:49est la même qui a donné au monde occidental ses plus grands chefs-d'oeuvre artistiques.
41:53La ferveur religieuse a été l'une des plus puissantes locomotives de l'art sous toutes ses formes.
41:59Sur le chemin des reliques, j'ai visité des églises, des basiliques et des cathédrales
42:04somptueusement décorées pour être des écrins dignes d'une couronne d'épines du Christ
42:09ou d'un morceau de la vraie croix.