Les ciseaux génétiques CRISPR-Cas9, qui ont valu le prix Nobel de chimie 2020 à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna

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Les ciseaux génétiques CRISPR-Cas9, qui ont valu le prix Nobel de chimie 2020 à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, fonctionnent de la manière suivante :

Le système utilise deux composants principaux :
Une enzyme Cas9 capable de couper l'ADN
Un ARN guide qui dirige l'enzyme vers une séquence d'ADN spécifique
L'ARN guide est conçu pour être complémentaire à la séquence d'ADN ciblée

.
Lorsque l'ARN guide et l'enzyme Cas9 sont introduits dans une cellule :

L'ARN guide s'apparie à la séquence d'ADN ciblée
L'enzyme Cas9 coupe alors l'ADN à cet endroit précis

Une fois l'ADN coupé, les mécanismes naturels de réparation de la cellule entrent en jeu :

Soit en joignant simplement les extrémités coupées (ce qui peut inactiver un gène)
Soit en insérant un nouveau fragment d'ADN fourni par les chercheurs

Cette technique permet ainsi de :

Supprimer des gènes spécifiques
Corriger des mutations génétiques
Insérer de nouveaux gènes

Les applications potentielles sont nombreuses, notamment en médecine pour traiter des maladies génétiques, mais aussi en agriculture et dans d'autres domaines de la biologie. Cependant, l'utilisation de cette technologie soulève également d'importantes questions éthiques, en particulier concernant son application potentielle sur les embryons humains

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00:00Générique
00:25Bonsoir à tous pour ce 36.9 spécial.
00:28Il y a une semaine, très exactement,
00:30deux femmes microbiologistes ont reçu conjointement le Nobel de chimie
00:33pour une découverte qui a révolutionné la médecine et toute la biologie du vivant.
00:37Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna ont compris
00:40comment détourner le mécanisme de défense d'une bactérie
00:43pour sectionner, enlever, remplacer ou modifier un bout d'ADN
00:47dans n'importe quelle cellule du vivant, végétale, animale ou humaine.
00:51Comment fonctionne exactement CRISPR-Cas9
00:54pour soigner ou prévenir quel type de maladie
00:56et comment faire face aux questions vertigineuses qui s'ouvrent
00:59puisque désormais nous avons le pouvoir de réécrire le code de la vie et de l'hérédité
01:04et peut-être un jour qui sait de fabriquer des bébés sur mesure.
01:07C'est le bon moment de découvrir ce documentaire exceptionnel
01:10signé Adam Bolt et adapté en français par Christophe Ingard.
01:17Et voilà, c'est mieux.
01:20Détends tes épaules.
01:22Détends tes orteils.
01:26Être à l'hôpital ne me fait pas peur.
01:30Avoir de nouveaux problèmes ne me fait plus peur non plus
01:33parce que ça m'est arrivé tant de fois.
01:37Je ne sais pas, mon sang ne m'aime pas beaucoup on dirait.
01:42Vos globules rouges sont censés être ronds et contenir de l'oxygène.
01:45Les miennes sont en forme de demi-lunes, en forme de fossiles,
01:48c'est pourquoi on appelle cela de l'anémie falciforme.
01:52Je n'ai pas la même quantité d'oxygène.
01:59Je dis toujours, c'est comme une vidange d'huile.
02:02On enlève les saletés et on nettoie.
02:05David en a besoin toutes les quatre à six semaines.
02:09Inspire profondément, retiens ton souffle.
02:27Ça va David ?
02:31Ça va David ?
02:34Ça va David ?
02:40Il me disait, ne pleure pas Anna, pourquoi pleures-tu ?
02:43J'ai dit, tu sais, je t'aime bébé.
02:46Il a dit, ne t'inquiète pas pour ça.
02:48Même si je meurs, tu me reverras.
02:52Et je me suis dit, cet enfant a plus de force et de foi que moi.
03:03Depuis le début de la maladie on l'appelle le décès.
03:22On l'appelle souvent la première maladie moléculaire.
03:24On l'appelle souvent la première maladie moléculaire, elle est causée par un seul
03:34changement dans la séquence d'ADN.
03:37C'est la lettre A changée en lettre T, rien que ça.
03:46Et cette mutation provoque un coup dedans la protéine qui l'empêche de se replier
03:50correctement.
03:52Si le repliement d'une protéine est entravée, cette protéine ne peut plus fonctionner et
03:59cela bouleverse la forme des globules rouges.
04:02Elle devient très rigide, elle ne peut plus se faufiler et vous ne pouvez pas acheminer
04:08les globules rouges vers les tissus où ils peuvent fournir de l'oxygène.
04:12Si vous empêchez l'oxygène d'atteindre ces tissus, ils ne fonctionneront pas bien
04:17et seront endommagés.
04:21En Afrique, l'espérance de vie avec une anémie falciforme est de l'ordre de 5 à 8 ans.
04:28Aux Etats-Unis, on vit au mieux jusqu'à 40 ans.
04:32Et que dites-vous à un enfant dont la vie va être bouleversée ?
04:35Nous l'évitons, nous évitons cette discussion, ce n'est pas quelque chose que nous maîtrisons.
04:40Ça me rend très nerveuse.
04:43David peut passer d'un adolescent joyeux, rieur, plein d'énergie, à une position
04:51fétale sur ses genoux.
04:53C'est comme des pulsations, ça fait mal, c'est une crise d'anémie falciforme.
05:03Parfois, j'ai une petite crise de douleur, là ce n'est pas très grave, parfois j'ai
05:11quelque chose de vraiment violent.
05:12Mais je ne vais pas juste arrêter de jouer au basket, c'est impossible de ne pas jouer
05:16au basket.
05:17Là, ce sont les vieux globules rouges de David, on va les conserver pour la recherche.
05:28C'est un trouble génétique, donc pour le guérir, vous devez littéralement aller
05:41réparer le gène.
05:42Nous n'avions tout simplement pas les outils pour changer cette lettre d'une manière précise.
05:48Une seule lettre ?
05:49Surtout une lettre.
05:50L'acide désoxyribonucléique, ou ADN pour faire court, est l'abri qui a la base de
06:07la vie.
06:08Chaque être vivant a son ADN unique qui détermine ce que deviendra cet être, plante, animal,
06:14homme ou ramusqué.
06:15Si nous comprenions la structure des gènes, la structure des chromosomes et le fonctionnement
06:25des gènes, nous pourrions alors mieux comprendre et soigner les maladies génétiques qui surviennent
06:30chez les humains.
06:31Les travaux de Paul Berg, c'était probablement le début.
06:36Ce rêve de la thérapie génique est né des premières expériences dans les années
06:401970.
06:41A l'époque, nous étions encore très loin de réussir ces thérapies, mais tout de suite,
06:46il y avait un grand espoir.
06:48L'espoir, c'est que l'isolation de ce gène conduise à un traitement contre la
06:52mucoviscidose.
06:53Les scientifiques travaillent actuellement sur des traitements génétiques contre Alzheimer
06:57et Parkinson.
06:58L'idée derrière la thérapie génique est vraiment simple.
07:03Ajoutez une copie du gène qui fonctionne, ils fabriqueront la bonne protéine et ne
07:07seront plus malades.
07:08Mais le diable, comme souvent, se cache dans les détails.
07:11À l'heure actuelle, nous avons la capacité d'identifier le gène pour l'isoler, mais
07:15la capacité de le placer là où nous le voulons est encore un objectif lointain.
07:19Si vous mettez un gène dans une cellule, vous ne pouvez pas dire exactement où ce
07:23gène va se loger dans les chromosomes.
07:25La thérapie génique conventionnelle est une technique très aléatoire.
07:30Imaginez prendre l'énorme livre qu'est l'ADN humain, qui est un texte très très
07:35long, puis d'écrire un nouveau paragraphe et le coller quelque part au hasard.
07:40C'est impossible que le changement de texte soit parfaitement contrôlable.
07:46Ils ont gagné.
07:47L'équipe du professeur Fischer est la première au monde à avoir réussi à sauver des vies
07:52par thérapie génique.
07:53Un traitement tout à fait nouveau, le grand espoir de la médecine depuis 15 ans.
07:59Un essai clinique a été réalisé en France.
08:01C'était pour les enfants vraiment malades.
08:03Je veux être clair, c'était pour les enfants qui seraient morts autrement.
08:10Quatre de ces enfants ont développé un cancer.
08:13L'un d'eux est décédé.
08:14Pourquoi ? Parce que le gène s'est logé au mauvais endroit.
08:18Comme tout repose sur un processus aléatoire, le gène est allé au mauvais endroit et a
08:23causé le cancer.
08:27Vous pensez toujours que ce que vous maîtrisez sera un peu meilleur, un peu
08:30meilleur, toujours un peu plus et que vos efforts aboutiront bientôt.
08:34Mais ce que nous savions faire ne s'améliorait pas beaucoup.
08:37Ça allait juste un peu mieux.
08:39Cette technologie était tout simplement trop imparfaite pour être réellement
08:42utilisée sur des êtres humains.
08:45En matière de thérapie génique, il était devenu très clair que nous étions au pied
08:49d'une très haute montagne et que nous n'avions pas le bon équipement d'alpinisme.
08:56J'ai travaillé dans une entreprise appelée Sangamau Biosciences.
08:59Nous voulions trouver un moyen de changer les gènes humains d'une manière bien plus
09:02précise, un peu comme un logiciel de traitement de texte pour votre ADN.
09:06De la haute technologie, mais de la technologie fiable.
09:09L'ADN se casse tout le temps.
09:15Vous faites une radiographie dentaire.
09:19Le technicien pointe l'appareil sur votre visage et les rayons X frappent votre
09:24ADN et il crée réellement une cassure.
09:27La double hélice d'ADN va faire.
09:29La bonne nouvelle, c'est que nos cellules ont leur propre machinerie pour réparer les
09:32cassures. À l'intérieur de nos cellules, il y a deux brins d'ADN identiques
09:38côte à côte, littéralement côte à côte.
09:41Si l'un se casse, il peut dire à son jumeau et frangine, je suis désolé, j'ai un
09:46problème. Je me demande si je peux copier sur toi les informations génétiques
09:50perdues. Et la sœur dit OK, terminé.
09:52Chromosome cassé attend information pour réparation afin de préserver le fil de la
10:12vie. Il y a vraiment un haïku à écrire autour de cette réparation par homologie.
10:19Pourquoi est-ce utile, c'est utile parce que si vous pouvez couper précisément un
10:27gène à l'intérieur d'une cellule, donc si vous pouvez créer une cassure à un endroit
10:31choisi, alors vous pouvez changer ce gène.
10:35Vous leurrez la cellule, vous lui donnez un autre morceau d'ADN que vous avez
10:39créé. Un morceau d'ADN identique en tout point au chromosome que vous coupez, à
10:46l'exception du changement que vous souhaitez effectuer.
10:53Et mère nature ne sera pas qu'elle est dupée.
10:56Elle va réparer la cassure en utilisant ce morceau d'ADN que vous avez fourni comme
11:00modèle. Et donc, ce changement s'intégrera dans le chromosome.
11:09On peut l'imaginer comme un curseur dans Microsoft Word.
11:11Dans Word, si vous avez un document dans lequel vous souhaitez faire une
11:14modification, vous devez d'abord y placer le curseur au bon endroit.
11:21C'est la même chose avec l'ADN.
11:23Pour faire une modification, il faut d'abord correctement placer le curseur
11:26comme dans un traitement de texte.
11:28C'est seulement à ce moment que vous pouvez écrire un nouveau mot.
11:37Donc, si vous vouliez éditer le génome, le défi était de créer des cassures dans
11:42l'ADN aux endroits précis où vous vouliez modifier le code.
11:49Comment faire ça ?
11:53Nous avons besoin d'un truc qui ne coupe qu'un seul gène sur les 25 000 que nous
11:57possédons.
12:01Il y avait tellement d'obstacles sur le chemin.
12:06On pensait donc que ça allait être une longue route et c'est ça qui a changé.
12:11Presque du jour au lendemain.
12:21Le médecin de David m'a dit, tenez bon, il y a quelque chose de nouveau qui
12:24arrive.
12:30Quand j'en ai entendu parler pour la première fois, j'étais à une conférence
12:32à New York, proposée par un Russe dont l'ambition est de télécharger son
12:36cerveau et de devenir un androïde qui vit éternellement.
12:39Dans ce futur là, les gens seront jeunes, beaux, ils auront plusieurs corps,
12:44pas seulement un.
12:45Mais il y avait aussi beaucoup de personnes sensées là bas, dont le
12:48célèbre généticien de Harvard, George Church.
12:50Je me souviens qu'il avait dit, souviens-toi de ce mot CRISPR.
12:57Souvenez-vous de ce mot CRISPR.
13:00Cela va permettre l'édition du génome humain de façon révolutionnaire.
13:09Quel âge a CRISPR ?
13:11En termes de millions d'années, je pense probablement des milliards.
13:38Quand vous êtes étudiant, vous pensez que tout est connu.
13:52Mais il y a des endroits où personne d'autre n'a regardé.
14:08Le micro-organisme que j'étudiais s'appelle Allopherax mediterranéens.
14:33Ces micro-organismes sont très particuliers.
14:36Ils ne vivent que dans des environnements où la salinité est
14:39environ dix fois supérieure à celle de l'eau de mer.
14:46Ces minuscules organismes sont si intelligents, intelligents en
14:51matière d'évolution, bien sûr.
15:06Je vais vous raconter l'histoire telle que je la connais.
15:10Le séquençage du génome microbien a commencé dans les années 1990.
15:14Qu'est-ce que ça signifie ?
15:17Décoder génétiquement la vie est une partie relativement récente de la biologie.
15:21Et à la fin des années 1990, les gens ont commencé à s'intéresser au
15:24séquençage des génomes des bactéries.
15:27Ce sont des entités incroyablement évoluées qui ont simplement choisi
15:30une façon différente de survivre de celle des cellules qui nous composent tous.
15:56...
16:15Nous y avons découvert un code génétique très particulier.
16:20Des fragments d'ADN très courts.
16:23Répétés plusieurs fois.
16:28Et ils étaient régulièrement espacés.
16:39Finalement, nous avons réalisé que ces séquences particulières étaient
16:43présentes dans de nombreux micro-organismes différents.
16:52Mais ils n'avaient pas vraiment de nom.
16:55CRISPR m'est venu à l'esprit juste en pensant aux principales caractéristiques.
17:00Répétitions groupées, régulièrement espacées, courtes et palindromiques.
17:12Il n'y avait vraiment pas d'antécédents comme cela dans l'ADN des êtres vivants.
17:16Mais quand vous voyez quelque chose d'inhabituel, vous vous dites
17:18automatiquement que c'est intéressant. Voilà comment fonctionne la science.
17:23CRISPR est l'acronyme anglais pour répétitions palindromiques groupées,
17:27régulièrement espacées, des répétitions de lettres.
17:32Mais ce qui était vraiment intéressant, c'était ces séquences entre deux répétitions
17:36qui étaient complètement énigmatiques.
17:42Et chaque espaceur était différent.
17:49Je n'avais jamais rien vu de tel.
17:53Mais d'où viennent ces séquences ?
18:08J'ai ma propre façon de raconter l'histoire.
18:10À partir de cet article de 2007, soit 5 ans avant que tout le monde ne parle de CRISPR,
18:15avec ce titre venant d'une entreprise de yaourt qui disait
18:18« Le Saint Graal a été découvert ».
18:23Et quel était le Saint Graal de cette entreprise de yaourt ?
18:26C'était CRISPR.
18:31Quand est-ce que vous avez obtenu votre plaque CRISPR ?
18:35La première que j'ai obtenue était dans le Wisconsin.
18:39Puis quand j'ai déménagé, l'une des premières choses que j'ai faites
18:42a été de m'assurer que j'avais toujours mes droits CRISPR.
18:48Les gens me disaient « As-tu entendu parler de ce truc CRISPR ? »
18:50Mec, j'ai entendu parler de ce truc depuis 10 ans, qu'est-ce que tu crois ?
19:00Danisco est une entreprise qui vend des bactéries aux personnes qui veulent faire de la nourriture.
19:04Beaucoup d'aliments sont produits à l'aide de bactéries, comme le yaourt.
19:11Rodolphe cherchait un moyen de réduire la mortalité de ces cultures bactériennes
19:15suite à des attaques virales.
19:20Les gens ne se réveillent pas le matin en réfléchissant
19:22à la façon dont les bactéries se défendent contre les virus.
19:25Ce n'est pas dans leur agenda, mais ça aurait dû être.
19:33Les virus sont des machines très simples.
19:35Ils n'ont qu'un seul travail à faire.
19:37Chercher un hôte, l'infecter et se multiplier.
19:41C'est tout.
19:44Le virus s'attache à la surface des cellules
19:47et ensuite il y injecte son matériel génétique.
19:55Il pirate la cellule et l'utilise comme une usine à nouveaux virus.
20:05Et puis c'est fini.
20:07C'est fini pour la cellule.
20:14C'est à ce moment-là que les gens nous rappellent et nous disent
20:16« Vous nous avez vendu une culture de bactéries qui ne fonctionne pas.
20:18Nous voulons récupérer notre argent. »
20:26Mais il y a un petit sous-groupe de la population qui survit à l'attaque virale.
20:33Nous ne savons pas comment ils y arrivent, mais ils survivent.
20:35Ils sont devenus résistants.
20:40À ce moment-là, nous ne savons pas encore ce qu'est CRISPR.
20:42Donc il n'y a aucune supposition que CRISPR est impliqué.
20:47On prenait simplement les survivants
20:51et on vérifiait leur ADN.
20:56Leur séquence d'ADN avait changé.
21:05Il y a de nouveaux espaceurs
21:08qui n'étaient pas présents avant.
21:10Et ces espaceurs sont identiques
21:13aux séquences des virus qui ont infecté les bactéries.
21:17Et maintenant, la bactérie est immunisée.
21:21Donc maintenant, les scientifiques ont une piste.
21:23Vous mettez en quelque sorte votre chapeau de Sherlock Holmes.
21:25Vous prenez votre pipe et vous vous dites « Que nous disent ces indices ? »
21:31Nous répétons l'expérience cinq fois.
21:36Et à chaque fois, les bactéries ont acquis un espaceur
21:38qui contient une séquence du virus.
21:43Et elles sont devenues résistantes.
21:49Et si j'enlève cet espaceur ?
21:51Vous perdez la résistance.
21:55Sans ce petit morceau d'ADN, la bactérie meurt.
21:58Avec, elle survit.
22:02C'était comme Eureka, on a trouvé.
22:06CRISPR est un système immunitaire.
22:09Belle idée, un morceau du génome de votre prédateur dans le vôtre
22:12pour le reconnaître à l'avenir.
22:15Les bactéries ont de la mémoire.
22:18Elles sont capables de se souvenir des envahisseurs,
22:21les reconnaître et les tuer.
22:23C'était une découverte vraiment fantastique.
22:31À l'époque, c'était utile pour fabriquer des cultures d'eau.
22:36C'était utile pour fabriquer des cultures résistantes au virus.
22:41Et c'était extrêmement précieux pour l'entreprise d'ANISCO.
22:47Nous ne savions pas ce que l'avenir nous réservait.
22:49Nous n'avions aucune idée de l'utilité de cette technologie dans d'autres domaines.
23:00Je pense que j'en ai entendu parler pour la première fois
23:03quand j'ai pris un café avec Jill Banfield,
23:05ma collègue ici à Berkeley, au mythique Free Speech Movement Café.
23:11On écrira sur ma pierre tombale à parler à Jennifer Doudna de CRISPR.
23:16C'est l'un des moments les plus importants de ma vie.
23:23J'aime les choses auxquelles peu de gens prêtent attention,
23:26ce que CRISPR était certainement à ses débuts.
23:28Plus maintenant, mais au début, c'était comme ça.
23:30Et vous vous demandez alors,
23:32est-ce que tout le monde est beaucoup plus intelligent que moi ?
23:35Et eux ont compris que c'est un cul-de-sac.
23:44Nous sommes biochimistes.
23:47Nous étudions le fonctionnement des molécules.
23:51Nous essayons de les isoler de toutes les autres pièces et parties de la cellule.
23:55Nous aimons nous demander
23:57quelles sont les parties essentielles de cette petite machine.
24:02Dans la nature, le rôle de CRISPR,
24:04c'est d'immuniser les bactéries contre les virus,
24:07les protéger contre les virus.
24:18Lorsqu'un envahisseur attaque,
24:20la bactérie a un moyen de stocker un petit morceau de l'ADN de la cellule
24:24dans son propre ADN.
24:33Et quand l'envahisseur revient,
24:35la bactérie fait une copie,
24:37comme une petite affiche Most Wanted,
24:39très recherchée de cet espaceur
24:41et la donne à la merveilleuse machine,
24:43au cœur de la technique CRISPR.
24:48Une protéine extraordinaire que nous appelons Cas9.
24:52Cas9 est vraiment merveilleuse.
24:57Quand Cas9 surveille l'intérieur de la cellule
25:00pour lutter contre les invasions,
25:03cette protéine porte littéralement sur elle
25:05une copie de l'affiche Most Wanted
25:09et demande à tous ceux qui entrent
25:12« Excusez-moi, êtes-vous celui qui figure sur cette petite affiche,
25:16Most Wanted ? »
25:19« Oui, alors je vais vous couper. »
25:26Ce qui m'a frappée à l'époque au sujet de Cas9,
25:29c'était que cette petite chose
25:31était une protéine programmable
25:34qui trouve et coupe l'ADN.
25:40Vous imaginez ensuite immédiatement
25:42beaucoup d'utilisations possibles pour un outil comme celui-là.
25:46Je n'oublierai jamais le dernier paragraphe
25:49écrit par Jennifer Doudna et Emmanuel Charpentier
25:52dans leur article « Immortelle »
25:55est un mot fort, donc je vais l'utiliser avec précaution,
25:58dans leur article « Immortelle »
26:00publié dans la rue Science,
26:02dans lequel elles décrivent que Cas9 peut être dirigé.
26:06Cas9 coupe l'ADN sur la base d'une instruction qu'il porte en lui
26:10et cette instruction est une molécule d'ARN
26:14qui correspond parfaitement à l'ADN de l'envahisseur.
26:19« ARN, j'en parle en tant que cousin chimique de l'ADN.
26:22Comme l'ADN, il a quatre lettres
26:24et ces lettres peuvent former des paires
26:26avec les lettres correspondantes de l'ADN.
26:28C'est ce que l'on appelle l'ADN. »
26:30Les lettres de l'ARN permettent à Cas9
26:33de trouver une séquence d'ADN unique.
26:37Les bactéries programmaient tout le temps cette machine
26:39avec différentes séquences virales
26:41et l'utilisaient ensuite pour trouver, couper et détruire les virus.
26:48Parce que Cas9 utilise ces petites molécules d'ARN,
26:51celles-ci peuvent facilement être utilisées
26:53pour détruire les virus.
26:56Parce que Cas9 utilise ces petites molécules d'ARN,
26:59celles-ci peuvent facilement être échangées.
27:04Les molécules d'ARN sont faciles à fabriquer
27:06dans un laboratoire de biologie moléculaire
27:08et peuvent être commandées dans le commerce.
27:13On peut donc couper tout brin d'ADN
27:15juste en changeant ce petit morceau d'ARN.
27:21C'était clairement un outil utile
27:24et au départ, je le voyais ainsi parce que je suis biochimiste.
27:28J'y pensais comme un outil,
27:29je pensais à toutes les expériences intéressantes
27:31que vous pourriez créer avec cet outil.
27:34Je ne pensais pas
27:36« Oh mon Dieu !
27:37C'est une technologie qui va nous permettre fondamentalement
27:40de changer notre relation avec la nature. »
27:43CRISPR-Cas9 nous permet en effet
27:45de changer l'évolution humaine si nous le souhaitons.
27:50C'est aussi révolutionnaire que ça.
27:54Dans ma main gauche, ici, l'enzyme Cas9 purifié
27:57et dans ma main droite, voici un ARN guide.
28:01La biotechnologie CRISPR est donc essentiellement
28:03la combinaison de ces deux ingrédients.
28:05Il s'agit en réalité de millions de molécules de Cas9
28:08et de millions de molécules d'ARN.
28:14Je dois dire que ça ne m'a pas percuté
28:16jusqu'à ce que je commence à avoir des données
28:18qui me permettent de comprendre
28:20que ça pouvait être une transformation extraordinaire.
28:24C'était réel !
28:28Vous pouvez réellement utiliser CRISPR chez l'humain
28:30pour modifier son ADN.
28:33Vous pouvez réellement le faire.
28:38Voici une copie d'un gène humain.
28:41Vous le donnez à Cas9
28:43et le mettez à l'intérieur des cellules humaines.
28:45Cas9 part faire son travail,
28:47trouve cet ADN et le coupe.
28:52Avant CRISPR, nous pouvions corriger
28:541 à 2 % des cellules.
28:56Aujourd'hui, nous en corrigeons de 50 à 80 %.
29:01Cette nouvelle biotechnologie
29:03pourrait aujourd'hui véritablement guérir un patient.
29:08Je pense que ça va aider beaucoup de gens.
29:10Pas seulement les patients,
29:12car je sais que les chercheurs
29:14travaillent aussi sur d'autres maladies.
29:18Et je connais tellement d'autres personnes
29:20qui ont des problèmes comme ça.
29:23Comme mon ami.
29:26Il avait une leucémie
29:28et il n'est pas ressorti de l'hôpital.
29:31S'il avait eu sa leucémie un peu plus tard,
29:33il aurait probablement pu être guéri
29:35car les chercheurs travaillent aussi sur cette maladie.
29:39CRISPR a vraiment la capacité
29:41de reconnaître et de cibler
29:43n'importe quel morceau d'ADN
29:45dans n'importe quelle cellule ou organisme.
29:47C'est vraiment un outil universel.
29:49Il est souvent décrit comme une sorte de couteau suisse.
29:56C'est un outil qui permet
29:58d'étudier les cellules humaines
30:00et d'étudier les cellules humaines
30:02et d'étudier les cellules humaines
30:04et d'étudier les cellules humaines
30:07éthiquement.
30:21Nous avons des milliers de clients
30:23qui travaillent avec CRISPR
30:25dans une grande variété d'organismes.
30:27Des papillons aux chienx
30:29en passant par les chevaux,
30:31le blé et le maïs.
30:33Nous avons un outil de conception en ligne,
30:35Spécifiez un gène que vous cherchez à éliminer.
30:39Vous pouvez spécifier les types de modifications effectuées,
30:42sortez votre carte de crédit, et quelques jours plus tard,
30:45tout le matériel dont vous avez besoin est sur le pas de votre porte.
30:49Évidemment, nous aimons valider l'authenticité et la crédibilité des chercheurs et de leurs établissements.
30:56Vous ne livrez pas à n'importe qui.
30:58Nous ne livrons pas à n'importe qui.
31:06La comparaison que j'aime, c'est avec le monde de l'automobile.
31:10Il y avait des voitures avant le fameux Model T,
31:13mais elles étaient chères et elles tombaient en panne tout le temps.
31:16Ford sort en 1908 son Model T, la première voiture accessible au plus grand nombre,
31:20bon marché et fiable.
31:22Et peu de temps après, tout le monde a une voiture.
31:36L'automobile n'est pas une voiture.
31:38C'est une voiture.
31:40L'automobile n'est pas une voiture.
31:42L'automobile n'est pas une voiture.
31:44L'automobile n'est pas une voiture.
31:46L'automobile n'est pas une voiture.
31:48L'automobile n'est pas une voiture.
31:50L'automobile n'est pas une voiture.
31:52L'automobile n'est pas une voiture.
31:54L'automobile n'est pas une voiture.
31:56L'automobile n'est pas une voiture.
31:58L'automobile n'est pas une voiture.
32:00L'automobile n'est pas une voiture.
32:02L'automobile n'est pas une voiture.
32:05L'automobile n'est pas une voiture.
32:10CRISPR nous donne la possibilité d'apporter des changements précis et ciblés
32:14dans l'ADN de tout organisme vivant.
32:19Le pouvoir, donc, de changer la biosphère.
32:22C'est ce qui rend CRISPR révolutionnaire.
32:25L'automobile n'est pas une voiture.
32:27L'automobile n'est pas une voiture.
32:30L'automobile n'est pas une voiture.
32:33...
32:58...
34:28...
34:32J'ai lu Le meilleur des mondes
34:34pour la première fois durant un cours de littérature au lycée.
34:38Et oui, c'était captivant et provocateur.
34:42Mais je l'ai relu récemment.
34:45Et j'ai été surpris par la façon dont un livre écrit en 1932
34:50pouvait contenir autant de prédictions sur la fécondation in vitro.
34:54...
35:02Mais cette oeuvre allait aussi au-delà de ça.
35:06Elle raconte une histoire où les êtres humains
35:09sont fabriqués pour jouer des rôles précis dans la société.
35:12...
35:16Et CRISPR rend aujourd'hui cette inquiétude
35:20sur l'ingénierie de l'hérédité humaine vraiment réelle.
35:24...
35:30...
35:36Nous ne devons pas être pris par surprise
35:39par l'avancée de nos propres technologies.
35:42C'est arrivé trop souvent par le passé.
35:45La technologie avance, elle change la société,
35:47et tout d'un coup, les gens se retrouvent dans des situations
35:51où ils ne voulaient pas faire.
35:53...
35:58Il ne fait aucun doute dans mon esprit
36:00qu'à mesure que ce domaine progresse,
36:03les gens pourront créer des changements
36:05dans leur patrimoine génétique
36:07afin de changer leur métabolisme, leur apparence
36:10et potentiellement ce qu'ils sont en tant que personnes,
36:14à savoir leur personnalité.
36:16...
36:19Mais nous devons faire attention
36:21à ne pas rentrer dans le territoire de la science-fiction.
36:24Nous savons que nous pouvons aujourd'hui modifier un seul gène,
36:27par exemple la myostatine,
36:29qui pourrait potentiellement nous rendre tous plus musclés.
36:32Mais faut-il rendre cela possible pour tous ?
36:35On a découvert qu'il y avait des gens
36:37qui n'avaient besoin que de 4 heures de sommeil par nuit.
36:40Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour cette mutation ?
36:43Un gène, un petit changement, 4 heures de sommeil, pas de problème.
36:47Est-ce que cela deviendra un prérequis
36:49pour un emploi comme aiguillère du ciel ?
36:54Est-ce que je veux que le monde aille dans cette direction ?
36:57...
37:05Je ne pense pas que mon travail soit si différent
37:07de ce que font les scientifiques.
37:09Il y a beaucoup de recherche, d'investigation,
37:12regarder sous les choses, retourner des pierres.
37:16Pour finalement sentir une piste,
37:18et c'est là que le plaisir commence.
37:24Avant d'être publié, la science circule parmi les scientifiques.
37:27Les papiers sont transmis pour relecture.
37:29Quelqu'un le passe à quelqu'un d'autre, ça circule.
37:33Et donc, je me suis mis sur la trace de ces papiers
37:36en provenance de Chine.
37:38C'était la première fois où quelqu'un disait
37:40« Je vais utiliser CRISPR et je vais modifier un embryon humain. »
37:44Ils avaient éliminé CCR5.
37:48C'est un récepteur, une porte d'entrée,
37:50sans lequel vous ne pouvez pas être infecté par le VIH.
37:54Ces chercheurs disaient « Nous allons immuniser quelqu'un contre le sida. »
38:01Une fois que j'ai commencé à explorer cette piste,
38:03j'ai trouvé d'autres personnes qui pensaient ainsi.
38:08John Zhang.
38:11John Zhang dirige la troisième ou la quatrième
38:13plus grande clinique de procréation assistée du pays.
38:16Et il a lancé une entreprise appelée Darwin Life.
38:20Il a déclaré qu'il était enthousiaste
38:22à l'idée de concevoir des bébés.
38:25Il a dit « Là est tout l'intérêt. »
38:29Il y a aussi cette entreprise appelée Ovascience.
38:31J'ai découvert un enregistrement
38:34que cette entreprise avait mis sur son site Web.
38:36Nous pourrons corriger des mutations
38:38avant de concevoir votre enfant.
38:40Et ce ne sera peut-être pas dans 50 ans,
38:42mais seulement dans 10, vu les progrès.
38:51J'ai fini par faire des rêves qui étaient très réels.
38:53Une fois, je suis rentrée dans une pièce
38:55et un collègue a dit
38:57« Je vais vous présenter à quelqu'un
38:59qui désire en savoir plus sur CRISPR. »
39:02Je suis entrée dans cette pièce
39:04et il y avait la silhouette d'une chaise
39:06avec quelqu'un assis dos à moi.
39:08En se retournant,
39:10j'ai réalisé avec horreur
39:12que c'était Adolf Hitler.
39:14Il se pencha vers moi et dit
39:17« Alors,
39:19expliquez-moi tout sur Cas9. »
39:27Je me souviens de m'être réveillée
39:29et je tremblais.
39:31J'ai pensé « Oh mon Dieu,
39:33qu'est-ce que j'ai fait ? »
39:39Il y a quelques années,
39:41les chercheurs ont découvert
39:43que nous pouvions sortir
39:45le système CRISPR des bactéries
39:48et l'utiliser dans un tube à essai
39:50puis sur des cellules de mammifères
39:52et finalement s'en servir
39:54comme un outil pour éditer nos gènes.
39:56La protéine Cas9 va couper l'ADN.
39:58Nous corrigeons ainsi la mutation
40:00qui change la forme des cellules sanguines.
40:03Mais si nous faisons ça chez une femme,
40:05ces ovules ne seront pas modifiées.
40:07Si nous faisons ça chez un homme,
40:09son sperme ne sera pas corrigé.
40:11La mutation bénéfique
40:13ne sera donc pas transmise
40:15aux générations futures.
40:18Les individus seront guéris
40:20mais pas leurs enfants.
40:22Maintenant, nous devons donner
40:24à la cellule un autre morceau d'ADN,
40:26sauf qu'au lieu d'avoir ici la lettre T,
40:28elle a un A.
40:31Pourquoi ne pas éviter
40:33que le gène de la maladie
40:35touche aux cellules sexuelles ?
40:37Nous ouvrons peut-être une boîte de pendeur.
40:43Lorsque nous induisons
40:45des changements génétiques dans mon sang
40:47ou dans ma peau,
40:50ces changements génétiques meurtent avec moi.
40:52Mais avec les cellules germinales,
40:54le sperme, les ovules
40:56ou les embryons,
40:58c'est très différent.
41:00Ils font partie de ce que nous appelons
41:02les lignées germinales.
41:04Si nous transfions les gènes dans mon sperme,
41:07ils sont transmis à mes enfants,
41:09puis à leurs enfants, et ainsi de suite.
41:18Mes collègues et moi
41:20avons écrit un article assez ferme
41:22dans la revue Nature
41:24avec le titre sans équivoque
41:26« Ne modifiez pas les lignées germinales humaines ».
41:29Nous avons proposé
41:31qu'il y ait un moratoire inconditionnel.
41:33« N'utilisez pas de sperme ni d'ovules édités
41:35pour créer des embryons humains.
41:38Ne faites rien de cela. »
41:42Nous devons comprendre
41:44que si nous autorisons l'édition d'embryons humains,
41:46nous permettrons, en fin de compte,
41:48la modification du genre humain.
41:50Voilà ce que nous faisons.
41:53Nous livrons au monde entier la recette.
41:55Le débat est de savoir
41:57si la société doit aller dans cette direction.
41:59A-t-on le droit de réaliser une modification génétique
42:01qui se transmettra aux générations futures ?
42:05Le patrimoine génétique, comme la nature,
42:08est une sorte de bien commun.
42:10J'avais un T-shirt sur lequel il y avait
42:12un petit gars en forme d'hélice d'ADN.
42:14Il était gardien de piscine,
42:16et il soufflait dans un sifflet en criant
42:18« Sortez du gene pool, du patrimoine génétique ! »
42:21J'adore ce T-shirt.
42:25Bébé sur mesure.
42:27Imaginez pouvoir programmer le QI d'un bébé.
42:32Allons-nous être devant un ordinateur
42:34pour introduire les traits que nous aimerions voir
42:36chez nos enfants, comme la forme de leur visage
42:38ou la couleur de leurs yeux ?
42:40Ce qui provoque le plus de craintes
42:42chez presque tout le monde,
42:45c'est cette idée de bébé sur mesure.
42:48Nous transformons la reproduction en production,
42:50les enfants en biens de consommation.
42:52Chaque fois qu'arrive une nouvelle technologie,
42:55nous entendons les mêmes préoccupations.
42:57S'il existe un marché pour le clonage,
42:59il n'y a rien de plus simple.
43:01Il n'y a rien qui pourra séparer les acheteurs des vendeurs.
43:06Peut-être que Saddam Hussein voudrait donner naissance à lui-même.
43:13Avec CRISPR, même les journaux les plus réputés
43:15n'ont pas pu résister au sensationnalisme.
43:19La petite voix qui dit « QI élevé »,
43:22comme si nous savions ce qu'est exactement l'intelligence,
43:24comment la mesurer et surtout comment la fabriquer.
43:27Pourquoi continuons-nous de nier le fait
43:29que nous avons entendu ces mêmes arguments récurrents
43:32au cours des cinq dernières décennies ?
43:34Et ces cauchemars, eh bien, ils ne se sont pas réalisés.
43:43Nous sommes capables de choses vraiment perverses.
43:45Mais nous n'avons pas besoin de technologies
43:48pour commettre ces actes pervers.
43:50Si le but est un génocide,
43:52si le but est l'eugénisme,
43:54si le but est la discrimination,
43:56il y a toujours une façon d'y arriver,
43:58et ce moyen sera trouvé.
44:00Je divise le monde en bio-optimistes
44:02et bio-pessimistes.
44:10J'ai grandi avec le premier film de Star Trek.
44:14Depuis, je suis une fan de tous les Star Trek.
44:17J'ai lu à peu près tous les romans de Star Trek.
44:21Ne me lancez pas sur le sujet.
44:23C'est une vision du progrès
44:26et du potentiel qu'a la science
44:28Mais il y a d'autres personnes
44:31qui ont vu ces récits plus sombres.
44:40Mais je ne pense pas que les technologies
44:42soient intrinsèquement bonnes ou mauvaises.
44:44Les technologies sont des outils.
44:46Ils ont le pouvoir.
44:48Ce que vous faites avec le pouvoir détermine
44:50si le résultat est une finalité
44:53que nous applaudissons ou que nous déplorons.
44:55Mais ce n'est pas l'outil qui détermine l'objectif final.
44:57C'est l'utilisateur.
44:59Penses-tu avoir un jour des enfants ?
45:03J'ai trop de frères et sœurs pour y penser.
45:05La réponse va probablement changer.
45:07Mais pour l'instant, non.
45:10Je ne suis pas fou.
45:12On dit qu'un jour, peut-être, avec CRISPR,
45:14on pourra rentrer en toi
45:16et changer le gène dans l'embryon
45:18pour que ton enfant, quand il sera né,
45:20n'aura pas la nemiphalciforme.
45:23Qu'est-ce que tu en penses ?
45:27Je pense que c'est plutôt cool
45:29si c'est possible dans l'avenir.
45:31Mais à mon avis,
45:33ça sera à l'enfant de décider.
45:35Que veux-tu dire ?
45:38Il y a beaucoup de choses que j'ai apprises
45:40grâce à cet anemone.
45:42Simplement parce que j'avais cette maladie.
45:44J'ai appris la patience.
45:46J'ai appris à être positif.
45:50Mais tu aurais préféré ne pas faire ça ?
45:53Non.
45:55Mais tu aurais préféré ne pas l'avoir ?
45:57J'aurais préféré ne jamais avoir eu cette maladie.
45:59Mais je pense aussi que je ne serais pas moi
46:01si je ne l'avais pas eu.
46:07L'anemiphalciforme est une maladie génétique inhabituelle
46:09vraiment intéressante.
46:12Si vous avez deux copies du gène provoquant cette anémie,
46:14vous êtes vraiment malade
46:16et sans médecine moderne,
46:18vous mourrez jeune.
46:20Si vous avez deux copies du gène normal,
46:22vous n'avez aucune maladie.
46:24Si vous avez un gène anémique
46:26et un gène non anémique,
46:29vous fabriquez des globules rouges
46:31qui sont seulement un peu en forme de faucilles.
46:33Vous n'êtes pas malade
46:35et le pathogène qui cause la malaria
46:37n'aime pas ces globules rouges.
46:39Le fait d'avoir un gène
46:42qui provoque l'anémie falciforme
46:44protège contre le paludisme.
46:46Donc dans un environnement où il y a beaucoup de paludismes,
46:48il vaut mieux avoir ce gène anémique
46:50que de ne pas l'avoir.
46:52C'est pourquoi vous voyez l'anémie falciforme
46:54en Afrique subsaharienne
46:57mais aussi autour de la Méditerranée,
46:59en Grèce et en Sardine.
47:01En clair, là où il y avait des moustiques
47:03et la malaria.
47:07La relation entre nos gènes
47:09et notre environnement est incroyablement complexe.
47:15Et on ne le comprend pas.
47:23Je pense que nous devons faire preuve d'humilité.
47:25La nature est le plus grand inventeur de tous les temps.
47:31Ce que nous, humains, pouvons faire
47:33n'est qu'une fraction très insignifiante
47:36de ce que la nature a déjà fait.
47:40La nature a inventé CRISPR.
47:48Là, nous mélangeons les cellules avec CRISPR.
47:50C'est beau.
47:53Une fois dans la cellule, l'édition démarre.
47:55On ne le voit pas, mais ça se passe.
48:00Je ne sais pas comment,
48:02sur tous les gènes que l'on possède,
48:04ils ciblent celui qui provoque l'anémie falciforme
48:06et non pas le gène qui vous fait pousser les cheveux.
48:09Mais bon, c'est comme ça.
48:13C'est cool.
48:20C'est cool.
48:32Vous devez comprendre
48:35qu'il s'agit d'une technologie
48:37qui a moins de cinq ans,
48:39mais qui a été déployée incroyablement rapidement.
48:41Nous n'avons jamais eu jusqu'à présent
48:43la possibilité de changer notre nature intrinsèque
48:45de cette façon.
48:48Maintenant, c'est possible.
48:50Cela nous pousse vraiment
48:53à réfléchir profondément
48:55sur ce que signifie être humain.
48:57Les traits qui nous rendent le plus humains
48:59font partie des caractéristiques
49:01les plus complexes génétiquement parlant,
49:03ce qui est une sorte de soulagement.
49:06La créativité.
49:08Les émotions.
49:10L'amour.
49:12Maintenant, je veux être clair.
49:14Toutes ces caractéristiques
49:16ont une base génétique.
49:18Elles sont toutes codées
49:20dans notre ADN.
49:23Mais nous sommes encore
49:25très, très loin
49:27de pouvoir modifier la personnalité.
49:32Et vous pensez que ce jour viendra ?
49:35Je le pense.
49:37Mais j'espère que nous mûrirons
49:39en tant qu'espèce avant de pouvoir utiliser
49:41cette technologie incroyable
49:43à notre propre détriment.
49:45Je l'espère, oui.
49:48Cet espoir est-il fondé sur des faits ?
49:50Nous verrons.
50:12Denis Duboule, nous sommes très heureux
50:15de vous avoir sur ce plateau. Merci d'être avec nous.
50:17Vous êtes généticien, professeur
50:19à l'Université de Genève, à l'EPFL
50:21et au Collège de France. Vous présidez aussi
50:23la fondation Louis-Janté pour la recherche médicale
50:25qui avait déjà distingué Emmanuel Charpentier
50:28en 2015. Vous connaissez aussi
50:30sa collègue Jennifer Doudna.
50:32Elles ont reçu le prix Nobel de chimie
50:34et pas de médecine. Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas
50:36encore d'application thérapeutique à CRISPR-Cas9 ?
50:38Oui, c'est surtout parce que
50:40cette technologie demande beaucoup
50:43de compétences, beaucoup
50:45de modifications chimiques, biochimiques,
50:47la biologie moléculaire sur les protéines.
50:49Donc, ça rentre vraiment dans le domaine
50:51du prix Nobel de la chimie et puis aussi
50:53parce que ces applications vont largement
50:55en dehors du domaine de la médecine
50:58et de la physiologie. Ça va toucher l'environnement,
51:00ça va toucher la façon dont on va se nourrir
51:02et donc leur avoir donné le prix Nobel
51:04de médecine et physiologie aurait,
51:06en quelque sorte, réduit un peu
51:08les applications extraordinaires
51:11de cette découverte.
51:13Les gens qui souffrent de maladies qu'on ne peut pas traiter
51:15aujourd'hui se demandent dans quel délai
51:17est-ce qu'on va pouvoir les aider et dans quel délai ?
51:19Oui, je dirais qu'il y a trois sortes de délais.
51:21Il y a un délai relativement immédiat.
51:23On commence maintenant des essais sur les maladies
51:26pour lesquelles on peut sortir les cellules
51:28du patient, les traiter et les remettre.
51:30Maladie du sang, thalassémie bêta,
51:32la trépanocytose, etc.,
51:34ou certaines leucémies, par exemple.
51:36Il y a un deuxième délai qui va arriver
51:38dans une dizaine, une quinzaine d'années
51:41pour traiter les gens
51:43pour des maladies pour lesquelles
51:45on ne peut pas sortir les cellules.
51:47Un patient en face qui a une dystrophie musculaire,
51:49une dégénérescence des muscles,
51:51il va falloir rentrer dans les muscles
51:54pour délivrer ce système CRISPR,
51:56par exemple avec des petits virus
51:58qu'on va bourrer de ce système
52:00et qui vont infecter les cellules musculaires
52:02pour les réparer.
52:04Il y a beaucoup d'essais qui se font actuellement,
52:06notamment sur des chiens malades de dystrophie musculaire
52:09dans le Texas par un collègue.
52:11Troisième délai, qui est beaucoup plus lointain,
52:13c'est la chirurgie génétique
52:15sur les embryons,
52:17sur les embryons fécondés, les zygotes,
52:19pour essayer d'éliminer
52:22des maladies qui sont extrêmement cruelles.
52:24On peut en prévenir.
52:26On pense aux deux jumelles chinoises
52:28à qui on a modifié le génome
52:30pour les rendre naturellement résistantes au VIH.
52:32Est-ce que vous savez ce qu'elles sont devenues ?
52:35Non, évidemment.
52:37C'est une expérience
52:39qui a été très contre-productive pour nous,
52:41qui n'aurait évidemment pas dû être faite
52:43parce que les choses ne sont pas prêtes.
52:45Ces jumelles, on ne sait pas où elles sont,
52:48où elles habitent, on ne connaît pas leur nom.
52:50On ne sait même pas si ça a fonctionné ou pas.
52:52Écoutez, d'après les résultats qu'on a vus,
52:54on pense qu'effectivement,
52:56l'expérience a été faite
52:58et on pense qu'effectivement,
53:00le CRISPR a fait quelque chose.
53:03Maintenant, on peut guère demander à l'auteur,
53:05puisqu'il est en prison,
53:07je pense qu'on le saura dans une dizaine d'années.
53:09Vous êtes un des chercheurs
53:11qui a travaillé sur les gènes architectes
53:13et vous avez montré qu'un gène ne fait pas juste une seule chose.
53:17Oui, c'est justement un des problèmes
53:19de cette expérience, de ce collecte chinois.
53:21Beaucoup de gens pensent
53:23qu'en poussant un gène, en diminuant un gène,
53:25on va pousser une caractéristique particulière de la personne,
53:30la rendre, par exemple,
53:32résistante à une infection du virus du sida,
53:34mais on ne se rend pas compte
53:36que ces gènes ont beaucoup d'autres fonctions.
53:38Donc, on ne sait pas exactement
53:40ce qu'on va faire en dehors de ces petites choses
53:42qu'on aimerait modifier.
53:45Et ça, c'est un des problèmes fondamentaux.
53:47Lorsque l'on parle des bébés à choix,
53:49des bébés sur mesure,
53:51on va faire ça, le rendre plus grand,
53:53plus beau, plus intelligent,
53:55on ne se rend pas compte qu'en faisant ça,
53:58on va lui enlever des choses,
54:00parce que les êtres humains
54:02sont des équilibres génétiques,
54:04ce ne sont pas des additions
54:06de singularité génétique,
54:08c'est un tout.
54:10Denis Duboule, merci pour ces explications
54:13et cet éclairage. C'est avec vous
54:15que cette émission s'achève. Merci à vous tous
54:17de nous avoir suivis. Très bonne fin de soirée
54:19au nom de toute l'équipe de 36.9, et à bientôt.

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