• il y a 3 mois
Falluja, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Bagdad, en Irak, est aujourd'hui une ville contaminée. Un enfant sur cinq naît avec une malformation physique importante. Causes potentielles : l'utilisation par l'armée américaine de bombes au phosphore blanc et surtout d'armes redoutables contenant de l'uranium appauvri. Le Pentagone nie en bloc. Des Irakiens, des ONG, d'anciens GI's et surtout de nombreux scientifiques dénoncent quant à eux une contamination de masse… et éternelle.

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00:00Fallujah, à l'ouest de Bagdad.
00:08Le bastion des insurgés semble se réveiller au lendemain
00:11d'un tremblement de terre.
00:14Huit ans après l'invasion américaine,
00:16les habitants vivent encore au milieu des ruines.
00:23À l'hôpital de Fallujah, les médecins livrent une autre guerre.
00:27Comme chaque jour, le service de la maternité est en alerte.
00:31Un bébé déformé vient de naître.
00:33C'est le cinquième cas cette semaine.
00:36Ce nouveau-né souffre de malformations graves.
00:39D'après les médecins, il survivra, mais il risque de ne jamais pouvoir marcher.
00:50Il a besoin d'une opération.
00:52Pour l'instant, il est trop faible, donc on le garde en observation.
00:58Nous avons pu voir beaucoup d'autres types de déformations.
01:02Il y a des bébés qui naissent sans crâne, sans organe,
01:06ou parfois les jambes sont complètement tordues.
01:14Regardez-moi ces petites jambes.
01:17La mère de ce nouveau-né est sous le choc.
01:20Cette femme a eu trois enfants avant celui-ci,
01:23née sans aucun problème de santé.
01:25Ce bébé déformé est le premier cas de ce genre dans sa famille.
01:29Le phénomène est en pleine explosion.
01:32À Fallujah, une naissance sur cinq serait concernée
01:34par une malformation congénitale.
01:37Pour ce médecin, il n'y a plus qu'une solution et elle est radicale.
01:43Aujourd'hui, je déconseille fortement à toutes les femmes de la ville
01:47d'avoir des enfants.
01:52Comment en est-on arrivés là ?
01:54Ces bébés sont tous nés après 2004,
01:57date à laquelle Fallujah a connu l'une des batailles
01:59les plus violentes du pays.
02:02Durant plusieurs semaines, les bombardiers pilonnent la ville.
02:0515 000 soldats de la coalition écrasent Fallujah.
02:09En face, 2000 combattants irakiens munis de kalachnikovs et de lance-roquettes.
02:14L'aviation américaine lâchera des centaines de tonnes de missiles.
02:21Sur ces images, on aperçoit des boules de feu qui tombent sur la ville.
02:25C'est le phosphore blanc, une arme chimique et incendiaire.
02:29Aujourd'hui, ces bombardements sont accusés d'avoir provoqué
02:32les malformations des enfants de Fallujah.
02:44Bagdad, hiver 2011.
02:48Comment sait-on qu'une ville n'est plus en guerre ?
02:51Peut-être en observant ces passants arpenter les rues.
02:54En Irak, la paix s'installe progressivement,
02:57mais l'odeur de la guerre plane encore.
03:01Les soldats de l'aviation irakienne
03:03se sont retrouvés dans les villes de Bagdad.
03:05Ils ont été touchés par les bombardements.
03:07Ils ont été touchés par les bombardements.
03:09Ils ont été touchés par les bombardements.
03:11Ils ont été touchés par les bombardements.
03:14La capitale irakienne alterne entre jours sanglants et jours paisibles.
03:19L'armée américaine s'est engagée à quitter le pays au mois de décembre.
03:23Elle laissera place à la police et à l'armée irakienne.
03:27Ces embouteillages, c'est le versant paisible de l'Irak.
03:32La ville semble revivre avec des commerces fraîchement aménagés
03:35et des habitants qui font tranquillement leur course dans le centre-ville.
03:40Un centre-ville où l'on retrouve l'opulence de l'avant-guerre.
03:44Un centre-ville où l'on retrouve l'opulence de l'avant-guerre.
03:49Mais la guerre est-elle vraiment terminée ?
03:52Si la situation s'est améliorée à Bagdad,
03:54d'autres villes sont jetées aux oubliettes.
03:56Fallujah, par exemple, c'est la ville d'origine de mes parents.
04:00Après la guerre, cette ville est devenue inaccessible.
04:04Seuls ses habitants ont le droit d'y entrer librement.
04:08Mais j'ai de la famille et des contacts là-bas.
04:11Et surtout, je parle l'arabe d'Irak.
04:13Je suis en contact avec un ami de Fallujah.
04:16Viens à 15h près de la statue.
04:18Je viendrai te chercher et on ira là où tu veux aller.
04:22Voici Abou Younes. Il a 32 ans.
04:26C'est un ancien joueur de football de l'équipe de Fallujah,
04:28aujourd'hui au chômage.
04:31J'avais fait sa connaissance lors d'un reportage il y a 4 ans.
04:35C'est lui qui m'avait signalé l'existence de bébés gravement déformés.
04:39S'il est venu me chercher jusqu'à Bagdad,
04:42c'est parce qu'il m'est impossible de me rendre à Fallujah sans son aide.
04:52Cette route est sous haute surveillance.
04:55Pour faire les 50 km qui séparent Bagdad de Fallujah,
04:58nous passerons plus d'une vingtaine de checkpoints.
05:01La ville se trouve en plein triangle sunnite,
05:03surnommé le triangle de la mort par les Américains.
05:061500 soldats ont été tués dans cette région.
05:09C'est un tiers des pertes américaines en Irak.
05:12Fallujah est la première ville à avoir combattu les soldats américains.
05:18Elle s'est rendue célèbre en les expulsant de la ville
05:21et en leur causant beaucoup de pertes humaines.
05:25À tel point que les gens se sont dit
05:27comment une petite ville comme Fallujah
05:30a pu résister contre la plus puissante armée au monde.
05:36En mars 2004, 4 mercenaires sous contrat avec l'armée américaine
05:40sont tués dans leur véhicule à l'entrée de la ville.
05:43Leurs corps mutilés sont traînés dans la rue
05:45puis suspendus sur ce pont comme des trophées.
05:49C'est l'un des premiers actes de violence contre les Etats-Unis.
05:53Ces images vont faire le tour du monde.
05:56C'est le début d'une escalade
05:58qui aboutira à la bataille de Fallujah en novembre 2004.
06:02Bilan, 153 GIs tués et 3500 morts côté irakien.
06:07Fallujah est devenu un symbole de l'insurrection,
06:09la bête noire des américains.
06:12Du coup, l'armée a imposé un contrôle très strict dans la ville.
06:16Les empreintes oculaires et digitales de chaque habitant
06:18ont été enregistrées dans les fichiers de l'armée américaine.
06:22Jamais une ville n'aura subi un tel traitement.
06:28Les habitants recevront même des cardiométriques.
06:31Ce badge me permet d'entrer et de sortir de Fallujah.
06:34Sept ans plus tard, les badges ne sont plus obligatoires.
06:38La ville est passée sous le contrôle de l'armée irakienne,
06:40mais Fallujah reste le lieu le plus difficile d'accès du pays.
06:46Pour entrer, il te faut un garant.
06:48Il faut qu'il soit de Fallujah.
06:50C'est pour des raisons de sécurité
06:52qu'on me demande de me porter garant pour toi.
06:55Donc on n'entre pas comme ça à Fallujah ?
06:57Non, pas comme ça, non.
07:00À l'approche de la ville, la tension monte dans la voiture.
07:03Arrête de filmer.
07:05Descends la caméra.
07:14Nous voici à l'entrée de Fallujah,
07:16à 100 mètres d'un véritable poste frontière à l'intérieur du pays.
07:21L'armée irakienne contrôle chaque voiture qui passe.
07:24Pour entrer avec une caméra, il faut faire un tour.
07:28Pour entrer avec une caméra,
07:30il faut une autorisation spéciale
07:32et être accompagné d'une escorte armée.
07:35Mais pour être libre de nos mouvements,
07:37nous préférons entrer illégalement.
07:41Il y a plusieurs voitures,
07:43nous sommes dans la troisième.
07:46On t'attend, viens nous chercher.
07:50Grâce à Abu Younes,
07:52l'un des soldats nous ouvrira le passage.
07:54Pour préserver sa sécurité,
07:56nous éviterons de le filmer.
08:01Après une heure d'attente,
08:03nous finissons par passer le checkpoint.
08:07Bienvenue à Fallujah.
08:09300 000 habitants.
08:11Une ville considérée comme la plus dangereuse d'Irak.
08:17Ici, rien n'a vraiment changé depuis la bataille.
08:20La vie reprend.
08:22Les rues sont bondées.
08:25Et les soldats irakiens continuent de patrouiller.
08:29Dans cette ville prison,
08:31il est difficile de se faire discret avec une caméra.
08:35Alors pour sécuriser tous nos déplacements
08:37à l'intérieur de Fallujah,
08:39Abu Younes suivra nos pas.
08:41Il sera notre ange gardien.
08:47Ce quartier est l'un des plus touchés
08:49par les bombardements.
08:51La moitié des bâtiments sont en ruines.
08:53Il y a eu un impact de balles.
08:55Cet ancien militaire irakien
08:57était dans la ville durant l'assaut américain.
08:59Il habite juste en face
09:01de cet immeuble complètement détruit.
09:03Durant les bombardements,
09:05il a remarqué des explosions suspectes.
09:09Juste après le début des bombardements,
09:11le paysage a changé.
09:13Même le ciel a changé d'aspect.
09:17Le ciel est devenu jaune.
09:19Ça a duré plusieurs jours.
09:22Même les explosions étaient anormales.
09:26Moi, j'étais officier dans l'armée irakienne
09:28de l'ancien régime.
09:30J'ai fait 7 ans de guerre contre l'Iran.
09:32Donc des bombes et des missiles,
09:34j'en ai vu.
09:36Je sais de quoi je parle.
09:38Mais ces bombes américaines,
09:40quand elles explosent,
09:42elles produisent quelque chose d'anormal
09:44que je n'avais jamais vu avant.
09:46Ces bombes étranges dont parle cet habitant,
09:48c'est le phosphore blanc.
09:50Une arme chimique et incendiaire
09:52souvent comparée au napalm
09:54utilisé au Vietnam.
09:56Selon le traité de Genève,
09:58il est interdit,
10:00en toutes circonstances,
10:02de faire de la population civile
10:04l'objet d'une attaque
10:06au moyen d'armes incendiaires.
10:08En clair,
10:10l'utilisation du phosphore blanc
10:12est interdite dans les zones de population.
10:15L'armée américaine prétend l'avoir utilisé uniquement
10:17pour éclairer les zones de combat.
10:27Pourtant, à Fallujah,
10:29des milliers d'habitants étaient encore dans la ville
10:31pendant les bombardements.
10:33À Bouillounès, je me donne rendez-vous
10:35au cimetière des martyrs,
10:37un ancien stade de football.
10:393500 corps y sont enterrés,
10:41combattants et civils réunis.
10:43C'est ici qu'à Bouillounès
10:45jouait au football.
10:47Aujourd'hui,
10:49il vient se recueillir
10:51auprès d'anciens coéquipiers
10:53devenus des martyrs.
10:57Certains footballeurs
10:59qui jouaient dans ce stade
11:01sont enterrés ici.
11:03Même l'entraîneur,
11:05on l'appelait Khalil Koboy,
11:07il a été tué par les Américains.
11:0913 joueurs de l'équipe de Fallujah
11:12ont été tués dans leur propre stade de football.
11:16Cet homme est le gardien du cimetière.
11:18Un jour de novembre 2004,
11:20alors qu'il enterre les victimes des combats,
11:22il fait une étrange découverte.
11:26Les Américains m'ont apporté des sacs.
11:28Je pensais que c'était une aide humanitaire.
11:30Mais quand je les ai ouverts,
11:32regardez ce que j'ai trouvé.
11:36Des morceaux d'os
11:38et des vêtements intacts.
11:41Leur traducteur m'a dit que ces cadavres
11:43n'étaient pas américains.
11:45C'est pour ça qu'ils nous les ont rendus.
11:49Le gardien aurait récupéré
11:51près de 500 corps non identifiés.
11:53Il les a tous pris en photo
11:55avant de les enterrer dans le cimetière.
12:01Nous avons posé la question à des médecins.
12:03Ils nous ont dit
12:05s'il n'y a que les os
12:07et que les vêtements sont intacts,
12:09qu'est-ce qui lui est arrivé ?
12:11On dirait que c'est à cause
12:13d'une arme chimique.
12:15Seul Dieu sait ce que c'est.
12:17Mais ça, c'est du phosphore.
12:19Pour le gardien,
12:21il n'y a aucun doute,
12:23c'est le phosphore blanc
12:25qui a tué ces hommes.
12:27L'armée américaine aurait-elle utilisé
12:29cette arme contre la population ?
12:31Que se cache-t-il réellement
12:33derrière ces photos ?
12:35Pour trouver des réponses,
12:38je suis dans le nord de l'Irak,
12:40dans un quartier de l'est
12:42auprès de l'Air Force.
12:44J'ai le sujet.
12:46Je suis allé en Italie.
12:48J'ai pris contact
12:50avec un ancien marin
12:52âgé de 27 ans
12:54qui a combattu à Falluja.
12:56Avec son look d'adolescent,
12:58Roscaputi est déjà
13:00un vétéran de la guerre.
13:02Traumatisé par son expérience,
13:04il a décidé de témoigner.
13:06Ca, c'est moi. C'est Afaloudja.
13:09J'ai vraiment honte d'avoir posé sur cette photo.
13:13J'avais un bandana et je voulais paraître dur.
13:17C'est la mentalité qu'on avait. Nous étions des guerriers.
13:24Ca, c'est le genre de photo qu'on rêve de montrer aux copains.
13:29Afaloudja, Ross était opérateur radio.
13:32C'est lui qui transmettait toutes les informations aux autres soldats.
13:36Il était donc en première ligne.
13:39Avant l'invasion de la ville, on nous a dit que ce serait la plus grande bataille depuis celle de Hue au Vietnam.
13:45On bombardait lourdement à ce moment-là.
13:48Nous étions positionnés sur une colline au-dessus d'Afaloudja.
13:52Nous avions une vue d'ensemble sur la ville la nuit avant le début du siège.
13:56Et c'est à ce moment-là que j'ai vu de mes propres yeux le phosphore blanc.
14:01Je me rappelle très bien avoir eu ce sentiment étrange que ça ne pouvait pas être légal.
14:06Je me rappelle avoir vu le phosphore blanc se répandre dans le vent.
14:09Et j'ai demandé à mon lieutenant qui était à côté de moi, c'est légal ce truc ?
14:13Il m'a répondu, oui, c'est légal car nous nous en servons comme écran de fumée, pas comme arme offensive.
14:19Mais il y avait des milliers de civils qui n'avaient pas pu quitter la ville.
14:22Donc il y avait une grande possibilité que ça tombe sur eux.
14:28Le phosphore blanc aurait donc bien été déversé au-dessus de la population.
14:33Je me sens vraiment coupable.
14:36Aujourd'hui, je suis conscient du nombre de personnes qu'on a blessées ou tuées.
14:41Et ce n'est pas facile de vivre avec ça.
14:44Ross Caputi a décidé de quitter l'armée suite à la bataille d'Afaloudja.
14:50Il a créé une association pour tenter de sensibiliser l'opinion américaine sur son expérience de soldat en Irak.
14:58Je me souviens que dans mon unité, personne ne cherchait à savoir qui étaient les insurgés et les moudjaïdines.
15:04Tout le monde se contentait de penser qu'ils étaient tous des terroristes, des kamikazes, des fous anti-américains.
15:11Si Ross Caputi dénonce l'utilisation du phosphore blanc, d'autres militaires s'en félicitent.
15:17En mars 2005, un commandant de l'armée américaine a fait des révélations surprenantes.
15:23Dans cette revue de l'armée, il affirme que l'utilisation du phosphore blanc s'est révélée très efficace à Afaloudja.
15:30Il ajoute l'avoir employé volontairement contre des insurgés.
15:34C'est ce que le commandant appelle la mission « shake and bake », secouer et cuire.
15:39Selon ce haut-gradé, le phosphore blanc a été utilisé en Irak pour tuer.
15:46Face à ces preuves accablantes, la presse internationale s'empare du sujet.
15:51Il faudra attendre le 16 novembre 2005 pour que l'administration américaine admette officiellement devant les médias avoir bombardé la ville au phosphore blanc.
16:04Retour à Afaloudja.
16:07Sept ans après les bombardements, la population est convaincue que le phosphore blanc tue encore.
16:13C'est le cas de Khalil. Il habite dans le quartier Jolan, l'un des plus touchés par les bombardements.
16:20En 2005, Khalil a fondé la première association des victimes de la guerre.
16:26Son but est d'accumuler un maximum d'informations.
16:30Et ça commence par ses dossiers d'enfants malades.
16:32Cet enfant, par exemple, a eu une tumeur au cerveau juste après les bombardements de 2004.
16:42C'est pareil pour ce cas. Un problème de malformation grave dès la naissance.
16:51Nous, on enregistre ces informations. On établit un dossier médical.
16:56Et on les transmet à des médecins et à des associations.
17:00Ce que l'on veut, c'est trouver une solution pour ces familles.
17:07Le bureau est modeste. Khalil n'a pas de grands moyens, pas même un ordinateur pour enregistrer toutes ces informations.
17:14Il semble dépassé par les événements.
17:19Ces maladies, on ne les connaissait pas avant.
17:21Les Américains étaient censés nous apporter la modernité, mais ils nous ont renvoyé à l'âge de pierre.
17:28Khalil a accepté de nous fournir les dossiers d'enfants malades.
17:32Selon lui, la majorité des cas de maladies rares concernent des enfants de moins de 10 ans.
17:39Il est né après l'assaut de 2004, avec une malformation grave.
17:43Dans cette famille, c'est le premier cas de maladie rare.
17:47On l'a opéré à l'âge de 47 jours.
17:50La maison dans laquelle on vivait a été bombardée.
17:53En rentrant, j'ai nettoyé toute la maison. Peut-être que c'est à cause de ça, je ne sais pas.
17:59Votre maison a été bombardée pendant la bataille ?
18:02Oui, oui. Un missile l'a atteint.
18:05C'est la première fois qu'on l'a vu ?
18:08Oui, c'est la première fois qu'on l'a vu.
18:10Votre maison a été bombardée pendant la bataille ?
18:13Oui, oui. Un missile l'a atteint.
18:16La moitié de la maison avait été détruite.
18:19Tout, le salon, ma chambre, tout a été détruit.
18:23Les meubles aussi.
18:25Il nous reste ce placard, c'est tout.
18:29Nous avons tout reconstruit nous-mêmes.
18:32Un an après, mon enfant est né avec une malformation.
18:37Et on m'a dit que c'était lié au bombardement.
18:40C'était lié à la guerre.
18:43Et vous êtes resté combien de temps dans cette maison ?
18:46Deux ans. Nous avons quitté la maison un an après mon accouchement.
18:51Pourquoi des enfants qui n'ont pas vécu la guerre et qui n'ont pas été directement exposés au phosphore blanc sont-ils victimes de malformations ?
18:58Qu'en disent les autorités irakiennes ?
19:01S'agit-il d'un problème de santé publique ?
19:04A Fallujah, seul le ministère de l'Environnement a accepté de nous parler.
19:08Nous n'avons pas fait d'études de l'environnement.
19:12Il était impossible de faire des analyses.
19:15Les bombardements ont commencé en 2004.
19:19Ensuite, en 2005, 2006, jusqu'en 2010.
19:24Ce n'est qu'en 2010 que les Américains ont quitté la ville.
19:28Quand un citoyen se baissait pour ramasser quelque chose, par exemple, il passait pour un poseur de bombes.
19:34Et un sniper américain pouvait lui tirer dessus.
19:39Je peux vous dire que c'est déjà arrivé plusieurs fois.
19:44Alors, pour nous, il était impossible de venir dans n'importe quelle de ces zones avec nos appareils pour faire des analyses.
19:52C'était trop dangereux. Beaucoup trop dangereux.
19:57A Fallujah, personne n'a les moyens d'enquêter sur les causes de la guerre.
20:01A Fallujah, personne n'a les moyens d'enquêter sur les causes des maladies.
20:06Pas même le ministère de l'Environnement irakien.
20:10Cette recrudescence d'enfants déformés n'est pas la priorité des autorités.
20:15L'ancienne ville rebelle est mise à l'écart par son propre gouvernement.
20:20Lomerta règne à Fallujah.
20:23Depuis la fin de la guerre, une seule étude permet d'en savoir plus.
20:28Publiée dans une grande revue médicale, elle a été réalisée à Fallujah en 2009.
20:35Ce document donne des résultats inquiétants sur l'augmentation du nombre de bébés déformés.
20:41Il révèle une explosion des cas depuis 2005, soit un an après la bataille de 2004.
20:47A Berrystwyth, au nord de l'Angleterre.
20:50L'auteur de cette étude, c'est le professeur Chris Busby,
20:53un scientifique britannique spécialiste de la radioactivité.
20:57Il est le secrétaire du Comité européen sur le risque de l'irradiation.
21:03Chris Busby est régulièrement l'invité des grands médias.
21:07Avec son béret noir, il s'occupe de l'enquête sur le risque de l'irradiation.
21:11Chris Busby est régulièrement l'invité des grands médias.
21:15Avec son béret noir, il est devenu une figure incontournable de la BBC et d'Al Jazeera.
21:22Dernièrement, il a été consulté sur les conséquences de la crise nucléaire à Fukushima.
21:29Contrairement aux autorités irakiennes, lui a enquêté à Fallujah.
21:34La seule chose à faire, c'est de frapper aux portes et de poser des questions.
21:39Combien de personnes ont été atteintes d'un cancer ces cinq dernières années ?
21:42Qui vit ici ?
21:43C'est vraiment simple.
21:45Si vous savez qui vit ici et quel âge ont ces personnes,
21:49vous pouvez prédire combien de cancers ils auront en se basant sur le taux national.
21:54Vous faites un calcul et vous obtenez le taux de risque.
21:57C'est ce qu'on a fait.
21:59Et vous êtes allé à Fallujah ?
22:01Non, impossible.
22:02J'ai trop d'ennemis là-bas.
22:04Je n'ai pas pris le risque de me prendre une balle dans la tête.
22:09Comment avez-vous fait alors ?
22:12Je leur ai tout simplement dit comment faire.
22:14J'ai créé un questionnaire basé sur ceux que j'avais fait avant.
22:20Et même pour l'équipe irakienne recrutée par Chris Busby, la tâche était compliquée.
22:25Dans certains quartiers, ils ont été agressés.
22:28Avec leurs questions, on les prenait pour des espions.
22:32On a alors demandé à des gens connus et respectés des habitants
22:35de les accompagner pour éviter les problèmes.
22:38A la fin de notre enquête, le gouvernement irakien s'en est aperçu.
22:42Il a diffusé une campagne de dénigrement
22:44en disant que nous étions des terroristes
22:46et que ceux qui répondraient aux questions seraient envoyés en prison.
22:49Mais c'était trop tard, nous l'avions fait.
22:53En plus du questionnaire, Chris Busby a demandé des échantillons de terre et d'eau.
22:59Des cheveux ont également été prélevés sur les habitants.
23:02Le résultat des analyses est étonnant.
23:08En étudiant ces échantillons de plus près, j'ai trouvé 52 éléments différents.
23:12Il y avait du strontium, barium, nirdimium, du cobalt, césium, calcium, la liste est longue.
23:21Mais le seul élément qui peut expliquer les malformations congénitales et les cancers, c'est l'uranium.
23:29Selon lui, ce n'est pas le phosphore blanc qui condamne les habitants de Fallujah, mais l'uranium.
23:37A Fallujah, on sait maintenant que l'uranium est présent, comme le prouvent les échantillons de cheveux.
23:42Le taux de leucémie est 38 fois plus élevé qu'en Égypte, par exemple.
23:46Celui du cancer du sein est 10 fois plus élevé.
23:49Et les cancers chez les enfants, 14 fois plus. C'est énorme.
23:53Jamais des taux de ce niveau n'ont été enregistrés dans aucune étude épidémiologique.
23:57Nulle part ailleurs, jamais.
23:59C'est le plus grand taux de dommages génétiques dans le monde.
24:04C'est pire qu'à Hiroshima.
24:11Pourquoi Fallujah est-elle comparée à Hiroshima ?
24:14Comment de l'uranium a-t-il pu se retrouver dans cette ville ?
24:17Officiellement, aucune arme nucléaire n'a été utilisée.
24:21Je poursuis mon enquête à Champagne, à 200 kilomètres de Chicago, aux Etats-Unis.
24:27C'est ici que vit Doug Rock.
24:30Entrez, entrez !
24:32Pour Doug Rock, la présence d'uranium à Fallujah n'est pas une surprise.
24:36Cet ancien haut-gradé a servi plus de 35 ans dans l'armée américaine.
24:40Il a fait partie de l'équipe de l'armée américaine.
24:43Il a fait partie de l'équipe de l'armée américaine.
24:46Il a fait partie de l'équipe de l'armée américaine.
24:49Il a fait partie du personnel du Pentagon.
24:51Il a été brasé.
25:00
25:19L'uranium brûle, brûle et brûle.
25:22Regardez combien de temps ça dure.
25:25Il affirme que l'uranium est utilisé dans les munitions américaines
25:28depuis 1991, dans les missiles, les obus de chars
25:32et les blindages de véhicules militaires.
25:37Quand j'ai montré ça à mes hommes, ils ont trouvé ça génial.
25:41Vous devez comprendre, le but, c'est tuer et détruire.
25:46Les munitions à l'uranium, c'est ce qu'il y a de mieux.
25:49Ça fait des bombes ultra performantes.
25:54L'uranium permet de transpercer n'importe quoi.
25:57En plus, les éclats de cette arme provoquent des incendies.
26:00Ça brûle tout à l'intérieur.
26:05L'uranium est un minerai exploité dans les centrales nucléaires.
26:09Une partie est enrichie, elle sert de combustible pour les réacteurs.
26:14Le reste, ce sont des déchets radioactifs.
26:17L'uranium appauvrit.
26:19Son stockage coûte très cher.
26:21L'armée américaine a donc décidé d'en utiliser une partie
26:24pour la fabrication de munitions et de blindages.
26:32Pour Doug Rock, l'uranium appauvrit est tout simplement une arme nucléaire.
26:38Ce sont des déchets radioactifs très toxiques.
26:41C'est radioactif pour l'éternité.
26:44C'est une bombe sale, c'est une bombe nucléaire.
26:48Ce sont des déchets nucléaires utilisés pour tuer et détruire.
26:52Ils contaminent l'air, l'eau, la terre et la nourriture.
26:55Ça sera contaminé pour l'éternité.
26:58Cette arme a été employée pour la première fois en Irak en 1991.
27:03À l'époque, l'armée américaine avait demandé à Doug
27:06d'inspecter des tonnes de carcasses de chars irakiens
27:09détruits par des missiles à l'uranium appauvri.
27:12Résultat, Doug et son équipe ont été gravement contaminés
27:15en inhalant de la poussière d'uranium.
27:18Aujourd'hui, Doug est l'un des rares survivants du groupe.
27:22Regarde comme j'étais en bonne santé à l'époque.
27:25Rien à voir avec maintenant.
27:27J'étais en pleine forme.
27:28Aujourd'hui, je suis malade.
27:31Ça ne valait pas le coup.
27:32Trop de gens sont malades, trop de gens sont morts.
27:39Depuis la prise de cette photo, 21 membres de son équipe sont décédés.
27:43En revenant d'Irak, Doug a rendu un rapport défavorable
27:46à l'usage de l'uranium appauvri.
27:52Quand je leur ai dit que c'était trop dangereux et qu'on ne pouvait
27:54pas nettoyer le sol, ils m'ont viré.
28:00Nous ne voulons plus t'entendre.
28:01Tu fais ton job, OK, mais ferme là et dégage.
28:06L'armée américaine n'a jamais tenu compte des recommandations
28:09de Doug Rock.
28:10Vous pensez qu'ils l'ont utilisé à Fallujah?
28:12Oui, énormément à Fallujah et même de manière intensive.
28:16Dans tous les endroits où ils l'ont utilisé, il y a des problèmes
28:19de santé. J'ai essayé de nettoyer, c'est impossible.
28:24C'est pour ça que je leur avais dit d'arrêter.
28:30Pour en savoir plus, je cherche à joindre le colonel Peter Newell.
28:34Il était en charge de la bataille de Fallujah en 2004.
28:38Je ne réussirai jamais à obtenir une interview ni même une réponse
28:41par téléphone. Je ne peux pas vous répondre tout de suite.
28:45Je vais vous donner une adresse e-mail, vous pourrez envoyer vos
28:47questions et on vous répondra.
28:51La question semble gênée.
28:53La seule réponse que j'obtiendrai est un lien vers une page Internet
28:56de l'armée américaine.
28:59Cet article vante les mérites de l'uranium appauvri et minimise
29:02sa dangerosité.
29:04La seule allusion aux conséquences sanitaires est dans cette phrase.
29:08Le Département à la Défense a étudié et continue d'étudier
29:12les conséquences de l'uranium appauvri sur la santé et l'environnement.
29:16Nous n'en saurons pas plus.
29:18Pour l'armée américaine, l'utilisation de l'uranium appauvri est un tabou.
29:25Seul un ancien haut fonctionnaire à la Défense a accepté de s'exprimer.
29:30Bing West était aux côtés des Marines durant la bataille de Fallujah.
29:33Il en a tiré un livre reconnu aux Etats-Unis comme la référence
29:36sur la stratégie américaine dans la ville rebelle.
29:42Vous pensez qu'il y a un lien entre l'uranium appauvri et les
29:44problèmes de santé à Fallujah ?
29:52Ça n'a aucun sens.
29:55L'uranium appauvri, une bombe est une bombe.
30:02On ne va pas envoyer une bombe radioactive alors que les Marines
30:05sont sur le terrain.
30:07Sinon, ils mourraient tous.
30:08Si un scientifique prouve qu'il y a un lien entre ces maladies
30:15et une arme militaire, cette arme ne devrait pas être utilisée,
30:19sauf qu'exceptionnelle.
30:25D'ailleurs, s'il y avait effectivement un lien,
30:29les premières personnes à être atteintes seraient les soldats eux-mêmes.
30:34Et je ne connais aucun soldat américain se plaignant de l'uranium
30:37appauvri. Pourtant, il n'est pas si difficile de trouver
30:46des soldats américains contaminés par l'uranium appauvri.
30:50À quelques kilomètres de New York, Gerhardt, Janis et leurs
30:53enfants ont toutes les apparences d'une famille américaine modèle.
30:58Il me fatigue, ce chien.
31:01À un détail près, en 2003, Gerhardt Mathieu a servi
31:04plus de six mois en Irak.
31:08En Irak, j'étais chauffeur de camion.
31:10Je transportais des véhicules blindés touchés par des missiles.
31:14Le matériel bougeait dans le camion, donc on devait le manipuler.
31:18C'est ça qui a dû nous causer des problèmes.
31:21On touchait à ce matériel et on dormait à proximité des camions.
31:25Gerhardt est tombé malade quelques mois plus tard.
31:28Les premiers symptômes semblaient anodins, de simples maux de tête
31:31et des troubles de la vue.
31:33Mais son état s'est vite dégradé.
31:35Début de tumeur au cerveau, problème rénaux, la liste est longue.
31:40Je ne contrôle plus ma vessie.
31:42Je vais vous montrer à quel point c'est un problème.
31:47Aujourd'hui, Gerhardt est obligé de porter des couches.
31:51Mais il y a plus grave.
31:52Sa fille Victoria, conçue après son retour d'Irak,
31:55présente une malformation à la main droite.
31:59Cette image rappelle les bébés déformés de Fallujah.
32:02Son histoire a fait la une des médias dans le monde entier.
32:05Gerhardt n'est pas le seul à être tombé malade.
32:08Huit de ses camarades ayant servi en Irak ont eu les mêmes symptômes.
32:12Des tests d'urine révéleront des taux anormaux d'uranium.
32:20On ne m'a jamais parlé d'uranium appauvri dans l'armée.
32:23Je n'ai jamais eu de formation sur la manière de manipuler
32:25ces équipements contaminés.
32:27Je ne savais même pas ce que c'était l'uranium.
32:30Je ne savais même pas ce que c'était l'uranium appauvri.
32:32La dernière fois que j'en ai entendu parler, c'était en cours de chimie.
32:37Gerhardt pense avoir été contaminé pendant sa mission en Irak.
32:40Il a décidé de porter plainte contre l'armée américaine.
32:43Selon lui, elle aurait enfreint les règles de sécurité en
32:46l'exposant à du matériel radioactif.
32:49Son épouse est allée encore plus loin.
32:54Ma femme a écrit à tous les députés et sénateurs américains.
32:56Là, par exemple, c'est une réponse de l'un d'entre eux.
33:01À l'époque, même le bureau du président Bush s'était saisi du dossier.
33:06Voici une lettre du secrétaire de Bush que je trouve très énervante.
33:10Elle dit par la voix du président Bush, merci de votre lettre.
33:13La Maison-Blanche a pris en compte votre demande et vous renvoie
33:16vers le ministère de la Défense, de la Santé et le département
33:19d'aide sociale. C'est tout ce qu'on a reçu.
33:22Pas d'assistance ni aucune réponse à ces questions.
33:31J'aurais préféré des excuses.
33:36Aujourd'hui encore, mon mari dit aimer les Marines.
33:40Je ne comprends pas pourquoi.
33:44Il dit toujours qu'il souhaite être enterré dans son uniforme
33:46s'il lui arrive quelque chose.
33:49Et ça me met en colère.
33:52Je ne comprends pas comment on peut être aussi fidèle.
33:56Et je ne comprends pas comment le gouvernement peut traiter
33:58un homme de cette manière alors qu'il honore toujours son pays.
34:07L'armée refuse de reconnaître sa responsabilité.
34:11Six mois en Irak, on suffit à briser la vie de Gerard et de sa famille.
34:19À Fallujah, des milliers d'habitants vivent toujours dans ces immeubles
34:22détruits par les bombardements américains.
34:25Sept ans dans une ville contaminée.
34:31À l'hôpital de Fallujah, le personnel est démuni.
34:34L'hôpital manque cruellement d'équipements médicaux.
34:38Il n'y a rien à faire pour sauver ces enfants.
34:41Alors, pour garder les preuves de leur naissance, un photographe
34:44a été réquisitionné par les militants de l'hôpital de Fallujah.
34:46Ce photographe a été réquisitionné par les médecins.
34:52Pourquoi vous le prenez en photo ?
34:55C'est pour notre base de données.
34:59On l'actualise tous les mois.
35:05Ces photos sont insoutenables.
35:07La plupart de ces bébés ne survivront que quelques heures.
35:11Chaque mois, une vingtaine comme eux naissent et meurent dans cet hôpital.
35:15C'est sans compter les autres nourrissons atteints de maladies graves.
35:23La plupart des familles préfèrent que les enfants meurent.
35:28Un jour, un père m'a dit, à chaque fois que je vois mon fils déformé, je meurs.
35:35Une génération sacrifiée.
35:37Et combien d'autres ?
35:39Pour ces enfants, il est déjà trop tard.
35:41Les Irakiens sont impuissants face à cette catastrophe.
35:44C'est une catastrophe humaine.
35:48Pour éviter que la tragédie de Fallujah ne se reproduise ailleurs,
35:52certains en Europe commencent à se mobiliser.
36:04À Londres, à deux pas du Parlement britannique,
36:07Benny Huston campe tous les jours sur ce trottoir.
36:10Cet homme milite contre la guerre en Irak depuis 2005.
36:13L'endroit est bien choisi pour attirer l'attention.
36:16Au pied de Big Ben, où se mêlent londoniens et touristes.
36:20Soutenez notre campagne de paix sur Internet.
36:23Derrière lui, des photos de bébés déformés sont exposées à la vue de tous.
36:28Des images-chocs pour tenter de sensibiliser l'opinion publique.
36:33Notre but, c'est d'exposer la cruauté de la guerre et des armes.
36:38Les débris des bombes, des missiles et des carcasses de blindés
36:46sont faits d'uranium appauvri.
36:49Ce sont des déchets nucléaires qu'on a déversés là-bas.
36:53Sur notre affiche, derrière, nous avons un slogan très clair.
36:57Il dit, c'est une autre guerre nucléaire.
37:02Cette phrase et ses photos de bébés irakiens ne mobilisent pourtant pas grand monde.
37:06Mais Benny Stone n'est pas seul dans ce combat.
37:11D'autres militent à plus grande échelle.
37:13Un réseau d'ONG, présent dans une trentaine de pays,
37:16tente de faire interdire les armes à l'uranium appauvri.
37:19Son siège se trouve à Manchester.
37:27Voici quelques documents de notre organisation
37:30qui nous servent pendant nos campagnes de sensibilisation.
37:32Nous avons fait des résumés parce que l'uranium appauvri, c'est compliqué.
37:38On essaie de compiler les informations essentielles dans nos tracts.
37:45Celui-là, par exemple, nous l'avons distribué au Parlement britannique
37:49pendant une campagne à l'échelle nationale.
37:51Nous avons même briefé les députés
37:54et nous les informons régulièrement sur le problème.
37:58Douglas connaît très bien les conséquences de ces armes.
38:00Il travaille dessus depuis la guerre des Balkans, en 1994.
38:05Depuis, il a élaboré avec son équipe une méthode de travail
38:08pour identifier et décontaminer les zones bombardées.
38:12Son premier terrain était la Bosnie,
38:14où les Américains auraient déjà utilisé des armes à l'uranium appauvri.
38:19C'est la carte d'une zone bombardée en Bosnie.
38:22L'uranium a été déversé dans cette région en 1994 et 1995.
38:27Cette zone est hautement contaminée.
38:29Nous avons fait un gros travail pour cartographier les sites touchés par l'uranium.
38:33En Bosnie, l'organisation a pu identifier 12 zones hautement contaminées.
38:39Grâce à ces informations, le ministère de l'Environnement bosniaque
38:42a pu prendre des mesures pour limiter les dégâts.
38:47Ce site a été décontaminé en 2007.
38:50On ne savait pas où exactement ces bombes étaient tombées.
38:53Donc il a fallu ratisser large pour trouver les armes.
38:58Ça, ce sont les restes de munitions à l'uranium retrouvées dans le sol.
39:03Vous voyez la partie jaune ? C'est l'oxyde d'uranium.
39:06Il y a 300 grammes d'uranium dans chacune de ces munitions.
39:10Grâce à la collaboration des autorités locales,
39:13Douglas a pu travailler librement en Bosnie.
39:15En Irak, la situation est bien plus compliquée.
39:18Le problème en Irak, c'est qu'il y a trois types de contamination.
39:24Il y a d'abord les débris et munitions de tant de contaminés.
39:27Les enfants jouent avec ces débris.
39:31Et puis il y a de l'uranium appauvri qui vient des bombardements de l'aviation.
39:35Il contamine le sol, l'environnement, les cultures et aussi les habitations.
39:41Il y a enfin une troisième contamination,
39:43qui vient de l'aviation.
39:45C'est celle des véhicules blindés qui tirent sur les habitations.
39:49Tout ça a besoin d'être cartographié.
39:51Mais pour l'instant, l'armée américaine n'a pas donné d'informations
39:54sur les endroits où ces armes ont été utilisées.
39:57C'est un gros problème.
40:00Pour obtenir ces informations,
40:02les militants sont allés jusqu'à manifester devant l'ambassade des Etats-Unis en Angleterre.
40:07Mais l'armée américaine refuse toujours de communiquer.
40:10En attendant, l'ONG s'attaque au gouvernement britannique,
40:13accusé à son tour d'avoir utilisé de l'uranium appauvri en Irak.
40:18Ces accusations ont même récemment été reprises
40:20par une députée britannique en pleine session parlementaire.
40:24J'ai lu des rapports inquiétants
40:26sur l'augmentation des naissances de bébés déformés à Fallujah.
40:29Pourrions-nous avoir un débat ?
40:31Nous aimerions savoir ce qu'en pense notre ministre des Affaires étrangères
40:34et s'il pourrait questionner son nombre de bébés déformés.
40:37En 2010, le ministère de la Défense britannique
40:40finira par reconnaître l'utilisation de l'uranium appauvri en Irak
40:43et fournira des informations à l'ONU sur les zones bombardées.
40:47L'allié des Etats-Unis commence à émettre des doutes sur cette arme.
40:54Seule la Belgique, l'Irlande, le Costa Rica et la Nouvelle-Zélande
40:57ont banni l'uranium de leurs armes.
41:00Le ministre de la Défense britannique,
41:02le ministre des Affaires étrangères,
41:04le Costa Rica et la Nouvelle-Zélande ont banni l'uranium de leurs armes.
41:08Mais aujourd'hui, aucune convention internationale
41:11ne mentionne l'uranium appauvri dans ses textes.
41:14Ce qui permet à l'administration américaine
41:16de l'utiliser sans être inquiétée.
41:25À la faculté de droit de l'Illinois,
41:27Francis Boyle affirme que l'on peut poursuivre
41:29les Etats-Unis devant les tribunaux.
41:32Cet avocat diplômé de Harvard est mondialement connu.
41:35Agent orange au Vietnam, syndrome de la guerre du Golfe,
41:38le procès de guerre et sa spécialité.
41:40Aujourd'hui, Francis Boyle a un nouveau combat,
41:43faire reconnaître l'utilisation de l'uranium appauvri
41:45comme un crime de guerre.
41:49L'emploi des armes à l'uranium appauvri
41:51viole le traité de l'AE de 1907.
41:54Et il viole aussi la convention de Genève de 1925.
41:58Donc, l'utilisation de l'uranium
42:00est clairement un crime de guerre.
42:05Pourquoi on l'utilise si c'est illégal ?
42:08Ça ne devrait pas être utilisé.
42:10Mais pourquoi les Etats-Unis
42:12utilisent-ils des mines antipersonnelles ?
42:14C'est la même chose.
42:16Nous essayons d'empêcher ça.
42:18La question, c'est comment convaincre
42:20les Etats-Unis de respecter les lois internationales.
42:23C'est très compliqué.
42:25En particulier le Pentagone.
42:27Ils vivent dans leur bulle.
42:30Voilà pourquoi il est si difficile
42:32de faire plier les Etats-Unis.
42:34Selon lui, la seule manière d'y parvenir
42:36serait de les isoler sur la scène internationale.
42:40Je pense que si on pouvait demander
42:42à tous les signataires de la convention de Genève,
42:45comme la France et l'Angleterre,
42:48de mettre la pression sur les Etats-Unis,
42:51alors, peut-être, un jour,
42:54ils décideront d'arrêter d'utiliser de l'uranium.
43:01Le combat de Francis Boyle semble désespéré.
43:04Les Etats-Unis continuent d'exploiter l'uranium
43:07pour développer leur arsenal militaire.
43:11En 2003, un an avant la bataille de Fallujah,
43:14Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la Défense,
43:17mentionnait devant le Congrès américain
43:19l'utilisation d'une nouvelle arme,
43:21le missile Hellfire, le feu de l'enfer.
43:25Ce nouveau missile peut tuer à l'intérieur des bâtiments
43:28en laissant la structure intacte.
43:30Il peut atteindre les ennemis
43:32qui se cachent dans les caves et dans les bunkers.
43:36Passé inaperçu, cette déclaration annonce pourtant
43:39le développement d'un nouveau missile.
43:41Il sera testé dès les premiers jours de la guerre en Irak.
43:45Des experts ont réagi à la déclaration de Donald Rumsfeld.
43:48C'est le cas de Dai Williams, un chercheur en armement.
43:54Ce scientifique est membre de l'Institut de recherche
43:57pour le désarmement à l'ONU.
43:59Selon lui, le missile Hellfire
44:01est une bombe de nouvelle génération.
44:03Elle sera utilisée à plusieurs reprises
44:05lors de la bataille de Fallujah.
44:07Les experts appellent ça une arme thermobarique.
44:10Ils ont utilisé des bombes thermobariques.
44:15Ce sont de nouvelles armes tactiques
44:17conçues pour tuer localement.
44:21Ces armes dégagent une température extrême
44:23qui carbonise tout.
44:28Si une personne se trouve dans un rayon de 50 mètres,
44:31elle mourra.
44:33C'est une bombe thermobarique.
44:36Si une personne se trouve dans un rayon de 50 mètres,
44:39elle mourra.
44:45L'explosion va aspirer l'air.
44:48La pression atmosphérique va tomber.
44:52Et il ne restera que 10 % d'oxygène.
44:56Donc les poumons implosent.
44:58Vous ne pouvez plus respirer.
45:01Dai Williams a non seulement analysé
45:03les photos de bombardements en Irak,
45:05mais il a aussi listé les nouveaux types
45:07de bombes thermobariques développées
45:09par l'armée américaine.
45:11Encore une fois,
45:12celles-ci restent très discrètes sur l'uranium.
45:17Il y a 9 bombes différentes,
45:19de 100 kilos à 2 tonnes.
45:22Si vous regardez la description de plus près,
45:25il y a écrit « métal dense »
45:27ou « charge à haute densité ».
45:30Le mot « uranium » n'est jamais employé.
45:34C'est écrit « métal dense » et « secret »,
45:37mais on ne sait jamais de quoi il s'agit.
45:42Selon Dai Williams,
45:44ces bombes thermobariques auraient été déversées
45:46en masse sur les insurgés,
45:48réfugiés dans les habitations de Fallujah.
45:50Regardez cette fumée.
45:52Il y a de la poussière de béton
45:54mélangée à de la poussière de bombe.
45:56Si c'est de l'uranium,
45:58vous avez d'un coup 500 kilos de poussière d'uranium
46:01qui s'évaporent dans l'air un peu partout dans la ville.
46:11Les soldats éclatent de rire,
46:13mais ils ne réalisent pas qu'ils rient de leur prochain cancer.
46:16C'est tellement triste.
46:29Je pense que Fallujah a été un terrain d'expérimentation
46:32pour ces nouvelles bombes thermobariques à l'uranium.
46:37Il y a peut-être d'autres substances
46:39que nous n'avons pas encore découvertes.
46:44Quand on voit ces bébés déformés,
46:46on peut même se demander
46:48quelles autres substances ont été utilisées.
46:50C'est un peu comme si on ne connaissait pas
46:52la nature de l'uranium.
46:54Fallujah, la ville de mes parents,
46:56aurait-elle servi de laboratoire pour l'armée américaine ?
47:00Jusqu'à quand les Irakiens
47:02devront-ils subir les conséquences de la guerre ?
47:06L'administration Bush se vantait
47:08d'avoir mené une guerre propre.
47:10Mais elle continue de sacrifier des générations d'enfants,
47:13aussi bien en Irak,
47:15comme en Syrie,
47:17comme en Afrique.
47:20Mais elle continue de sacrifier des générations d'enfants,
47:23aussi bien en Irak qu'aux Etats-Unis.
47:28À Fallujah,
47:30deux à trois bébés déformés naissent encore chaque jour.
47:33La plupart ne vivent que quelques heures.
47:36Dans le cimetière,
47:38la place réservée à ces victimes sans nom
47:40ne cesse de s'agrandir.

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