• il y a 4 mois
Cyril Viennot est triathlète professionnel et guide pour un athlète malvoyant aux Jeux Paralympiques. Il partage avec nous son expérience en tant que guide, le plus difficile dans sa discipline , ainsi que ses entraînements intensifs. Il raconte tout sur son métier et ce que cela représente pour lui.

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Sport
Transcription
00:00Bonjour, je m'appelle Cyril Viennot, je suis triathlète professionnel
00:02et je guide un athlète malvoyant pour les Jeux Paralympiques.
00:06Pourquoi être devenu guide ?
00:07Alors moi, j'ai fait une carrière en longue distance, en solo,
00:10donc Alpha Ironman et Ironman, et la FEDE m'a proposé de guider.
00:15Je me suis dit pourquoi pas ?
00:16Ça permettait de repartir sur des distances complètement différentes,
00:19un projet vraiment différent.
00:21Et puis ils m'ont présenté Thibaut, l'athlète que je guide.
00:23La première fois que j'ai guidé, c'était pour dépanner
00:26parce qu'il y avait un athlète qui avait un guide qui n'était pas disponible.
00:28Et donc, j'ai rencontré l'athlète deux jours avant la compète.
00:32J'ai testé le tandem deux fois 20 kilomètres à peu près.
00:35Et puis c'était parti.
00:36Donc il n'y a pas vraiment de formation, ça se fait comme ça sur le tas.
00:39Alors moi, je vis de mon sport.
00:41J'en ai vécu pendant très longtemps en solo, en tant qu'athlète pro en longue distance.
00:44Et j'ai la chance d'être soutenu par ma FEDE depuis très, très longtemps.
00:48Et je suis prof d'EPS.
00:49À la base, je suis détaché.
00:51Et j'ai aussi des partenaires qui continuent de me suivre
00:54malgré le fait que je sois passé, entre guillemets, guide.
00:57Alors, le fait est que Thibaut a son propre entraîneur.
01:01Moi, je m'entraîne tout seul.
01:02Et en fait, quand on se retrouve, moi, je m'adapte à ses entraînements,
01:06c'est à dire qu'on fait toujours son plan d'entraînement à lui.
01:08Quand on est tous les deux, ça tourne à cinq entraînements natation,
01:11cinq en vélo et cinq à pied, plus une à deux fois de prépa physique.
01:15Mais en fait, c'est très variable, c'est à dire qu'il y a des semaines récup
01:18où on va être à peu près à 15 heures et il y a des semaines de stage
01:21où on va monter jusqu'à 35 heures.
01:22Donc, il n'y a jamais une semaine qui ressemble à une autre.
01:24Il y a eu différentes phases parce qu'au début,
01:26Thibaut était beaucoup moins fort que maintenant.
01:28Et j'avais plus le sentiment de l'accompagner.
01:32Il n'y a pas le même sentiment d'accomplissement que maintenant,
01:35qu'il a vraiment progressé et qu'on fait vraiment la perf tous les deux.
01:38Et puis, c'est une manière complètement différente de partager les choses
01:40par rapport à tout ce que j'ai fait en solo.
01:42Quand j'étais athlète pro sur longue distance,
01:45en fait, j'étais responsable de ma propre perf, je ne partageais pas les choses.
01:50Et quand on réussit ou quand on échoue, c'est complètement différent.
01:53Là, finalement, on court pour quelqu'un d'autre.
01:55Et oui, c'est un sentiment particulier.
01:59On a plein de routines avant la compétition.
02:01D'ailleurs, ça fait partie de la prépa mentale d'avoir des routines
02:04pour évacuer le stress et s'habituer à avoir toujours le même mode de fonctionnement
02:08et pas avoir de surprises.
02:09Manger à peu près trois heures avant la course,
02:12on mange à peu près toujours la même chose.
02:14On doit présenter notre matériel, les liens, le vélo, tout ça,
02:17pour que ce soit validé.
02:18Après, on va trottiner un petit coup.
02:19Et si on a le temps, après, on enfile les combinaisons
02:22s'il y a besoin et on va nager un petit coup.
02:24Et puis après, on attend le départ.
02:26En fait, en attachant, on est attaché au niveau de la jambe,
02:29pas au niveau de la taille pour pouvoir passer le bras sans que ça nous gêne.
02:32Donc moi, je fais la trajectoire par rapport au bouet qu'on a à passer.
02:35Et Thibaut s'ajuste en fonction de la tension du lien.
02:37Et puis après, on a nos codes, c'est à dire qu'on repère toujours les parcours
02:41avant les compétitions.
02:42En vélo, on est sur un tandem.
02:45Donc lui, il est derrière.
02:47Moi, j'ai les commandes.
02:48Mon rôle, c'est à la fois de diriger forcément, de choisir le bon braquet
02:52pour que ça nous corresponde à nous deux, parce qu'on pédale les deux en même temps.
02:55Et en plus de ça, de lui donner ses watts, les écarts,
02:58enfin de lui donner toutes les infos qu'il ne peut pas voir lui derrière.
03:01Et puis à pied, on est relié à la taille.
03:04Alors Thibaut est mal voyant.
03:06S'il était non voyant, on serait relié à la main.
03:08Ce serait beaucoup plus facile pour sentir
03:11les mouvements et pour le diriger au niveau de la course à pied.
03:14Et il y a des free leading zones sur le parcours course à pied
03:16où je l'attrape par le bras parce que c'est des zones un petit peu plus compliquées.
03:20Par exemple, s'il y a un dos d'âne ou s'il y a un virage dangereux.
03:23Et voilà, après, pendant les transitions,
03:25parce que le triathlon, c'est aussi fait avec les transitions.
03:27En général, c'est des parties qu'on a bien répétées avant la course.
03:30On sait où est le vélo, où est son casque, où sont ses chaussures.
03:34Et on a bien codifié les choses.
03:37Donc mon rôle, ça consiste simplement à le guider jusqu'à notre emplacement,
03:40lui dire c'est là, à vérifier une fois qu'on a fait la transition,
03:43qu'il n'a rien laissé par terre, parce que la particularité,
03:45c'est que si on laisse des choses traîner, on prend une pénalité.
03:48Et puis après, le reste, on l'a fait tellement de fois qu'on ne se dit plus grand chose.
03:53Depuis quelques temps maintenant, le guide et l'athlète sont reconnus
03:57au niveau des médailles de la même manière, c'est à dire que
04:00si on a une médaille tous les deux, j'aurai ma médaille
04:03et j'aurai aussi la même prime que l'athlète.
04:05Alors, c'est plus facile de trouver un guide remplaçant qu'un athlète remplaçant,
04:09on va dire, donc celui qui marque les points au ranking,
04:12celui qui a un statut mondial, on va dire,
04:16et qui permet de rentrer sur les courses, c'est Thibaut.
04:19Donc, si lui, il se blesse, malheureusement,
04:21il y a d'autres athlètes en équipe de France, mais qui ont leur guide.
04:24Donc, non, je ne vais pas changer d'athlète s'il se blesse.
04:27Par contre, si moi, je me blesse, il y a toujours moyen de trouver un guide remplaçant.
04:30On va dire que moi, je suis remplaçable, mais Thibaut, pas vraiment.
04:33Le plus difficile dans notre discipline, je pense que ça reste quand même
04:36la course à pied parce que c'est la dernière épreuve.
04:38Après, pour quelqu'un qui commence le paratriathlon en tant que guide,
04:41le plus difficile, je dirais que c'est piloter le tandem
04:43parce que c'est quand même long, c'est lourd,
04:45c'est complètement différent d'un vélo solo.
04:47Il y a des choses auxquelles on ne pense pas du tout.
04:49Par exemple, nos deux pédaliers sont reliés par une chaîne de liaison.
04:53Donc, au début, on ne peut pas s'arrêter de pédaler quand on veut,
04:56parce que sinon, il y a le copain derrière qui continue de pédaler
04:59et puis on prend un coup dans les jambes.
05:00Et tout ça, c'est des réflexes qu'on met un petit peu de temps à acquérir.
05:03Je ne supporte pas trop l'échec, je dois avouer que ce n'est pas...
05:06Par exemple, on a fait quatrième à Tokyo et on était extrêmement déçu
05:11et ça a mis quand même un long moment à passer.
05:13Maintenant, la différence, c'est qu'on est à deux,
05:16donc on peut en discuter, dédramatiser les choses, trouver des explications.
05:21Et c'est toujours un petit peu plus facile de l'accepter quand on est deux
05:24et quand on ne peut pas juste s'apitoyer sur son sort.
05:28Alors la victoire,
05:29on la vit plutôt bien.
05:31Et puis, c'est vrai que comme je disais, le fait de partager ça à deux,
05:34c'est quand même vraiment top.
05:34C'est une relation assez particulière, c'est à dire qu'on est ensemble
05:38en compétition, mais en même temps, quand on est chacun chez soi à la maison,
05:41on sait que l'autre est en train de s'entraîner dur
05:43et on sait que nous, on n'a pas le droit de se laisser aller,
05:46même quand on n'a pas très envie d'aller à l'entraînement, par exemple,
05:48parce qu'on sait que l'autre compte sur nous
05:50et qu'il va falloir être au rendez-vous en compétition.
05:52Quand on réalise une bonne perf' tous les deux,
05:54c'est quand même un vrai sentiment de satisfaction
05:56parce qu'on sait que tous les deux, on a bien travaillé de notre côté
05:59et qu'une fois qu'on s'est retrouvés, on a réussi à tout mettre bout à bout.

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