Cyril Viennot est triathlète professionnel et guide pour un athlète malvoyant aux Jeux Paralympiques. Il partage avec nous son expérience en tant que guide, le plus difficile dans sa discipline , ainsi que ses entraînements intensifs. Il raconte tout sur son métier et ce que cela représente pour lui.
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00:00Bonjour, je m'appelle Cyril Viennot, je suis triathlète professionnel
00:02et je guide un athlète malvoyant pour les Jeux Paralympiques.
00:06Pourquoi être devenu guide ?
00:07Alors moi, j'ai fait une carrière en longue distance, en solo,
00:10donc Alpha Ironman et Ironman, et la FEDE m'a proposé de guider.
00:15Je me suis dit pourquoi pas ?
00:16Ça permettait de repartir sur des distances complètement différentes,
00:19un projet vraiment différent.
00:21Et puis ils m'ont présenté Thibaut, l'athlète que je guide.
00:23La première fois que j'ai guidé, c'était pour dépanner
00:26parce qu'il y avait un athlète qui avait un guide qui n'était pas disponible.
00:28Et donc, j'ai rencontré l'athlète deux jours avant la compète.
00:32J'ai testé le tandem deux fois 20 kilomètres à peu près.
00:35Et puis c'était parti.
00:36Donc il n'y a pas vraiment de formation, ça se fait comme ça sur le tas.
00:39Alors moi, je vis de mon sport.
00:41J'en ai vécu pendant très longtemps en solo, en tant qu'athlète pro en longue distance.
00:44Et j'ai la chance d'être soutenu par ma FEDE depuis très, très longtemps.
00:48Et je suis prof d'EPS.
00:49À la base, je suis détaché.
00:51Et j'ai aussi des partenaires qui continuent de me suivre
00:54malgré le fait que je sois passé, entre guillemets, guide.
00:57Alors, le fait est que Thibaut a son propre entraîneur.
01:01Moi, je m'entraîne tout seul.
01:02Et en fait, quand on se retrouve, moi, je m'adapte à ses entraînements,
01:06c'est à dire qu'on fait toujours son plan d'entraînement à lui.
01:08Quand on est tous les deux, ça tourne à cinq entraînements natation,
01:11cinq en vélo et cinq à pied, plus une à deux fois de prépa physique.
01:15Mais en fait, c'est très variable, c'est à dire qu'il y a des semaines récup
01:18où on va être à peu près à 15 heures et il y a des semaines de stage
01:21où on va monter jusqu'à 35 heures.
01:22Donc, il n'y a jamais une semaine qui ressemble à une autre.
01:24Il y a eu différentes phases parce qu'au début,
01:26Thibaut était beaucoup moins fort que maintenant.
01:28Et j'avais plus le sentiment de l'accompagner.
01:32Il n'y a pas le même sentiment d'accomplissement que maintenant,
01:35qu'il a vraiment progressé et qu'on fait vraiment la perf tous les deux.
01:38Et puis, c'est une manière complètement différente de partager les choses
01:40par rapport à tout ce que j'ai fait en solo.
01:42Quand j'étais athlète pro sur longue distance,
01:45en fait, j'étais responsable de ma propre perf, je ne partageais pas les choses.
01:50Et quand on réussit ou quand on échoue, c'est complètement différent.
01:53Là, finalement, on court pour quelqu'un d'autre.
01:55Et oui, c'est un sentiment particulier.
01:59On a plein de routines avant la compétition.
02:01D'ailleurs, ça fait partie de la prépa mentale d'avoir des routines
02:04pour évacuer le stress et s'habituer à avoir toujours le même mode de fonctionnement
02:08et pas avoir de surprises.
02:09Manger à peu près trois heures avant la course,
02:12on mange à peu près toujours la même chose.
02:14On doit présenter notre matériel, les liens, le vélo, tout ça,
02:17pour que ce soit validé.
02:18Après, on va trottiner un petit coup.
02:19Et si on a le temps, après, on enfile les combinaisons
02:22s'il y a besoin et on va nager un petit coup.
02:24Et puis après, on attend le départ.
02:26En fait, en attachant, on est attaché au niveau de la jambe,
02:29pas au niveau de la taille pour pouvoir passer le bras sans que ça nous gêne.
02:32Donc moi, je fais la trajectoire par rapport au bouet qu'on a à passer.
02:35Et Thibaut s'ajuste en fonction de la tension du lien.
02:37Et puis après, on a nos codes, c'est à dire qu'on repère toujours les parcours
02:41avant les compétitions.
02:42En vélo, on est sur un tandem.
02:45Donc lui, il est derrière.
02:47Moi, j'ai les commandes.
02:48Mon rôle, c'est à la fois de diriger forcément, de choisir le bon braquet
02:52pour que ça nous corresponde à nous deux, parce qu'on pédale les deux en même temps.
02:55Et en plus de ça, de lui donner ses watts, les écarts,
02:58enfin de lui donner toutes les infos qu'il ne peut pas voir lui derrière.
03:01Et puis à pied, on est relié à la taille.
03:04Alors Thibaut est mal voyant.
03:06S'il était non voyant, on serait relié à la main.
03:08Ce serait beaucoup plus facile pour sentir
03:11les mouvements et pour le diriger au niveau de la course à pied.
03:14Et il y a des free leading zones sur le parcours course à pied
03:16où je l'attrape par le bras parce que c'est des zones un petit peu plus compliquées.
03:20Par exemple, s'il y a un dos d'âne ou s'il y a un virage dangereux.
03:23Et voilà, après, pendant les transitions,
03:25parce que le triathlon, c'est aussi fait avec les transitions.
03:27En général, c'est des parties qu'on a bien répétées avant la course.
03:30On sait où est le vélo, où est son casque, où sont ses chaussures.
03:34Et on a bien codifié les choses.
03:37Donc mon rôle, ça consiste simplement à le guider jusqu'à notre emplacement,
03:40lui dire c'est là, à vérifier une fois qu'on a fait la transition,
03:43qu'il n'a rien laissé par terre, parce que la particularité,
03:45c'est que si on laisse des choses traîner, on prend une pénalité.
03:48Et puis après, le reste, on l'a fait tellement de fois qu'on ne se dit plus grand chose.
03:53Depuis quelques temps maintenant, le guide et l'athlète sont reconnus
03:57au niveau des médailles de la même manière, c'est à dire que
04:00si on a une médaille tous les deux, j'aurai ma médaille
04:03et j'aurai aussi la même prime que l'athlète.
04:05Alors, c'est plus facile de trouver un guide remplaçant qu'un athlète remplaçant,
04:09on va dire, donc celui qui marque les points au ranking,
04:12celui qui a un statut mondial, on va dire,
04:16et qui permet de rentrer sur les courses, c'est Thibaut.
04:19Donc, si lui, il se blesse, malheureusement,
04:21il y a d'autres athlètes en équipe de France, mais qui ont leur guide.
04:24Donc, non, je ne vais pas changer d'athlète s'il se blesse.
04:27Par contre, si moi, je me blesse, il y a toujours moyen de trouver un guide remplaçant.
04:30On va dire que moi, je suis remplaçable, mais Thibaut, pas vraiment.
04:33Le plus difficile dans notre discipline, je pense que ça reste quand même
04:36la course à pied parce que c'est la dernière épreuve.
04:38Après, pour quelqu'un qui commence le paratriathlon en tant que guide,
04:41le plus difficile, je dirais que c'est piloter le tandem
04:43parce que c'est quand même long, c'est lourd,
04:45c'est complètement différent d'un vélo solo.
04:47Il y a des choses auxquelles on ne pense pas du tout.
04:49Par exemple, nos deux pédaliers sont reliés par une chaîne de liaison.
04:53Donc, au début, on ne peut pas s'arrêter de pédaler quand on veut,
04:56parce que sinon, il y a le copain derrière qui continue de pédaler
04:59et puis on prend un coup dans les jambes.
05:00Et tout ça, c'est des réflexes qu'on met un petit peu de temps à acquérir.
05:03Je ne supporte pas trop l'échec, je dois avouer que ce n'est pas...
05:06Par exemple, on a fait quatrième à Tokyo et on était extrêmement déçu
05:11et ça a mis quand même un long moment à passer.
05:13Maintenant, la différence, c'est qu'on est à deux,
05:16donc on peut en discuter, dédramatiser les choses, trouver des explications.
05:21Et c'est toujours un petit peu plus facile de l'accepter quand on est deux
05:24et quand on ne peut pas juste s'apitoyer sur son sort.
05:28Alors la victoire,
05:29on la vit plutôt bien.
05:31Et puis, c'est vrai que comme je disais, le fait de partager ça à deux,
05:34c'est quand même vraiment top.
05:34C'est une relation assez particulière, c'est à dire qu'on est ensemble
05:38en compétition, mais en même temps, quand on est chacun chez soi à la maison,
05:41on sait que l'autre est en train de s'entraîner dur
05:43et on sait que nous, on n'a pas le droit de se laisser aller,
05:46même quand on n'a pas très envie d'aller à l'entraînement, par exemple,
05:48parce qu'on sait que l'autre compte sur nous
05:50et qu'il va falloir être au rendez-vous en compétition.
05:52Quand on réalise une bonne perf' tous les deux,
05:54c'est quand même un vrai sentiment de satisfaction
05:56parce qu'on sait que tous les deux, on a bien travaillé de notre côté
05:59et qu'une fois qu'on s'est retrouvés, on a réussi à tout mettre bout à bout.