• il y a 3 mois
La misère sexuelle existe ? Naya, créatrice de contenu et autrice du livre "vous ne baiserez pas", nous explique pourquoi la misère sexuelle n'est pas un problème d'homme.

Son livre “Vous ne baiserez pas”, aux éditions Les Insolent.e.s, est dispo partout !
Transcription
00:00que j'ai reçu des phrases hyper violentes comme
00:02« j'ai jamais baisé avec une noire », « j'ai envie d'essayer avec toi »,
00:05ce qui est hyper déshumanisant.
00:07Je suis Naya Ali, je suis journaliste,
00:09créatrice de contenu et autrice du livre « Vous ne baiserez pas ».
00:12Je vais vous expliquer pourquoi la misère sexuelle n'existait pas
00:15et pourquoi si elle existait, ce serait les femmes qui la subiraient.
00:18La misère sexuelle, c'est un terme qui est hyper populaire,
00:21qu'on retrouve beaucoup sur les réseaux sociaux
00:23et c'est un terme en gros qui dit que
00:26les hommes seraient discriminés par rapport aux femmes
00:29parce qu'ils n'auraient pas accès au sexe,
00:31contrairement aux femmes qui auraient, elles,
00:33des opportunités sexuelles et des opportunités amoureuses.
00:37Ce terme, il est dangereux parce que ces dernières années,
00:39il a été utilisé pour légitimer le fait que des femmes se fassent agresser.
00:44En fait, c'est un terme qui est utilisé souvent pour défendre les agresseurs sexuels
00:48parce que du coup, quand il y a des témoignages de harcèlement et d'agression sexuelle,
00:52on retrouve beaucoup de commentaires qui disent
00:54« c'est normal puisque les pauvres hommes n'ont pas accès au sexe,
00:58les femmes devraient leur donner du sexe »
01:00et c'est pour ça qu'on en vient à être dans un climat comme ça
01:03où les hommes se permettent, dans la rue, dans le travail, d'agresser les femmes.
01:08Alors, la misère sexuelle, déjà, ça n'existe pas
01:10parce que le sexe n'est pas un besoin primaire.
01:13Contrairement au fait de se loger, de se nourrir,
01:16on meurt du fait de ne pas avoir de toit et du fait de ne pas manger,
01:20alors que le sexe, on peut s'en passer toute notre vie.
01:24C'est d'autant plus faux parce que, dans énormément de cas,
01:27les agresseurs sexuels sont des personnes tout à fait lambdas
01:30qui ont accès au sexe parce que, généralement,
01:31c'est des mecs qui ont des petites amies, qui sont mariés
01:34et donc qui ne vivent pas la misère sexuelle.
01:37Mais dans tous les cas, même s'ils n'avaient pas accès au sexe,
01:40ça ne légitimerait pas le viol.
01:42Dans mon livre « Vous ne baiserez pas »,
01:44j'explique pourquoi, si la misère sexuelle existait,
01:47ce seraient les femmes qui la subiraient
01:50parce que, déjà, dans les espaces de rencontres,
01:52les femmes sont souvent confrontées à des violences.
01:55C'est-à-dire que, par exemple, sur les applis de rencontres,
01:57les femmes sont beaucoup plus sollicitées.
01:59Dans les espaces publics comme les bars, les fêtes,
02:01elles se font aborder.
02:02Mais, en vrai, ces interactions pour du sexe ou pour de l'amour,
02:06c'est souvent des interactions à risque.
02:08Nous, on est confrontés au fait qu'on puisse se faire agresser
02:11dans une rencontre, en allant chez un homme, dans la rue, etc.
02:15Et c'est pour ça que ces interactions sont certes plus nombreuses
02:18mais elles sont plus difficiles, elles sont plus compliquées.
02:20C'est pour ça qu'on met en place des systèmes de défense.
02:23J'ai des amis qui donnent des adresses
02:25avant d'aller à un date au cas où il lui arriverait quelque chose.
02:28Moi, dans mon livre Vous ne baiserez pas,
02:30je parle aussi beaucoup de mon parcours à moi en tant que femme noire
02:34et je parle aussi plus globalement des femmes racisées.
02:37On a encore moins d'opportunités
02:39et on est encore plus victimes de solitude
02:43parce que les femmes noires sont constamment victimes
02:45de fétichisation, de racisme
02:48dans leur rapport avec les hommes et les relations.
02:50Quand je vais sur un appelé de rencontre,
02:51la moitié des interactions que j'ai avec les hommes,
02:55c'est soit du racisme directement et frontal,
02:57soit de la fétichisation,
02:59c'est-à-dire que j'ai reçu des phrases hyper violentes
03:01comme « j'ai jamais baisé avec une noire »,
03:03« j'ai envie d'essayer avec toi »,
03:05ce qui est hyper déshumanisant.
03:06Et en gros, quand on enlève toutes ces interactions,
03:09les interactions misogynes, les interactions racistes,
03:11on se retrouve avec très peu de profils de personnes
03:14avec qui relationner, en fin de compte.
03:16C'est pour ça que dans mon entourage,
03:17il y a énormément de femmes célibataires.
03:19Les hommes s'en servent pour dire que les femmes sont difficiles
03:22puisque vous avez des femmes qui sont célibataires
03:25pendant plusieurs années.
03:26Mais c'est parce que les choix qu'on a dans notre société
03:28sont hyper médiocres,
03:30dus à la misogynie et au racisme.
03:32Être célibataire dans notre société,
03:33surtout une société hyper capitaliste
03:36qui valorise énormément avec les sites de rencontres
03:38le fait d'être en couple
03:40et qui montre les célibataires
03:42comme des personnes qui n'ont pas réussi leur vie,
03:44c'est normal que la volonté de relationner
03:46pour les femmes hétérosexuelles,
03:48elle est toujours là.
03:50Mais moi, j'ai choisi de beaucoup, beaucoup,
03:52beaucoup moins relationner avec les hommes.
03:56Avant, quand j'avais 20 ans,
03:57j'enchaînais les relations
03:59et en fait, je ne me rendais pas compte
04:00de mon propre statut
04:01et je ne me rendais pas compte
04:03des violences misogynes et des violences racistes
04:05que je recevais.
04:06C'est avec le temps que j'ai réussi
04:08à mettre un mot dessus
04:09et à me dire que ça n'était pas normal.
04:11Je suis encore un peu sur les applis de rencontres
04:14et j'essaye de rencontrer des personnes
04:16même dans ce qu'on appelle la vraie vie.
04:18Mais c'est vrai qu'il y a peu d'interactions de qualité
04:22et ces peu d'interactions,
04:24ça peut franchement aller jusqu'à une par an,
04:27peut-être même moins
04:29parce que le reste des interactions
04:32sont violentes psychologiquement
04:35et de l'autre côté aussi,
04:36j'ai de plus en plus peur
04:38de me confronter à une violence physique
04:40en allant chez un homme,
04:41ce que je faisais auparavant.
04:43Mais la société est hyper contradictoire
04:45parce que d'un côté,
04:47les hommes vont dire que les femmes
04:48ne leur donnent pas accès au sexe
04:50et donc quand une femme va dénoncer ses comportements
04:52en disant « moi je préfère rester toute seule »
04:54comme disait Laurie,
04:55on va lui dire « ouais mais c'est pas tous les hommes,
04:58il y a un tas de mecs bien ».
05:00C'est ce que les hommes vont dire,
05:0190% des mecs sont bien,
05:02c'est parce que vous savez pas les choisir.
05:04Et quand on va avoir un discours d'une femme
05:06qui se plaint d'une agression
05:07en disant « j'ai eu quelques dates avec ce mec
05:10et j'ai fini par aller chez lui
05:12et je me suis fait agresser »,
05:13là, on va essayer de culpabiliser cette femme
05:16avec des discours qui vont dire
05:18« mais pourquoi t'es montée chez lui ?
05:19Tu le connaissais pas,
05:20tu savais à quoi t'attendre », etc.
05:22Donc il y a deux poids, deux mesures.
05:24On peut jamais gagner
05:25parce que quoi qu'on fasse,
05:26ce sera toujours de notre faute.
05:28En bref, la multiplication des choix
05:31qu'ont les femmes
05:32ne les transforme pas en bons choix.
05:35C'est pas parce qu'on a beaucoup de possibilités
05:39qu'on est plus épanoui,
05:40qu'on a plus accès au sexe que les hommes.
05:43Je suis convaincue
05:44que les hommes qui ont beaucoup moins d'interactions
05:46ont des interactions plus qualitatives.
05:48Et moi, j'aimerais qu'on diminue mes interactions
05:51mais qu'elles soient plus qualitatives.

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