80 ans du massacre de Maillé - Anna Mantey
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00:00On accueille Anna Menthez, bonjour.
00:01Bonjour.
00:01Vous êtes la médiatrice pour la Maison du Souvenir,
00:04vous intervenez auprès de scolaires, des collégiens, des lycéens,
00:07mais également des enfants.
00:09En quoi consiste votre travail ?
00:12Eh bien, mon travail, c'est simplement d'expliquer l'histoire du massacre de Maillet
00:17à des primaires, des collégiens et des lycéens, comme vous l'avez dit.
00:20Donc, on le fait de manière évidemment différenciée selon les âges.
00:23C'est-à-dire, un exemple, qu'est-ce qu'on dit aux lycéens,
00:25qu'est-ce qu'on ne dit pas ou qu'est-ce qu'on dit aux élèves de primaire ?
00:28Parce que c'est compliqué de comprendre l'ampleur de ce qui s'est passé ici, pour des enfants.
00:34Je ne pense pas que ce soit compliqué.
00:36Par contre, évidemment, c'est raconté de manière différente,
00:39comme je vous l'ai dit, en fonction du niveau de classe.
00:42Pour les primaires, par exemple, on va vraiment un petit peu les suivre de près,
00:46justement, pour ne pas qu'ils sortent de cette visite en étant trop attristés.
00:50Et on va davantage parler un petit peu de l'apprentissage de la paix.
00:54C'est l'occasion, en fait, de parler de la guerre.
00:55Et donc, in fine, de comment on fait pour, plutôt, apprendre à vivre avec ses voisins.
01:01Donc, on va vraiment...
01:02Transmettre un message de paix, évidemment.
01:04Voilà, exactement. Transmettre un message de paix, d'amitié franco-allemande aussi.
01:08Tandis qu'avec les collégiens et les lycéens, ça va être drastiquement différent,
01:12puisqu'on va rentrer plus dans les détails, les détails historiques aussi de ce qui s'est passé.
01:16Et que c'est une période qu'ils apprennent, qui est enseignée aux collégiens au lycée.
01:19Oui, tout à fait. C'est tout à fait dans leur programme.
01:21Et on va aussi parler beaucoup, avec les collégiens, de l'univers mental du bourreau.
01:26On va réfléchir aux mécanismes de violence qui peuvent amener à commettre de tels actes.
01:31Et donc, ça va être une visite qui est beaucoup plus centrée sur des questions d'actualité, en fait.
01:37Des questions... On parle de fanatisme, on parle de théorie du complot, aussi, parfois.
01:44Voilà, c'est très différent. Et puis, avec les lycéens...
01:46Être vigilant, aussi, par rapport au message de haine qui circule sur Internet
01:49et auquel cette jeune génération est confrontée.
01:51Exactement. Complètement.
01:53Est-ce qu'il est plus difficile d'expliquer ce qu'il s'est passé, ici, à Maillet,
01:57alors qu'il n'y a pas de traces visibles ?
01:59Le village a été entièrement reconstruit, on n'est pas au Radour-sur-Glane.
02:02Est-ce que c'est difficile ?
02:06Est-ce qu'il y a un autre travail difficile de comprendre quand on n'a pas de traces visibles ?
02:10Moi, je vais répondre personnellement, mais je ne pense pas.
02:13Et en tout cas, je vais répondre par rapport aux scolaires, du coup, que j'ai en visite.
02:17Je ne pense pas, parce que, déjà, on projette aussi un film de témoignage
02:21qui est très poignant. Donc, la visite, quand elle commence par ça,
02:25on rentre tout de suite dans le vif du sujet.
02:28Et, au contraire, je pense que les salles d'exposition sont très belles, aussi,
02:31très sobres, mais qui permettent quand même de comprendre ce qui s'est passé.
02:34Et ça permet, justement, de ne pas avoir trop d'émotions tout de suite
02:38et de pouvoir, en fait, ouvrir des portes pour parler des sujets
02:41qui tournent autour de cette histoire.
02:45Donc, moi, je pense que c'est, au contraire, assez compréhensible.
02:49Et, malgré le fait qu'il n'y ait pas de ruines, les lieux permettent quand même
02:53de bien se rendre compte de ce qui s'est passé.
02:55Qu'est-ce que vous disent les jeunes que vous rencontrez
02:57une fois qu'ils ont fait le tour de la Maison du Souvenir ?
03:00Ils vont avoir des réactions assez variées.
03:02Il y a autant de réactions qu'il y a de jeunes, j'ai envie de dire,
03:05mais il y en a qui sont très touchés.
03:07Pour les petits, c'est aussi la découverte du passé, en fait.
03:12Donc, parfois, ça dépasse uniquement le drame de Maillet.
03:16Il y a une petite, une fois, qui avait raconté,
03:19et apparemment, ça arrive souvent,
03:21qui m'a demandé à quel moment la vie était passée de noir et blanc en couleur.
03:26Donc, en fait, il y a des réactions qui sont très diverses.
03:29Romain Taiffé, vous êtes le directeur de la Maison du Souvenir.
03:32Les jeunes qui viennent ici sont des jeunes de la région, du département ?
03:37Est-ce qu'il y a des jeunes qui viennent d'autres établissements
03:39un peu plus éloignés et qui découvrent ce qui s'est passé ici ?
03:42Oui, ça, c'est une vraie fierté.
03:44Il y a quelques années, on était cantonné au 37, à l'Indre-et-Loire.
03:48On avait même très peu de classes qui venaient de la Vienne.
03:51Et là, depuis quelques années, on voit le Méné-Loire.
03:55On a un établissement des Sables d'Olonne qui vient chaque année.
03:58Et je crois que cette année, c'était deux établissements de Charente.
04:02On a eu des établissements du Pays Basque, de région parisienne, de Valencienne.
04:07Un établissement de Haute-Marne aussi, qui vient chaque année depuis 5-6 ans.
04:11Et que vous disent les enseignants qui accompagnent ces élèves ?
04:14Parce qu'eux aussi, j'imagine, ne connaissent pas forcément cet épisode.
04:17Oui, la première fois qu'ils viennent, ils sont sidérés par cette histoire.
04:21Évidemment, ils découvrent une histoire d'une brutalité sans nombre
04:24dont ils n'avaient jamais entendu parler.
04:26Et puis après, ils reviennent pour notre pédagogie.
04:28Et ça, c'est notre grande fierté, c'est que cette histoire,
04:31nous, notre mission, c'est de la faire vivre.
04:33Et quand on voit que des personnes viennent et reviennent,
04:36malgré la distance, malgré la complexité d'organiser un tel déplacement,
04:39pour notre pédagogie et notre manière d'aborder ce sujet auprès des élèves,
04:43on se dit qu'on fait bien notre travail et on fait honneur à Maillé.
04:47Parce que c'est tout l'enjeu des années à venir,
04:50transmettre cette mémoire, ce n'est pas facile ?
04:53C'est évidemment difficile, même si le public scolaire est très réceptif.
04:59Ça se passe toujours super bien avec les élèves,
05:01ils sont toujours très intéressés.
05:03Maintenant, l'enjeu, au-delà de cette histoire-là,
05:06je déteste le mot leçon, mais c'est d'en tirer quelque chose.
05:09Et c'est toute l'approche de notre structure,
05:11c'est d'essayer de comprendre les mécanismes et les processus
05:14qui ont amené à de telles violences.
05:16Et finalement, quand on transmet ça aux élèves,
05:18on dépasse simplement le cadre de l'histoire
05:21et on se retrouve à donner une mission sociale.
05:25On donne à la Maison du Souvenir une utilité sociale.
05:28C'est ça, je crois que c'est notre plus grande fierté.
05:30Et justement, cette tâche à l'heure actuelle,
05:32à l'heure où les nationalismes,
05:34où les messages de haine circulent partout en Europe,
05:36est-ce que ça vous semble d'autant plus important ?
05:41Je vais parler pour moi et probablement que Anna complètera,
05:45mais on voit que les élèves, ils les connaissent,
05:49les discours haineux quels qu'ils soient,
05:52ils les connaissent, nous on essaie juste de les alerter.
05:57Quand on voit ressurgir, en particulier sur les réseaux sociaux,
05:59quand on voit se multiplier les publications haineuses,
06:01on se dit que nous, on a un rôle à jouer.
06:03On a un rôle à jouer parce que ces messages,
06:05ils arrivent directement dans la poche des élèves.
06:07Et donc finalement, on doit mener,
06:11on doit encore plus mener ce combat-là.
06:14Adamanté ?
06:17Je suis tout à fait d'accord avec lui, forcément.
06:22Je ne saurais pas quoi rajouter.
06:24Je pense que c'est d'une utilité sociale,
06:30c'est d'une utilité civique aussi.
06:32Et puis ça se voit en plus, quand on a les élèves,
06:36que c'est quelque chose qui les touche.
06:38Et de mettre de l'actualité dans l'histoire qu'on raconte,
06:40de leur expliquer que les idéologies haineuses,
06:42ce n'est pas quelque chose qui est uniquement cantonné
06:44à la Seconde Guerre mondiale,
06:46et que cette visite, elle permet vraiment
06:48de leur donner des clés pour comprendre
06:50ce qui se passe dans leur vie.
06:52Je pense qu'ils sont tous de très forts
06:54et je pense qu'ils sont très réceptifs à ça.
06:56Afin de leur faire comprendre que le passé, l'histoire
06:58ne doit pas bégayer, c'est toujours l'expression qu'on retire.
07:00Merci beaucoup Adamanté.