Moyen-Orient : la désescalade est-elle encore envisageable ?

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Dans Europe midi, Mickael Dorian et ses invités débattent de dernières informations.
Retrouvez "Europe 1 13h" sur : http://www.europe1.fr/emissions/europe-1-midi3
Transcript
00:00Avec aux commandes Mickaël Dorian jusqu'à 14h sur Europe 1, on continue à décrypter l'actualité avec nos invités Nathan Devers et Olivier D'Artigolle.
00:08C'est peut-être bien les négociations de la dernière chance en vue d'un cessez-le-feu et de la libération d'otages à Gaza, des pourparlers qui, en fonction de ses avancées, pourraient conditionner une attaque de l'Iran sur Israël.
00:19Joe Biden, lui, espère plus que jamais un accord qui marquerait la fin de son mandat et tomberait à pic sur le plan politique.
00:25Alors d'abord, cet accord, tant espéré, a-t-il réellement une chance d'aboutir compte tenu de la situation aujourd'hui avec cette guerre qui, pour Israël, n'est clairement pas terminée ?
00:33Israël veut, on l'a compris, la tête de Sinoir, il y a aussi la question des otages, bien sûr, et puis de l'autre côté, la situation humanitaire à Gaza avec le nombre de morts palestiniens qui continue d'augmenter.
00:44On en parle avec vous pour commencer, Nathan Devers.
00:47Je pense qu'il y a deux choses. Il y a un premier aspect qui est le dilemme terrible, moral, dans lequel Israël a été plongé dès le 8 octobre au matin, qui a été la question des otages.
00:57Evidemment, deux injonctions qui sont contradictoires ou qui rentrent en tension. D'une part, faire une guerre contre le Hamas pour pouvoir détruire ses infrastructures militaires et empêcher un nouveau 7 octobre.
01:10De l'autre, essayer de libérer les otages, et le moins qu'on puisse dire, c'est que par les opérations militaires, à part quelques exceptions, globalement, ça n'a pas marché.
01:18Donc on devra en passer, je pense, par des négociations pour faire cela.
01:22Et il me semble qu'en Israël, une partie extrêmement importante, non seulement de la société civile, pas seulement les proches et les familles des otages, mais même maintenant de militaires, estiment que les otages doivent être une priorité.
01:34La deuxième chose, c'est qu'il ne faut pas que cet accord conduise à une situation où le 7 octobre peut recommencer, où il y a de nouveau les conditions de possibilités d'un 7 octobre.
01:46Donc évidemment que la question de la place qu'aura le Hamas à Gaza dans les prochaines années, c'est une question qui est centrale.
01:52Mais parce qu'il faut rappeler que lors des libérations d'otages, ce qui est négocié, c'est une libération également de prisonniers palestiniens.
01:58Ce qui s'était passé notamment lors de la libération de Gilad Chalit, avec la libération de Yair Sinwar, qui est aujourd'hui nommé comme le cerveau des attaques du 7 octobre.
02:09Exactement, vous avez tout à fait raison. Et il y a une dernière dimension, je pense, qui est évidemment centrale, c'est la situation des civils à Gaza.
02:15Les civils à Gaza sont dans une souffrance qui est terrible. Ils sont, je pense, pris entre le marteau et l'enclume à la fois du pouvoir totalitaire du Hamas,
02:24et en même temps de cette guerre du côté israélien, dont on a vu qu'elle ne faisait pas toujours la différence entre les victimes collatérales, qui est appelée comme ça, et les gens qui sont ciblés.
02:37Cette question, elle est centrale. Parce que qui, demain, quand on va reconstruire Gaza, qui va faire en sorte que les civils puissent avoir une perspective de vie, d'abord, pas seulement politique,
02:47une perspective de vie, et puis évidemment une perspective politique qui soit radicalement purifiée de ce fascisme dans lequel ils baignent malheureusement depuis 20 ans.
02:57Et à tout ça, Olivier Dardigolle, se rajoute aussi la menace iranienne.
03:01Oui, et voilà pourquoi le plan Biden est réactivé à l'aune de l'actualité iranienne, dans le sens où des réseaux diplomatiques, ou alors visibles ou plus souterrains,
03:16parient sur l'idée que s'il y avait enfin un début de processus de discussion et de pourparlers, cela pourrait peut-être amener le régime d'Emmaula à reconsidérer la manière dont il souhaite se venger de ce qu'il présente comme une humiliation,
03:40à savoir le fait que le leader du Hamas ait été tué dans le cadre des cérémonies d'investiture du nouveau président iranien.
03:51Donc il y a là, on le sent bien, un moment diplomatique qui se joue, avec l'idée qu'au final, et c'est là qu'il y a contradiction et hiatus, aucun des grands acteurs régionaux n'a intérêt à un embrasement général,
04:07pour différentes raisons que je ne développe pas ici mais qu'on a pu aborder sur vos ordres.
04:11Y compris l'Iran.
04:12Oui, y compris l'Iran, parce que l'Iran a toujours poussé ce qu'on appelle ses proxys, c'est-à-dire ses alliés, que ce soit le Hamas en Palestine, ou alors du côté du Hezbollah, des groupes irakiens, aussi au Yémen, c'était pour lui une guerre larvée.
04:33Or là, le conflit pourrait être direct et l'Iran n'y a pas véritablement intérêt pour différentes raisons.
04:40Ce qu'il est intéressant à suivre, Nathan vient de l'évoquer, c'est l'évolution de la situation interne à Israël.
04:48Dans un moment très dur, on a vu au sein du gouvernement israélien comment la partie la plus radicalisée d'extrême droite, pour moi, a multiplié les provocations, ou alors sur l'esplanade des mosquées il y a quelques jours,
05:06ou alors en annonçant de nouveaux programmes de colonisation en Cisjordanie, pour véritablement essayer de pousser Netanyahou dans une situation où il ne faut absolument pas engager les pourparlers.
05:21Sauf qu'il faut maintenant se dire les choses. Combien de vie humaine civile palestinienne ? Quel coût pour un objectif de guerre qui paraît au final inatteignable ? La destruction complète du Hamas.
05:37Comment on s'attaque à une idéologie si ce n'est en essayant de la vaincre par les idées, par une construction politique, par la relance d'un projet de solution à deux états permettant bien évidemment la paix et la sécurité pour le peuple israélien ?
05:52Alors on va poser la question à David Rigolé-Rose qui est avec nous, chercheur associé à l'IRIS et rédacteur en chef de la revue Orient Stratégie. Bonjour. Bonjour. Alors la désescalade dans la région est-elle encore envisageable selon vous ? Et puis on va essayer de répondre aussi à la question d'Olivier d'Artigol justement sur les résultats militaires de l'opération menée par Tssal.
06:15Pour ce qui est de la désescalade, c'est le but avéré de l'administration Biden et du président Joe Biden en personne. Puisque c'est lui qui considère qu'on est à un moment renu, on a une séquence d'urgence avec ces négociations. Il considère qu'il y a une articulation entre la possibilité d'un succès pour les négociations et la suspension d'une réplique en provenance d'OTAN.
06:40Ce qui n'est pas du tout assuré. Le président américain lui-même n'est pas forcément totalement convaincu. Mais en tout cas, il considère que c'est absolument ce qu'il faut faire pour éviter une logique escalatoire.
06:52Avec toutes les incertitudes qui prévalent, compte tenu de la difficulté qu'il a évoquée en disant que le processus devient très difficile, avec le refus officiel du Hamas de participer, avec l'ajout de conditions par Benjamin Netanyahou.
07:10Et donc une incertitude qui s'ajoute à l'incertitude générale sur la réplique attendue de la part de Téhéran et de ses mandataires.
07:20Pourquoi est-ce qu'on parle de négociation de la dernière chance depuis quelques jours ?
07:26La dernière chance parce que d'abord ça fait des mois, ce processus de négociation apparaît un peu comme un serpent de mer.
07:34Il y a eu à plusieurs reprises le sentiment qu'on touchait le but, d'ailleurs c'était la formulation d'Antony Blinken, en disant qu'on approchait la ligne d'arrivée.
07:46Et puis à chaque fois, il y avait une hypothèque qui empêchait l'affinisation de l'accord en question, pour diverses raisons, des deux parties d'ailleurs, émanant des deux parties.
07:58Le fait est qu'aujourd'hui, compte tenu du contexte avec effectivement ce risque escalatoire lié à l'élimination à la fois d'Ismail Henni à Téhéran et de Fouad Chouker à Beyrouth,
08:09fait que, c'est d'ailleurs les trois médiateurs, États-Unis, Égypte et Qatar, disent qu'il n'y a plus de temps à perdre, ni d'excuses.
08:18Tout simplement parce que tout retard supplémentaire risque d'être une catalyse pour cette logique escalatoire.
08:25Et qu'en est-il, c'est la question qu'on se posait aussi avec Olivier d'Artigolle, qu'en est-il de l'objectif militaire aujourd'hui israélien dans la bande de Gaza,
08:33en ce qui concerne notamment la libération des otages, où l'objectif n'a clairement pas été atteint aujourd'hui par TSAL ?
08:40Non, c'est le gros problème et c'est d'ailleurs un des griefs qui est formulé, et pas le seul, mais un des griefs principaux formulés à l'endroit de Benjamin Netanyahou,
08:49en laissant entendre que finalement, pour lui et ses ministres d'extrême-droite, vous évoquiez l'influence, à savoir Smodrich et Bengrir,
08:59qui ne sont pas une provocation près, cette question des otages ne serait pas prioritaire par rapport au but déclaré de l'élimination de la structure politico-militaire du Hamas.
09:11Même si au début ça a été présenté dans une logique de synergie, c'est-à-dire que seule la pression militaire, du point de vue du gouvernement,
09:20était susceptible de favoriser un débouché sur la libération des otages.
09:25Mais David Rigolet-Rose, cette question des otages, elle ne semble plus prioritaire non plus, y compris pour les Etats-Unis et la communauté internationale,
09:32lorsqu'il est question de négociation, puisqu'aujourd'hui on met d'abord en avant, en priorité, le cessez-le-feu.
09:39Oui mais le cessez-le-feu, d'abord il est censé initier un processus avec en toile de fond la libération des otages,
09:46ça a été rappelé même par le président Joe Biden comme un élément central.
09:50Il se trouve que le gouvernement israélien a demandé une chose particulière pour aujourd'hui justement,
09:57c'est que dans la première phase qui était dans l'accord-cadre justement présenté par Joe Biden, désormais le Premier ministre demande 33 otages vivants.
10:08Et c'est important parce que ça laisse supposer qu'en réalité sur les 111 encore détenus,
10:14en réalité potentiellement une bonne partie, hélas, serait décédée.
10:20Et c'est une manière de mettre la pression sur le Hamas, qui n'est pas forcément en situation de pouvoir libérer justement les 33 otages demandés.
10:27111 otages, dont deux Français. Merci David Rigolet-Rose d'avoir été avec nous,
10:31chercheur associé à l'IRIS et rédacteur en chef de la revue Orient Stratège.
10:35Merci à vous, merci également à Nathan Devers-Olivier d'Artigolles d'avoir été avec nous dans Europe 1 13h, cet après-midi.

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