La pluie est tombée et les conséquences sont concrètes : le ministère de l'Agriculture a fortement revu à la baisse vendredi sa prévision de production de blé tendre en 2024, désormais attendue 25% en deçà du volume de l'an dernier.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Du jamais vu, peut-être depuis 40 ans, la récolte de blé en France s'annonce historiquement
00:05faible, une baisse de près d'un quart par rapport à la moyenne des cinq dernières
00:08années selon les prévisions du ministère de l'Agriculture.
00:11Après une longue sécheresse, cette fois les pluies ont été trop abondantes et ont
00:15noyé les terres et les cultures et les céréaliers ne sont pas les seuls à en souffrir.
00:20A l'approche des vendanges, les vignerons s'attendent eux aussi à une production
00:24en net recul, moins 10, moins 15%.
00:26Derrière ces chiffres se pose la question de l'adaptation de notre agriculture au changement
00:31climatique et à cette ressource en eau, parfois très excédentaire, parfois très
00:36déficitaire.
00:37On va parler de tout cela ce matin avec Nicolas Payou, président de la Chambre d'Agriculture
00:41de l'Indre et céréalier, Stéphane Gabart, viticulteur dans le Bordelais, président
00:45du Syndicat des Vins de Bordeaux, et Charleine Descolonge, hydrologue.
00:49Bonjour à tous les trois, Charleine Descolonge en studio et nos deux agriculteurs à distance.
00:55On attend aussi bien sûr vos questions 0145 24 7000 et via l'appli Inter.
00:59Alors d'abord un premier tour de table pour un état des lieux, derrière ces chiffres,
01:04quelle situation locale ? Peut-être pour commencer avec vous Nicolas Payou dans l'Indre,
01:09on parle là donc des céréales, année très compliquée aussi, vous confirmez cette tendance
01:14nationale ?
01:15Oui, je vous confirme la tendance nationale puisque dans le département de l'Indre,
01:19en fonction des petites régions naturelles, il y a des grandes disparités mais on se
01:24rend compte que globalement il y a une perte de volume de 15 à 40% en fonction des exploitations.
01:29Donc c'est le blé mais pas seulement qui est touché ?
01:32Pas seulement, également le colza, l'orge et également l'orge de printemps, donc toutes
01:38les céréales d'hiver sont touchées.
01:40Avec quelles conséquences là, immédiates ou dans les prochaines semaines sur vos revenus
01:45?
01:46C'est forcément une baisse importante de revenus puisque dans des exploitations comme
01:52les miennes dans mon secteur, l'équilibre est déjà très difficile, donc chaque tonne
01:57perdue c'est du revenu voire du déficit pour les semaines et donc un gros déficit
02:02de trésorerie à venir.
02:03Par exemple pour vous, à titre personnel, sur votre exploitation, ça représente quelle
02:08part de votre revenu en moins si on compare avec l'année précédente ?
02:12J'ai fait un petit calcul et on se retrouve, en tout cas dans mon cas personnel, avec la
02:18totalité du revenu qui pourrait être perdue puisque après mes calculs, je suis juste
02:25à l'équilibre pour payer les charges.
02:27D'accord.
02:28Du côté de vos vignes du bord de l'Est, Stéphane Gabart, là les vendanges vont bientôt
02:32débuter.
02:33A quoi vous attendez-vous ?
02:34Un petit peu comme pour les céréales, nous avons des disparités en fonction des petits
02:39secteurs de la pluviométrie.
02:41Cette pluviométrie a joué sur deux facteurs, sur une floraison un petit peu erratique et
02:46surtout sur la propagation d'une maladie, le miliou, qui peut éradiquer l'ensemble de
02:53la récolte sur une parcelle de vignes.
02:55Nous avons des producteurs qui ont perdu 5%, mais d'autres qui vont avoir perdu 100% de
02:59leur récolte.
03:00Humidité égale miliou, dans la viticulture c'est bien connu.
03:05Exactement, c'est une maladie, c'est un champignon, c'est une forme biologique entre
03:12mi-algues, mi-champignons, vous pouvez comprendre, c'est quelque chose qui aime beaucoup l'eau
03:16et dès qu'on a beaucoup d'eau, on a de très grosses difficultés à contenir ce
03:20miliou.
03:21Charleine Descolon, vous êtes donc hydrologue, ces dernières années c'est plutôt la sécheresse
03:24qu'on déplorait en France, la pénurie d'eau permanente, est-ce qu'on peut dire cette année
03:28qu'on a basculé à l'extrême inverse ? Excès d'eau par rapport à la normale au niveau
03:34national, c'est ce qui se passe ?
03:35Exactement, on est passé d'un extrême à un autre, on avait là cette année des pluies
03:40efficaces qui sont excédentaires de plus 25% par rapport à la moyenne nationale.
03:45Jusqu'en septembre, septembre 2023, on avait atteint des niveaux d'indicateurs de sécheresse
03:51des sols quasiment jamais atteints, une chance sur dix de ne pas atteindre ces niveaux-là,
03:56ça veut dire que c'était vraiment très sec et à partir de l'automne, hiver, on avait
04:01une succession de pluies qui étaient très très intenses et donc jusqu'en avril, jusqu'en
04:06mai, on avait des indicateurs de sécheresse plutôt moyens, proches de la médiane et
04:10à partir de là, on a basculé sur des records humides, pareil, des niveaux qu'on n'a jamais
04:14atteints ou quasiment jamais atteints par endroits.
04:17Alors petite parenthèse, parce que là on parle des conséquences négatives, est-ce
04:19qu'au moins ça fait du bien durablement à nos nappes phréatiques qu'on savait en souffrance
04:25l'année dernière ?
04:26Et bien là c'est pareil, complète bascule, l'année dernière au même moment on avait
04:2970% des nappes qui étaient suivies, qui avaient des niveaux extrêmement bas et là c'est
04:35l'année de tous les records aussi, 70% des nappes qui sont à des niveaux extrêmement
04:39hauts, donc c'est plutôt bien pour l'eau potable, pour le tourisme, pour les industries
04:43qui comptent sur cette eau emprisonnée dans cette nappe pour faire tourner ces activités
04:48et pour nous pour boire, mais par contre ça peut poser des problèmes, on l'a vu, pour
04:53certains agriculteurs.
04:54Le fait qu'on passe comme ça, vous l'avez dit, d'un extrême à l'autre, d'une année
04:57sur l'autre, de 6 mois à 6 mois, est-ce que ça c'est déjà une marque du dérèglement
05:02climatique ? C'est-à-dire qu'il n'y a plus de nuances, on a l'impression qu'on n'a plus
05:05une année normale en agriculture ?
05:07Exactement, en fait les scientifiques nous montrent qu'on ne peut plus raisonner à l'échelle
05:13de moyennes annuelles, ni même à des moyennes nationales, ça n'a plus de sens, il faut
05:18parler d'extrêmes, et ces extrêmes hydrologiques, sécheresse, inondation, crues, on va les
05:23avoir de plus en plus sur notre territoire.
05:25Nicolas Payou, céréalier dans l'Indre, ça le fait que vous deviez désormais jongler
05:29entre des extrêmes uniquement, dans un sens comme dans un autre, c'est déjà très concret,
05:34très palpable pour vous ?
05:35Oui, puisqu'on essaye de s'adapter tous les ans aux conditions qu'on pense avoir, et puis
05:42le choix des variétés, une variété adaptée à une condition sèche, et une variété
05:46adaptée à une condition humide, donc c'est toujours un peu un pari sur l'avenir, sur
05:52les conditions qu'on va avoir dans l'année, donc on s'adapte au quotidien, mais notre
05:55cycle étant d'un an, en grande culture, ce n'est pas toujours simple de pouvoir faire
05:59les bons choix.
06:00Même constat chez vous, dans les vignes, Stéphane Gabart ?
06:03C'est peut-être encore pire que les céréales, parce que nous le choix, la plantation d'une
06:07vigne, elle est faite pour 30 ans, 50 ans, donc on avait des fois des terrains plutôt
06:13secs et qui sont peut-être un peu trop humides maintenant, et vice-versa, et puis on voit
06:18l'alternance des saisons et des années, 2022, on a eu une année exceptionnellement
06:23sèche, et ça a été plutôt les bas-fonds humides qui s'en sont bien sortis, et là,
06:28depuis deux ans, on a des années plutôt humides, et là c'est les coteaux très secs qui d'habitude
06:33s'en sortent beaucoup mieux, donc de grosses disparités et des difficultés à piloter
06:38un petit peu nos vignobles au jour le jour.
06:41Nicolas Payou, quelles conséquences, concernant le blé, le blé tendre notamment, quelles
06:45conséquences pour nous les consommateurs ? Est-ce qu'il y aura pénurie de blé en France,
06:50est-ce que les prix vont augmenter du blé, donc du pain ?
06:54Je ne pense pas qu'il y ait de pénurie, il y aura peut-être une petite difficulté
06:59sur certains transformateurs à s'approvisionner en blé de qualité, mais je pense que ce
07:03sera...
07:04Parce qu'on produit beaucoup en fait, on produit plus que nos besoins, on exporte aussi.
07:09Oui, les estimations, les premières estimations font état de stocks suffisants pour pouvoir
07:16alimenter la France, sauf que les exportations diminueront.
07:19Après, pour ce qui est du prix, le prix du blé étant mondial, on constate ces derniers
07:25jours qu'il baisse, puisque les récoltes dans d'autres secteurs du monde sont a priori
07:30satisfaisantes.
07:32Donc, le risque de pénurie n'est pas là, c'est plutôt un risque économique pour nous,
07:37plutôt qu'une augmentation des prix.
07:38Alors justement, vous avez parlé de vos revenus, les céréaliers sont connus normalement pour
07:43être plutôt les mieux lotis en termes de revenus agricoles, ces dernières années,
07:47à l'inverse, vous avez pu vendre vos céréales plus chères, les cours avaient explosé en
07:502022, il y a eu une année 2022 exceptionnelle.
07:53Les revenus des années précédentes, ça ne permet pas de compenser cette mauvaise passe
07:58de 2024 ?
08:00Tous les exploitants n'ont pas forcément fait de très bons revenus les années précédentes,
08:05puisque les charges ont aussi augmenté de façon très importante, notamment l'engrais.
08:09Et puis, on constate que certains sont juste sortis de la très mauvaise récolte de 2016
08:15et ont reconstitué un peu de trésorerie, qui vont aujourd'hui être obligés de réintégrer
08:20pour pouvoir continuer à travailler.
08:21Donc, en fait, les bonnes années précédentes permettent juste de pouvoir continuer à travailler
08:27quand on a pu dégager de la trésorerie les années précédentes.
08:30Stéphane Gabart, dans le bord de l'Est, cette baisse attendue des récoltes, elle
08:33arrive dans un contexte un peu particulier de surproduction pour vous par rapport à
08:37la demande.
08:38Vous étiez d'ailleurs engagé dans un plan d'arrachage des vignes, je crois que c'est
08:4210% de la surface d'arrachage.
08:43Est-ce que, paradoxalement, ça ne vous arrange pas, si je puis dire, des récoltes, des vendanges
08:49moins bonnes ?
08:50Non, pas du tout, alors, effectivement, vous l'avez bien dit, on était dans une
08:58crise de sous-commercialisation, pas surproduction, parce qu'on ne produit pas plus de vins
09:03qu'on en produisait il y a 5 ans, il y a 10 ans, même au contraire, avec les aléas
09:06climatiques, on en produit un peu moins.
09:07Malheureusement, nos consommateurs consomment beaucoup moins de vins et à l'exportation,
09:12avec les tensions géopolitiques, c'est beaucoup plus dur d'exporter nos vins actuellement.
09:16Donc, oui, ça pourrait globalement nous arranger, mais à titre individuel, nous sommes sur
09:22des exploitations, des viticulteurs qui sont en difficulté financière déjà depuis
09:26quelques années et lorsque, comme on l'a dit, ça touche une exploitation de plein
09:30fouet et que la personne va perdre l'intégralité de sa récolte, c'est souvent le déclic pour
09:35un arrêt complet de la culture et l'abandon du métier de viticulteur.
09:40Non, il y a un profond désarroi, on voit qu'on a des viticulteurs qui en vont même
09:45à des actes extrêmes, donc ces situations climatiques renforcent les difficultés économiques.
09:51Nicolas Payou, dans l'immédiat, comment les céréaliers peuvent passer cette année difficile ?
09:57Est-ce que c'est forcément via des aides de l'État ? Le ministère a déjà lancé
10:01un mécanisme de gestion des risques climatiques qui permettra de déclencher des assurances
10:06récoltes.
10:07Est-ce que ça, c'est un premier pas ? Est-ce que ça sera suffisant ?
10:09C'est un premier pas, ce ne sera pas forcément suffisant puisque les aides, notamment l'assurance
10:16récolte, ne va pas couvrir la totalité des pertes.
10:18Les deux mécanismes qui pourraient être mis en place, c'est surtout éviter de rajouter
10:25des contraintes et des surcharges dans l'exploitation déjà en difficulté, et puis la deuxième
10:30chose va passer par, je pense, assez souvent, dans beaucoup de cas, par un emprunt court
10:36ou moyen terme pour restructurer les exploitations, ou en tout cas, refaire de la trésorerie
10:39pour pouvoir passer cette mauvaise année.
10:41Alors là, on parle des solutions à court terme, si on voit un peu plus à long terme
10:45sur l'adaptation de cette agriculture, Charleine Décolonge, est-ce que les conséquences qu'on
10:51voit là, en termes de revenus agricoles, sont aussi les conséquences de l'inadaptation,
10:57si je puis dire, de notre agriculture au dérèglement climatique ? Est-ce qu'on est en retard sur
11:00ce qui se passe, sur l'accélération des phénomènes climatiques ?
11:03Mais évidemment, on est en retard, le modèle agricole que l'on a n'est pas du tout adapté
11:07au futur du climat.
11:08Là, ce dont on n'a absolument pas parlé au cours de cet entretien, c'est les sols.
11:13On n'a jamais pris en considération les sols, aujourd'hui, on les considère comme des supports.
11:18Et aujourd'hui, ils sont morts, nos sols ne sont plus capables d'absorber toute cette
11:22pluie qui va s'abattre en un temps record, et ces sols ne sont plus capables non plus
11:26de retenir l'eau en temps de sécheresse.
11:28Donc, revenir à des pratiques qui vont permettre de diversifier les assolements, diversifier
11:33les cultures, ne plus compter que sur 3-4 cultures, mais diversifier jusqu'à 10 cultures
11:38sur une parcelle, allonger les périodes de rotation, mettre des légumineuses pour capter
11:42l'azote et ensuite l'injecter dans les sols, tout ça, des couverts végétaux, remettre
11:46de la matière organique dans les sols, tout ça permettra de s'adapter face à des extrêmes
11:51hydrologiques.
11:52Donc ça, c'est un panel de solutions techniques, remettre des haies, des arbres, etc.
11:56On a le panel de solutions économiques, recalibrer nos exploitations par rapport à ce qu'elles
12:01sont capables de produire.
12:02On est parti sur un objectif de 110 quintaux à l'hectare.
12:05Est-ce que c'est bien raisonnable face aux extrêmes climatiques que l'on va avoir ?
12:08On est peut-être à des rendements autour de 50 quintaux à l'hectare, ce qu'on peut
12:12retrouver en bio.
12:13Et enfin, on a un panel de solutions politiques, et là c'est plus à l'échelle nationale
12:18et européenne, mais priorisés vers l'alimentation humaine.
12:21Vous avez parlé du blé, est-ce que ça va augmenter le prix du pain ? Non, puisque
12:2431% de la transformation du blé tendre, c'est pour l'alimentation animale, donc revoir
12:29aussi notre alimentation.
12:30Nicolas Payou, président de la Chambre d'agriculture de l'Inde, je le rappelle, que répondez-vous
12:35à cela, à ces préconisations, ce retard qu'a pris notre agriculture sur l'adaptation
12:40et la recherche de solutions alternatives ?
12:42Quand j'entends les solutions proposées, je constate que dans les départements comme
12:46les nôtres, la transition peut considérer qu'elle est faite, puisqu'il y a de plus
12:51en plus de diversification de culture.
12:52Le département de l'Inde, la moyenne de rendement en blé est plus proche des 6,5-7 tonnes que
12:59des 110 tonnes, puisqu'on est dans des zones intermédiaires plutôt défavorisées, avec
13:03des sols plutôt superficiels.
13:05Toute la grande difficulté qu'on a, c'est que, quand on voit avec les extrêmes qu'on
13:09a eues, une variété peut être très bien adaptée une année dans une parcelle, et
13:13absolument pas du tout adaptée l'année d'après dans l'autre parcelle.
13:17Aujourd'hui, ça passe surtout par une diversification des cultures, une diversification des assolements,
13:22et on réintroduit de la luzerne et des choses comme ça, mais le climat est difficilement
13:27contrôlable, donc on est quand même toujours soumis aux aléas.
13:30Stéphane Gabart, à la tête du syndicat des vins de Bordeaux, on voit à quel point
13:33dans le vin le changement climatique va redessiner la carte de nos productions.
13:38Il y a une étude de chercheurs français parue l'an dernier qui explique que plus
13:42de la moitié des régions viticoles dans le monde vont perdre leur aptitude à produire
13:45du vin de qualité et rentable, avec l'augmentation des températures, des sécheresses, des maladies,
13:50des parasites.
13:51Comment on s'adapte dans le Bordelais ? Ça veut dire de nouveaux cépages ?
13:56Alors, on y réfléchit, mais pour l'instant, ce changement climatique ou ce réchauffement
14:00climatique, parce que si on prend la moyenne des dix dernières années, on a plutôt eu
14:03un réchauffement, nous va bien parce que notre raisin à Bordeaux n'a jamais été
14:07aussi mûr et jamais été aussi bon.
14:09Néanmoins, on voit bien qu'il peut y avoir certaines années avec des excès qui nous
14:13est préjudiciable sur la quantité de récolte.
14:15Alors, on ne peut pas faire d'assolements, nous, et comme je l'ai dit tout à l'heure,
14:18une vigne s'est plantée pour 50 ans.
14:20Donc, oui, on évolue dans nos pratiques culturales, effectivement, on essaye d'avoir des sols
14:25beaucoup plus vivants, on essaye d'avoir des sols qui sont des véritables réservoirs
14:29en augmentant la matière organique.
14:30Donc, on a aussi ce travail à faire en viticulture, chose qu'on fait.
14:36Mais encore une fois, pour qu'on avance dans ces améliorations culturales, il faut qu'il
14:41y ait aussi du revenu pour les viticulteurs.
14:43Et là, toute notre question aujourd'hui, par des évolutions peut-être de la loi Egalim
14:49pour mieux objectiver les prix entre, pas pour le consommateur final, mais plutôt entre
14:55le producteur et le distributeur.
14:56Alors, l'adaptation au changement climatique, ce sont aussi des tensions sur l'usage de
15:01l'eau.
15:02Alors, moins prégnante cette année puisqu'on est en situation excédentaire, mais quand
15:05on est en situation déficitaire, on le voit bien, ces conflits croissants sur le partage
15:09de la ressource.
15:10L'agriculture, c'est 58% de l'eau consommée en France, notamment autour des retenues,
15:15ces fameuses bassines.
15:16Charleine Descolonge, l'idée des bassines, vous m'arrêtez si je me trompe, c'est de
15:21stocker l'eau quand elle est abondante, pour la conserver pour des années plus sèches.
15:27Est-ce que quand on a une année très arrosée, comme là, comme 2024, ce n'est pas la solution
15:31idéale finalement de stocker l'eau quand elle est là ? Est-ce que ce n'est pas l'aspect
15:36positif de la bassine, si je puis dire ?
15:38On serait tenté sur le papier de dire « mais c'est merveilleux, on va prendre l'eau en
15:41hiver quand elle est excédentaire et la stocker pour l'été ». Sauf qu'on va la chercher
15:44dans les nappes.
15:45Les nappes, c'est le meilleur réservoir pour stocker l'eau.
15:48Ce qu'on est en train de faire, c'est qu'on va prélever l'eau de cette nappe, la stocker
15:52à l'air libre, elle va se dégrader en qualité, elle va s'évaporer aussi de plus en plus
15:57avec les canicules, donc on va avoir des pertes.
15:59Le problème des méga-bassines, c'est qu'elles ne permettent pas cette transition vers l'agroécologique,
16:06elles ne permettent pas aux agriculteurs de diversifier les cultures et d'allonger les
16:13rotations.
16:14Elles sont dimensionnées sur un besoin, un volume qui est celui en particulier des cultures
16:19de maïs, qui ne sont pas du tout adaptées à notre climat.
16:23Ils sont très gourmandes en eau en été, donc c'est là le problème, parce que le
16:29blé, lui, est plus gourmand en eau par rapport au maïs, mais le maïs demande de l'eau
16:32en juillet-août quand nous, on n'a plus d'eau.
16:34Donc c'est ça en fait le truc, les méga-bassines, elles permettent la culture de ces monocultures
16:40de maïs qui sont à la fois consommatrices en eau et en intrants.
16:42Peut-être une réaction là-dessus, Nicolas Payou, sur les retenus d'eau qui sont réclamés
16:48par les agriculteurs et qui ont d'ailleurs été confortés là-dessus par le gouvernement
16:51à la sortie de la crise agricole en février ?
16:53Oui, effectivement, on se rend compte que dans des… Sur le sujet de l'eau, c'est
16:58très complexe puisque dans certains endroits, l'eau est prélevée dans des nappes, effectivement,
17:02mais des nappes qui de toute façon en plein été se vidangent, donc c'est de l'eau
17:06qui ne reste pas forcément dans les nappes, mais ça c'est vraiment très dépendant
17:10des secteurs géographiques.
17:12Mais je pense qu'au contraire, la création de retenues d'eau peut permettre dans certaines
17:18situations de diversifier les assolements puisque quand on est sur des terrains très
17:23séchants et caillouteux comme chez moi, on n'a pas vraiment beaucoup de possibilités
17:26de diversifier et beaucoup de cultures à plus forte valeur ajoutée sont sous contrat
17:31mais avec des conditions d'accès à l'eau pour pouvoir sécuriser les approvisionnements
17:36à nos personnes à qui on vend.
17:38Donc, c'est beaucoup plus complexe qu'on peut le penser mais ça peut être une solution
17:44quand même si c'est bien réfléchi et sur le terrain, il y a une vraie concertation
17:48avec les agriculteurs et les acteurs du terrain pour les mettre en place.
17:51On va prendre une question au standard, bonjour Patrick, vous nous appelez d'Ardèche.
17:54Oui, bonjour, je vous remercie d'avoir fait un point sur l'inadéquation des méga-bassines
18:00et ma question est portée sur la rapidité de l'évolution climatique.
18:05On est sur 1,3 degrés seulement de hausse des températures moyennes planétaires et
18:11on s'aperçoit que dans un pays développé comme la France, ça engendre une baisse de
18:17la production agricole qui est colossale cette année, donc moi je suis très inquiet parce
18:21qu'avec 1,3 degrés, on obtient ça, qu'est-ce que ça sera à 2 degrés en sachant que le
18:26GIEC nous prévoit, on est sur des trajectoires à plus 3, plus 4 degrés, c'est-à-dire une
18:31terre qui est complètement invivable, bon, mais la question elle est sur, ça va très
18:36vite, comment c'est possible qu'avec juste simplement 1, plus 1,3 degrés, on soit déjà
18:43avec des baisses aussi inquiétantes et ça en dit long sur le déni dans lequel on est
18:48parce que voilà, on s'aperçoit que déjà dans un pays développé, on est sur des situations
18:53qui sont inquiétantes.
18:54Merci.
18:55Voilà, ma question elle porte là-dessus.
18:57Merci Patrick, oui, sur cette charline des colons, sur cet aspect exponentiel des conséquences
19:01avec seulement 1,3 degrés, des conséquences déjà très manifestes, qu'est-ce que ce
19:05sera avec 2, 3 degrés potentiellement ?
19:06Exactement, merci pour cette remarque, la plupart des scientifiques estiment que ça
19:11va plus vite que prévu, que ce qui avait été imaginé et sur la France en particulier,
19:16ça va très très vite.
19:17C'est pour ça qu'on a besoin de faire les bons choix, les bonnes solutions, à la fois
19:23répondre à du temps court mais se projeter aussi sur un climat qui sera à plus 4 degrés
19:28en France.
19:29Nicolas Payou, vous étiez, je l'ai rappelé tout à l'heure, les agriculteurs mobilisés
19:33sur les routes en janvier-février, crise agricole historique, vu ce qui se passe depuis,
19:38et en l'absence pour l'instant d'un nouveau ministre de l'Agriculture, est-ce que ça
19:43peut recommencer ? Est-ce que dans ce contexte, on va revoir des tracteurs sur les routes
19:48dans les semaines et mois à venir ?
19:49Alors, je ne pourrais pas vous dire, je ne suis pas à la tête des syndicats pour vous
19:54dire s'il va y avoir des mobilisations mais en tout cas ce qui est sûr c'est qu'il y
19:57a une tension importante dans les exploitations, ça va être très compliqué et ce qui est
20:02demandé surtout aujourd'hui c'est de pouvoir avoir un minimum de revenus justement pour
20:06être en capacité de s'adapter et de faire les bons choix puisque en général les solutions
20:12ont quand même un coût un peu supplémentaire à ce qu'on fait aujourd'hui donc c'est vraiment
20:16être considéré.
20:17Mais pourtant ce qu'on vous disait en janvier-février sur les barrages, c'était on ne veut pas
20:21forcément des aides, on veut moins de normes.
20:23Oui parce qu'en général on se rend compte que la majorité des normes qui sont contestées
20:31ajoutent des surcoûts qui ne permettent pas forcément d'avoir une transition comme certains
20:36le souhaiteraient.
20:37Il y a urgence en tout cas pour vous avoir un interlocuteur au ministère de l'agriculture
20:42vu les urgences qui vous concernent ?
20:45Oui, je pense que vu le contexte de l'année, il est important qu'on soit écouté mais
20:51surtout qu'on soit entendu parce que ce qu'on entend sur le terrain c'est qu'à
20:54la suite des manifestations, ça a bien été entendu mais tout le monde attend des réponses
20:59concrètes sur le terrain.
21:00Merci beaucoup Nicolas Payou, Stéphane Gabart, Charleine Descolonge, remerciement en particulier
21:05aussi à France Bleu Berry pour la réalisation du Plex depuis Châteauroux et Charleine Descolonge
21:09je cite le titre de votre ouvrage « Law, fake or not » c'est aux éditions TANA.
21:14Bonne journée à tous les trois.