Les cinéastes Arnaud et Jean-Marie Larrieu adaptent au cinéma "Le roman de Jim" (sortie le 14 août en salle), écrit par Pierric Bailly. C'est une histoire de paternité disputée, sans violence, c'est l'originalité du roman et du film.
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00:00Et avec nous en studio ce matin, Arnaud et Jean-Marie Larieux, bonjour à tous les deux.
00:09Bonjour.
00:10Votre nouveau film « Le roman de Jim » sort en salle demain, adapté du livre du même
00:14nom de Pierrick Bailly aux éditions POL, avec au casting notamment Karim Leclou, Laetitia
00:19Doche, Sarah Giraudot ou encore Bertrand Belin.
00:22Alors c'est une histoire de paternité, de paternité disputée, je vais essayer de la
00:26résumer en quelques mots.
00:28Aymeric, le personnage principal, retrouve une ancienne connaissance, Florence, alors
00:32qu'elle est enceinte de 6 mois, à la naissance de son fils Jim, il en devient le père de
00:37substitution.
00:38Tout se passe pour le mieux, jusqu'à ce que le vrai père, le père biologique, débarque
00:43des années plus tard, et à partir de là, tout va doucement mais sûrement se détraquer.
00:48Est-ce qu'on peut le dire comme ça ? Doucement mais sûrement ?
00:51Doucement, se détraquer, oui, c'est très bien, mais disputer sans violence, c'est
00:57quand même l'originalité du roman et du film.
00:59On va y revenir, justement, sur cette douceur entre guillemets qui transparaît dans le film,
01:04c'est une chronique familiale sur plusieurs décennies, on voit cet enfant grandir jusqu'à
01:07devenir un jeune homme, et à travers son histoire, un grand questionnement, c'est
01:12quoi être père finalement ? Arnaud Larieu ?
01:16Oui, être père c'est ne pas l'être, par contre c'est créer un lien avec une
01:22personne qui s'appelle un enfant, c'était ça l'intérêt du sujet, c'est-à-dire
01:26de se dire, tiens, rassemblons quelqu'un qui va adopter un enfant, mais sans le dire
01:35ni à l'enfant ni à lui-même, et ça crée un lien qui s'appelle la paternité, et
01:39la paternité c'est ça, et c'est pas autre chose.
01:41Pas forcément parce qu'on a semé la petite graine.
01:44Exactement.
01:45Oui, on ne n'est pas père, on le devient, et puis au fond, est-ce que tout père doit
01:50pas adopter l'enfant qui arrive ? On pourrait peut-être le dire des mères, mais bon, le
01:55sujet du film c'est la paternité.
01:57C'est donc une adaptation je le disais d'un livre sorti en 2021 signé Pierrick Bailly,
02:03l'initiative elle est venue de qui ? De lui je crois, c'est lui qui vous contacte ?
02:07Ou via la maison d'édition P.O.L, oui, un jour on nous a envoyé le livre, je ne sais
02:13plus si c'était par mail ou par papier, et puis on a compris ensuite que c'était
02:17Pierrick qui avait fait une liste de réalisateurs possibles, et on était en tête parce qu'il
02:22connaissait nos films.
02:23Et qu'est-ce qui vous attire à ce moment-là dans cet ouvrage ? Parce que j'ai lu que
02:26vous aviez dit qu'a priori la paternité traitée comme un sujet de société, ce n'est
02:30pas pour nous.
02:31A priori, oui, on n'est pas sociologues, non, c'est la manière dont les personnages
02:36étaient traités, on aime beaucoup comment ils avancent à vue, ils ne calculent pas,
02:40ils n'ont pas des projets, et il nous semblait que c'était un réalisme qu'on aime beaucoup
02:45qu'on retrouve, on avance tous à vue dans nos vies, et ce livre touche la manière de
02:53voir les personnages.
02:54Et puis ça se déroule sur 25 ans, donc c'est un roman romanesque, ce qui n'est pas si
03:00évident que ça.
03:01Nous, c'est ce qui nous a plu, c'est-à-dire, nous, au niveau de la forme, on avait fait
03:06une comédie musicale, on avait fait un polar, on avait fait… Et là, le romanesque, vraiment,
03:12ça nous a attirés.
03:13C'est-à-dire les ellipses, 25 ans qui passent, et je pense que l'émotion vient de ça
03:17en réalité dans le film, plus que le sujet de la paternité.
03:21Vous vous aventurez aussi pour la première fois dans le mélodrame, vers le mélodrame.
03:25Oui, du coup, le mélodrame, c'est-à-dire, il y a un attachement et un arrachement, et
03:29tout ça sur 25 ans.
03:30Alors, on ne dira pas la fin, parce que ça finit…
03:32Non.
03:33Et puis, c'est vrai, aussi, il y avait le portrait d'un garçon, d'un homme dont
03:38il était peut-être aussi tendre de le faire apparaître dans les écrans, dans les représentations.
03:43Un peu un anti-héros, si je puis dire, ce personnage incarné par Karim Leclou, parce
03:47que c'est un gentil, qu'on pourrait même qualifier de manière un peu négative, mais
03:52c'est injuste, de passif face à ce qui lui arrive.
03:55Il ne se révolte pas, vous le dites, c'est une histoire d'arrachement, donc il s'est
03:58attaché à cet enfant qui n'est pas le sien, mais dont il est devenu le père, et
04:02on lui arrache cet enfant, et il ne réagit jamais violemment.
04:05Oui, mais vous l'avez dit, comme si la définition du héros, c'était celui qui réagissait
04:10avec violence.
04:11Or, là aussi, je pense, dans nos vies, on passe beaucoup plus de temps à encaisser
04:14des coups, des situations, que de réagir comme la représentation le fait d'ailleurs.
04:20C'est pas dans la vie, heureusement, je pense que...
04:22Oui, on ne réagit pas tous en cassant des assiettes.
04:25Voilà, et ça c'était très intéressant, c'était très bien développé dans le livre.
04:30Après, il fallait l'incarner, et ça c'est la rencontre avec Karim Leclou.
04:34Avec Karim Leclou, qui est bouleversant, qui est vraiment impressionnant de justesse dans
04:36votre film.
04:37Les gentils au cinéma, à Nolaryoi, n'ont pas assez la cote ? Vous voulez les réhabiliter
04:41avec ce film ?
04:42Non, il y a une tradition quand même, surtout dans le cinéma américain.
04:46J'ai pas tous les titres qui me sortent tout de suite, il y a une photo ce matin, mais
04:51non, c'est une vraie tradition.
04:52Mais en général, c'est le personnage qui se fait avoir, mais qui gagne toujours à
04:56la fin.
04:57Puisque le but, c'est que le spectateur s'identifie à quelque chose, et le gentil, en nous, on
05:01l'a.
05:02Après, qu'est-ce que la fiction, qu'est-ce que la dramaturgie lui fait vivre ? Mais on
05:06est capable de s'identifier aussi à des gentils.
05:08Jack Lemmon, c'est Jack Lemmon qui nous vient comme ça.
05:11Il y en a eu, il y en a eu.
05:12On va entendre un petit avant-goût, un tout petit avant-goût extrait de la bande-annonce
05:17du roman de Jim qui sort en salle demain.
05:18Je l'aime beaucoup, tu m'entends ?
05:20T'es gentil.
05:21Qui va s'en occuper de l'oustique ?
05:23Bah, moi, avec celui qui sera là quand il sortira.
05:26Pourquoi t'appelles même non que maman et moi ?
05:28On a décidé de pas faire comme tout le monde.
05:30Bonsoir.
05:31C'est Christophe.
05:32Attention.
05:33Il faut laisser la possibilité à Christophe de faire connaissance avec son fils.
05:36Son fils ?
05:37Il va falloir que j'appelle aussi papa, Christophe ?
05:40Non, t'es obligé à rien.
05:42Allô ?
05:43C'est toi mon vrai papa.
05:47C'est un film très émouvant, mais plutôt réaliste.
05:50En tout cas, plus ancré dans le réel que vos films précédents.
05:54Qui étaient plutôt dans la fiction, voire l'hyper-fiction.
05:57Pourquoi cette fois, vous vous êtes dit, Banco, on tente le coup sur un sujet, on le
06:01disait, un peu sociétal aussi ?
06:03Le livre nous portait ?
06:05C'est vrai que le fait...
06:07C'est comme si l'écrivain nous avait...
06:09Mais ça n'arrive qu'une fois, ça n'arrive pas tout le temps.
06:12On avait l'impression qu'il nous avait passé commande.
06:15Il savait plus que nous que c'était nous.
06:18Non mais sur ce sujet-là...
06:21D'ailleurs, il nous en racontait, il l'a écrit lui parce qu'il en avait assez.
06:25Ses amis lui disaient, on sait bien ce que t'écris, mais on aimerait bien comprendre
06:28un peu tes histoires.
06:29Et c'est comme ça qu'il s'est lancé dans le roman des Jim.
06:32Il nous arrive un peu la même chose en réalité.
06:34On s'est dit, peut-être que là, on va être bien compris.
06:36Rien de mieux qu'une bonne histoire familiale complexe.
06:39Peut-être, mais qui est pleine de nuances.
06:41Encore une fois, c'est un réalisme qu'on aime beaucoup.
06:43Les ouvriers remontent le soir à la montagne.
06:45Ils ne sont pas violents, ils ne sont pas alcooliques.
06:47Ils tombent amoureux de profs qui aiment l'électro.
06:50C'est une espèce de réalité pure.
06:52Et cette douceur, toujours dans le film, douceur aussi des décors.
06:55Je voudrais qu'on dise un mot des paysages du Jura.
06:58Qui sont magnifiques, sublimés dans votre film.
07:00Ça, c'était une évidence pour vous de tourner là où l'écrivain,
07:03lui-même, Pierre-Yves Bailly, avait campé son histoire
07:05dans le Haut-Jura, autour de Saint-Claude.
07:07Oui, tout à fait.
07:09Les premières fois qu'on s'est rencontrés,
07:11évidemment, il pensait qu'on allait délocaliser ça
07:13dans nos Pyrénées.
07:15Entre guillemets, parce que c'est pas du tout nos Pyrénées
07:17et on voyage beaucoup.
07:19Et on lui a dit, non, non, pas du tout.
07:21Ce qui nous intéresse, c'est d'aller dans le Jura,
07:23là où tout ce qui est décrit dans le roman
07:25et tous les premiers repérages, on les a fait avec lui.
07:27C'est-à-dire qu'en réalité,
07:29tout ce qu'on voit, c'est les décors du roman.
07:32Mais peut-être qu'il faut rappeler que la montagne,
07:34plus globalement, dans vos films,
07:36c'est quasiment indispensable
07:38voir un personnage du film.
07:40Les Pyrénées, votre région de Lourdes,
07:42il y a eu les Alpes aussi.
07:44Disons que c'est un paysage
07:46qu'on aime filmer
07:48avec des acteurs au milieu, qu'on délocalise
07:50plus souvent.
07:52Mais il y a aussi une géographie précise
07:54et dans le Jura, justement,
07:56c'est des endroits où il y a eu
07:58une industrie, parce que là,
08:00il y a l'industrie,
08:02mais les gens peuvent faire
08:04des allers-retours entre la montagne,
08:06les usines en bas,
08:08les fermes au milieu.
08:10C'est toute une sociologie particulière
08:12et dont le livre parle très bien.
08:14Vous avez l'habitude de tout faire ensemble.
08:16C'est un peu votre marque de fabrique,
08:18de l'écriture jusqu'à la promo.
08:20Sauf les vacances.
08:22Heureusement, je parlais d'un point de vue professionnel.
08:24On s'est mis à dire
08:26les frères Larrieux, comme on a dit,
08:28les frères Dardenne. Deux frères qui font un film
08:30sur deux paires.
08:32Il n'y a peut-être pas de hasard.
08:36Oui, on a fini par
08:38on dit qu'on
08:40continue à travailler ensemble
08:42parce que précisément,
08:44on n'est plus dans la fusion
08:46fraternelle liée au lien du sang
08:48mais parce qu'on a appris à devenir collègues.
08:50Karim Leclou, il a trouvé ça très mignon
08:52sur le plateau de tournage.
08:54Il l'a dit à des confrères journalistes
08:57que vous mangez ensemble le midi
08:59mais que ce n'était pas du tout excluant pour les autres.
09:01Arnaud Larrieux.
09:03C'est vrai, on est côte à côte.
09:05Parce qu'on a des petits trucs à se dire.
09:07On a parté.
09:09Ça se passe à la cantine.
09:11Votre film, il sort dans un contexte
09:13un peu particulier, au cœur de la torpeur
09:15estivale, juste après les JO.
09:17Est-ce que ça vous fait peur, ce calendrier de sortie ?
09:19Écoutez,
09:21on fait confiance aux gens qui ont décidé de cette date
09:23et qui ont investi de l'argent.
09:25Merci à Pyramid Distribution.
09:27Donc c'est eux qui prennent un risque financier.
09:29C'est eux qui choisissent la date.
09:31Donc on leur fait confiance.
09:33Je pense qu'ils attendent un peu.
09:35Il y a eu la sélection à Cannes,
09:37les premières avant-premières.
09:39Ils attendent de voir comment ça se passe un peu,
09:41comment ça réagit avec le public,
09:43pour vraiment décider la date.
09:45Et là, ils se sont lancés sur le 14 août.
09:47Pour revenir en salle de cinéma,
09:49franchement, je pense
09:51que c'est le bon film.
09:53C'est surtout le bon film.
09:55On rigolait hier soir à l'avant-première,
09:57on se disait quelles seraient les épreuves
09:59de JO dans laquelle
10:01le clou brillerait.
10:03Parce qu'il en passe des épreuves.
10:05Il en passe beaucoup, beaucoup, beaucoup.
10:07C'est l'épreuve de l'échelle.
10:09Et il y a une fameuse épreuve de l'échelle en plein vide.
10:11À la fin du film,
10:13dans une Via Ferrata,
10:15au-dessus d'un lac,
10:17paysage magnifique en effet.
10:19Et il s'en sort plutôt bien.
10:21Mais on n'en dira pas plus.
10:23À propos des JO, je ne sais pas si vous avez suivi ces jeux,
10:25en tant que spectateur.
10:27Quel regard on peut avoir en tant que cinéaste
10:29sur cette quinzaine qui était aussi pleine
10:31d'images fortes, qui étaient très esthétiques.
10:33En termes d'images,
10:35que ce soit la cérémonie d'ouverture,
10:37que ce soit les sites, des jeux.
10:39Est-ce que c'était des jeux artistiques ?
10:41On a une petite remarque,
10:43mais on ne veut pas se mêler.
10:45Les épreuves sportives,
10:47il y a une longue expérience des gens qui les filment.
10:49Il y a toujours des très beaux moments.
10:51Ce qui était plus compliqué,
10:53c'est la cérémonie d'ouverture.
10:55C'est-à-dire la hauteur.
10:57Il a manqué un peu de cinéma
10:59pour filmer ce qui était mis
11:01en scène.
11:03Il y avait une difficulté supplémentaire.
11:05Je pense qu'il aurait fallu peut-être une sorte d'intervenant.
11:07Mais Dieu sait que c'est compliqué.
11:09En même temps, il y avait un mélange des genres
11:11qu'on aime bien.
11:13Après le sport, ce qui est fascinant,
11:15même par rapport au cinéma,
11:17on écrit des scénarios, on fait des découpages.
11:19Des centaines de gens se mettent autour d'un truc.
11:21Le sport, c'est ça.
11:23Il y a des lignes partout.
11:25Il y a des chronomètres de tous les côtés.
11:27Pendant 4 secondes, il se passe de l'inattendu.
11:29Je pense que c'est ça que les gens adorent.
11:31En réalité, on ne sait pas ce qui va se passer.
11:33Il y a des règles gigantesques, mais on ne sait pas ce qui va se passer.
11:35Merci beaucoup à tous les deux.
11:37Le roman de Jim tiré du livre de Pierrick Bailly
11:39est en salle demain.
11:41C'est un film France Inter qu'on vous recommande chaudement
11:43pour revenir au cinéma.
11:45Après, Légio, Arnaud, Jean-Marie Larieux.
11:47Merci à tous les deux.