L'imposition des primes pour les athlètes français médaillés aux Jeux olympiques de Paris suscite une petite polémique dans le sport tricolore et même à l'Assemblée nationale où une proposition de loi pourrait changer les choses. Toutefois, les héros bleus de l'été ne sont pas traités différemment de leurs prédécesseurs et Amélie Oudéa-Castéra n'a pas manqué de le rappeler.
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00:00Avec nous pour en parler, Christophe Lepetit, bonjour, vous êtes économiste du sport et puis Nicolas Pelletier, journaliste RMC Sport.
00:05Alors c'est un sujet qui est même devenu politique parce qu'Olivier Marlex, l'ancien patron des députés Les Républicains,
00:10a dit qu'il allait déposer une proposition de loi pour exonérer les athlètes.
00:14Et tout ça, c'est parti de David Douillet sur RMC, le double champion olympique de judo. Écoutez.
00:21C'est scandaleux. Quand un athlète touche 80 000 euros, vous savez combien de temps il met pour avoir sa breloque ?
00:28Entre 10 et 15 ans. Et c'est plutôt 15.
00:31Si tu étales 80 000 euros sur 15 ans, tu fais le compte, tu verras ce que c'est.
00:35Et en plus tu dois payer des impôts là-dessus, c'est scandaleux.
00:37Pour certains athlètes ici qui sont des pros, qui gagnent beaucoup d'argent pour des trucs,
00:41enfin moi j'en connais, c'est de l'argent de poche, c'est même pas de l'argent de poche.
00:44Et pour d'autres, c'est immense, tu vois, dans des petits sports.
00:48C'est des gros trucs. Donc de fiscaliser ça, moi je trouve que c'est une honte.
00:53Alors on a fait les comptes. Si on étale 80 000 euros sur 15 ans, ça fait à peu près 440 euros par mois.
00:58Il y a d'autres revenus. On va y revenir bien évidemment dans un instant, Nicolas.
01:01Mais d'abord, est-ce que ce coup de gueule de David Douillet, cette incompréhension, elle est partagée par les autres sportifs ?
01:06Non, je ne pense pas qu'actuellement les sportifs pensent à l'imposition de leurs primes pour ces Jeux olympiques.
01:12Ils sont dans leur bulle, ils sont concentrés sur ces Jeux olympiques.
01:15Mais on le voit très régulièrement lors des Jeux olympiques.
01:18Cette question revient pratiquement à toutes les éditions, notamment la Tokyo 2021,
01:24lorsque c'était la première imposition vraiment formelle de cette prime des JO.
01:31La question était aussi revenue dans le débat public.
01:34Donc oui, c'est un débat qui se crée très régulièrement autour de cette question de l'imposition.
01:39Mais les sportifs, pour le moment, ils sont dans une bulle, ils sont en focus sur le sport et ne parlent pas trop d'imposition.
01:46On ne pense pas qu'on t'en manque tout de suite.
01:47On peut parler des montants d'ailleurs de cette prime.
01:49On dit 80 000 euros, c'est le prix d'une médaille d'or.
01:51L'argent, le bronze, c'est moins ?
01:53C'est 40 000 et 20 000 euros. 40 000 euros pour l'argent, 20 000 euros pour le bronze.
01:58Et c'est une augmentation aussi par rapport à Tokyo où c'était 65 000, 25 000 et 15 000 euros à Tokyo en 2021.
02:07Donc voilà, il y a eu une augmentation parce que le ministère des Sports a aussi mis les moyens pour mettre les sportifs français dans les meilleures conditions
02:15dans l'optique de ces jeux à Paris 2024.
02:19Mais il faut aussi penser à l'après, c'est ce qui inquiète le plus les sportifs.
02:21Et c'est la réponse qu'a formulée Amélie Oudéa-Casterat à David Douillet hier, qu'il y a eu effectivement une revalorisation.
02:28Christophe Lepetit, les montants 80 000 euros or, 40 000 argent, 20 000 bronze, concrètement, après un pot, ils touchent combien les athlètes ?
02:36Alors déjà, il y a des dispositifs d'abattement. C'est-à-dire qu'en fait, les sportifs sont des personnes qui touchent de l'argent.
02:42Ils peuvent abattre 10 % de leur revenu au titre de leurs frais réels, comme chacun d'entre nous peut faire, soit des frais réels, soit des frais forfaitaires.
02:49Donc le montant imposable n'est pas celui de 80, 40 et 20 000, mais plutôt 10 % de moins de ce montant-là.
02:56Et donc ensuite, ça va dépendre de leur revenu annuel. En fait, c'est la progressivité de l'impôt.
03:01Donc ça va dépendre de la tranche dans laquelle ils se situent.
03:03C'est difficile de vous répondre très précisément parce que, comme l'a dit David Douillet, il a raison sur un point.
03:07Quand on est un Léon Marchand, un Teddy Riner, on a des revenus qui sont relativement conséquents parce qu'on a beaucoup de sponsors,
03:12parce qu'on a beaucoup d'autres revenus autres que ceux de la prime.
03:15Et on cumule les primes aussi sur le jeu ?
03:16Il se cumule, effectivement. Là où, dans un plus petit sport, du kayak ou de l'escrime, ça peut être le montant principal de sa rémunération.
03:24Donc difficile de répondre précisément. Ça va dépendre de la tranche dans laquelle se situe chacun des sportifs.
03:28Mais c'est vrai que ce que met en lumière cette affaire, et d'ailleurs il en parlait, l'ancien ministre des Sports,
03:32c'est la diversité des sportifs qui participent au jeu. Parce qu'Alexandre Lacazette, par exemple, qui joue avec l'équipe de France de foot,
03:37lui, 80 000 euros, ça lui paye ses chewing-gums.
03:40Oui, mais complètement. En fait, ce phénomène-là n'est pas nouveau.
03:43C'est-à-dire qu'en fait, dans la grande famille des sportifs professionnels et ou de haut niveau, vous avez des diversités extrêmement importantes.
03:49Alexandre Lacazette, footballeur professionnel qui a évolué à l'OL, effectivement, 80 000 euros dans l'année, ce n'est même pas son salaire mensuel.
03:56Donc évidemment que pour lui, c'est de l'argent de poche, comme c'est bien précisé.
03:59Pour d'autres sportifs, c'est un montant qui est très conséquent.
04:02Même si l'État a fait beaucoup d'efforts, ça a été bien rappelé par Nicolas,
04:05il y a 40 000 euros par an qui sont versés aux sportifs cette année pour qu'ils puissent performer.
04:11Donc là, c'est un montant qui se cumule. Mais pour ces sportifs-là, ce sont des sommes qui sont conséquentes.
04:15Et c'est pour ça que les sportifs peuvent aussi étaler ce montant de la prime sur leur imposition sur quatre années
04:19pour éviter d'avoir un pic d'imposition l'année où ils perdent.
04:22Mais cet impôt sur les primes olympiques, il n'a pas toujours existé.
04:25Vous le disiez tout à l'heure, Nicolas, il a été supprimé en 92 et il a été rétabli au JO de 2012.
04:30Progressivement, il a été rétabli à partir de 2010-2012.
04:33On a eu des petits moments de flou sur les JO qu'on suivit en 2012.
04:37Et puis, c'était vraiment formel à partir de 2021.
04:40Et pourquoi on l'a rétabli, cet impôt ?
04:42Alors, en fait, il a été rétabli sous le mandat de David Douillet.
04:47C'est un paradoxe.
04:49Et il y a eu des exonérations pour 2016, effectivement, et les éditions des JO,
04:53parce qu'il y a eu des dispositifs spécifiques dans la loi qui ont permis l'exonération d'imposition pour ces primes.
05:00Il a été rétabli parce qu'à un moment donné, les députés ont considéré que les sportifs de haut niveau
05:04étaient des contribuables comme les autres.
05:06Quand bien même, effectivement, ils doivent consentir beaucoup d'efforts,
05:09beaucoup de sacrifices pour leur carrière, ils restent redevables de l'impôt.
05:11Donc, ça a été rétabli.
05:13C'était le cas pour 2021 à Tokyo.
05:15C'est le cas pour 2024 à Paris.
05:17Et effectivement, ça devient un sujet, parce que la question de fond, c'est
05:20comment doit-on considérer ces primes ?
05:22Comment doit-on considérer les sportifs ?
05:24Est-ce qu'au titre de ce qu'ils font pour la nation,
05:26on voit bien qu'il y a un enjeu de nation,
05:28on pourrait ne pas considérer finalement que ces primes doivent être exonérées ?
05:31Ça, c'est pour les partisans de l'exonération dont fait partie David Douillet.
05:34Et puis d'autres vous nous diront, bah non, effectivement,
05:36on comprend qu'il y a eu cet effort-là,
05:38mais ce montant doit être imposé,
05:40parce que moi, quand je travaille, je suis imposé.
05:42Alors pourquoi ces gens-là, qui travaillent,
05:44c'est pour certains leur profession,
05:46alors d'autres ont des professions annexes, mais pourquoi serait-il imposé ?
05:48Donc en fait, on a un débat un peu philosophique.
05:50Au nom du bonheur qu'il procure.
05:52Exactement, du bonheur, de la place de la France dans son rayonnement.
05:54Donc il y a un petit peu un débat philosophique,
05:56et on voit qu'il va être relancé à l'Assemblée nationale,
05:58puisqu'il y a une proposition de loi qui a été déposée pour en redébattre à nouveau.
06:00David Douillet, c'était sous Nicolas Sarkozy
06:02qui était ministre, j'ai dit une bêtise.
06:04Il faut rappeler que ces athlètes, quand même,
06:06ce n'est pas de la démagogie de le dire, c'est qu'ils sont très aidés par ailleurs.
06:08Il y a des primes, vous parliez des aides financières,
06:10mais ils sont formés à l'INSEP,
06:12ça ne leur coûte pas un rond.
06:14Certains sont embauchés par EDF, sont des militaires.
06:16Ils sont quand même accompagnés, et on ne les laisse pas dans la nature.
06:18Alors, ils sont accompagnés, mais il faut quand même rappeler
06:20qu'ils sont...
06:22Et là, David Douillet a raison, il l'a expérimenté,
06:24c'est d'énormes sacrifices. Ils sont accompagnés parce que
06:26pendant leur préparation, ils s'entraînent 2, 3, 4,
06:285, 6, 10 heures par jour, et donc ils ne peuvent pas
06:30forcément avoir une profession à côté.
06:32Et donc, ils sont accompagnés à travers
06:34des dispositifs. Il y a des contrats, effectivement,
06:36avec EDF, avec l'armée française.
06:38Il y a beaucoup de représentants de l'armée française.
06:40Et donc, ça, c'est pour faciliter finalement
06:42leur performance et leur donner
06:44les conditions favorables à la performance sportive.
06:46Les sportifs de haut niveau,
06:48on met à côté ceux qui vivent très bien, mais c'est une sorte
06:50de pyramide. Ceux qui vivent très bien, c'est le sommet de la pyramide,
06:52ils sont peu nombreux. Il y en a beaucoup qui vivaient,
06:54encore récemment, sous le seuil de pauvreté.
06:56Donc, en fait, ce ne sont pas des sportifs qui gagnent
06:58bien leur vie, contrairement à une image.
07:00Ce ne sont pas des millionnaires. Ce ne sont pas
07:02des gens qui vivent dans l'opulence. Et donc,
07:04ils ont besoin de cet accompagnement-là.
07:06Mais oui, ils sont aidés. Il y a des dispositifs
07:08spécifiques pour Paris 2024, avec des aides
07:10à hauteur de 45 000 euros annuels.
07:12Et c'est plutôt favorable,
07:14parce que ça leur permet de performer. Et donc, ça, c'est positif.
07:16On va donner quand même un chiffre. C'est que, lors des jeux
07:18de Rio, en 2016, il y avait 40 %
07:20de la délégation française qui était sous
07:22le seuil de pauvreté, qui avait des revenus
07:24sous le seuil de pauvreté. Donc, ça montre aussi
07:26que tous les sportifs français ne sont pas
07:28en haut de la pyramide. Ils font
07:30des énormes efforts
07:32pour pouvoir réaliser
07:34leur passion, pouvoir nous procurer
07:36du bonheur à la télévision tous les 4 ans.
07:38Mais il y en a certains aussi qui sont en très grande difficulté.
07:40Et certains s'inquiètent aussi pour la suite.
07:42Parce que le budget est très important avec les jeux
07:44à Paris. On aura les jeux
07:46normalement en 2030
07:48en France, les Jeux d'hiver. Mais il faut voir
07:50si ces investissements vont
07:52rester derrière. Et on ne parle que des médaillés.
07:54Exactement. Et je précise
07:56aussi que ces médailles ne font pas les affaires
07:58des caisses de l'État. Parce que ça
08:00implante un petit budget quand même. L'enveloppe est
08:02prévue à 18,64
08:04millions d'euros. On verra s'il faut
08:06augmenter cette enveloppe. Parce qu'elle
08:08tombe, les médailles, depuis le début de ces Jeux.
08:10Ce n'est pas la charge de la dette.
08:12Merci beaucoup à tous les deux d'avoir été avec nous.