Avec Nicolas Fortin, secrétaire national de la Confédération paysanne, paysan, éleveur de porcs dans la Vienne
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00:00On va parler de la mobilisation anti-bassines dans les Deux-Sèvres et notamment dans la commune de Melle qui accueille jusqu'à demain le village de l'eau.
00:06Et nous sommes en compagnie de Nicolas Fortin, secrétaire national de la Confédération Paysannes et Éleveurs de Port dans la Vienne.
00:13Bonjour Nicolas Fortin.
00:14Bonjour.
00:15Merci d'être avec nous.
00:16Déjà un mot sur ce qui s'est passé hier.
00:19Les opposants aux méga-bassines dans la Vienne ont dû faire demi-tour face à l'incendie déclenché dans un champ par les tirs de grenades lacrymogènes des gendarmes.
00:28C'est au nord-ouest de Poitiers.
00:30Vous qui réclamez un vrai débat démocratique sur le partage de l'eau.
00:34Vous regrettez ce genre de situation, ces rapports de force qui n'en finissent pas ?
00:39Oui, c'est sûr, il faut sortir de ces rapports de force.
00:42Ça fait longtemps que ces problèmes des méga-bassines sont présents chez nous.
00:46Nous, la Confédération Paysannes, ça fait une vingtaine d'années déjà qu'on bataille contre ces projets.
00:51Nous, ce qui nous importe, c'est comment on permet de partager la ressource en eau.
00:56Aujourd'hui, ce que l'on dénonce, c'est un accaparement de l'eau par quelques-uns à travers ces méga-bassines.
01:02Il faut savoir que nous, on défend aussi des paysans, des maraîchers, qui ont du mal à accéder à cette ressource qui est indispensable pour eux.
01:10Sans stigmatisation ?
01:12Oui, bien sûr. La difficulté, c'est qu'il n'y a plus de dialogue.
01:17L'État est bloqué dans une position avec des irrigants.
01:20Là, on a quand même un paquet de rapports scientifiques.
01:23On a des décisions de justice qui démontrent bien que ce n'est pas de la substitution, que c'est bien un accaparement de l'eau,
01:29que certains qui sont raccordés aux bassines vont même arroser plus qu'avant, alors que d'autres, on leur demande de faire des efforts.
01:35Donc, nous, je pense qu'il faut vraiment ré-établir un dialogue sur le terrain pour voir, en fonction de l'eau qui est disponible,
01:41comment on peut la partager au mieux et être le plus efficace.
01:44Mais il faut sortir de ces projets pharaoniques qui, pour nous, sont une maladaptation.
01:49Et dans cette absence de dialogue, pour vous, il y a une responsabilité de la part du gouvernement, des responsables sur les territoires ?
01:56Oui, bien sûr. Il y a une partie de la profession qui, certes, est là-dessus.
02:02Elle dit qu'il faut absolument que ce réserve soit indispensable.
02:05Mais on a aussi l'État qui n'arrête pas de passer en force.
02:08Moi, dans mon département, la Vienne, on a quand même un protocole dit d'accord amiable qui a été validé par le préfet,
02:15sans l'aval de la Chambre d'Agriculture.
02:17Donc la majorité des paysans du département n'étaient pourtant pas favorables.
02:21Les autres ont dit oui, on fait un accord quand même et on continue.
02:25Il y a un certain nombre d'études aussi qui sont contestées par l'État elle-même.
02:29C'est un peu incompréhensible.
02:30Là, il y a des études qui déterminent les volumes qui seront réellement disponibles pour l'agriculture,
02:35et tout le monde les conteste, alors que c'est des études scientifiques.
02:37Alors, on peut toujours contester des études scientifiques, mais sur le fond, on ne va pas les appliquer.
02:42C'est un peu ce qui se passe chez nous.
02:45On sait qu'il y a des problèmes de ressources en eau depuis 1993 dans mon département.
02:49On est en zone généreuse, zone de répartition des eaux.
02:52Il y a des problèmes de ressources énormes.
02:54Donc l'étude scientifique qui vient de sortir a bien validé ça et tout le monde est en train de la contester.
02:59– Vous étiez au village de l'eau, dans la commune de Mel un jeudi, c'est ça ?
03:03– Oui, oui, oui.
03:05– En tant que représentant de la Confédération Paysanne, mais en tant qu'éleveur aussi ?
03:09– Oui, moi je suis un peu moins concerné.
03:11Parce que moi, sur ma ferme, je ne suis pas irrigant, comme la majorité des agriculteurs en France.
03:15Il faut bien savoir que l'agriculture française, elle se fait principalement avec l'eau de pluie.
03:19Mais nous, oui, en tant que syndicat de récolte de la Confédération Paysanne,
03:22on était sur présence au village de l'eau et on défend, on bataille contre ces projets pharaoniques
03:27pour développer un autre modèle d'agriculture.
03:30Alors on pense aussi qu'il va falloir choisir un peu les cultures comme l'on souhaite irriguer.
03:35Il y a des cultures où l'irrigation est indispensable.
03:37Et après, voilà, il y a des systèmes de grandes cultures
03:40où je pense qu'il va falloir diminuer plutôt la consommation d'eau.
03:44On ne peut pas continuer d'un modèle où on dit qu'on va passer au changement climatique
03:49et que la solution serait d'arroser.
03:51On a déjà, avec 12% des surfaces agricoles arrosées, des problèmes de ressources
03:55qui sont énormes pour un certain nombre d'années.
03:57Ce n'est pas le cas cette année, parce que cette année, on a eu énormément de pluie.
04:00Mais là, on sait très bien que ces ouvrages, par exemple,
04:03les porteurs de projets eux-mêmes nous disent que deux années sur dix,
04:07on ne pourra pas les remplir parce qu'il n'y a pas assez d'eau l'hiver.
04:10Et puis ce qu'il faut bien savoir, c'est que le plus souvent,
04:12l'eau, on la prend dans les nappes phréatiques pour les remplir ces ouvrages.
04:15Donc nous, on dit, quel est l'intérêt de pomper dans les nappes phréatiques l'hiver
04:18pour remplir les bassines qu'on va pomper pour l'été, ensuite pour arroser.
04:22Autant pomper directement l'eau dans les nappes bien souvent l'été.
04:27Voilà, si on pompe jusqu'au mois de mars pour remplir ces bassines,
04:30les années où il pleut peu, pas beaucoup, les nappes sont encore plus basses dès le printemps.
04:39Je pense qu'il n'y a pas d'autre bois que d'adapter nos modèles agricoles
04:43contre la ressource qui est présente.
04:45Et le stockage, c'est vrai que ça paraît toujours interdit, on va stocker de l'eau,
04:48mais là, ce n'est pas du stockage dans la mesure où une bonne partie de cette eau
04:52est déstockée dans les nappes phréatiques.
04:54Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est savoir comment on met en oeuvre des pratiques
04:57pour améliorer la recharge des nappes phréatiques.
05:00Nicolas Fartin, qu'attendez-vous du futur nouveau gouvernement
05:04qui un jour ou l'autre se formera par rapport à ce moratoire sur les méga-bassines ?
05:11On attend au moins qu'on crée un moratoire,
05:14pour que l'on puisse continuer à faire des travaux dans cette situation-là.
05:17C'est depuis un an ce qui se fait.
05:19L'été dernier, il y a eu un combat de l'eau avec une demande à l'agence de l'eau
05:23de faire un moratoire et de remettre les projets à plat.
05:27On nous a répondu en envoyant des pelleteuses et en commençant encore des travaux.
05:30Ce qu'on se demande, c'est qu'il y ait un arrêt de ces travaux,
05:33qu'on remette bien les choses à plat et qu'on voit comment on finance les projets,
05:36parce que ça nous semble un peu nous démesurer que ces projets-là
05:39soient présentés par des fonds publics à hauteur de 70%,
05:42alors que derrière, on a une utilisation et une répartition de l'eau
05:45qui est privatisée pour quelques-uns.
05:48Comment on va permettre à des jeunes agriculteurs d'accéder à cette eau ?
05:52Merci beaucoup pour votre témoignage, Nicolas Fartin.
05:55Je rappelle que vous êtes secrétaire nationale de la Confédération paysanne et éleveur de porcs de Rennes-la-Vienne.
06:00Merci, belle journée à vous.