Ce 18 juillet, les députés se sont réunis pour élire le président de l'Assemblée Nationale. Chose exceptionnelle : des ministres ont pris part au vote, puisque démissionnaires et également députés.
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00:00C'est le débat qui fait rage depuis plusieurs jours au Palais-Bourbon et aussi chez les
00:04spécialistes de la Constitution de la Vème République, les 17 ministres également élus
00:08députés avaient-ils le droit de voter pour la présidence de l'Assemblée Nationale.
00:12Ce jeudi 18 juillet, Yael Brown-Pivet a été réélue présidente de l'Assemblée Nationale
00:16avec 220 voix au troisième tour, à peine 13 voix d'écart avec le candidat du Nouveau
00:20Front Populaire, le député communiste André Chassaigne.
00:23La gauche s'est largement indignée de cette situation après le vote en dénonçant une
00:27atteinte à la séparation des pouvoirs.
00:28Il se trouve que siègent 17 ministres d'un gouvernement qui gère les affaires courantes,
00:35députés, et on comprend bien la fébrilité et la fragilité de ce pouvoir qui avait absolument
00:40besoin de ces 17 voix pour pouvoir faire en sorte de battre notre candidature commune.
00:44Et en effet, mathématiquement, sans les votes des 17 ministres, c'est bien André Chassaigne
00:48qui aurait dû l'emporter.
00:49Alors est-ce que tout ça est légal ?
00:50Pour avoir la réponse, il faut se plonger dans l'article LO 153 du Code électoral,
00:55c'est lui qui fait appliquer cette incompatibilité entre mandat de député et fonction de membre
00:58du gouvernement.
00:59L'incompatibilité établie par le dit article 23 entre le mandat de député et les fonctions
01:04de membre du gouvernement prend effet à l'expiration d'un délai de un mois à compter de la nomination
01:08comme membre du gouvernement.
01:09Pendant ce délai, le député membre du gouvernement ne peut prendre part à aucun scrutin et ne
01:13peut percevoir aucune indemnité en tant que parlementaire.
01:16L'incompatibilité ne prend pas effet si le gouvernement est démissionnaire avant
01:19l'expiration du dit délai.
01:21Et là, il y a deux interprétations possibles.
01:23La première, c'est de dire que dès lors que l'article LO 153, en sa dernière phrase,
01:29affirme que l'incompatibilité entre ministre et député ne prend pas effet si le gouvernement
01:35est démissionnaire, eh bien, à ce moment-là, le gouvernement, en tout cas les ministres
01:41qui ont été élus députés, peuvent voter.
01:44La deuxième interprétation est celle qui distingue la question de l'incompatibilité
01:49et celle du droit de vote.
01:51Au traitement, dans cette deuxième interprétation, on considère que le ministre député peut
01:54siéger puisque l'incompatibilité entre les deux fonctions est suspendue, mais que
01:58la deuxième phrase de l'article, « Pendant ce délai, le député membre du gouvernement
02:01ne peut prendre part à aucun scrutin et ne peut percevoir aucune indemnité en tant que
02:05parlementaire », elle s'applique toujours, il s'agit donc d'un député neutre.
02:08Si on suit cette deuxième interprétation, le député nommé ministre ou le ministre
02:14élu député et qui est au sein d'un gouvernement démissionnaire ne peut ni être remplacé
02:19par son suppléant, puisqu'il n'y a pas d'incompatibilité, ni voter à l'Assemblée
02:24nationale.
02:25Bon, puisqu'il n'y a pas de réponse définitive, est-ce que l'opposition a des voies de recours
02:28pour contester et faire annuler cette élection ?
02:30Non.
02:31Disons-le très franchement, cela paraît très peu vraisemblable.
02:37En fait, le Conseil constitutionnel a déjà été saisi au sujet des députés ministres
02:41en 1986 et s'était déclaré incompétent pour statuer.
02:44La situation s'est produite deux ans plus tard, après la dissolution de l'Assemblée
02:47nationale par François Mitterrand, des ministres démissionnaires comme Michel Rocard ont
02:51pu voter pour la présidence de l'Assemblée avant de retrouver leur fonction quelques
02:54semaines plus tard.
02:55Le problème est que le Code électoral ne confère une telle compétence au Conseil
03:01constitutionnel que dans une myriade de cas où sont en cause des fonctions potentiellement
03:07incompatibles avec celles de députés ou sénateurs.
03:09Mais en revanche, pour ce qui concerne de l'incompatibilité ministre-député, rien
03:16en principe dans le Code électoral en l'état actuel du droit n'habilite le Conseil constitutionnel
03:22à se prononcer sur cette question.