Au lendemain de la publication de la lettre d'Emmanuel Macron dans la presse quotidienne régionale, Gilles Le Gendre, ancien député Renaissance à Paris et soutien historique du Président était l'invité du Live Switek ce jeudi 11 juillet.
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00:00– Gilles Le Gendre, vous avez les mêmes échos ?
00:02– Non, parce que je ne m'y intéresse pas, mais le fleur-et-lèche est impressionnant.
00:05– Qu'est-ce qui vous impressionne là-dedans ?
00:07Attends, je vais vous soumettre deux choses,
00:09vous allez me dire si ça ressemble notamment à l'Emmanuel Macron
00:12que vous avez connu, que vous avez soutenu dès le début,
00:15vous êtes un des historiques à l'avoir soutenu,
00:17quand il y a cette députée qui dit
00:19« je ne crois pas que le Président donne un gouvernement avant les JO
00:21parce qu'il lui faut déjà 6 mois pour choisir la couleur de sa cravate ».
00:25– Bon, c'est une ironie gratuite,
00:27je pense que la situation est suffisamment grave
00:29pour constituer la discussion à un tout autre niveau.
00:34La vérité c'est que la vraie question pour le Président de la République,
00:39que trahit la lettre d'hier,
00:41c'est de savoir si le dynamiteur peut être le reconstructeur,
00:45c'est la seule question.
00:47En d'autres termes, savoir si la crise politique
00:51dans laquelle les pays sont plongés
00:53en raison de cette décision insensée de dissolution,
00:58risque de tourner en crise de régime.
01:01– Je prends les choses dans l'ordre, vous dites, c'est lui le dynamiteur,
01:04qui a tout fait exploser.
01:05– Évidemment, la décision de la dissolution
01:09a entraîné des réactions en chaîne dont on n'a pas encore vu le terme,
01:15ça n'est pas terminé.
01:18Et donc la vraie question c'est de savoir si on trouve une résolution,
01:22le Président dit « c'est la coalition, la coalition hors les extrêmes ».
01:26J'ai écouté votre plateau à l'instant, on entend ça aussi partout,
01:30cette coalition a une chance pratiquement nulle de se réaliser.
01:34La seule coalition qui existe aujourd'hui,
01:36c'est une coalition contre le Président de la République.
01:39Et c'est de cette situation-là qu'il doit réussir à sortir
01:44et rien n'indique que ce sera le cas.
01:47– Mais quand vous dites que la coalition,
01:48qu'il appelle de ses voeux hier dans cette lettre,
01:50des forces républicaines comme il dit,
01:52vous dites que ses chances de réussite sont quasi nulles.
01:55Est-ce qu'il le sait Emmanuel Macron en écrivant cette lettre ?
01:58– Je n'en sais rien, je ne l'accuserai pas de duplicité.
02:01Je pense qu'il gagne du temps et qu'il prend date.
02:06Il bâtit le schéma idéal auquel tout le monde peut souscrire, moi le premier.
02:10J'ai plaidé depuis 3-4 ans quand le même Président de la République
02:14était dans un déni absolu sur la gravité de la crise démocratique
02:18que le pays traversait.
02:20Souvenez-vous de la polémique avec Laurent Berger au moment des retraites.
02:23Non, il n'y a pas de crise démocratique, disait le Président.
02:26Si, il y en a une, disait Laurent Berger.
02:29On voit aujourd'hui que la crise à laquelle nous assistons,
02:32c'est un produit de cette crise démocratique,
02:34c'est une nouvelle étape de cette crise démocratique.
02:36Donc évidemment, l'union large serait nécessaire.
02:41Simplement, la crise est si grave que je ne vois pas
02:44comment nous puissions la construire, j'allais dire, dans le cadre habituel.
02:49– Mais est-ce que, vous posez la question,
02:52est-ce que le dynamiteur peut être le reconstructeur ?
02:54Qu'est-ce que vous répondez à cette question-là ?
02:56– Je l'espère encore.
02:58Ce qui est certain, c'est qu'il ne peut plus être l'inspirateur des politiques.
03:02La macronie est terminée, le macronisme c'est fini.
03:06En tant que force de transformation du pays,
03:09dans le cadre d'un programme cohérent, c'est terminé.
03:12– C'est-à-dire la promesse de 2017.
03:14– La promesse de 2017.
03:15De même, le dépassement politique,
03:18qui était quelque chose avec lequel nous adhérions avec enthousiasme,
03:22c'est terminé aussi, puisqu'on voit que le corps central,
03:24qui est maintenant restreint, est enfermé dans deux mâchoires,
03:28la mâchoire d'extrême droite d'un côté,
03:30la mâchoire d'une gauche, dominée par l'extrême gauche, de l'autre.
03:33Et à l'intérieur de ce bloc central, nous voyons point des divisions radicales
03:39qui se font précisément sur la restauration du clivage droite-gauche.
03:42– Mais qui a tué la macronie, Emmanuel Macron lui-même ?
03:45– Ce sont les événements, c'est une manière de gouverner,
03:49c'est un flou politique, c'est une dérive politique.
03:53Le « en même temps » qui a fait se gausser beaucoup de personnes,
03:56peut-être vous-même à l'occasion, et parfois nous-mêmes de temps en temps,
04:00cette idée forte du dépassement, nous l'avons abandonné.
04:03Depuis 2022, ça se déglingue.
04:07Et le président est resté sourd à tous ceux,
04:11j'en ai été très modestement un d'entre eux,
04:14qui le mettaient en garde contre le fait que cette dérive,
04:18cet abandon des idéaux initiaux,
04:21était en train de créer une situation intenable dans le pays.
04:24– Attendez, je veux voir la scène, vous, Gilles Le Gendre,
04:26vous envoyez un message, vous allez voir le président pour lui dire ça,
04:28qu'est-ce qu'il vous dit le président de la République ?
04:30Pour vous dire en gros, je ne sais pas si vous vous voyez ou vous tutoyez,
04:32mais tu as abandonné l'idée de départ, le « en même temps »,
04:36le droite et la gauche, avoir un point d'équilibre.
04:38– C'était le 4 septembre dernier, à 19h30,
04:40dans le bureau du président de la République à l'Élysée.
04:42– Qu'est-ce qu'il vous dit ?
04:43– Il m'écoute déjà, et ça c'est une grande qualité du président,
04:46il faut le reconnaître.
04:47– Qu'est-ce qu'il en fait derrière ?
04:48– Manifestement, il n'en a rien fait,
04:49mais je n'ai pas l'outrecuidance de penser
04:52qu'il était obligé d'en faire quoi que ce soit.
04:54J'étais un modeste député, ayant exercé des fonctions importantes
04:59dans le premier mandat, en président le groupe majoritaire,
05:02mais je lui dis, tout ce que je viens de vous dire,
05:04je le lui dis, mais je ne suis pas le seul.
05:06– Mais il vous dit quoi, lui ?
05:08– Il écoute, il écoute, je lui dis notamment qu'il y a une urgence absolue
05:13pour stopper cette crise démocratique,
05:15c'est de s'intéresser à ce qui crée l'impuissance publique,
05:20l'impuissance publique qui nourrit notamment les extrêmes,
05:23parce que les Français ne se retrouvent pas dans la manière d'être gouvernés.
05:28Et je lui dis qu'il y a deux grands chapitres,
05:30ce sont les institutions, la réforme de l'État,
05:34et que ça c'est la règle du jeu,
05:36c'est ce qui fait qu'on arrivera peut-être à vivre ensemble.
05:39Ensuite, qu'il y ait entre les partis politiques
05:42des divergences majeures sur le contenu des politiques,
05:45tant mieux, c'est la démocratie, mais aujourd'hui ce qui est grave,
05:48c'est que la règle du jeu est contestée et ne fonctionne plus,
05:52comme on en a l'illustration, depuis 15 jours.
05:54– Mais alors qu'est-ce qu'il doit faire, il doit partir ?
05:57– Je pense que s'il y avait une chance sur mille de réussir cette coalition,
06:04ce serait précisément de la réunir sur ce sujet,
06:08les institutions et la réforme de l'État, c'est-à-dire la règle du jeu.
06:13Le président de la FIFA réunit les fédérations nationales
06:18pour réviser les règles des matchs de football,
06:21et après les équipes reprendront leurs droits
06:24et continueront de se discuter les titres.
06:25– Je vous repose la question, est-ce que vous avez en tête,
06:29puisque vous nous disiez tout à l'heure, et je veux qu'on s'arrête là-dessus,
06:32en gros c'est que le début de la crise, d'une certaine manière,
06:34et on n'a rien vu, vous nous avez dit on n'a rien vu pour l'instant.
06:36– C'est ce que je pense, c'est ce que je crains.
06:37– Est-ce que la suite, ça peut être la démission d'Emmanuel Macron ?
06:42– C'est une hypothèse que je ne veux pas évoquer,
06:45parce que l'évoquer, c'est déjà contribuer à la provoquer.
06:48Mais c'est une hypothèse, factuellement c'est une hypothèse.
06:51Ce qui est certain, c'est que la manière dont s'engagent les choses
06:55à la suite des élections législatives des deux derniers dimanches,
06:58ne laisse aucun espoir d'une résolution solide, durable.
07:03D'ailleurs, vous entendez les responsables,
07:06ils ne s'inscrivent que dans un calendrier d'un an.
07:09Ça veut dire que pendant un an, au mieux on va faire semblant,
07:13mais ça ne tiendra pas, ça ne tiendra pas.
07:16Les trois blocs sont trop proches numériquement,
07:19sont traversés de trop d'opposition, et je ne cite même pas un facteur
07:24qui est malheureusement plus humain que politique,
07:27mais qui est tellement envahissant et visible qu'il en devient politique,
07:32c'est la détestation entre les individus,
07:35entre les personnes qui empêchent les incarnations,
07:39des incarnations fortes et responsables.
07:42– Là vous parlez des responsables politiques ?
07:44– Oui.
07:44– C'est de la détestation pour vous ?
07:45– Mais pour beaucoup d'entre eux, c'est ça qui guide les batailles.
07:49Je le vois dans mon ancienne famille politique,
07:52c'est absolument clair, les compétitions, ça y est,
07:54le pays est ingouvernable et vous assistez déjà par exemple
08:00à une compétition entre M. Darmanin et M. Attal,
08:02et vous pensez que c'est ça que les Français attendent ?
08:05Des responsables politiques ?
08:06– Il y a de la détestation entre ces deux-là ? Vous qui les connaissez bien ?
08:08– Je dis qu'il y a une compétition qui n'aurait pas lieu d'être.
08:11Je vois aussi les polémiques, je vois aussi…
08:14On est dans une situation où le système s'est tellement délité au fil des ans
08:20qu'il faut invoquer des données qui ne sont pas premièrement politiques,
08:24qui sont liées à l'éthique, à la morale, aux comportements,
08:28qui viennent en plus compliquer les choses.
08:30Je pense au dîner fin avec les responsables politiques et Mme Le Pen.
08:39Tout ça dénote une perte de repère, une perte d'éthique
08:44qui finit par entacher même le fonctionnement politique normal.
08:49– Gilles Le Gendre, vous disiez tout à l'heure,
08:51on est dans une crise politique et ça n'est pas terminé.
08:54Qu'est-ce qu'il y a après une crise politique ?
08:55– C'est la crise de régime, c'est-à-dire le pays clairement ingouvernable,
09:00bloqué, avec en plus le fait que là nous raisonnons en vase clos.
09:04Les politiques, les médias, j'en suis, vous en êtes,
09:07mais il y a un pays, il y a un pays qui vit, qui réagit, qui peut se révolter,
09:12soit légalement, on l'a vu à travers le vote massif pour les extrêmes au premier tour,
09:19mais qui aujourd'hui continue d'exister, continue de suivre le spectacle
09:24et se pose des questions en se disant mais ils sont devenus fous,
09:27ils sont devenus fous, ceux qui écoutent BFM et qui sont du coup très bien informés,
09:32se disent mais où est-on ? Où est notre pays ? Où est l'ambition ? Où est la vision ?
09:37– Vous êtes tout seul à penser ça, Gilles Le Gendre ?
09:39– Mais bien sûr que non, je ne suis pas tout seul,
09:41il y a beaucoup de gens, y compris dans ce que vous appeliez,
09:44ce que je prends comme un compliment, les macronistes historiques, bien sûr,
09:48certains se sont exprimés au moment des questions de désistement,
09:51je pense à mon ami Philippe Grandjon à l'époque, mais d'autres aussi,
09:55mais enfin le système est tellement verrouillé qu'il faut en être chassé,
09:59comme ça a été mon cas, pour pouvoir évidemment parler avec son cœur.
10:04– Précisément Gilles Le Gendre…
10:05– Ce que je dis c'est que je n'ai pas attendu d'être chassé pour le faire.
10:07– Et c'est pour ça que vous avez été chassé ?
10:09– Et c'est pour ça que j'ai été chassé.
10:10– En gros vous l'avez ouvert, vous avez parlé notamment sur la loi immigration
10:16me semble-t-il, dans mes souvenirs.
10:17– Oui mais ça en était plusieurs, le vrai sujet c'était la dérive.
10:22– Précisément, certains vont dire, oui mais Gilles Le Gendre,
10:25c'est la rancœur qui le fait parler, d'avoir été banni.
10:27– Non, alors ceux qui me connaissent savent que c'est un sentiment
10:30qui m'est totalement étranger, et ça serait exact si tout d'un coup
10:35je tenais ce discours, ça fait, dès que j'ai quitté la présidence du groupe
10:39en 2020, j'ai commencé à travailler là-dessus, j'ai créé une amicale,
10:43un cercle de réflexion avec 60 personnes, dont un certain nombre d'élus,
10:48sur la question démocratique, je pense que c'est la question centrale,
10:52c'est en ça que je me sens des accointances particulières,
10:55et pas sur tous les sujets, avec un homme comme Laurent Berger par exemple,
10:58avec lequel nous avons échangé beaucoup sur ces questions-là.
11:01Tant que nous ne résoudrons pas cette question, nous irons de crise en crise,
11:05et les crises étant de plus en plus graves, jusqu'à la crise finale
11:08qui consistera à placer Mme Le Pen à l'Élysée en 2027 ou avant.
11:15– Si on vous accorde 30 secondes face au Président de la République aujourd'hui,
11:19qu'est-ce que vous lui dites ?
11:21– Je lui dis, M. le Président, avec tout le respect que j'ai pour vous,
11:24vous devez créer, vous devez essayer de créer cette coalition,
11:29mais donner lui un objet identifié, moins vague que les 5 textes de chapitre
11:35qui figurent dans votre lettre, créer une dramatisation politique,
11:41comme on en a eu en 45, comme on en a eu en 58,
11:45un vrai Conseil national de la refondation,
11:47et pas le gadget auquel on a assisté après 2022,
11:51en réunissant les forces politiques pendant une durée déterminée,
11:54quelques mois, pour remettre à plat les institutions et réformer l'État.
11:59Vous n'arriverez à rien tant que cette réforme-là n'aura pas eu lieu.
12:03– Vous parlez plusieurs reprises dans cet interview
12:05des institutions de remettre à plat les choses, etc.
12:07Quand on écoute les Français, vous parlez du pouvoir d'achat notamment ?
12:09– Oui, mais ce que les Français ont parfaitement compris,
12:14c'est que le pouvoir d'achat qui ne va pas, les services publics qui ne vont pas,
12:17l'école, l'armée, la santé, etc.,
12:21c'est précisément parce que ça ne fonctionne plus.
12:23Et puis par ailleurs, nous avons démontré,
12:26à l'occasion de ces élections législatives,
12:28que les institutions démocratiques,
12:30appliquées avec un scrupule absolu dans la légalité absolue,
12:33que je ne conteste pas, ne fonctionnaient pas.
12:35C'est-à-dire qu'on a eu une figure de fin d'assemblée
12:41qui ne ressemble en rien à ce qu'était la volonté initiale des électeurs
12:45lors du premier tour.
12:45Donc il faut évidemment décider très vite la proportionnelle, très vite.
12:50– Gilles Le Gendre, certains parmi les macronistes historiques disent
12:54« je ne le comprends plus Emmanuel Macron,
12:56je ne comprends plus comment il résonne, il a perdu la tête,
12:58je ne comprends plus comment il fonctionne ».
13:00Est-ce que vous dites la même chose ?
13:05– La question doit être évidemment posée pour nous.
13:08Vous savez, il avait fait naître un rêve exceptionnel.
13:12On a tout abandonné pour le suivre.
13:15On avait tous, notamment les personnes un peu âgées comme je l'étais,
13:18on avait tous des métiers, on avait tous des activités.
13:21On est partis, mais au combat.
13:23Alors parfois, ça pouvait passer pour de l'arrogance de notre part,
13:27ou un excès d'assurance,
13:29mais c'était surtout un espoir et un enthousiasme exceptionnels.
13:34Et de voir comment, au bout de sept ans, le rêve se fracasse,
13:39mais c'est d'abord une immense tristesse, une immense tristesse.
13:44Et ensuite, un examen de conscience.
13:47Comment avons-nous pu autant nous tromper ?
13:50– Vous lui en voulez ?
13:51– Non, mais non, parce que ça c'est de l'énergie perdue.
13:54On a un pays à redresser encore.
13:56Il faut y aller, il faut y arriver.
13:59Et chacun doit porter sa pierre.
14:00Je mets au débat, comme je l'ai fait avec le président lui-même
14:03et dans de nombreuses prises de parole publiques depuis 3-4 ans,
14:07cette notion de…
14:08On est dans une période avec des événements qui n'ont strictement rien à voir.
14:12Ça n'est ni la guerre, ni la décolonisation.
14:15Mais on est dans un moment aussi critique pour le pays
14:19que l'étaient 1945 et 1958.