C. Tenier, Biomin : « L’idéal est d’analyser au moment de l’ensilage »

  • il y a 3 mois
Mycotoxines de champs

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00:00Bonjour, nous allons tout de suite parler mycotoxines enruminants, donc mycotoxines,
00:17un facteur limitant de l'alimentation et de la production des vaches laitières, notamment.
00:21Pour cela, je suis en compagnie de Christian Autonier. Christian Autonier, bonjour.
00:25Bonjour. Vous êtes donc directeur de Biomine France, qui est une entreprise installée au Zoopole de Ploufragance, à Meurilleu,
00:33qui est connue pour la recherche en mycotoxines, notamment. Les mycotoxines, alors rapidement, en quelques mots, qu'est-ce que c'est ?
00:40On sait qu'il y en a des centaines. C'est un peu comme si on parlait des bactéries aujourd'hui. Qu'est-ce qu'une mycotoxine ?
00:47De façon générale, effectivement, une mycotoxine, c'est une toxine produite par un champignon.
00:53Il est important, effectivement, de préciser certains éléments concernant ces toxiques. Pour faire simple et rester synthétique,
01:03je crois qu'il est important de prendre en considération le lieu de production de ces mycotoxines.
01:09Alors, dans notre région et dans notre pays, la majorité des mycotoxines que l'on rencontre et qui nous posent problème en élevage sont des mycotoxines produites au champ.
01:19C'est-à-dire, dans la culture de la céréale, il y a des conditions climatiques favorables au développement de ces champignons.
01:27Champignons qui vont produire ces mycotoxines dites de champ. En particulier, donc, certaines pratiques culturales,
01:34mais surtout les conditions climatiques au moment de la floraison.
01:38Plutôt céréales à paille ? Plutôt maïs ?
01:43Les deux. En fait, les mycotoxines concernent toutes les matières premières d'origine végétale.
01:49Donc, concrètement, lorsqu'on parle d'alimentation de la vache laitière, on va s'intéresser tout particulièrement au maïs et au maïs plante entière.
01:59Les mycotoxines majeurs que nous allons rencontrer sont des fusariotoxines, particulièrement les trichotécènes et la zéharalénone.
02:07D'accord. Donc, qui sont typiquement des mycotoxines de champ, donc liées à la culture.
02:12Il y a des facteurs que les éleveurs doivent savoir de pratiques culturales qui sont plutôt favorables ?
02:18Oui. On sait aujourd'hui que le semis sans la bourre, l'absence de rotation ou les rotations maïs-maïs ou maïs-blé sont des pratiques à risque.
02:27Il faut les intégrer. D'accord. Et du coup, il faut les analyser, ces mycotoxines.
02:34Quand est-ce qu'il faut le faire ? Est-ce que c'est au moment dans le champ, dans la culture, au silo, dans la ration ?
02:42Quel est le moment le plus favorable pour savoir s'il y a des mycotoxines ?
02:47Une fois qu'on a intégré la notion de mycotoxines de champ, il faut aussi bien intégrer le fait que ce n'est pas le mode de conservation du maïs,
02:55c'est-à-dire l'ensilage, qui est responsable de la présence de mycotoxines.
03:00Ce qui veut dire que j'encourage l'analyse du maïs avant la conception du silo, de manière à faire de la vraie prévention.
03:11C'est-à-dire que lors de la conception du silo, vous prélevez dans chacune des remorques un échantillon de maïs.
03:18Vous réalisez un échantillon commun à la fin de la journée que vous envoyez au laboratoire.
03:22Et vous l'envoyez dans un laboratoire spécialisé dans la recherche des mycotoxines.
03:27Car ce qu'il faut comprendre, c'est que dans une matcha première, quelle qu'elle soit, vous n'avez rarement qu'une seule mycotoxine.
03:33Mais bien souvent, vous en avez plusieurs. D'où le terme de multi-contamination.
03:37Et cette multi-contamination va vous donner le réel pouvoir toxique de l'aliment.
03:43Une analyse mycotoxine, ça coûte combien à peu près ?
03:46Une analyse mycotoxine de type multirésidu, pratiquée par certains laboratoires dans la région, il faut compter environ 160€.
03:55Où là, vous avez un screening automatique d'une quarantaine de mycos.
03:59Mais en pratique, vous retrouvez toujours les 6-7-8 mycotoxines que je qualifiais tout à l'heure de mycotoxines de champ.
04:06Echothécène, zéralénone, voire des traces de fumonisine.
04:09D'accord. Et quand est-ce qu'un éleveur peut soupçonner un risque mycotoxine ? Quels sont les effets cliniques ou subcliniques de ces mycos ?
04:17Déjà, bien comprendre que ce qui nous intéresse, nous, c'est la gestion des mycotoxines qui ont des effets économiques.
04:26Qui ont des effets néfastes sur la performance zootechnique, technique et économique de l'élevage.
04:32Il ne s'agit pas de mettre en évidence des cas d'école avec mortalité des animaux ou avec des symptômes très spécifiques.
04:38Non, c'est de nous arrêter sur les effets subcliniques des consommations chroniques de mycotoxines.
04:43En pratique, malheureusement, aujourd'hui, on nous appelle plus pour gérer une situation délicate.
04:50Le classique, ce sont les baises de conso avec une baisse de production.
04:54C'est les vaches amamides, c'est les vaches à cellules.
04:56Baisse de production, c'est souvent de l'ordre de combien de kilos ?
04:59Généralement, le classique, c'est 3-4 kilos de lait.
05:01Après l'ouverture d'un nouveau maïs, après des choses comme ça ?
05:04Le problème aujourd'hui, c'est que bien souvent, on a mené une enquête auprès de nos clients.
05:08Malheureusement, ils réagissent en moyenne 6 mois après le début des premiers problèmes.
05:15Ce n'est pas ce qu'on soupçonne en premier.
05:17C'est-à-dire que dans le milieu, ça évolue.
05:22Mais jusqu'à présent, l'intégration du risque mycotoxines n'était pas encore acquis.
05:28Ce que je demande, c'est que lors de problèmes d'élevage,
05:32qu'on intègre le risque mycotoxines au même titre que d'autres facteurs limitants
05:37et qu'on n'attende pas des mois avant de se dire que c'est peut-être les mycotoxines.
05:41Généralement, la situation est déjà bien délicate.
05:45Ce sont des toxines, donc elles s'attaquent au foie.
05:51Mais est-ce que le rumen ne les dégraderait pas un peu ?
05:54On sait qu'en port, ça pose des gros problèmes d'avortement.
05:59Est-ce que le polygastrique n'est pas un peu mieux protégé ?
06:04Jusqu'à présent, on pensait que le rumen était un filtre parfait.
06:09Or, nos équipes de R&D l'ont prouvé, ainsi que d'autres équipes internationales.
06:15On sait aujourd'hui que le rumen n'est absolument pas le filtre parfait décrit dans la bibliothèque.
06:20Un exemple concret.
06:22L'azéralénone est dégradé à 90% dans le rumen.
06:25A priori, c'est parfait.
06:26Sauf que le produit issu de cette dégradation, les métabolites,
06:29sont plus oestrogéniques que la mycotoxine mère.
06:32On sait que l'azéralénone a des effets sur la reproduction
06:35parce qu'elle a des effets oestrogéniques.
06:37Si le métabolite produit par la dégradation de l'azéralénone est plus oestrogénique,
06:41le rumen amplifie le problème.
06:43D'accord.
06:45Autre exemple.
06:46Prenons les mycotoxines majeurs, comme les trichotécènes,
06:49et en particulier le fimbedone.
06:51Il est dégradé au maximum à hauteur de 30% par le rumen.
06:54Ce qui veut dire qu'il en reste 70% que l'on retrouve dans l'intestin,
06:57comme chez le mondogastrique, comme chez le porc.
07:00Donc, le rumen n'est absolument pas le filtre parfait.
07:03D'accord.
07:04Après, ça se stocke dans le foie.
07:07Il y a moyen d'éviter,
07:10de capter ces mycotoxines, de les transformer ?
07:13Comment vous, chez Biomine,
07:16quels sont vos travaux de recherche là-dessus ?
07:19À partir du moment où vous vous considérez expert dans le domaine des mycotoxines
07:24et que vous souhaitez concevoir un antidote,
07:27ça nécessite de votre part une connaissance parfaite
07:31des mycotoxines et de leur structure chimique.
07:34Parce que de la structure chimique va dépendre des propriétés physiques,
07:37mais également des propriétés de toxicologie.
07:40Donc, on sait aujourd'hui qu'on doit adapter la stratégie
07:44selon le type de mycotoxines que l'on rencontre.
07:47La mycotoxine la plus connue, la plus ancienne,
07:50ce sont les aflatoxines.
07:52Or, les aflatoxines, ce ne sont pas des mycotoxines
07:55que l'on rencontre dans notre pays.
07:58Ce sont des mycotoxines de pays tropicaux, subtropicaux.
08:01Or, aujourd'hui, on sait que des stratégies comme l'absorption,
08:05il s'agit en fait d'utiliser des matières premières
08:08comme des argiles ou des parois de levure
08:11pour capter l'aflatoxine.
08:14D'accord. Donc, ils vont se fixer sur l'argile
08:16et puis après s'écouler dans le rumen...
08:18Et dans les bouses.
08:20Cette stratégie de l'absorption, on sait aujourd'hui
08:23qu'elle n'est adaptée qu'aux mycotoxines
08:26comme les aflatoxines ou bien les alkaloïdes,
08:28mais qui ne sont pas les mycotoxines majeurs que l'on rencontre.
08:31D'où l'importance de l'analyse.
08:33Ce que vous allez rencontrer, ce sont des tricotécènes,
08:36voire des tracéphémonisines.
08:37Et ce type de mycotoxines, vous ne pouvez pas les fixer,
08:40vous ne pouvez pas les capter.
08:41Vous devez mettre en place d'autres stratégies.
08:43Et c'est là que l'expertise de biomine intervient.
08:46D'accord. Et donc, ces autres stratégies, c'est quoi ?
08:50L'autre stratégie, c'est la biotransformation.
08:53C'est-à-dire que vous allez modifier la structure chimique
08:55de la mycomère de manière à produire un métabolite non toxique.
09:00Exemple des tricotécènes.
09:02Nous allons modifier la structure chimique du tricotécène
09:06avec une enzyme, l'époxidase,
09:08qui va nous permettre d'obtenir un métabolite
09:10qui, lui, n'est plus toxique.
09:12On élimine donc la toxicité de la mycotoxine
09:14avec une enzyme spécifique à chaque mycotoxine.
09:17Une enzyme, ça veut dire que vous mettez carrément une enzyme
09:20dans l'alimentation ?
09:21Schématiquement, c'est ça.
09:22Schématiquement, c'est plus complexe.
09:24Mais si on veut faire simple, effectivement,
09:26c'est-à-dire qu'on va gérer le risque tricotécène
09:28avec une enzyme spécifique
09:30qui va donc agir sur la mycotoxine.
09:32Concernant la zéralénone,
09:34on va travailler avec un autre type d'enzyme.
09:36D'accord.
09:37Cette enzyme, elle est produite par une bactérie, j'imagine ?
09:40Là, vous faites allusion
09:42au dernier avis positif de l'autorité européenne
09:47que nous avons obtenu concernant, effectivement, la BBSH.
09:50La BBSH est une bactérie issue du rumen, justement,
09:54qui a une particularité,
09:55c'est que la bactérie produit naturellement l'époxidase,
09:58cette fameuse enzyme,
09:59qui va permettre d'éliminer la toxicité des tricotécènes.
10:03Exemple, le donne,
10:04le fameux donne étant un tricotécène du type B.
10:07Lorsque vous avez, je dirais,
10:09ce passage devant l'autorité européenne,
10:12ça sous-entend que votre produit,
10:14non seulement est efficace,
10:16mais qu'il est également sûr.
10:17Puisqu'à partir du moment où vous produisez un métabolite,
10:19vous devez bien prouver que le métabolite
10:21n'est pas plus toxique que la mycomère,
10:23et surtout que dans le domaine enzymatique,
10:25qu'il n'y a pas d'effet secondaire sur l'animal.
10:27C'est tout l'intérêt d'être passé devant l'autorité européenne.
10:32Aujourd'hui, nous sommes les seuls au niveau de l'Europe
10:34à avoir cet avis positif.
10:36Très bien.
10:37Merci, M. Tenier.
10:39Bon vent à vous et à Biomin.
10:41Merci de m'avoir donné l'opportunité
10:43d'évoquer le sujet mycotoxines en ruminant
10:45et en vache des tiers en particulier.
10:47Est-ce que c'est un facteur où il faut être tout le temps à l'œil
10:51ou c'est secondaire ?
10:53Non, je crois que ça fait partie, pour moi,
10:55de la nutrition de la vache des tiers aujourd'hui.
10:57Si vous voulez en savoir plus,
10:59nous sommes présents sur l'espace Hall 9 à l'Ebay.
11:01Très bien. Merci. Au revoir.

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