Édouard Leclerc, l'épicier de la République

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Le documentaire "Édouard Leclerc, l'épicier de la République" sorti en 2013 retrace la vie et la carrière d'Édouard Leclerc, fondateur de l'enseigne de grande distribution E.Leclerc. Voici les principaux points à retenir :

Le film explore le parcours d'Édouard Leclerc, de ses débuts modestes jusqu'à la création de son empire commercial.
Édouard Leclerc est présenté comme un entrepreneur visionnaire qui a révolutionné le commerce de détail en France.
Transcript
00:00C'est ce qu'il y a de plus important dans l'histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'Histoire de l'H
00:30Le 17 septembre 2012, Landerneau, petite ville paisible de Bretagne, enterre l'un des siens,
00:54Édouard Leclerc, le fondateur des magasins du même nom, l'inventeur de la grande distribution.
01:01Parti de Landerneau, Édouard Leclerc a conquis la France et changé la vie des Français.
01:07Alors, par centaines, des directeurs d'hypermarchés, des cadres des grandes enseignes sont venus saluer une dernière fois ce parrain qui a fait leur fortune.
01:18Édouard Leclerc mélange de bon sens et de générosité a jeté les bases d'un système exceptionnel, l'oeuvre d'un humaniste.
01:31La mairie a vu grand. Elle attend 1500 personnes au moins. Pour tous ceux qui ne pourraient pas rentrer dans l'église, elle a même prévu des haut-parleurs.
01:40Mais, étrangement, les Landernéens boutent la cérémonie.
01:48Comment un homme de sa stature peut-il susciter aussi peu de compassion chez les siens ? Si peu d'allégeance, même posthume, si peu de curiosité ?
01:58L'épicier de Landerneau, comme on le surnomme ailleurs, serait-il sur ces terres une célébrité encombrante ?
02:07Non, moi, je ne veux pas. Non, je ne veux rien dire. J'habite à Landerneau, quand même. Je ne veux pas m'attaquer à Édouard Leclerc.
02:15On m'a déconseillé. Alors, je suis désolé.
02:18Qui vous a déconseillé exactement ?
02:20C'est la personne qui sert d'avocat à Michel Édouard.
02:24Je te jure, il ne faut pas risquer votre situation pour un histoire Leclerc comme ça.
02:29Qui était donc cet homme, protégé en haut lieu, bâtisseur de son propre mythe, sur lequel plane un douloureux mystère ?
02:38Qui était vraiment cet épicier de Landerneau qui a révolutionné nos modes de vie, mais aussi causé la perte de milliers de commerçants,
02:46déclenché des batailles rangées et qui, peu avant sa mort, fut désigné par certains comme un traître ?
02:54Alors que sa vie s'est achevée, demeurent des soupçons sur son comportement sous l'occupation.
03:00Terrible suspicion pour un homme de sa génération.
03:03D'autant plus terrible que de nouveaux témoins vont parler dans ce film pour la première fois.
03:18Tout commence donc là où tout affine.
03:22Édouard Leclerc naît à Landerneau en 1926.
03:26Dans cette Bretagne profonde, la vie est rude.
03:30On grandit dans la foi catholique, au rythme des saisons agricoles et on passe l'essentiel de son temps dans la ferme familiale.
03:39On avait six vaches à traire avant de partir à l'école, le matin et autant le soir.
03:45Parce qu'il fallait manger. Tout le monde travaillait.
03:48Mon père travaillait vraiment d'arrache-pied et il fallait nourrir tous ses dix enfants.
03:53Ils nous ont appris la persévérance, de dire, allez tu as commencé, tu continues et toujours tu feras un petit peu plus et surtout ne lâche jamais.
04:03Eugène Leclerc, le père, est une personnalité forte qui influencera durablement le jeune Édouard.
04:10Ancien officier, intellectuel devenu paysan, il est l'un des chefs des Croix de Feu, un parti nationaliste, violemment anticommuniste.
04:21En 1936, il fait poser ses douze enfants pour une campagne politique.
04:27C'est la première apparition publique d'Édouard, il a alors dix ans.
04:40Entre un père d'extrême droite et une mère catholique fervente, il n'y a guère de place pour la fantaisie.
04:47Cinq frères d'Édouard entrent dans les ordres.
04:51Ils suivent le mouvement, puis se rétractent.
04:54Deux ans après être entrés au séminaire, ils quittent la soutane et retournent à Landerne.
05:05Édouard Leclerc a 23 ans et un vrai goût pour le commerce, alors va pour le commerce.
05:12Aidé par sa famille, il s'installe comme épicier en gros.
05:18Il vendait évidemment à des commerçants.
05:21Il partait avec le petit camion, et puis il allait livrer dans les différents villages.
05:27À l'époque, il y avait quatre épiciers en gros, je ne vais pas vous les citer, ils n'existent plus.
05:32Et un jour, ma femme et moi, nous étions, place du marché à Landerneau, dans une boutique,
05:38et Édouard Leclerc entre.
05:40La dame, qui le connaissait très bien, lui dit, qu'est-ce que tu veux, Édouard ?
05:44Qu'est-ce que tu veux, Édouard ?
05:47Je voudrais vous vendre de l'épicerie, mon pauvre Édouard.
05:51Je suis obligé de regrouper mes commandes, je ne vais pas prendre en compte un cinquième.
05:55Alors, Édouard, je m'excuse, mais je pourrais aller repartir et c'est comme ça.
06:04Au fil des mois, les affaires de l'ancien séminariste périclite.
06:09Il y a d'abord la concurrence, à Landerneau, elle est rude.
06:14Et puis, dans cette France de l'après-guerre, qui a connu le marché noir,
06:18le commerce est profondément sclérosé.
06:21Dans chaque ville, une poignée de grossistes contrôlent la distribution,
06:25tandis que des petits commerçants se chargent de la vente au détail.
06:28Tous prennent de confortables marges et affichent des prix élevés.
06:371951, au bord de la faillite, Leclerc joue son bateau.
06:43Et là, il a eu son idée.
06:45Comme les détaillants ne veulent pas m'acheter, je vais prendre leur place.
06:51En tant que grossiste, je vais vendre au détail.
06:54Et c'est ce qu'il a fait.
06:56Il a dû voir une voisine, on la voit sur le film,
06:59mais ça ne fait plus des gens...
07:02Écoutez, vous voulez acheter une boîte d'études ?
07:05Écoutez, vous m'avez permis d'en acheter quatre et je vous ferai un prix.
07:08Ah bon ?
07:09J'écure les roues, pareil, et tout pareil.
07:11Mais les gens, dans la semaine, t'as qu'à aller chez Leclerc, il fait des prix.
07:15Oh dis donc, c'était cher la nourriture à l'époque.
07:18Et ça a démarré comme ça.
07:20Alors un jour, je rencontre un épicien, vu que je le connaissais bien,
07:23et puis ils discutaient de ça avec d'autres épiciers.
07:26On parle de Leclerc, là, j'ai un drôle de gars.
07:30Ah ouais ? Mais qu'est-ce qu'il se passe ?
07:32Il me raconte l'histoire.
07:34Mais pourquoi vous ne faites pas pareil ?
07:36Avec un mec comme lui, on n'a pas le droit.
07:39C'est interdit.
07:41Il était interdit en tant que grossiste devant nos détails.
07:44Ah ben alors, vous savez, il est foutu.
07:46Oh, tu vois, dans huit jours, en un mois, on ne parlera plus de Leclerc.
07:53Le jeune homme évite habilement de se mettre hors la loi.
07:56Il établit des factures pour chaque client
07:59et transforme son petit entrepôt en magasin.
08:03Le lieu est sommaire.
08:05On y trouve que des gâteaux bretons et quelques produits de base,
08:09mais à 30 % moins cher, on s'y bouscule.
08:13Étonnamment, ces premiers clients ne sont pas des gens modestes
08:16qui considèrent que ces prix cassés sont juste bons pour les pauvres,
08:20mais les femmes de bourgeois.
08:25Jeanne Lefourne, 95 ans, habite au-dessus du premier magasin Leclerc.
08:31Pas là, vous tournez la deuxième, où il y a l'école.
08:38Avec son mari, elle tenait à l'époque une des 40 épiceries de l'enderment.
08:44On a perdu nos clients qui venaient que...
08:50ce qu'ils n'avaient pas trouvé chez Leclerc.
08:52Alors je dis forcément, forcément,
08:56si vous venez chez moi, c'est que vous n'avez pas trouvé chez lui.
09:01Je les envoyais au plot, quoi.
09:06Les gens l'aient parce que ce n'était pas cher.
09:09Et puis la nouveauté, la nouveauté, c'était la nouveauté.
09:13Moi, j'achetais un cageot de fruits, mettons,
09:16et on en achetait 50.
09:19Et les cultivateurs lui baissaient les prix.
09:21Et vous, vous n'avez pas eu envie de dire,
09:23on va faire la même chose, on va acheter...
09:25On ne pouvait pas, on ne pouvait pas.
09:31Attirés par ce succès, les journalistes débarquent à Landerneau.
09:35En 1959, la fameuse émission 5 colonnes à la une,
09:39présentée par une célébrité de l'époque,
09:41Pierre Desgropes, s'invite dans la cité bretonne.
09:44Landerneau, 10 000 habitants, 40 épiciers,
09:47capitale de l'expérience Leclerc.
09:50Depuis 8 ans qu'Édouard Leclerc a ouvert ici son premier magasin,
09:53la vie a baissé.
09:55Soyez sûr que ces femmes qui parlent au coin de la rue
09:57n'ont que deux sujets de conversation,
09:59la baisse et Leclerc.
10:01Et le petit hangar qui sert d'épicerie à Édouard Leclerc
10:03est en passe de devenir un des hauts lieux de l'actualité.
10:06Les détaillants que j'ai vus ici, les petits épiciers de votre ville,
10:10m'ont dit que même s'ils souhaitaient faire la même expérience que vous,
10:14ils n'en seraient pas capables.
10:16Il y a plusieurs façons de vouloir.
10:18Car si on attend que ça vous tombe du ciel sans effort,
10:23rien ne se fera.
10:26Pour qu'ils puissent le faire, il faut d'abord qu'ils s'arrangent entre eux
10:29et qu'ils achètent ensemble.
10:31Édouard Leclerc, vous, personnellement, quelle est votre ambition ?
10:35Ce n'est pas l'argent ?
10:37C'est quoi ? La puissance ?
10:39Quittant le séminaire, on a toujours l'impression,
10:41pour ceux qui ont quitté le séminaire, de trahir son passé.
10:45Et on sent le besoin de se racheter,
10:48de vouloir faire quelque chose
10:50pour calmer certaines inquiétudes personnelles.
10:53Par conséquent, si vous n'aviez jamais été séminariste, Édouard Leclerc,
10:56cette énorme aventure qui a lieu aujourd'hui,
10:59les chaînes Leclerc n'auraient peut-être pas eu lieu.
11:01Elles n'auraient jamais eu lieu.
11:06Les téléspectateurs découvrent l'étrange charisme
11:09de cet épicier à l'allure de curé.
11:13En réalité, une sorte de moine-soldat,
11:15dont l'influence s'accroît.
11:17Leclerc a converti à son système
11:19une dizaine de commerçants bretons.
11:22C'est un bon début,
11:24mais ce n'est pas assez pour défier des intérêts puissants.
11:28Industriels et grossistes craignent en effet
11:30l'apparition de ce trublion
11:32qui fait baisser les prix
11:33et rogne dangereusement leurs marges.
11:40Alors ils le boycottent,
11:41lui envoient le fisc,
11:43et quand cela ne suffit pas,
11:45ils emploient la manière forte.
11:49On faisait tout dans notre coin
11:51pour empêcher d'être approvisionnés,
11:53en faisant pression sur les fournisseurs,
11:55entre autres,
11:56et en faisant des menaces,
11:58parce qu'on ne voulait pas
12:00que son expérience s'étende.
12:02On ne comprenait pas
12:03qu'il puisse se permettre cette fantaisie
12:05et donc on ne comprenait pas
12:07qu'on puisse continuer à l'autoriser.
12:09On m'a dit ici, à plusieurs reprises,
12:12que vous étiez aidé.
12:13Je ne sais pas par qui,
12:15pouvez-vous me le dire ?
12:16Je n'ai été aidé par personne
12:18sinon par ma femme.
12:20Pas aidé, jure-t-il ?
12:22C'est inexact.
12:23Les équipes de 5 colonnes à la une
12:25n'ont pas fait le voyage
12:26de Landerneau par hasard.
12:28Cette pittoresque mise en scène
12:30du petit épicier dans son magasin
12:32a des raisons plus impérieuses
12:34que le seul devoir d'informer.
12:37Depuis l'année précédente,
12:39Leclerc bénéficie d'un puissant protecteur
12:41dans la capitale,
12:43le conseiller économique du général de Gaulle,
12:45revenu au pouvoir en 1958.
12:51J'ai lu dans la presse,
12:53dans le télégramme de Brest,
12:55qu'un épicier avait ouvert un hangar
12:58à Landerneau
13:00et qu'il vendait des produits de base
13:03à prix cassé.
13:04J'ai téléphoné au préfet du Finistère
13:06en lui disant
13:07« Qu'est-ce que vous connaissez ?
13:10Vous avez entendu parler d'Édouard Leclerc ?
13:12Ah oui, bien sûr.
13:14Et qu'est-ce que vous en pensez ?
13:15Oh, j'en pense du bien.
13:18C'est un professionnel.
13:20Je lui ai dit « Envoyez-le-moi. »
13:21J'ai donc reçu Édouard Leclerc à l'Élysée
13:24qui était quand même à la fois un peu flatté,
13:27un peu étonné
13:28parce qu'un épicier de Landerneau
13:30qui se faisait convoquer à l'Élysée
13:32ce n'était pas courant.
13:34Et j'ai trouvé un homme
13:36qui m'a marqué.
13:38J'ai trouvé une sorte de poète
13:41de la distribution, du commerce
13:44et en même temps un homme très réaliste
13:47qui avait les pieds sur terre.
13:49Mais il avait une très forte personnalité.
13:53Alors je l'ai laissé partir
13:56et puis j'ai fait un compte rendu au général de Gaulle
13:59et je lui ai dit
14:00« Mon général, excusez-moi de vous demander
14:02de recevoir un épicier
14:04mais je crois que ce serait utile. »
14:06Ça frapperait l'opinion,
14:07ça frapperait la profession.
14:10L'Élysée est préoccupée par l'inflation galopante
14:13qui ravage l'économie française.
14:16Pour y remédier, Jean Méau a une idée en tête.
14:21Les prix chers, en particulier dans l'alimentation
14:23pèsent sur le pouvoir d'achat
14:25et limitent la consommation.
14:27Les blocages du commerce sont un sujet prioritaire
14:29pour les Français, donc pour le pouvoir.
14:32Leclerc est l'homme providentiel.
14:40Édouard Leclerc a été convoqué chez de Gaulle.
14:42Il a décrit son initiative en disant
14:46« Je trouve qu'on peut faire le commerce autrement.
14:48Vendre à prix cassé, d'ailleurs, je le fais
14:51et je gagne encore de l'argent. »
14:53Leclerc est reparti guiré, gonflé et satisfait.
14:58Ensuite, on l'a fait savoir.
15:00Ça a fait un coup de tonnerre dans le landerneau du commerce
15:03et à partir de ce moment-là, le mouvement s'est enclenché.
15:07En 1960, De Gaulle fait édicter une circulaire
15:10qui interdit aux fournisseurs le refus de vente
15:13et instaure la libre concurrence dans le commerce.
15:16Leclerc a gagné
15:18et même ouvert la voie à la grande distribution.
15:21D'autres suivront bientôt son exemple,
15:23comme Carrefour ou Auchan.
15:37En ce début des années 60,
15:39la France compte 35 magasins Leclerc.
15:42Lorsque tout un symbole, Paris est conquis.
15:47L'endroit fait 50 mètres carrés
15:49mais la foule est tellement dense
15:51que la police doit la contenir.
15:56« On voit, monsieur, que vous achetez des chemises.
15:58Vous n'êtes pas marié ? »
15:59« Si, je suis marié. »
16:00« Et c'est quand même vous qui achetez vos chemises ? »
16:02« C'est toujours moi qui achète mes chemises. »
16:05« Vous n'êtes pas en confiance à votre femme ? »
16:07« Jamais. »
16:08« Il y a aujourd'hui même à Brest un magasin de chaussures
16:11qui applique la même formule,
16:13vendant 25% moins cher qu'hier,
16:15en même temps qu'à Marseille s'ouvre
16:17un centre distributeur de produits alimentaires
16:19ainsi qu'un volantier. »
16:20Son nom, son image de marque
16:22attire chaque jour de nouveaux adhérents,
16:24si bien qu'en 1965,
16:26près d'une centaine de nouveaux centres Leclerc ont ouvert.
16:30Des commerçants, des artisans le rejoignent
16:33et même certains de ces grossistes
16:35qui lui étaient auparavant hostiles,
16:37comme Henri Brétéchet.
16:39« Pour ouvrir, il fallait que les gens aillent à Landerneau,
16:4213 rue des Capucins,
16:43pour rencontrer Édouard Leclerc,
16:45qui donnait sa bénédiction au rhumiteur Bill
16:47et puis il partait.
16:49Et souvent, il leur demandait
16:51« Où allez-vous ? Dans quel coin de France ?
16:53Allez voir un tel, allez voir Jean-Pierre Leroch,
16:55allez voir un tel, allez voir Brétéchet. »
16:57Ça se passait comme ça. »
17:00Pour apposer sur leur devanture
17:02le désormais célèbre panonceau Leclerc,
17:05les nouveaux venus doivent obtenir l'onction du fondateur
17:08et s'engager à vendre au prix de gros.
17:12C'est leur seule obligation.
17:14Car Leclerc est un chef de clan,
17:16un porte-parole,
17:18pas un grand patron richissime.
17:21Ses adhérents sont propriétaires de leurs magasins.
17:24Ils ne lui payent aucune franchise.
17:29En référence à la Bible,
17:31Leclerc précise même que le terme de distribution
17:34renvoie à la distribution des pains.
17:39Il joue de cette singularité en toute occasion
17:42pour édifier son propre mythe
17:44et se faire de la publicité.
17:48« Vous ne tirez aucun bénéfice matériel
17:50de cette espèce de chaîne Leclerc ? »
17:53« Absolument pas. »
17:54« Vous ne vivez que de votre magasin de landerne ? »
17:56« Uniquement de mon magasin de landerne. »
17:58« On dit que vous êtes une sorte d'abbé Pierre de l'épicerie. »
18:00« Non, certainement pas. »
18:02« Parce qu'il ne faut pas confondre l'œuvre de l'abbé Pierre
18:05avec une action sociale. »
18:08« L'abbé Pierre dépense 2 millions. »
18:11« Il les donne. C'est fini. »
18:13« Si moi, avec ces 2 millions,
18:15je peux faire baisser dans une ville comme Grenoble
18:17la vie de 20%, alors qu'ils se vendent
18:19400 millions d'épiceries par mois,
18:21chaque mois, j'aurais distribué 80 millions. »
18:23« Je crois qu'il ne faut plus parler de commerçants. »
18:25« Il faut parler de distribution. »
18:27« Je l'ai invité chez moi. »
18:28« Il a monté les 5 étages sans ascenseur. »
18:30« J'avais invité également Denis Bouchard,
18:32un journaliste des Échos. »
18:34« On a eu une conversation très sympathique. »
18:36« Évidemment, l'homme était un peu curé. »
18:41« Un peu curé, un peu instituteur. »
18:43« Un peu instituteur, genre une soeur de la République,
18:45comme sur la Troisième République. »
18:48« Mais très sûr de lui et assez convaincant. »
18:52« Il était chargé d'une mission,
18:54la modernisation de la France. »
18:56« Ça, c'est hors de doute. »
18:58« Il en parlait avec un grand calme. »
19:00« C'était un idéologue plus qu'un commerçant ? »
19:02« Je pense que c'était un idéologue. »
19:04« Oui, tout à fait. »
19:06« Il voyait qu'il avait une mission à remplir. »
19:10Un commerçant qui dédaigne la richesse.
19:13Un curé dont le micel est l'indice des prix.
19:16Le personnage et ses motivations intriguent.
19:20Dans une France encore traditionnelle,
19:23un brusque changement intervenu dans le commerce
19:25pourrait heurter.
19:27Sa posture est diablement efficace.
19:30Leclerc est mystique, sans doute,
19:33mais il est aussi fort habile.
19:41Pendant qu'à Paris, il prêche sur les plateaux télévisés,
19:44à Landerneau, Leclerc bouleverse la grande distribution.
19:48En 1964, il ferme son hangar
19:51et ouvre ce supermarché dans un ancien couvent de la ville.
19:55Ses mille mètres carrés, son libre-service,
19:58ses caddies changent la vie des consommateurs.
20:02Un nouveau mot pour désigner les clients.
20:05« Il est évident que choisir avec une petite voiture
20:09va plus rapide et plus rationnel. »
20:12« C'est gracieux, c'est fleuri, c'est bien, c'est moderne. »
20:17« Ça vous gêne pas d'acheter ce téléphone ? »
20:19« Ah non, au contraire, on conserve plus longtemps. »
20:22« Vous êtes inconvaincu ? »
20:24« Ah oui, certainement, oui. »
20:26« Alors ça risque d'être la mort du petit commerce ? »
20:28« Le petit commerce, moi j'étais à la mine,
20:31quand on a arrêté les mines,
20:33les commerçants n'ont rien fait pour le mineur, pour l'ouvrier.
20:36Et bien eux, ils se débrouillent aussi, chacun son tour.
20:39Ça, c'est le progrès. »
20:41Si ce n'est le progrès, la France vit en tout cas une formidable mutation.
20:45À la suite de Landerneau, l'Hexagone se couvre de super
20:48et bientôt d'hypermarchés.
20:50« Les couleurs doivent contribuer à exciter le désir d'acheter.
20:54Des lampes plus récentes, spéciales,
20:56accentuent la couleur rouge de la charcuterie. »
20:59En 1970, il existe 300 grandes surfaces Leclerc comme celle-ci,
21:05des rouleaux compresseurs qui terrassent la concurrence.
21:13Dans chaque région, les propriétaires de magasins Leclerc
21:15se groupent en de puissantes centrales d'achat pour négocier les prix bas.
21:19Édouard Leclerc lui-même ne possède rien d'autre que son supermarché.
21:23Mais il règne sans partage sur le mouvement Leclerc
21:27qui fédère les adhérents.
21:30L'épicier de Landerneau symbolise désormais une France nouvelle,
21:33celle des trentes glorieuses et de la consommation de masse.
21:37Cette France a ses gagnants,
21:39ceux qui l'ont rejoint, lui ou d'autres enseignes.
21:43Elle a aussi ses perdants.
21:46Des centaines de milliers de commerçants,
21:48souvent installés dans les villes rurales en voie de désertification.
21:52Toute une classe sociale, un monde qui se sent menacé.
21:58« Il est pratiqué des prix qui sont incompréhensibles.
22:01Si les gens la vendent de la marchandise moins chère que nous la payons nous,
22:05la lutte est impossible. La lutte est impossible.
22:08Alors nous revenons au temps des seigneurs et des serfs, tout simplement.
22:11C'est l'esclavage, il faut planer ou ramper.
22:13Et tous les petits commerçants qui sont autour ?
22:15C'est la même chose.
22:17Toutes les branches sont touchées, Monsieur, toutes. »
22:19Pour une émission de télévision,
22:21ces représentants des commerçants de la ville de Flair, dans l'Orne,
22:24témoignent du désarroi de la profession.
22:27Face aux caméras, leurs silences sont éloquents.
22:31« Est-ce que c'est vrai que vos marches sont excessives ? »
22:42« Si vous voulez bien vous permettre la question,
22:45qu'est-ce que vous entendez par marge ?
22:47Et qu'est-ce que vous entendez par excessif ? »
22:49« Eh bien, je vous lis la phrase.
22:51La raison de notre succès, c'est le bas prix.
22:5315% de marge brut en moyenne,
22:55contre le double et davantage pour les commerçants traditionnels. »
23:02« Vous êtes un consommateur.
23:04Vous voyez un produit qui est vendu dans une grande surface moins chère que chez vous.
23:08Qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce que vous faites ? »
23:14« En tant que commerçant, je n'achète pas dans les grandes surfaces, d'abord.
23:18D'autre part, dans les grandes surfaces,
23:20il faut bien lire toutes les étiquettes. »
23:22« Je vais vous dire,
23:24Leclerc a commencé à l'alimentaire.
23:26Alors les bouchers, on dit, oh non, non, non, non,
23:28il fera pas la boucherie.
23:30Tiens, il a fait la boucherie.
23:32Les marchands de chaussures, on dit,
23:34oh non, il fera pas les chaussures.
23:36Les marchands de chaussures, on dit,
23:38oh non, il fera pas les chaussures.
23:40Il fait les chaussures. Il fait l'événement.
23:42Il a tout fait. Eh bien, c'était bien fait.
23:44Voilà. C'était bien fait.
23:46Il n'y avait que nous, l'alimentaire,
23:48il n'y avait pas de raison.
23:50Moi, j'ai quitté le commerce en 68.
23:52Mais j'avais mangé ma...
23:54j'avais mangé mon stock,
23:56j'avais... j'avais plus rien, quoi.
23:58Il a tué tous les petits commerces
24:00et puis c'est tout.
24:02C'est tout. »
24:04Leclerc n'est pas le seul responsable,
24:06mais c'est lui qui cristallise
24:08les ressentiments.
24:10Lui, le croisé de la distribution,
24:12se montre quand ses pairs se font discrets.
24:14« On devrait obliger
24:16tous les commerçants de France
24:18à mettre sur leur prix le prix d'achat
24:20qu'ils payent et le prix de vente
24:22au consommateur. Alors le consommateur
24:24verrait, là, quelles sont
24:26vraiment les marges bénéficiaires.
24:28Je n'ai pas d'adversaire.
24:30Absolument pas.
24:32Ce sont eux qui me considèrent
24:34comme un adversaire. Depuis 27 ans,
24:36ils ne tiennent pas du tout à l'apparition
24:38de la distribution moderne. »
24:40« Alors avec nous, Gérard Nicoux,
24:42leader du SIDU Nati, les prix.
24:44Vous savez, pour les prix, il y a beaucoup à dire.
24:46Les grandes surfaces, à l'heure actuelle,
24:48ont pris à la gorge beaucoup de petits commerçants. »
24:50Les commerçants ont trouvé leur trébin.
24:52À la tête du SIDU Nati,
24:54Confédération de Défense des Travailleurs Indépendants,
24:56Gérard Nicoux porte la colère
24:58du petit commerce contre les grandes surfaces.
25:00« Et la boîte de raviolis
25:02à 4,30 plutôt qu'à 5,75,
25:04ça vous intéresse ? » « Je vous dirais que le raviolis en boîte,
25:06pour moi, je ne pense même pas en discuter.
25:08On ne discute pas d'une marchandise.
25:10On discute d'autre chose.
25:12Raviolis, ce n'est pas en boîte.
25:14La paella va plus que le couscous. »
25:16Édouard Leclerc est un espèce
25:18de prêcheur. Il a ces espèces
25:20de charismes qu'il ne faut pas enlever
25:22et dans lesquels ça va passer.
25:24Les gens vont croire qu'en définitive, cet homme,
25:26ce n'est pas un capitaliste tel qu'on le voit.
25:28C'est tout simplement quelqu'un
25:30qui veut le bonheur du consommateur.
25:32L'ensemble des commerçants, ils les traitent
25:34de riches mendiants, ils les injurient.
25:36En définitive, ils montrent du doigt.
25:38Ils montrent du doigt le verdict public.
25:40Donc il y a une réaction qui va se faire.
25:46À chaque nouvelle ouverture d'Hypermarché,
25:48le Sidunati descend dans la rue.
25:50C'est le cas ici,
25:52dans la ville de Flair, en Normandie,
25:54en 1972.
25:56Vous allez quand même pas protéger
25:58un homme comme ça, qu'il le fasse illégalement.
26:00Nous sommes le commissaire qui est là.
26:02Nous sommes le commissaire.
26:04Alors ?
26:06Il arrive la justice.
26:08Il n'y a plus de justice.
26:10Arrêtez cette préfecture en redonnant
26:12l'ordre. C'est le régime nazi.
26:14On est des capitalistes, c'est tout.
26:16C'est le régime nazi, monsieur.
26:18On ne la connaît pas.
26:22J'ai monté cette affaire avec 10 millions d'anciens francs.
26:24C'est tout simplement moi
26:26qui ai pris des risques.
26:28Je suis prêt à vous donner la méthode.
26:30Comment on monte un centre Leclerc avec 10 millions d'anciens francs ?
26:32Mais monsieur, vous arrêtez.
26:34La question n'est pas de savoir comment on monte un centre Leclerc.
26:36On le sait, il se monte dans l'inégalité.
26:38On ne peut pas faire d'économie aux consommateurs.
26:40C'est monsieur Leclerc, personnellement, qui se fait une grosse fortune.
26:42Et là, on s'aperçoit que les gens
26:44sont déchaînés.
26:46Et qu'ils ont envie de se révolter.
26:48Mais de se révolter.
26:50Pas simplement de manifester.
26:52Il y a des gens qui ont essayé d'avoir des idées.
26:54Et c'était des choses...
26:56Quitte à prendre des souris blanches
26:58et de les lâcher
27:00dans une grande surface.
27:02Il y avait des choses aussi
27:04qui faisaient à la fois rire,
27:06mais qui étaient non violentes.
27:08Puis il y avait des fois,
27:10de la violence plus,
27:12certains qui étaient en construction
27:14et qui explosaient dans la nuit.
27:16Alors qu'ils étaient en construction,
27:18il fallait recommencer une partie des travaux.
27:20Face à cette
27:22guerre civile économique,
27:24les politiques vont être obligés de réagir.
27:26En 1973,
27:28Pompidou, qui succède à De Gaulle,
27:30fait voter la loi Royer.
27:32Cette loi limite la construction
27:34de grandes surfaces et donne un droit de regard
27:36aux commerçants locaux avant toute nouvelle
27:38ouverture.
27:42Pour Leclerc, c'est une menace.
27:44Le commerce,
27:46c'est 3% de la population française
27:48qui domine le pays
27:50avec une masse d'argent considérable
27:52et qui peut créer,
27:54à tout moment, des hommes politiques
27:56et s'en servir.
27:58Leclerc ne se contente pas de discours.
28:00À Rochefort, l'année suivante,
28:02le tribunal condamne le patron
28:04d'un supermarché pour une extension illégale.
28:06Leclerc mobilise.
28:08Par cars entiers,
28:10ses adhérents, mêlés à d'anciens militaires,
28:12débarquent dans la ville.
28:14C'est l'annonce de ce verdict
28:16qui a provoqué de véritables scènes
28:18d'émeutes dans les rues de Rochefort.
28:20Exigeant la libération immédiate
28:22du directeur du centre,
28:24Edouard Leclerc et ses supporters ont pris d'assaut
28:26le palais de justice et saccagé le bureau
28:28du juge d'instruction.
28:30Puis, c'est la mairie qui a été investie.
28:32Une violente échauffourée a alors opposé
28:34les amis de Nikou à ceux de Leclerc.
28:36Edouard Leclerc fait un discours
28:38au Balkan et dit à ses nervis
28:40d'aller attaquer
28:42une petite discothèque d'été
28:44que je tenais à l'époque à Fouras
28:46qui était pas très loin de Rochefort.
28:48Il annonce ça.
28:50Bien sûr, je suis immédiatement prévenu.
28:52Immédiatement, nous rapatrions
28:54nos militants
28:56et on décide d'aller bloquer
28:58les gens qui s'apprêtaient à venir.
29:00Il va y avoir un combat
29:02juste, disons,
29:04sur le parking.
29:06Mais lui, il est parti depuis longtemps.
29:08Il n'a pas assisté.
29:10Moi, j'étais devant.
29:12J'ai pris une pierre dans la figure.
29:14J'ai eu à peu près
29:16une douzaine de blessés.
29:18Vous savez, il y a un moment donné,
29:20on a un peu marre de voir des choses
29:22qui sont quand même pas normales.
29:24Donc, il se dit,
29:26je vais prendre le commandement de cette opération.
29:28Il a pris.
29:30À votre tour, donc, vous avez utilisé
29:32la violence. Est-ce qu'il y a d'autres opérations
29:34qui sont prévues, d'autres commandos en place ?
29:36Nous ferons des actions ponctuelles,
29:38réfléchies.
29:40Nous aurons créé, en France,
29:42200 équipes,
29:44qu'on appellera comme on voudra,
29:46le mot commando est un peu fort,
29:48avec des consommateurs
29:50et qui feront des actions ponctuelles.
29:52Nous verrons, en France,
29:54si la violence
29:56est toujours réservée
29:58aux autres et que si vraiment
30:00on ne voit pas les problèmes
30:02comme on doit les voir,
30:04les centres de clairs n'hésiteront pas
30:06à aller au-delà
30:08de la raison.
30:10Il utilisait tous les moyens pour faire évoluer
30:12les choses, tous les moyens.
30:14Et il y arrivait.
30:16Nous le craignions de temps en temps,
30:18d'ailleurs, de ce côté-là,
30:20parce qu'il avait des excès,
30:22mais c'était ainsi.
30:26Ainsi, sous l'ancien séminariste,
30:28affleure maintenant un tout autre personnage,
30:30batailleur
30:32et servant sa cause sans état d'âme.
30:34Un fin manœuvrier aussi
30:36qui, par la force
30:38et le lobbying, obtient l'assouplissement
30:40de la loi Royan.
30:42Il a su faire valoir aux politiques
30:44que les consommateurs, qui plébiscitent
30:46les grandes surfaces, sont aussi
30:48des électeurs.
30:50Les petits commerçants perdent la partie.
30:52Rien ne semble pouvoir
30:54arrêter le champion des privats.
30:561975,
30:58le face-à-face entre Édouard Leclerc
31:00et les commerçants défendus par le site
31:02Lunati change soudain
31:04de terrain.
31:06La guerre civile du commerce
31:08déborde vers une autre guerre civile,
31:10encore fraîche,
31:12mal réglée,
31:14à peine oubliée,
31:16qui tenaille et divise
31:18les familles, les villes
31:20et les territoires.
31:22Une nuit de mars,
31:24des tracts, comme celui-ci,
31:26fleurissent à travers toute la France.
31:40Leclerc était un prêcheur,
31:42un prêche moraliste.
31:44Il prêchait,
31:46il prêchait,
31:48il prêchait,
31:50il prêchait, il était un prêche moraliste.
31:52Et un moraliste chrétien,
31:54en plus, très proche.
31:56Il donnait leçon à tout le monde.
31:58Et là, je reçois
32:00un rapport de Bretagne,
32:02de la Fédération de Bretagne,
32:04du Finistère,
32:06qui dirigeait à peu près toute l'équipe bretonne,
32:08et qui m'envoie dans ce rapport
32:10une photocopie d'un journal de l'époque,
32:12de la Libération, de 44,
32:14je crois,
32:16dans lequel il y a une liste de personnes arrêtées
32:18pour faire une collaboration dans laquelle on découvre Édouard Leclerc.
32:24Et bien entendu, je regarde ça et je dis, je réunis le comité, la direction du CITILATIS se réunit,
32:30est-ce qu'on sort, est-ce qu'on ne sort pas ?
32:31Une instruction est partie, nous avons nos imprimeries, nous sortons une affiche
32:35et nous disons, nous posons le problème de la collaboration d'Édouard Leclerc et dans toute la France.
32:48Le tract du CITILATIS renvoie Édouard Leclerc à un passé qu'il pensait sans doute rêvant.
33:00A sa jeunesse, à Landerneau, sa ville qu'il porte comme l'étendard de son aventure commerciale.
33:07Printemps 44, la France est sous occupation allemande.
33:16Leclerc a 17 ans, il vit chez ses parents.
33:20Le débarquement allié est imminent et la région autour de la rade de Brest, un enjeu stratégique.
33:29À cette époque, l'activisme de la résistance inquiète les Allemands.
33:33Un commando d'une vingtaine d'hommes, chargé de la traque des résistants,
33:38s'est installé dans le sinistre manoir de Caudeville, en plein cœur de Landerneau.
33:43Dans ce repère, l'officier le plus redouté s'appelle Herbert Schaade.
33:49Ce printemps-là, le commando Schaade multiplie arrestation, torture, meurtre.
34:03Pierre Duhaut, le camarade d'école d'Édouard Leclerc, 17 ans à l'époque, appartient à une famille de résistants.
34:10Le 21 mai 1944, il est raflé par les hommes de Schaade. Interrogé, il s'en sort.
34:18Trois mois plus tard, Landerneau est libéré.
34:27Un jour j'ai rencontré un copain en ville.
34:29« Dis donc, tu sais que Leclerc a été arrêté ? »
34:31« Ah bon ? Qu'est-ce qu'il a fait ? »
34:33« On dit qu'il a un peu collaboré avec les Allemands. »
34:36« Ah bon ? Il est où ? »
34:39« Bon, à l'époque on n'avait pas de voiture. Je prends mon vélo, j'arrive. Je trouve Édouard Leclerc à la porte de chez Colville. »
34:45« À la porte ? »
34:46« En costume, il était à la porte. »
34:48« J'arrive, je lui dis « Tiens, c'est toi qu'est là Édouard ? »
34:50« Ouais. »
34:51« C'est une erreur, je vais te relâcher. »
34:53« J'ai rien fait, moi. »
34:55Et un jour, on apprend que Schaade avait été arrêté.
34:57Et qu'il allait cracher le morceau.
34:59Et qu'on était en train de l'interroger.
35:01« Ah bon ? C'est intéressant. »
35:02J'ai eu finalement le rapport de la préfecture.
35:05Je l'ai lu assez rapidement.
35:06Et c'est là que j'ai vu que Leclerc nous avait dénoncés.
35:10Quand j'étais dans la Résistance, quand j'ai fait tous ces maquillages et tout ça,
35:13j'entendais parler de Landerneau et de Leclerc.
35:15Parce que j'avais des gars qui étaient de Landerneau, que je connaissais aussi, qui étaient dans la Résistance.
35:19Et je savais que Leclerc était renommé quand même comme ayant une amitié avec Schaade,
35:24qui était le patron de la Gestapo.
35:27Cette relation avec Schaade, Leclerc s'en explique au cours de quatre interrogatoires
35:32en septembre et octobre 1944.
35:35Ce sont ces procès-verbaux qui tomberont entre les mains du Sithunati,
35:39à l'origine des tracts placardés.
35:45Mes relations avec Schaade remontent à cinq mois environ.
35:48J'ai eu l'occasion de me rendre assez fréquemment à l'hôpital,
35:51pour y déposer des colis destinés à mes frères.
35:53J'ai offert moi-même à Schaade de lui donner des renseignements.
35:56J'ai dit à Schaade que j'étais farouchement anticommuniste
35:59et que j'étais prêt à lutter contre le communisme.
36:01Entre autres, je lui ai donné la liste des chefs-directeurs de l'office central.
36:05Je reconnais que Lelan a été arrêté suite à mes informations à Schaade.
36:09Il fut relâché un jour après.
36:11J'ai signalé un Espagnol, qui m'a dit qu'il allait m'aider.
36:14J'ai dit que j'allais m'occuper d'eux.
36:17Et ainsi de suite.
36:19Sur ces motivations, le jeune Leclerc reste vague.
36:22Au cours de ses interrogatoires, tout juste invoque-t-il l'anticommunisme ?
36:27Aurait-il subi l'influence d'un père engagé à l'extrême droite ?
36:31Ou bien celle de Schaade,
36:33tortionnaire nazi, mais titulaire d'un doctorat à la Sorbonne,
36:37doté d'une personnalité charismatique ?
36:40En janvier 1945, décision providentielle.
36:44Il est soudain libéré grâce à un classement sans suite.
36:48Un document qu'il brandit en 1975 comme preuve de son innocence.
36:53Ce document lui permet de prendre en charge des affaires de l'Etat,
36:57de se faire en charge de la population,
36:59de se faire en charge des affaires de l'Etat,
37:01de se faire en charge de l'Etat,
37:03de se faire en charge de l'Etat,
37:05de se faire en charge de l'Etat,
37:07comme preuve de son innocence.
37:09Ce document lui permet de faire condamner le Silunati pour diffamation.
37:13Le tribunal estime également que la Confédération
37:17est motivée par un différent commercial
37:19plus que par le souci de la vérité historique.
37:25J'ai rien fait, c'est pas grave,
37:27j'ai pratiquement rencontré les gens de par hasard,
37:29je leur ai serré la main, mais tout ce qu'on dit est faux.
37:31D'ailleurs j'avais 16 ans, j'étais jeune, j'avais 17 ans.
37:34J'ai fait plein d'excuses comme ça,
37:36mais des excuses comme pratiquement...
37:38Il n'y a rien, pourquoi est-ce que vous me recherchez ?
37:40Vous êtes absolument innommable de me dire que moi, j'ai pu faire ça.
37:43Écoutez, des histoires qui sont passées après la guerre,
37:45c'est du passé,
37:47c'est quelque chose qu'il avait 17 ans,
37:50bon, on fait des conneries quand on est jeune, c'est pas grave.
37:52Ce sont des gens qui s'en servent de fait,
37:56vraiment, disons, je dirais peut-être de gamins ridicules,
38:01mais bon, c'est du passé tout ça.
38:05Leclerc s'en sort donc sans dommage,
38:11sa réputation presque intacte.
38:13Mais est-ce bien étonnant ?
38:15Après tout, son histoire relève de la délation ordinaire,
38:19comme la guerre en a tant connu.
38:21En revanche, son parcours, lui, est bien moins ordinaire.
38:25Comment, après deux ans d'exil au séminaire,
38:28a-t-il pu revenir à Landerneau,
38:30y vivre,
38:32y fonder un commerce qui bousculerait l'ordre établi,
38:35sans jamais être confronté à son passé ?
38:38Je l'ai rencontré, à un moment donné, à l'entreprise,
38:40on avait une boîte postale, j'allais chercher mon courrier là,
38:43et je le rencontrais, il me disait,
38:44« Bonjour Pierrot, bonjour Frédo, un petit tout. »
38:46Ça s'est arrêté là.
38:50On n'en parlait pas tellement, puisque,
38:53vous savez, pendant la guerre, il n'y a pas eu que des Romains,
38:57puisque les Allemands ont embauché beaucoup de,
38:59faisaient travailler beaucoup de monde,
39:00il n'y avait pas beaucoup de travail.
39:01Alors, il fallait bien qu'ils trouvent du monde.
39:04Il y a des gens qui ont été volontaires pour faire le maire de l'Atlantique,
39:07ça vous le savez, même à Landerneau aussi.
39:10Et c'est pour ça qu'on n'en parlait pas après-guerre ?
39:12Nous...
39:17Alors, le De Gaulle avait dit, « Attention, maintenant,
39:19on efface tout ça et on recommence. »
39:21Est-ce qu'au moment où vous le recevez,
39:23vous demandez un rapport au préfet,
39:25et de la part du préfet, c'est étonnant
39:27de ne pas relever cette dimension du personnage ?
39:29D'abord, c'était une époque où De Gaulle ne voulait pas faire,
39:36réintroduire l'état d'esprit de 1944-1945
39:41à un état d'esprit d'épuration.
39:43Il passait l'éponge pour moderniser la France.
39:46Il regardait l'avenir et pas le passé.
39:49Je sais que deux ou trois fois, je lui ai dit,
39:51écoutez, c'est embêtant,
39:53il y a telle et telle personne qui est de vos opposants, etc.
39:56Est-ce qu'il fait bien son travail ?
39:58Ah, lui, il fait très bien son travail.
40:00Eh bien, laissez-le faire.
40:05Après les révélations d'Hussi Dounati,
40:07le silence perdure.
40:09Leclerc est un homme puissant
40:11dont les centres font vivre des milliers de personnes,
40:14dont les publicités sont indispensables à la presse locale.
40:22L'ancien résistant, Jean Ourmand,
40:24maire d'un village à côté de Landerneau,
40:26en lutte contre la grande distribution,
40:28avait en revanche les moyens de troubler sa quiétude
40:31avec les procès-verbots accablants de 1944.
40:35Je ne sais pas, les gens avaient peur de lui.
40:38J'ai montré sur la table de ma mairie,
40:40il y a des gars qui venaient, des types passés avec qui,
40:43et au Conseil Général, je leur ai montré.
40:45Les types, c'est dégueulasse quand même.
40:47Ah oui, c'est dégueulasse.
40:49Salauds.
40:50C'est tout.
40:53Ils ne vont pas plus loin.
40:55Après, dès qu'ils rentrent à la maison, on dit
40:57« Merde, on ne va pas foutre nos nez là-dedans. »
40:59J'ai vu des gens qui me disent « Oh oui, mais ça ne fait rien. »
41:02« Oh, c'est passé, ça. »
41:04Qu'est-ce qui se rapproche le plus d'Edouard Leclerc ?
41:06Petit commerçant, grand commerçant,
41:08industriel, homme politique, prophète ?
41:11Je crois que c'est l'économique avant tout.
41:14Et ce sont les événements qui font les hommes.
41:18Et pas forcément les hommes qui font les événements.
41:22Et les événements ont fait d'Edouard Leclerc une icône,
41:25un sage que l'on invite à 7 sur 7,
41:27l'émission phare de la première chaîne
41:29pour donner son avis sur la marche du monde.
41:32Une icône qui, au long des années 80,
41:35multiplie les coûts d'éclat sur le prix de l'essence
41:38ou encore le prix unique du livre.
41:41Il est même tellement populaire qu'il envisage
41:43un temps de se présenter à la présidentielle.
41:47Puis, Edouard Leclerc prend sa retraite
41:50et passe le relais à son fils, Michel-Edouard.
41:55S'il vous plaît, un peu de silence.
41:57Mes chers amis, on est arrivés à notre but.
42:01Mais aujourd'hui, il nous appartient de déclencher
42:03la véritable guerre économique.
42:06Je vous donne des instructions
42:08pour que sur l'ensemble de la France,
42:11on déclenche une fusillade de prix
42:14de façon à ce que les consommateurs comprennent
42:18que nous sommes là pour les défendre dans la crise.
42:22Est-ce que vous pensez avoir réussi votre vie ?
42:25Est-ce que vous auriez voulu faire autre chose
42:27dans un autre domaine ?
42:30J'avais deux solutions.
42:33Être pas où ce que je suis.
42:452009.
42:47Edouard Leclerc vit retiré depuis 20 ans
42:49dans son château à l'orée de Landerneau.
42:59Son fils, Michel-Edouard,
43:01bataille pour obtenir des règles
43:03plus favorables aux grandes surfaces.
43:05Il obtient le soutien de Nicolas Sarkozy
43:07qui espère ainsi donner un coup de pouce
43:10au pouvoir d'achat.
43:12En décembre 2009,
43:14Nicolas Sarkozy remet à Edouard Leclerc
43:17la Légion d'honneur.
43:19Requête de Michel-Edouard ?
43:22Échange de bon procédé ?
43:25On ne saura pas.
43:29J'ai eu l'occasion de rencontrer en ville
43:32le monsieur qui s'occupe de la Légion d'honneur
43:36dans le Finistère, c'est un ami.
43:38Alors il me dit comment tu vas ?
43:41Mais dis donc, tu es le président de la Légion d'honneur,
43:46t'as pas honte ?
43:48Mais t'as pas vu Leclerc,
43:50on le décore de la Légion d'honneur.
43:52Moi la Légion d'honneur,
43:54on le donne à titre militaire,
43:56pour des héros.
43:58Mais pas un traitre.
44:01Il est devenu vert, il m'a dit
44:03c'est une histoire.
44:05Est-ce que c'est vrai ?
44:07J'écoute donc.
44:09C'est honteux si tu veux,
44:11mais c'est honteux.
44:13Sans cette décoration,
44:15nul ne se serait plus intéressé
44:17au passé secret d'Édouard Leclerc.
44:19Remise en petit comité,
44:21avec pour seules images
44:23celles d'un téléphone portable,
44:25cette Légion d'honneur
44:27choque un journaliste breton
44:29qui décide alors d'enquêter.
44:31Je découvre un document
44:33qui donne une tournure
44:35radicalement différente au dossier
44:37dans lequel on apprend
44:39que si Édouard Leclerc a pu sortir
44:41de prison en 1945,
44:43ça n'est pas qu'il a été blanchi,
44:45mais qu'il a bénéficié
44:47d'un certificat médical
44:49établissant son irresponsabilité mentale.
44:51Et ça, c'était vraiment
44:53un élément nouveau.
45:01Je me suis ensuite aperçu
45:03que ce document,
45:05ce certificat, le certificat médical
45:07auquel il était fait référence
45:09était manifestement un certificat
45:11de complaisance qui avait été demandé
45:13par les parents d'Édouard Leclerc
45:15à proches de la famille
45:17pour le faire sortir de prison.
45:19Voilà pourquoi
45:21Édouard Leclerc n'a pas été jugé
45:23en 1945, grâce à ce certificat
45:25d'irresponsabilité
45:27obtenu par la famille Leclerc.
45:31C'est une autre famille,
45:33originaire de Landerneau,
45:35les Pingham, qui le possédait
45:37depuis la fin de la guerre.
45:39Offusquée de cette légion d'honneur,
45:41la famille l'a transmise
45:43aux journalistes bretons et a décidé
45:45de sortir du silence.
45:47Les Pingham sont les nièces
45:49et les neveux d'un jeune résistant
45:51de 19 ans, François Pingham,
45:53dit Franchic. Arrêté par
45:55le commando Chahad, Franchic
45:57a été torturé et fusillé
45:59en mai 1944 et depuis ce jour
46:01plane un douloureux mystère.
46:09En tant que petite enfant,
46:11on sentait un malaise.
46:13On ressentait que valait mieux
46:15ne pas refouiller dans ces histoires anciennes.
46:17Le nom d'Édouard Leclerc a été évoqué
46:19où l'époque de la guerre,
46:21ça n'ouvrait pas la discussion
46:23et nous enfants,
46:25on n'a pas envie de voir sa maman pleurer
46:27parce qu'on ne prolonge pas la discussion.
46:29On entendait parler de l'affaire Leclerc.
46:31Mon beau-père était à peu près certain
46:33que c'était Édouard Leclerc
46:35qui avait dénoncé Franchic.
46:37Voilà.
46:39On m'a fait comprendre qu'on allait
46:41parler à les magasins Leclerc
46:43et que Leclerc c'était
46:45le dénonciateur de Franchic.
46:47Lourd soupçon.
46:49Alors,
46:51que s'est-il réellement passé ?
46:53Après guerre, il a été établi
46:55que tous ceux que Leclerc avait admis
46:57avoir dénoncé aux Allemands,
46:59s'en étaient sortis.
47:01Or, François Pingam a été fusillé
47:03au lendemain de la grande rafle
47:05de la nuit du 21 mai 1944.
47:07Édouard Leclerc a reconnu
47:09à la Libération
47:11s'être trouvé au siège du commando Chahad,
47:13au manoir de Colville,
47:15la veille de cette rafle
47:17au cours de laquelle une quinzaine de personnes
47:19fut arrêtée,
47:21dont Pierre Duhaut.
47:23Et là,
47:25vers les 5h,
47:27le soir,
47:29il y avait
47:31un petit truc,
47:33je ne sais pas comment on appelle ça,
47:35dans les prisons, une petite porte.
47:37Duhaut, oui, tout peut s'effondrer.
47:39J'ai toujours rappelé ça.
47:41Pourquoi ?
47:43Fusillé demain à 5h,
47:45qui me dit l'Allemand.
47:47Alors les gens
47:49m'ont dit, alors quel était ton état d'esprit ?
47:51Je l'ai toujours dit, je l'ai toujours raconté.
47:53Je me suis mis à prier.
47:55J'ai prié toute la nuit et j'étais prêt.
47:57Et je crois,
47:59je ne serai jamais prêt comme ça maintenant.
48:01Jamais plus.
48:03À la fin de la nuit,
48:05François Pingam est amené dans la cellule
48:07où se trouve Pierre Duhaut.
48:09On l'a appelé,
48:11il est sorti,
48:13il est revenu quelques temps après.
48:15Alors qu'est-ce qui s'est passé ?
48:17Vous allez être libéré.
48:19Chez moi, on a trouvé des armes.
48:21J'ai reconnu
48:23que je faisais partie de la résistance
48:25et que vous, vous n'y étiez pour rien,
48:27que c'était chez moi que ça se passait.
48:29Bon.
48:35Leclerc a-t-il dénoncé
48:37le jeune Pingam
48:39et causé ainsi sa mort ?
48:41L'accusation est grave.
48:43La réponse se trouve peut-être
48:45dans ce cube noir.
48:47Les archives de Rennes.
48:49Là, en effet,
48:51est conservé le dossier d'instruction
48:53d'Edouard Leclerc,
48:55juridiquement inaccessible pendant 100 ans.
48:59L'historien Christian Hamon
49:01est le seul à avoir pu le consulter.
49:05Il a pu lire les déclarations
49:07d'un témoin-clé,
49:09le Oberfeldwebel Herbert Schade.
49:11C'est le 15 décembre 1944.
49:13Des positions de Schade,
49:1538 ans, quimper.
49:17Il explique.
49:19Leclerc est venu à la commande en tour
49:21et il m'a déclaré qu'il était
49:23farouchement anticommuniste
49:25et partisan de la collaboration
49:27franco-allemande.
49:29Tout le reste recoupe à peu près
49:31ce qu'a déclaré
49:33le jeune Leclerc.
49:35Il parle effectivement
49:37de ses arrestations.
49:39Le lieutenant décida par la même occasion
49:41de procéder à l'arrestation des personnes
49:43indiquées sur la liste fournie par Leclerc,
49:45composée de Pengamper,
49:47Boullou, Oudet...
49:51Sur la liste transmise
49:53par Leclerc figure bien
49:55un Pingam, c'est vrai,
49:57mais il s'agit du père de François Pingam,
49:59arrêté lui aussi
50:01au cours de la rafle du 21 mai.
50:03C'est lui et seulement lui
50:05que Leclerc a dénoncé.
50:09Il faut reconnaître
50:11qu'il n'a pas dénoncé
50:13le jeune François Pingam.
50:15Il n'empêche que ça n'absoud
50:17en rien du tout son comportement.
50:19S'il n'avait pas eu cette affaire,
50:21ce drame du jeune
50:23François Pingam,
50:25c'est une affaire de délation
50:27comme il y en a eu des centaines
50:29et des milliers d'autres en Bretagne.
50:35Est-ce la fin de l'histoire ?
50:37Ce n'est pas sûr.
50:39Jusqu'à ce jour, Pierre Duhaut
50:41n'avait jamais parlé.
50:43Il est le seul à avoir
50:45accepté de le faire
50:47après bien des hésitations.
50:51Pingam n'était pas chez lui.
50:53Les Allemands ont commencé
50:55à arrêter à 3 ou 4 heures du matin.
50:57Ils débarquent chez lui,
50:59donc ils avaient son adresse,
51:01et ils arrêtent le père
51:03qui avait à l'époque 70 ou 72 ans.
51:05On y trouve des armes,
51:07je crois.
51:09Ils ont arrêté le père et ils l'ont foutu en taule.
51:11François Pingam rentre chez lui
51:13et sa mère lui dit
51:15on l'a arrêté papa.
51:17Il est allé de suite et elle a commencé
51:19c'est pas mon père, c'est moi.
51:21Vous avez su ça ?
51:23Pas exactement comme ça.
51:25Ce que je ne savais pas, c'était
51:27il va directement lui, c'est pas mon père, c'est moi.
51:29C'est ce qu'il nous a dit.
51:31J'ai été
51:33voir les Allemands et leur dire
51:35que c'était pas mon père qu'il était perclus
51:37de rhumatisme.
51:39Tous les copains l'ont entendu,
51:41on était une douzaine
51:43dans la cellule.
51:49Si Edouard Leclerc n'avait pas dénoncé
51:51le père, peut-être le fils
51:53résistant aurait-il échappé
51:55à son sort.
51:57Nous ne le saurons jamais.
51:59Mort en 2012, Leclerc
52:01a emporté avec lui ses secrets.
52:03Demeure ainsi
52:05le mystère de ses motivations.
52:07Son anticommunisme revendiqué
52:09explique-t-il son comportement ?
52:11On peut en douter
52:13quand on sait que les pingames n'avaient aucun lien
52:15avec le communisme.
52:17Alors,
52:19pourquoi ?
52:23Je ne sais pas pourquoi il l'a fait.
52:25Je ne peux pas vous dire.
52:27Peut-être qu'il ne le sait pas lui-même.
52:29Je sais qu'il a été jugé irresponsable.
52:31Il l'était ?
52:33Curieux, mais pas
52:35irresponsable.
52:37Curieux, c'est différent.
52:39Il a toujours été curieux.
52:41Curieux, ce n'est pas méchant ce que je dis.
52:43Curieux, il n'était pas comme nous.
52:45Chad profita de mes visites
52:47à la commande en tour pour me demander
52:49des renseignements sur certaines personnes.
52:51Voilà les raisons des lettres écrites à Chad
52:53par la suite et signées par moi
52:55TDM.
52:57Je reconnais avoir envoyé de telles lettres à Chad.
52:59TDM, c'est intéressant
53:01parce que ça donne quand même un éclairage
53:03sur le personnage
53:05qui a quand même 17 ans.
53:07Je vous le rappelle.
53:09Il signait ses lettres TDM.
53:11Ça voulait dire tête de mort.
53:13Il avait raconté à Chad qu'il était le chef
53:15de cette organisation qui était destinée
53:17à lutter contre le communisme.
53:19TDM, tête de mort.
53:21Chad découvrira vite qu'en fait
53:23d'organisation, il était tout seul.
53:25Il expliquera après que l'idée lui était venue
53:27en ayant lu des romans policiers.
53:29Donc voilà, ça donne quand même
53:31un aperçu de la complexité
53:33du garçon.
53:41Cette anecdote révélée
53:43par les archives conduit
53:45à émettre une hypothèse.
53:47Pendant la guerre,
53:49les rêves insensés d'Edouard Leclerc,
53:51sa volonté déraisonnable
53:53d'exister, sa mégalomanie,
53:55l'ont peut-être conduit
53:57à se compromettre avec Chad.
53:59On en vient aujourd'hui à penser
54:01que ces mêmes rêves,
54:03cette même ambition sans limite
54:05et presque folle,
54:07pourraient être à l'origine de la fondation
54:09d'un empire commercial
54:11qui a changé la France.
54:13Si ce personnage aux multiples facettes
54:15que fut Edouard Leclerc
54:17a une vérité,
54:19c'est peut-être bien celle-là.
54:23Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
54:53Abonnez-vous !

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