Mathieu Bock-Côté, essayiste et chroniqueur CNews, réagis aux élections législatives

  • le mois dernier

Pendant deux semaines, Eliot Deval et la rédaction d'Europe 1 vous propose deux heures de décryptage d'analyse autour des élections législatives.
Retrouvez "Eliot Deval sur Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/eliot-deval-sur-europe-1

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Transcript
00:00Mathieu, beaucôté, on a plusieurs questions évidemment à vous poser ce soir, mais la question principale et je pense que c'est peut-être l'enjeu majeur de cette élection législative anticipée,
00:12c'est la consécration de cette France face à face, parce que maintenant il y a deux blocs, il n'y en a pas trois. Est-ce que je me trompe ?
00:20Tout de même, il y a un troisième bloc qui est résiduel, qui existe encore, le bloc macronnais, ce qui est plus fort qu'on ne le dit, quoi qu'on en pense,
00:25parce qu'il a le contrôle des institutions globalement, c'est-à-dire que même s'ils font électoralement, il a encore une véritable emprise sur la société civile, sur une partie de la gauche aussi.
00:34Donc je ne le dirais pas vaincu, soit dit en passant, il est capable aujourd'hui, on le voit, de s'allier avec la gauche, donc il confirme son existence et sa capacité,
00:42il fait un choix en l'extrême centre, est capable de dire bravo pour votre foulard islamique madame, il est merveilleux d'autant que vous êtes féministe,
00:50et dire une année plus tard, l'immigrationnisme je dénonce, mais au final quand il faut trancher, l'extrême centre bascule avec la gauche radicale, premier élément.
00:59Ensuite, vous dites deux France, on pourrait dire oui sur le plan électoral, mais ils ne brandissent pas le même drapeau.
01:04D'un côté c'est le drapeau français, de l'autre c'est le drapeau palestinien, alors je ne conteste d'aucune manière la francité du camp de la gauche radicale,
01:10parce qu'elle s'ancre dans une tradition française très particulière, c'est 1793, c'est la pulsion révolutionnaire.
01:16Ce que disait Jean-Luc Mélenchon hier soir, si je me permets de le rappeler, en disant la France ce n'est ni une race, bon très bien on est d'accord,
01:23mais ce n'est pas non plus une langue, ce n'est pas une religion, ce n'est pas une culture, ce n'est qu'un projet politique disait Jean-Luc Mélenchon hier, c'est un contrat politique.
01:30Le problème c'est que tous ne souscrivent pas au contrat politique de Jean-Luc Mélenchon.
01:35Ils sont très nombreux à ne pas souscrire à ce contrat politique, ce qui veut dire qu'ils sont très nombreux à ne pas être français selon Jean-Luc Mélenchon.
01:42Il reprend une rhétorique maurassienne en quelque sorte pour associer à l'antifrance tous ceux qui ne sont pas mélenchonistes, une forme de retournement historique.
01:49Mathieu Bocoté, comment vous voyez l'avenir ? Est-ce que c'est une crise politique ?
01:53C'est une crise de régime pour trois ans qui commence.
01:55Quelle que soit le gagnant, une crise de régime qui conduit à 2027 au moins, et ce n'est pas terminé nécessairement,
02:04parce qu'on a des légitimités contradictoires qui vont s'affronter dans les institutions.
02:09C'est-à-dire qu'imaginons que le RN, le Bloc national, soit majoritaire, majorité absolue.
02:15Même dans ce cas-là, il a le Conseil constitutionnel contre lui, le Conseil d'État, une bonne partie des médias, la société civile, le Président de la République.
02:23Donc même gagner les élections ne veut pas dire gagner le pouvoir.
02:27Gagner les élections veut dire gagner la possibilité de regagner un peu de pouvoir, premier élément.
02:33Donc là, la crise est commencée.
02:35Si on se retrouve dans un scénario, des autres scénarios possibles, le conflit va s'intensifier jusqu'en 2027,
02:42et je ne vois pas comment la France pourra vivre des moments apaisés pour les mille prochains jours, disons-ça ainsi,
02:47comme quoi les nations sont fidèles à leur histoire.
02:49Le potentiel de violence politique et de tension politique est plus élevé en France que dans les autres pays occidentaux,
02:54et on en a la confirmation encore une fois.
02:56Vous qui regardez cette situation avec beaucoup de hauteur, avec aussi beaucoup de distance, l'Atlantique c'est grand quand même.
03:08Est-ce que vous avez la sensation que les Français peuvent encore s'entendre ?
03:12Non, pas pour un bon moment, non.
03:14Merci de nous rassurer.
03:15Bonjour l'ambiance, c'est-à-dire qu'on finit l'émission en disant on va se la fêter.
03:19Le fait est qu'ils s'entendront un jour, mais pour l'instant on est dans une phase de recomposition politique mais aussi sociologique.
03:25Il faut bien comprendre ce qui se passe.
03:27Un changement de régime veut dire le remplacement d'une élite par une autre.
03:31On est aussi dans un remplacement d'une légitimité par une autre.
03:34On est dans des conceptions de la France fondamentalement contradictoires qui ne sont pas appelées à se réconcilier autour de je-ne-sais-quel désaccord.
03:41Ce n'est pas un désaccord parce qu'on s'est mal compris qui divise par exemple LFI ou le Bloc des Gauches et le Bloc National.
03:49C'est une incompatibilité philosophique.
03:52Deux conceptions radicalement contradictoires de ce qu'est la France et la nation.
03:55Et de ce point de vue, la victoire dans l'un des deux camps ou des trois camps à la rigueur, si la Macronie renaît,
04:03une victoire durable peut ensuite apaiser les choses.
04:06Mais on est au début du cœur de la crise et ça va durer un bon temps.
04:11Ensuite, les Français réapprendront à s'aimer un jour.
04:13Mais on est dans le moment où ils réactivent la tentation du, je ne dirais pas de la guerre civile,
04:17mais à tout au moins d'un conflit politique exacerbé entre les différentes familles politiques.
04:21Gabriel Cluzel, est-ce que vous partagez le constat de Mathieu Bocoté ?
04:24Un constat un peu grave. Franchement, ce n'est pas rassurant.
04:27J'imagine l'auditeur qui nous écoute, qui est en train de conduire et qui se dit,
04:31si on n'est pas capable de s'entendre...
04:32Il faut dire que la vie est belle aussi à la rigueur.
04:34Moi, je ne suis pas la plus française des Québécois, mais je vais essayer d'être la plus française des Français.
04:39Et il me semble que la France s'est relevée des preuves qui paraissaient insurmontables au cours de son histoire.
04:45Donc je crois que ça, ça peut laisser espoir.
04:48Néanmoins, on parle souvent de guerre civile.
04:49Mais pour une guerre civile, il faut que les deux camps soient français.
04:52Il y a, vous parliez de la France du drapeau palestinien,
04:56qui, selon Jean-Luc Mélenchon, n'était pas représentée par sa langue.
04:59Alors si elle n'est représentée ni par sa langue ni par son drapeau, en réalité, est-ce qu'elle peut encore s'appeler la France ?
05:03Est-ce qu'on peut réellement parler de guerre civile ?
05:05Non, vous n'en avez pas parlé.
05:06Mais Emmanuel Macron en a parlé.
05:07Certains en parlent.
05:08Je pensais au philosophe Michel Onfray.
05:11Mais est-ce que les mots ne sont pas propres à partir du moment où un certain nombre de ceux qui sont en France ne se sentent pas français ?
05:18Je me permets de dire qu'au moment des émeutes l'an passé, moi j'avais dit que le concept de guerre civile n'est pas le bon.
05:23Une guerre civile, c'est à l'intérieur d'un même peuple.
05:25Or, lorsqu'on brandit un autre drapeau que le drapeau français, c'est qu'on s'identifie au moins symboliquement à un autre peuple.
05:30Ensuite, je ne conteste pas sur le plan juridique ce que sont les uns et les autres.
05:33Mais il y a une dimension symbolique explicite, revendiquée par les uns et par les autres.
05:37Ou alors des conceptions si contradictoires de la France qu'on se demande ce que ça peut donner.
05:41Ensuite, on s'entend que toute nation peut se redresser de tous les malheurs.
05:44Je ne suis pas certain, cela dit, qu'elle puisse se redresser d'une submersion lémographique.
05:48Ça, c'est autre chose.
05:49Je pense que ça n'a jamais été aussi tendu, polarisé et fracturé qu'à l'heure où on se parle, même au sein des mêmes familles.
05:56C'est-à-dire que vous commencez un dîner et vous demandez sur une tablée, avec vos cousins, cousines, oncles et tantes,
06:02quel est le plus grand danger, la France Insoumise ou le Rassemblement National ?
06:05Vous n'êtes pas sûr de terminer le dîner tranquillement.
06:09D'autant qu'il y a une troisième option.
06:10Ça peut être le médecin de la Macronie, le plus grand danger.
06:12N'oubliez pas, parmi les familles, il y a des gens pour qui le plus grand danger, c'est celui-là.
06:15Bien sûr.
06:16Merci, c'est quasiment terminé.
06:18Merci beaucoup Mathieu Boccotté.
06:19Ça fait plaisir.
06:20Vous nous avez fait l'honneur de venir dans ce studio pour nous parler dans une petite heure.
06:25Vous serez sur le plateau de CNews pour Face à l'Info avec Christine Kelly.
06:32C'était vraiment un plaisir.
06:33On se voit tous les samedis soir pour Face à Mathieu Boccotté de 19h à 20h.

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