• il y a 4 mois
Comment une organisation secrète de citoyens syriens poursuit en Europe les criminels de guerre ? C’est la base du scénario des « Fantômes » réalisé par Jonathan Millet. Sous des airs de film d’espionnage, le cinéaste a lui-même enquêté pendant plusieurs mois pour imaginer son premier long-métrage brillant. A l’occasion de la sortie au cinéma des « Fantômes », ce mercredi 3 juillet, film dont « Le Nouvel Obs » est partenaire, entretien croisé entre Jonathan Millet et l'acteur principal Adam Bessa.

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Transcription
00:00C'était au bout de ma life, au H24, tout le temps.
00:02Donc sur les nerfs, je leur mets assez peu,
00:05agressifs, tendus.
00:21Moi je travaillais sur un projet documentaire avec des réfugiés de guerre
00:25et donc c'est une époque où je rencontrais beaucoup de réfugiés de guerre syriens
00:28et je me documentais.
00:29Je commence à entendre des bribes de cette histoire incroyable.
00:33D'abord on me parle de chasseurs de preuves en Syrie,
00:35donc de gens qui essayent de documenter la torture en Syrie.
00:39Et petit à petit, on me parle de ces chasses à l'homme
00:42qui ont lieu dans toute l'Europe et notamment en Allemagne et en France,
00:45de groupes secrets, vraiment de citoyens ordinaires syriens,
00:49des chauffeurs de taxi, des avocats, des profs,
00:52qui se sont dit « personne ne nous rendra la justice donc c'est à nous de le faire »
00:55et qui se sont alliés et qui sont allés sur tous les pays européens
00:59pour rechercher les criminels de guerre.
01:01Il y a un film extrêmement fort à faire.
01:04Souvent en documentaire, j'essaye d'aller chercher quelque chose de l'intime
01:10ou de choses qu'on n'a pas l'habitude de raconter
01:12et donc ça me demande beaucoup de temps.
01:14Petit à petit, les gens ont commencé à me faire confiance,
01:17à me raconter, à me proposer de me présenter quelqu'un, puis quelqu'un d'autre.
01:20Et donc j'ai pu me rapprocher dans les récits de gens qui travaillaient
01:23jusqu'à ce qu'on me propose par un zoom avec un écran noir et une voix modifiée
01:27de rencontrer une première personne qui était dans une de ces cellules.
01:30Et petit à petit, j'ai pu avoir pas mal de témoignages.
01:34Alors toujours avec des voix modifiées, toujours sans les prénoms,
01:37mais à pouvoir comprendre complètement les méthodes de fonctionnement de ces cellules
01:41et à rencontrer les quelques rares journalistes qui travaillaient sur le sujet.
01:45On recoupait nos informations et j'ai eu le sentiment à un moment
01:48d'avoir tous les éléments qu'il fallait pour pouvoir écrire de la fiction
01:52et du coup avoir un endroit de liberté dans l'écriture tout en respectant complètement le réel.
01:57Il faut croire à la force de la fiction, à l'intrigue.
02:00Moi, j'aime bien au cinéma être complètement emporté par ce qu'on voit.
02:02Le film d'espionnage, ça raconte ça, c'est des enjeux hyper intenses, des enjeux hyper forts.
02:06C'est un personnage qui risque tout, il risque de tout perdre.
02:10Et ça, ça m'intéresse énormément.
02:12Et après, la question, c'est de faire confiance au spectateur
02:14et de pouvoir lui faire pressentir, deviner, ressentir les choses
02:18sans avoir besoin de tout lui raconter.
02:19Et donc, de ne pas avoir besoin des scènes un peu obligées,
02:22mais d'essayer de créer un personnage tellement fort
02:24qu'on ressent tout ce qui se passe en lui
02:26sans avoir besoin que ce soit spectaculaire et qu'il y ait des explosions.
02:29Je crois que c'est là-dessus qu'on a commencé le travail.
02:32Je pense que le choix d'un genre, soit il s'impose par le scénario.
02:36Là, en l'occurrence, le scénario l'impose un petit peu
02:39et puis après, c'est aussi notre amour, je pense, de cinéphiles et de cinéastes de pousser les choses.
02:44Moi, le film d'espionnage, c'est déjà un genre de film qui me plaît énormément.
02:48Il y a un enjeu géopolitique qui est hyper intéressant
02:51et je trouve qu'il n'y a pas beaucoup de films qui abordent cette question-là.
02:53En tant que spectateur, j'aime ça.
02:56J'aime quand ça se passe dans plusieurs pays,
02:58quand j'ai ce côté un peu fresque international-géopolitique.
03:03C'est l'état du personnage pendant tout le temps du tournage.
03:07Ça a été épuisant.
03:08C'était au bout de ma life, au H24, tout le temps.
03:11Donc, sur les nerfs, je leur mets assez peu.
03:14Agressif, tendu, toujours au point de la rupture.
03:18En fait, c'est un truc qui ne peut pas se faker.
03:20J'en suis persuadé.
03:21Ça ne se joue pas, ça.
03:23En tout cas, peut-être un acteur qu'un autre aurait fait différemment.
03:25Moi, en tout cas, pour moi, ça, ça ne se joue pas, quoi.
03:28Ça se vit, quoi.
03:31Moi, j'essaye aussi de faire des films pour ça, en tout cas pour raconter la complexité,
03:35c'est-à-dire de se dire qu'il n'y a pas des exilés,
03:38mais qu'il n'y a que des histoires individuelles
03:40et que ce sont tous des personnages complexes,
03:43des gens qui n'ont pas choisi, des pays qui s'entredéchirent,
03:46que l'Europe, il y est parfois pour quelque chose.
03:48En fait, que c'est une situation globale et complexe
03:51et qu'il y a quelque chose de ridicule à dire.
03:53Tiens, regardez, aujourd'hui, il y a un problème d'immigration en France,
03:55que c'est une question globale.
03:57Et le film vient raconter qu'il y a eu une guerre civile en Syrie,
04:00donc il y a des trajectoires de gens qui sont tordus
04:03et qui sont obligés de fuir le pays.
04:04Et j'essaye de montrer dans le film
04:06qu'un bon nombre de ceux qui se retrouvent en Europe n'avaient pas du tout envie,
04:10ne voyaient pas l'Europe comme un paradis.
04:12Ils se sont juste retrouvés dans la nécessité de quitter leur endroit.
04:16Et que souvent, l'Europe ou l'Occident est pour quelque chose
04:19dans la destruction des pays dont ces exilés,
04:23dont ces personnes déracinées doivent fuir.
04:25C'est la même chose.
04:26Je crois que l'ignorance, de manière générale,
04:29peut être toujours source de beaucoup d'écarts et de bêtises.
04:33Donc, plus on sait les choses,
04:36plus on les comprend dans leur complexité,
04:39plus on est à même à faire des choix un petit peu intelligents, je dirais.

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