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00:00Arnaud Rosac, le Décompte continue. Nous sommes à J-2 avant d'aller voter.
00:03Et ce matin, nous nous penchons sur les programmes économiques des différents partis qui s'affrontent.
00:08Et pour évoquer ces programmes, vous recevez Arnaud, l'économiste Jean-Paul Polin.
00:14Il est professeur à l'Université d'Orléans.
00:16Jean-Paul Polin, bonjour.
00:17Bonjour.
00:17Il y a beaucoup de mesures qui sont proposées sur cette campagne.
00:20Par exemple, à gauche, le SMIC à 1600 euros, la baisse de la TVA sur l'énergie pour le Rassemblement National
00:25ou encore la prime Macron qui passerait de 3000 euros maximum à 10 000 euros côté Renaissance.
00:30La première question, c'est celle-là.
00:32La France peut-elle se permettre de financer ces mesures ?
00:35Est-ce que c'est finançable tout ça ?
00:36Écoutez, il faudrait d'abord s'intéresser à la situation actuelle.
00:40Alors la situation actuelle, c'est tout simplement que nous avons multiplié par deux,
00:45à peu près par deux, notre taux d'endettement sur les 15 dernières années.
00:50Donc c'est tout à fait considérable.
00:53Et quand on regarde ensuite l'état des finances publiques, c'est-à-dire les soldes budgétaires,
01:00on n'a pas fait d'excédent budgétaire en France depuis 1974
01:07et on n'a pas eu de budget à l'équilibre depuis plus que ça, 15 ou 20 ans.
01:17Donc il y a d'une part cette situation,
01:21donc nous sommes endettés à 118% du produit intérieur brut.
01:26Justement, est-ce qu'on peut faire, M. Paulin, un point sur la dette qui est estimée à 1300 milliards ?
01:30Est-ce qu'on peut déjà expliquer brièvement ce qu'est la dette
01:33et pourquoi on en est arrivé à ce point-là en France ?
01:36Écoutez, par un ensemble de déficits publics,
01:40c'est-à-dire que quand vous avez des déficits publics qui atteignent,
01:45comme c'est le cas aujourd'hui, 5% du produit intérieur brut,
01:50c'est-à-dire de la production du pays,
01:53et ceci pendant très longtemps, fatalement,
01:57ça finit par faire un stock d'endettement qui est tout à fait considérable.
02:03Donc ce n'est pas que la faute du Covid, par exemple ?
02:05Non, enfin, c'est-à-dire qu'il y a eu quand même une bonne part
02:08qui est due au fameux « quoi qu'il en coûte » lors du Covid,
02:12c'est-à-dire que, sans doute, on y a été très fort,
02:16probablement trop fort,
02:17puisqu'on a accordé des subventions un peu à tout le monde,
02:23aux entreprises, mais aussi aux individus,
02:26pour essayer de surmonter cette crise.
02:29Et ceci, effectivement, ça s'est traduit par une augmentation du taux d'épargne.
02:37C'est-à-dire que durant cette période, les Français ont fait de l'épargne.
02:42Mais enfin, à cette situation pas terrible, déjà,
02:46il faut ajouter quelque chose de peut-être plus important,
02:49c'est qu'on se trouve placé maintenant face à des nécessités d'investissement
02:54tout à fait considérables, je veux dire la transition écologique,
02:57je veux dire la réindustrialisation, en tout cas les modifications,
03:01la transition technologique, mais aussi les budgets de la défense,
03:06les budgets de la défense qui commencent à augmenter un peu partout en Europe
03:10pour les raisons que l'on sait,
03:11et enfin, la réhabilitation des services publics
03:15qui apparaît aujourd'hui comme une vraie nécessité.
03:19Je veux parler ici de la justice, de l'éducation, etc.
03:22– Beaucoup de chantiers, Jean-Paul Polin,
03:24pour parler d'une mesure qu'on évoquait au tout début de l'interview,
03:27par exemple celle du RN, sa mesure phare,
03:29qui est de faire passer la TVA sur l'essence et les produits alimentaires à 5,5%,
03:34ça coûterait plusieurs dizaines de milliards par an, d'après les estimations,
03:37est-ce que, d'un point de vue d'économiste, de votre point de vue,
03:39ce serait efficace pour redonner, par exemple,
03:41du pouvoir d'achat aux classes populaires qui souffrent depuis quelques années désormais ?
03:44– Alors, peut-être aux classes populaires, surtout aux ruraux d'ailleurs,
03:49qui doivent se servir notamment de leurs voitures,
03:54mais le problème c'est que ça va profiter à tout le monde,
03:59donc ce n'est pas une mesure qui est ciblée,
04:01alors qu'on aurait besoin justement de mesures ciblées.
04:04J'ajoute que ce n'est pas en subventionnant les dépenses énergétiques
04:10que vous allez résoudre la transition.
04:13– Au sujet du RN, on entend beaucoup Jordan Bardella dire
04:17« je détaillerai mon programme une fois que j'arrive au pouvoir,
04:20et une fois que j'aurai fait un audit des comptes de l'État
04:23pour faire un état des lieux et voir après ce que je peux faire »,
04:25qu'est-ce que vous en pensez de ça ?
04:26– Écoutez, il y a une institution française qui s'appelle la Cour des comptes
04:31et qui fait des rapports très fouillés et très sérieux chaque année
04:35sur des questions diverses et variées.
04:38Vous avez aussi un Haut conseil des finances publiques
04:41qui s'interroge sur la façon dont on peut boucler le budget,
04:48donc ça fait déjà pas mal de choses,
04:49alors je veux bien qu'il y ait en plus des audits.
04:52– Il y a déjà des outils, c'est ce que vous voulez dire ?
04:53– Oui, voilà, c'est ça.
04:54Par rapport au programme du Nouveau Front Populaire
04:56qui veut le financer en grande partie grâce aux impôts,
04:59notamment faire passer sur l'impôt sur le revenu un barème,
05:03passer de 5 tranches à 14 tranches,
05:05et notamment aussi la restauration de l'ISF, l'impôt sur la fortune.
05:08Sur ce point précis, qu'est-ce que vous en pensez vous en tant qu'économiste ?
05:11– Je pense deux choses.
05:12La première, c'est que cette augmentation de l'impôt sur les riches,
05:19peut être bienvenue parce que, de fait, c'est une réduction des inégalités
05:26et que cette réduction des inégalités est tout à fait nécessaire
05:29on le dit depuis longtemps, il y a effectivement une progression
05:32des inégalités un peu partout au niveau intérieur.
05:36Par contre, n'attendons pas de cette mesure des choses extraordinaires
05:42parce que, de fait, la base imposable n'est pas si importante que ça
05:47et puis d'autre part, il peut y avoir des phénomènes de substitution.
05:50– Jean-Paul Paulin, très rapidement, on a vu à travers l'interview
05:53qu'on vient de réaliser que les questions économiques demandent du temps,
05:55il faut faire de la pédagogie.
05:56Est-ce que vous avez eu le sentiment que ce travail était possible
05:59en l'espace de trois semaines de campagne ?
06:00– Certainement pas, il est vrai qu'il faut rajouter cela,
06:03c'est-à-dire qu'on s'est trouvé face à une pression sur trois semaines
06:11et dans ces conditions, c'est la porte ouverte à toutes les démagogies.
06:15– Merci beaucoup Jean-Paul Paulin d'être venu nous éclairer ce matin
06:18sur France Bleu Orléans, très bonne journée à vous.
06:20– Merci à vous.