Ce jour-là - La course d'une vie

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Championnats du monde d'athlétisme 2017 : Pierre Ambroise Bosse, spécialiste du 800m, est loin d'être favori au départ de la course...

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00:00Au championnat du monde en 2017, je n'étais pas en grande forme, enfin dans ma tête ça
00:15allait très bien, mais physiquement ce n'était pas le pic de forme de ma carrière clairement.
00:22Donc j'étais, pour être honnête, sous anti-inflammatoire, j'avais une douleur
00:26jusqu'au janvier, qui traînait depuis quelques mois.
00:29Donc moi je fais deux meetings dans l'année alors que normalement on en fait une dizaine
00:34avant un championnat.
00:35On n'était pas des fêtistes, mais un petit peu quand même.
00:375 août 2017, diminué physiquement, Pierre Ambroisebosse se rassure en terminant deuxième
00:46de sa série.
00:47Le lendemain, place aux demi, ils sont encore 23 en lice, seuls 8 accéderont à la grande
00:53finale.
00:54C'est la course de tous les dangers.
00:56Ce jour-là, ça passe très récrac, moi je suis, alors si tu veux, il y en a deux qui
01:00passent au temps en qualif normal, donc les deux premiers que je la course, et tu en rajoutes
01:05deux sur les trois demi-finales au temps.
01:07Et moi je suis deuxième, quasiment ex-aequo, donc je suis dernier pris, quasiment premier
01:13pas pris.
01:14Je n'ai aucune chance de gagner les championnats derrière.
01:168 août 2017, 22h30, la finale du 800 mètres va bientôt démarrer.
01:25Pierre Ambroisebosse est sur la ligne de départ, dans sa bulle.
01:29C'est très difficile de décrire à quoi je pense à ce moment-là, il y a une sorte
01:33de vide, il y a beaucoup de pensée, tu vois, c'est-à-dire que les pensées s'accumulent
01:41et je me dis arrête de penser à tout ça tout de suite, donc il y a un jeu d'esprit
01:46qui se passe qui est un peu, qui est très agréable.
01:52Il y a un aspect psychédélique dans cette histoire où tu te dis, comme dans un rêve,
02:01il y a des pensées qui arrivent.
02:02Tu perds un peu le fil quand tu dis à vos marques, en fait moi je le perds un peu à
02:07ce moment-là, c'est-à-dire que je pourrais presque m'évanouir.
02:10Tu me dis il y a trois secondes de plus, je vais être dans un état vaseux.
02:14Et en fait ça part, et là tu oublies tout ce que tu étais en train de penser, c'est
02:19fini.
02:21Les 200 premiers mètres, j'ai envie, j'ai cette envie d'être placé dans les premiers.
02:29Et je me prends un coup, un deuxième, et en fait pas que moi, à ce moment-là il y
02:34a une bousculade, mais ce qui arrive souvent à haut niveau, et puis je me retrouve quasiment
02:37dernier.
02:38Et ça me rend fou, ça me rend fou parce que j'ai tout fait pour y être et je n'y
02:42arrive pas.
02:43Il y a une boule de nerf qui explose en moi, et je lui ai dit c'est pas grave.
02:50Dans 400 mètres, c'est-à-dire aux 600, 400 mètres plus tard, tu vois quand on se
02:56rabat, 400 mètres plus tard, à ce moment-là, je me dis il faut que je sois premier.
03:00Au 500, j'attends mon moment et je passe à fond.
03:15J'arrive à être premier, et je suis sûr et certain que je vais perdre la course.
03:20Je me rends compte sur le grand écran qu'ils ont pris 5 mètres, je ne comprends même
03:25pas comment c'est possible, et je commence à comprendre qu'en fait ils sont trop loin,
03:29et ma fatigue n'est pas assez accumulée pour que je perde la course.
03:34Pendant une dizaine de secondes, je suis sûr de gagner, et ça c'est une sensation très
03:45particulière.
03:46Et donc là, je suis dans le cosmos.
03:50Quand je passe la ligne, je vois des flashs, je vois les médias, et je comprends en fait
04:10rapidement, ça me reconnecte à la réalité, je vois l'écran, c'est sûr cette fois
04:14les gens viennent vers moi, et de toute façon après tu es rebasculé avec la douleur qui
04:21arrive immédiatement.
04:23Le plus compliqué dans cette discipline c'est que le positif que tu y trouves, tu dois aller
04:34le puiser.
04:35Tu ne peux pas faire un 800 et kiffer, et dire ouais putain les gars c'est trop bien,
04:39j'ai découvert une discipline de ouf, non pas du tout, ça ne marche pas du tout comme
04:42ça.
04:43C'est un peu comme le café ou la bière, quand tu arrives dans ta vie d'adolescent
04:50et tu te dis mais qu'est-ce que vous faites là, et en fait ton palais doit s'y faire.
04:53Pour moi c'est ça un peu le 800, le demi fond, c'est une douleur que tu apprivoises
04:57qui devient en fait quelque chose de positif plus tard, et tu ne le retrouves pas dans
05:02toutes les disciplines.
05:03Moi je n'ai jamais été le meilleur du monde, aucune année, à aucun moment, il y a toujours
05:08eu quelqu'un meilleur que moi, j'ai été deuxième au bilan une année, il y avait
05:11le recordman du monde devant moi, donc j'ai été à un moment donné fort, mais pas assez
05:16pour être le meilleur, et mon objectif à un moment donné c'était d'avoir le record
05:19du monde pour me prouver que j'ai pu l'être, je n'ai pas ce niveau-là.
05:23Entre temps j'ai gagné les championnats du monde, et il y a eu une émotion tout à
05:26fait particulière, c'est le fait de pouvoir l'être à un moment, juste à un moment,
05:34c'est suffisant.
05:35On a jeté les codes en fait en une seule course, c'est pour ça aujourd'hui que je
05:40continue encore l'athlée, puisque je sais que c'est possible, même si tu as une cote
05:45à 69, ce qui était mon cas avant le championnat, tu peux gagner la course, il n'y a pas de
05:49limite au rêve des gens.
05:50Pierre Ambroise Boss est le premier français de l'histoire à décrocher le titre mondial
05:56sur 800 mètres.
05:57Ce jour-là, il a réalisé l'un des plus grands exploits de l'athlétisme français.

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