L’urgence environnementale est aujourd’hui indiscutable. Deux chiffres suffisent pour en prendre conscience. Le premier est notre budget carbone qui est le maximum de ce que devons encore émettre pour respecter l’accord de Paris, soit 800 Gt et le second est celui des émissions annuelles qui sont de 42 Gt. Autrement dit, au rythme actuel, notre budget carbone sera épuisé vers 2040, soit dix ans avant la date butoir de 2050 qui est souvent avancée comme celle visée pour avoir un système économique neutre en carbone. [...]
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00:00L'urgence environnementale est aujourd'hui indiscutable.
00:11Deux chiffres suffisent pour en prendre conscience.
00:14Le premier est notre budget carbone qui est le maximum de ce que nous devons encore émettre
00:20pour respecter l'accord de Paris, soit 800 gigatonnes.
00:23Et le second est celui des émissions annuelles qui sont de 42 gigatonnes.
00:29Autrement dit, au rythme actuel, notre budget carbone sera épuisé vers 2040,
00:34soit dix ans avant la date butoir de 2050,
00:38qui est souvent avancée comme celle visée pour avoir un système économique neutre en carbone.
00:43Une réaction doit donc être rapide et forte,
00:45et avoir des effets sur l'ensemble de notre mode de vie,
00:49production, consommation, mobilité, loisirs,
00:53qui tous impactent notre utilisation des ressources disponibles
00:57et de l'énergie dont nous disposons.
00:59On invoque souvent une transition énergétique en cours,
01:02permettant de passer des énergies fossiles aux énergies renouvelables.
01:06Malheureusement, cette transition existe davantage dans les discours que dans la réalité.
01:12Car loin de vivre un passage des fossiles aux renouvelables,
01:15ce à quoi on assiste,
01:17c'est à une consommation accrue de toutes les énergies et de toutes les ressources.
01:22Comme le changement climatique touche le monde entier,
01:25une solution institutionnelle visant la coordination des efforts de toutes les parties concernées,
01:30et d'abord les États,
01:31devrait être une voie privilégiée.
01:34Les COP sont la forme prise aujourd'hui par cette coopération internationale,
01:39sans résultat significatif,
01:41ce qui n'obère en rien la nécessité d'une coordination.
01:45Mais le grand nombre d'États fait qu'il est difficile de passer d'un traité,
01:49même signé par tous, à des effets tangibles.
01:53Sans remonter trop loin,
01:55le nombre de pays officiellement reconnus par l'ONU depuis 1945 a fortement augmenté,
02:01d'une part avec la décolonisation,
02:03et d'autre part avec l'éclatement du bloc soviétique.
02:07Il y avait 76 pays indépendants en 1955,
02:11dont 5 en Afrique,
02:13puis 144 en 1975,
02:15dont 48 en Afrique et 33 en Europe,
02:18pour arriver respectivement en 2012 à 197, 54 et 45.
02:25Ces 197 États souverains ont bien du mal à se coordonner,
02:29devant renoncer alors à une part de la souveraineté,
02:33si nouvellement acquise pour les États les plus récents,
02:35qu'ils y sont d'autant plus attachés.
02:38De plus, chaque État a des contraintes de court terme
02:41qui se traduisent par des conséquences électorales
02:44et s'opposent à l'adoption de politiques de rupture
02:47qui n'ont que des effets à long terme.
02:49C'est ce qu'on appelle la tragédie des horizons.
02:52Alors qu'en est-il de la crédibilité de l'idée d'un gouvernement mondial,
02:56conséquence logique de la nature globale du problème du réchauffement climatique ?
03:00Ce n'est pas une idée nouvelle,
03:02et bien avant l'apparition des inquiétudes sur le climat,
03:05elle avait été envisagée notamment par Kant en 1784,
03:10dans « Idées d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique ».
03:14Il considère que la création d'un État cosmopolitique, universel,
03:19par le moyen d'une constitution politique,
03:21permettrait la coexistence pacifique des libertés.
03:25Ce projet se heurte à l'insociale sociabilité des hommes,
03:30concept oxymorique qui désigne leur tendance contradictoire à faire société.
03:36Et cette contradiction se reproduit au niveau des États.
03:40Comment surmonter ce dernier obstacle ?
03:42Par le truchement des guerres, de leurs préparations excessives et incessantes,
03:47même en temps de paix.
03:48Puis finalement, après bien des désastres, bien des naufrages,
03:52entrer dans une société des nations dans laquelle chaque État, même le plus petit,
03:57verrait sa sécurité et ses droits garantis, nous dit Kant.
04:01Mais nous en sommes encore à devoir regretter la sociale sociabilité des États,
04:07qui restent aujourd'hui toujours dans une situation de guerre plus ou moins larvée.
04:11Et aujourd'hui, plutôt plus que moins, comme on le voit en Ukraine, au Congo ou à Gaza.
04:16Notre société des nations modernes se révélant bien impuissante
04:21pour être cette force unie de la décision légale unifiée.
04:25Et il est probable que nous allons encore goûter un certain temps à bien des désastres,
04:30bien des naufrages, avant que la raison puisse se faire entendre.