Traversée du cinéma de Patricia Mazuy

  • il y a 2 mois
Cours de cinéma par Hervé Aubron, critique aux Cahiers du cinéma et sélectionneur à la Quinzaine des cinéastes. Donné le 14 juin 2024, à l'occasion de la Quinzaine en salle.

De Peaux de vaches à Bowling Saturne (programmé dimanche 16 juin à 18h30), l’œuvre de Patricia Mazuy est l’une des plus fiévreuses et des plus passionnantes de ces 40 dernières années. Juste avant la projection de son dernier film, La Prisonnière de Bordeaux, ce cours retrace son parcours de cinéaste.

Chaque vendredi à 18h30, les cours de cinéma. Entrée gratuite.
Infos: https://www.forumdesimages.fr/les-cours-de-cinema
Transcript
00:00:00Merci pour cette invitation, pour essayer de dire quelques petites choses sur le cinéma
00:00:16de Patricia Masui, effectivement je suis sélectionneur aussi à la quinzaine des cinéastes et on
00:00:22a donc sélectionné cette année le film qui va passer en avant première tout à l'heure,
00:00:29La prisonnière de Bordeaux, et que le forum a jugé que c'était l'occasion d'essayer
00:00:37de poser quelques petits jalons dans la filmographie de Patricia Masui, je vais essayer de ne pas
00:00:42trop déflorer, je dirais quelques petites choses quand même sur La prisonnière de
00:00:45Bordeaux, en essayant de ne pas trop déflorer le film pour ceux qui le verront tout à l'heure,
00:00:52pour poser quelques repères assez, je dirais, biographiques, même si l'idée n'est pas
00:01:01de faire des films de Masui, des projections personnelles excessives, même si je vais
00:01:08commencer par un film qui selon moi a une part auto-fictionnelle assez claire, La prisonnière
00:01:17de Bordeaux, c'est en fait le septième long-métrage de cinéma, puisqu'elle a aussi travaillé
00:01:23pour la télévision, auquel on pourrait ajouter quand même ce film par lequel on va commencer
00:01:30parce que c'est peut-être un des films qui est le plus souverain de Patricia Masui, le
00:01:35plus émouvant, qui s'appelle Travolta et moi, et qui lui était donc un long-métrage
00:01:41réalisé en 94 pour Arte, dans le cadre d'une belle collection qui s'appelait Tous les garçons
00:01:48et les filles de mon âge, et dont le principe était, on le verra d'ailleurs, on l'entendra,
00:01:54de précisément saisir un moment, une jeunesse à un moment donné, à une certaine époque
00:02:02et aussi dans une certaine époque musicale, l'importance des chansons, ce qui est loin
00:02:08d'être indifférent à Patricia Masui. Pour donner donc quelques repères sur son parcours,
00:02:16cette long-métrage, c'est beaucoup, et en même temps, la filmographie de Masui, elle
00:02:22se fait un peu par à-coups, parce que c'est quelqu'un, c'est un peu une guerrière solitaire,
00:02:27et qui a eu beaucoup de projets qu'elle n'a pas pu faire aboutir, etc., donc il y a parfois
00:02:32des blancs dans sa filmographie. Pour donner donc juste quelques jalons chronologiques,
00:02:39au début des années 80, alors qu'elle a 20 ans, grosso modo, elle plaque HEC, car
00:02:46assez étonnamment, elle a fait HEC, enfin elle a fait la première année d'HEC, d'ailleurs
00:02:51comme Jean-François Stévenin, qui va être un de ses, presque son grand frère, je dirais,
00:03:00qui notamment joue dans son film Peau de Vache, et donc elle plaque HEC à la fin de
00:03:05la première année, HEC à l'Animal Cine Club bien sûr, mais elle est parfaitement
00:03:09autodidacte, et elle décide finalement sur un coup de tête, parce que pour gagner sa
00:03:14vie elle gardait des enfants de riches américains, disait-elle, et apparemment elle avait en
00:03:22charge des enfants particulièrement difficiles, une riche famille américaine qui lui a proposé
00:03:27de venir en gros aux Etats-Unis pour continuer à faire cet office, et donc elle part à
00:03:33Los Angeles, comme ça, sur un coup de tête, et d'abord comme en quelque sorte nounou,
00:03:38enfin je ne sais pas, et elle réalise là-bas, en parallèle, en fait elle a déjà fait
00:03:474 courts-métrages, elle réalise un deuxième cours à Los Angeles, comme ça, sur ses propres
00:03:52amis, de manière encore une fois très artisanale, et elle le dit elle-même un peu, de manière
00:03:58extrêmement désinhibée quoi, c'est-à-dire j'y connais rien mais j'y vais, et elle
00:04:03rencontre, ce qui va être quand même assez important, Agnès Varda à Los Angeles, parce
00:04:08qu'à ce moment-là Varda tourne notamment Murmur à Los Angeles, et je ne sais plus
00:04:13par quel biais, mais en tous les cas quelqu'un lui dit « ah mais je connais Agnès Varda
00:04:16machin », etc. Elle rencontre Agnès Varda, et même elle la dépanne en pellicule, enfin
00:04:21bref, il se noue quelque chose avec Agnès Varda à Los Angeles, et surtout elle rencontre
00:04:25aussi à Los Angeles la monteuse d'Agnès Varda, Sabine Mamou, qui est aussi la monteuse
00:04:31de Jacques Demy, si bien que, et je crois que c'est assez important, Mazuit se retrouve
00:04:35stagiaire sur le montage d'Une chambre en ville de Jacques Demy, un grand film terminal,
00:04:42sépulcral de Jacques Demy, même s'il y en a d'autres ensuite, mais qui est ce grand
00:04:46tombeau un peu des films de Demy passés, films très lugubres et magnifiques, et elle
00:04:54deviendra ensuite, donc elle apprend vite quand même, puisqu'en 85 elle devient la
00:04:59monteuse à part entière de Varda sur Sanctua Nilois, là aussi assez important, puisque
00:05:05une des interprètes principales de son premier long Pot-de-vache. Et ensuite, tout de même,
00:05:11la filmographie se fait par un coup, donc 89 Pot-de-vache, je reviendrai sur les films,
00:05:18je ne vais pas vous passer les extraits de tous les films, et ensuite le prochain long
00:05:22métrage, le long métrage suivant est en 2000, donc déjà il y a 11 ans de Blanc, en
00:05:282000 c'est Saint-Cyr, qui est un des films qui a eu un des plus gros rayonnements publics
00:05:34notamment en raison de la présence d'Isabelle Huppert, bon entre temps il y a donc des
00:05:39travaux pour la télé quand même, donc Travolta et moi, je vais y venir tout de suite, mais
00:05:45aussi, c'est là qu'il y a aussi quelque chose d'intéressant, c'est qu'elle n'a aucun
00:05:49problème pour travailler pour la télé, y compris dans des cadres qui peuvent paraître
00:05:53un peu, bon, brinque-ballant, puisqu'elle fait des épisodes d'une série américaine
00:05:57qui s'appelle Le Voyageur, je ne sais pas si vous vous souvenez, dans les années 90,
00:06:01c'est une espèce de variation un peu, donc une série américaine, elle retourne aux
00:06:06Etats-Unis, travailler dans un cadre comme ça, un peu quand même atypique pour une
00:06:10cinéaste française à l'époque, qui est une sorte de quatrième dimension nouvelle
00:06:17génération, avec un personnage d'auto-stopper, enfin, moi en tout cas, gamin, je me souviens
00:06:21d'avoir vu des épisodes où, en fait, c'était à chaque fois une espèce d'histoire un peu
00:06:25bizarre, étrange, façon quatrième dimension, mais elle réalise aussi notamment un téléfilm,
00:06:31or lui, qui est assez Mokien, un peu à la Moki, qui s'appelle La Finale, en 99, qui
00:06:36est d'ailleurs une espèce de satire politique à assez gros traits, un peu à la Moki, sur
00:06:40le Front National, à l'époque. Après Saint-Cyr, donc après 2000, mais voyez,
00:06:47elle a déjà un laps de temps quand même assez conséquent, elle a un rythme plus régulier,
00:06:51et bon, j'y reviendrai sur notamment certains films, Basse Normandie en 2004, Sport de Fille
00:06:56en 2011, Paul Sanchez est revenu en 2018, bon, il y a eu quand même 7 ans encore, avec
00:07:02Laurent Lafitte, si vous vous en souvenez peut-être, Bowling Saturn en 2022, et donc, aujourd'hui,
00:07:07cette année, La Prisonnière de Bordeaux. Alors, pour commencer, je dirais, pour poser
00:07:15la question, mais d'où viens-tu Patricia ? Je dis ça, c'est un peu une blague, mais
00:07:19bon, c'est un peu comme d'où viens-tu Johnny ? Parce qu'on a souvent associé à Mazuit
00:07:24une image un peu de cinéaste rock, enfin, un peu de tête brûlée, qui, donc, ce côté
00:07:29un peu autodidacte, désinhibé, avec des bandes musicales, effectivement, assez souvent
00:07:34rock, bon, fan de western par ailleurs, donc il y a un côté cow-boy, il y a beaucoup
00:07:39de chevaux, dans ces films, j'y reviendrai, il y a beaucoup d'animaux. Une réalisatrice
00:07:43aussi souvent associée à une espèce d'âpreté, de brutalité, et puis, accessoirement, qui
00:07:51affectionne, et c'est quand même ce en quoi, notamment, elle est très précieuse dans
00:07:56le cinéma français de la fin du XXe siècle et d'aujourd'hui, c'est qu'elle affectionne
00:08:03particulièrement les lieux périphériques, c'est-à-dire, aucun film de Mazuit qui se
00:08:08passe à Paris, aucun, et toujours dans une France assez, on va dire, provinciale, souvent
00:08:16rurale, et populaire, pour le dire vite, dans des lieux, parfois, qui peuvent apparaître
00:08:21sans qualité, entre guillemets, c'est-à-dire sans pittoresque, par ailleurs. Elle adore
00:08:25les zones commerciales, des choses comme ça, on va le voir, bon. Et alors, d'où viens-tu
00:08:30Patricia ? Eh bien, notamment d'une boulangerie, tenue par ses parents à Dijon, où elle est
00:08:36en 1960. Et c'est en cela que Travolta et moi apparaissent quand même assez aisément,
00:08:44enfin, on peut considérer, quand même, assez largement auto-fictionnels, puisque Travolta
00:08:51et moi filment une adolescente à Chalons-sur-Marne, dans une boulangerie, en 1978, donc au moment
00:08:57de la sortie de La fièvre du samedi soir, d'où le titre. Et je voudrais commencer par
00:09:04ce film, puisque ça plante, je dirais, un peu la matrice, encore une fois, non pas pour
00:09:09réduire le cinéma de Masui à quelque chose de topographique, puisque ce n'est pas du
00:09:13tout le cas, mais en tout cas, ça plante déjà, et puis il se trouve que le film,
00:09:19selon moi, regroupe quand même beaucoup de la singularité de Masui, d'autant plus qu'elle
00:09:25le fait dans un cadre télévisuel assez atypique.
00:09:29Alors, ce film, en fait, il pourrait, parce qu'une des grosses questions sur Masui,
00:09:36et peut-être de malentendu sur Masui, c'est la question du naturel, pourrait-on dire,
00:09:41le naturel, ou ce drôle de terme de naturalisme sur lequel il y a beaucoup de malentendus
00:09:49aussi. Et le film pourrait s'y prêter parce que, effectivement, qu'est-ce que c'est,
00:09:54ce film ? C'est une jeune fille, fille de boulanger, donc elle doit avoir 16, 18,
00:10:0016 ans, peut-être, dans le film. Elle est fan de Travolta, et le film, d'emblée,
00:10:07alors ça, c'est assez typique de Masui, ça part d'emblée sur, elle est accostée
00:10:11par un garçon dans un bus, alors ce qui est intéressant, c'est que le garçon, en fait,
00:10:15c'est un défi entre deux garçons, donc au début, le garçon le fait simplement par
00:10:18jeu, et elle, évidemment, marche à fond, et rentre à la boulangerie, et voilà, elle
00:10:24est partie sur, voilà, elle est absolument euphorique, enfin, dans un état second.
00:10:32Et il se trouve que son père, à ce moment-là, lui annonce qu'elle doit tenir la boulangerie
00:10:36pendant le week-end, alors même qu'elle a, a priori, un rendez-vous avec ce garçon,
00:10:40ce qui va occasionner un certain nombre de péripéties, même de tragédies, quand même,
00:10:45puisqu'il y a une part, quand même, assez tragique chez Masui.
00:10:49Or, cette jeune fille, elle est incarnée, à l'époque, par une jeune femme qui, bizarrement,
00:10:53a disparu ensuite, alors qu'elle avait une vraie flamme, enfin, je dis, elle avait, on
00:10:58ne sait même pas où elle est, alors, parce qu'apparemment, Masui a voulu retravailler
00:11:01avec elle, elle n'a même pas réussi à retrouver sa trace, qui s'appelle Leslie Azoulay,
00:11:05et qu'en fait, comment, Masui l'avait remarquée dans le Van Gogh de Pialat, c'était en fait
00:11:11dans le Van Gogh de Pialat, non pas la fille de Gachet, mais la fille de Ravoux, l'aubergiste
00:11:16chez qui loge Van Gogh, du tronc, chez Pialat.
00:11:22Donc déjà, bon, il y a quand même un petit peu les mânes de Pialat, d'autant plus qu'un
00:11:29peu plus tard, elle va faire jouer Bonaire, donc, par ailleurs, associée à la vagabonde,
00:11:35là aussi, de Santois-Nilois, de Varda, ils sont d'aprôté affichés, en plus, passe
00:11:40ton bac d'abord, le premier long-métrage de Pialat, c'est 78, donc tout ça fait que,
00:11:45il y a quand même déjà, on l'associe un peu à cette veine-là, possible, du cinéma
00:11:51français.
00:11:52Bon, et même sur Pialat, il y a un malentendu, cette veine, soi-disant naturaliste, mais
00:11:57qu'est-ce que c'est que cette histoire du naturalisme ? Il y a toujours ce problème
00:12:00du naturalisme, qui souvent, quand même, on se dit, ah oui, ça va être quoi ? Film
00:12:06vériste, film juste, film social, bon.
00:12:10Alors que, le naturalisme, c'est pas vraiment un film, précisément, c'est pas un film
00:12:17où il s'agit de, je dirais, d'être juste, ou juste au sens d'être vrai, entre guillemets,
00:12:26c'est plutôt souvent assez étrange, les films vraiment naturalistes.
00:12:31Et Pialat, il y a une étrangeté chez Pialat.
00:12:33Bien sûr, il y a un naturel chez Pialat, mais il y a aussi une grande étrangeté, et
00:12:38beaucoup de bizarreries, jusqu'au surnaturel, bien sûr, dans le sous-soleil de Satan.
00:12:43Et chez Masui aussi, il y a cette conjonction, quand même, et c'est en ça qu'on peut
00:12:47la dire naturaliste, mais au sens fort du terme, parce que le naturalisme, c'est pas
00:12:51être vrai, c'est pas être juste, c'est pas être naturel, c'est pousser le, je
00:12:56dirais, considérer le réel comme quelque chose de parfaitement étrange, et surtout,
00:13:01au sens, je dirais, littéraire, le naturalisme, c'est bien revenir presque au soubassement
00:13:07les plus possiblement gênant du réel, au sens le plus fort.
00:13:13Notamment, biologique, chez les naturalistes de la littérature, mais pas seulement.
00:13:19Or, il y a pareillement, chez Masui, cette conjonction, et qui est quand même très
00:13:23précieuse, entre tout de même une retranscription d'une certaine France, à une certaine époque,
00:13:30etc., mais avec de vraies bizarreries, des trucs un peu tordus, et en tous les cas, des
00:13:36choses qui ne sont pas spécifiquement naturelles, qui sont pas vraiment naturelles.
00:13:41C'est une conjonction, voilà, entre une espèce de réalisme délirant, ou un peu
00:13:52malade, ou un carnaval, on pourrait dire, quelque chose où il y a à la fois de la
00:13:56pulsion et de l'artifice.
00:13:58Bon.
00:13:59Alors, par exemple, on pourrait, je vais vous passer deux extraits de ce film, de ce très
00:14:05beau film, où on va voir notamment, d'ailleurs, cette jeune fille qui s'appelle Christine,
00:14:10et la première séquence, c'est précisément le moment où elle rentre, juste après avoir
00:14:16rencontré ce garçon, dans un état transi, déjà, et où son père lui annonce qu'elle
00:14:20va devoir tenir à la boulangerie, pendant le week-end, et donc qu'elle va rater ce
00:14:24rendez-vous.
00:14:25Et le deuxième extrait, c'est justement la journée de vente à la boulangerie, où
00:14:32évidemment, elle range son frein, elle est absolument… et en même temps, elle deal
00:14:36avec une copine qui doit justement essayer de raccorder avec le garçon, etc.
00:14:40Bon.
00:14:41Je vais montrer les deux extraits à la suite, et on y revient.
00:15:07Eh bien, bon voyage alors, Monsieur Joli.
00:15:13Je vois que ma femme vous a raconté ma vie en prenant votre commande.
00:15:16C'est ça, oui.
00:15:17Profitez-en bien, une journée, c'est pas long.
00:15:19Bon voyage, profitez-en.
00:15:20Merci.
00:15:21Qu'est-ce qu'il se passe, ici ? Pourquoi ils t'ont dit bon voyage ?
00:15:28C'est parce que j'ai aviché une main avec maman, pour un congrès de pâtisserie.
00:15:31Ah bon ? C'est sympa, ça.
00:15:33C'est pour ça que tu laves la voiture, alors ?
00:15:41Et c'est qui qui garde la boulangerie ?
00:15:43Eh bien, c'est toi.
00:15:44Ah non, mais ça, c'est pas possible.
00:15:46Moi, je peux pas.
00:15:47Mais pourquoi ?
00:15:48Mais d'abord, j'ai cours demain matin.
00:15:50Je te ferai un mot d'excuse.
00:15:51C'est ça, tu me fais des mots d'excuse quand ça t'arrange, et autrement, il faut
00:15:54que j'aille à l'école, même quand je veux pas.
00:15:55C'est pas pareil, c'est exceptionnel.
00:15:56Exceptionnel, pourquoi ?
00:15:57A cause du congrès.
00:15:58Non, mais moi, je m'en fous de ton congrès.
00:16:00Mais je vais peut-être avoir un prix.
00:16:01Mais moi, je m'en fous de ton prix.
00:16:02Mais qu'est-ce que t'as ?
00:16:03Non, mais si je te dis que je peux pas, c'est que je peux pas, non ?
00:16:05C'est juste pour demain.
00:16:07Ouais, non, mais c'est pas possible.
00:16:08Vous aviez qu'à prévenir avant, non ?
00:16:09Mais enfin, d'habitude, ça t'amuse.
00:16:11Ouais, ben ça, c'est fini.
00:16:12Je suis pas un meuble.
00:16:13Merde !
00:16:15Vous vous en foutez de moi.
00:16:16Vous en êtes toujours foutus.
00:16:17Christine !
00:16:18Ben, tu sais bien que c'est pas vrai.
00:16:19Excusez-la, elle sait pas ce qu'elle dit.
00:16:20C'est ça.
00:16:21Je sais très bien ce que je dis.
00:16:22Je la garderai pas, la boulangerie.
00:16:23Tu m'entends ?
00:16:24Je la garderai pas.
00:16:25Je peux pas.
00:16:26Allez, viens, Fred.
00:16:27Je t'emmène.
00:16:28Mais qu'est-ce que t'as ?
00:16:29C'est rien.
00:16:30Elle fait sa folle.
00:16:31C'est ça.
00:16:32Je fais ma folle.
00:16:33Je la garderai pas, la boulangerie.
00:16:34Tu m'entends ?
00:16:35Je la garderai pas.
00:16:36Christine, écoute-moi.
00:16:37Mais bouge-toi.
00:16:38Mais bouge-toi, je te dis.
00:16:39Christine.
00:16:40Merde, je vais être seule.
00:16:41Christine.
00:16:46Ça va s'arranger.
00:16:47Elle est mignonne, au fond.
00:16:49Bon voyage, quand même.
00:16:50Merci.
00:16:51Putain, on est pas dans le pétrin.
00:16:53T'énerves pas.
00:16:54Je m'énerve pas.
00:16:55J'espère qu'elle va la garder.
00:16:56Demain, elle sera calmée.
00:16:57Mais tout de même.
00:16:58T'énerves pas.
00:17:26Bonjour, messieurs-dames.
00:17:27Excusez-moi.
00:17:28On croyait qu'il y avait personne.
00:17:34Des petites, s'il vous plaît.
00:17:35Comment ?
00:17:36Des petites, s'il vous plaît.
00:17:38C'est dur de se lever le matin, hein ?
00:17:41Oui.
00:17:49Au revoir.
00:17:51Au revoir.
00:17:52Monsieur ?
00:17:53Je voudrais une grosse baguette, s'il vous plaît.
00:17:56Vous me la mettez en deux ?
00:18:07Votre mère me l'envoie ?
00:18:09Ah, c'est la radio.
00:18:11Bah oui, qu'est-ce que tu croyais que c'était ?
00:18:12C'est ma cassette.
00:18:25Ta gueule.
00:18:55Ils sont où tes parents ?
00:18:57Ils chient.
00:18:59Elles viennent quand ?
00:19:01Je sais pas. Qu'est-ce que je vous sers ?
00:19:03Trois éclairs et une pêche.
00:19:05Trois éclairs à quoi ?
00:19:07Deux cafés et un chocolat.
00:19:1313 francs 60.
00:19:15T'es amoureuse toi ou quoi ?
00:19:17Ça va pas ?
00:19:19Ah bon bien.
00:19:21Au revoir.
00:19:23Elle est conne.
00:19:33Quelle heure s'il vous plaît ?
00:19:39Voilà madame.
00:19:41Merci au revoir.
00:19:53C'est une fierté nouvelle que m'enseigne mon jeu et que j'enseigne aux hommes. Dans le sable des choses célestes, ne plus s'enfouir à tête, mais librement la porter. Une terrestre tête qui à la terre crée un sens.
00:20:23C'est une fierté nouvelle que m'enseigne mon jeu et que j'enseigne aux hommes. Dans le sable des choses célestes, ne plus s'enfouir à tête, mais librement la porter. Une terrestre tête qui à la terre crée un sens.
00:20:43Et le danseur de cordes, tu croyais que c'est de lui qu'on parlait ?
00:20:57Eh ! Vous avez l'air ?
00:21:09Merde !
00:21:13Bonjour.
00:21:15Bonjour.
00:21:17Ils sont partis tes parents ?
00:21:21Ah ils sont à Vichy.
00:21:23Qu'est-ce que je vous sers ?
00:21:25Deux babas.
00:21:27Il n'y a plus de babas !
00:21:33Huit francs.
00:21:39C'est pas des tartelettes, c'est des babas que je t'ai demandé.
00:21:41Deux secondes.
00:21:43Excuse-moi.
00:21:45Il est quelle heure ?
00:21:4711 heures.
00:21:49Merci.
00:21:53Quand je disais justement cette question du naturel, vous voyez bien qu'il n'y a rien de naturel. Il y a à la fois un tempérament incroyable, la jeune fille est incroyable, mais en même temps c'est un remake de la fièvre du samedi soir.
00:22:05C'est pas seulement une citation référentielle ou d'époque.
00:22:17C'est ce qu'on voit au début de la fièvre du samedi soir.
00:22:23La fièvre du samedi soir, d'ailleurs, on oublie assez souvent que c'est précisément un film qui n'est pas, je dirais, simplement un film de cuculapraline, parce que c'est souvent un peu associé.
00:22:37Il y a plein de gens qui n'ont jamais vu la fièvre du samedi soir de John Badham en se disant, c'est un truc complètement cuculapraline sur le disco avec John Travolta, etc.
00:22:45C'est un film sinistre, c'est un film lugubre en fait, la fièvre du samedi soir.
00:22:49D'une part parce que c'est la fin du disco, il documente le disco au moment où le disco est déjà en pente descendante.
00:22:57Surtout que c'est quand même un film où il y a un suicide et un viol, donc pas excessivement, je dirais, simplement des cols pelle à tarte et des pattes d'oeufs sous des sunlights.
00:23:07Et surtout c'est un film très triste sur le personnage principal incarné par John Travolta, qui lui-même est commerçant.
00:23:17C'est pour ça que je dis que c'est un remake, parce que le film s'ouvre notamment sur la marche de John Travolta qui va au magasin de bricolage,
00:23:25qui évidemment ne le fait pas trop rêver, tout en ayant en tête la musique des Bee Gees, sur laquelle il va danser lui-même dans la boîte de nu,
00:23:34puisque par ailleurs il est champion de disco et la star du disco, mais dans une boîte un peu pourrie de Brooklyn.
00:23:41Et qu'ensuite, bien sûr, on le voit durant une fameuse séquence dans sa chambre en train de se préparer à se profiler comme Apollon du disco, etc.
00:23:51Avec lui-même des posters, elle a le poster de John Travolta, mais lui avec les posters de ses références masculines, en l'occurrence Bruce Lee et Stallone.
00:24:00C'est intéressant parce que des films soi-disant réalistes sont aussi des citations vivantes ou des parodies vivantes en quelque sorte.
00:24:08Tony Manero, le personnage de Travolta, c'est déjà une parodie de Stallone ou Bruce Lee.
00:24:15Et elle est déjà en train de répéter ou reproduire dans un magasin ce commerçant danseur ou ce garçon de magasin de bricolage.
00:24:30Il y a quelque chose d'assez émouvant là-dedans.
00:24:35C'est un film sur l'impulsivité adolescente, Travolta et moi, mais c'est aussi un film sur la pacotille, les références, les parodies qu'on a en soi également.
00:24:48Le fait qu'on peut être une espèce de cliché vivant.
00:24:53Ce qui est aussi assez beau dans les deux séquences, on le voit à la fin de la première séquence, elle s'endort.
00:25:03La fin de la première séquence, quand on la voit endormie en son lit avec la photo de Travolta derrière, elle a ainsi parlé Zaratustra.
00:25:12Ce qui est un collage assez beau Zaratustra et les Bee Gees.
00:25:16Le garçon qui l'a abordé est un beau jeune homme ténébreux qui lit Nietzsche, qui lui a dit que c'était vachement bien.
00:25:25Elle lit du Nietzsche sur les Bee Gees.
00:25:32Au passage, je ne pense pas qu'elle ait oublié qu'elle a travaillé pour Jacques Demy.
00:25:44Puisque je crois qu'il y a quelque chose aussi de Jacques Demy dans ce côté musical.
00:25:51Et la boutique, comme salle de spectacle presque, il y a du spectacle dans une boutique.
00:25:56Ce côté chanter, danser, etc. me paraît aussi pas indifférent.
00:26:04Et peut-être qu'elle a appris, par ailleurs, dans la boulangerie de ses parents, un certain sens du spectacle.
00:26:16Par ailleurs, je voulais juste dire un mot parce que ce n'est pas complètement inintéressant.
00:26:26On voit bien dans la deuxième séquence, Mazu a commencé par le montage.
00:26:32Elle a un montage très cut, vous le voyez, elle va vraiment très vite et très régulièrement.
00:26:37Elle coupe parfois beaucoup plus tôt ou à des moments un peu inattendus, à la limite parfois du faux raccord.
00:26:43Donc il y a comme ça quelque chose de très cut dans la scène de la boulangerie.
00:26:47Ce qui, après tout, est conforme, je dirais, non pas au pain tranché, mais à la succession des clients.
00:26:57Mais en revanche, vous avez vu que dans la première séquence, il y a des boucles, des spirales, des mouvements de caméra absolument disproportionnés.
00:27:06C'est quand même simplement une jeune fille qui rentre chez elle, qui voit son père nettoyer une voiture.
00:27:11Et on a des espèces de mouvements d'appareils absolument disproportionnés.
00:27:15Presque un peu comme dans Carrie de Palma, qui d'ailleurs est de la même époque, qui est de 1979.
00:27:22Si vous vous souvenez du bal de promo de Carrie dans le film de Brian de Palma, il y a aussi des dix mille plans de volutes et de boucles.
00:27:33Je trouve ça intéressant, cette histoire de boucles, parce que ça va revenir assez souvent chez Patricia Mazuik.
00:27:39Et peut-être que ça tient notamment à cette histoire-là d'être habité par un spectacle de danse et d'être déjà prise dans une espèce d'ivresse et de déception.
00:27:59Ce qui est beau, en gros, puisqu'on verra, si j'ai le temps, je vous passerai un troisième extrait de Travolta et moi, mais il est un peu long.
00:28:04Tout le dernier segment du film se passe dans une patinoire où a lieu une espèce de fête d'anniversaire.
00:28:10Ils ont privatisé la patinoire.
00:28:12C'est un peu comme avec toute la bande-son de l'époque.
00:28:16Il y a du Joe Dassin, il y a Dylan, il y a Paul Naref, etc.
00:28:21Et ça danse en patinant.
00:28:23Évidemment, il n'y a que des boucles, avec l'ivresse, l'alcool, la drague, etc.
00:28:32Ce qui m'intéresse dans ces sinusoïdes ou ces boucles qu'on voit complètement disproportionnées, c'est qu'évidemment quand elle arrive,
00:28:40elle est enivrée par la perspective d'aller à cette fête avec le jeune homme.
00:28:44Elle est déjà prise comme Travolta quand il va à son boulot et qu'il danse quasiment en marchant.
00:28:50Il se projette déjà dans la fête ou cette espèce de réalité seconde du disco.
00:28:55Il y a un peu de pacotille et un peu l'octeuse, puisqu'il y a des dessous pas très galvanisants dans le film.
00:29:03Ce que je trouve assez beau dans le film, c'est que la boucle ou la sinusoïde, dans la première séquence que je vous ai montrée,
00:29:10c'est d'abord le vertige et possiblement le rêve ou l'euphorie.
00:29:16Et puis tout d'un coup, quand elle comprend que ça devient, elle est bloquée.
00:29:20La boucle lancère.
00:29:22Elle est bloquée dans la boulangerie.
00:29:24Et tout d'un coup, l'espèce de spirale de figure d'euphorie devient une figure de déprime ou d'emprisonnement.
00:29:33La question de l'emprisonnement, de cette espèce d'ambiguïté entre libération ou totale aliénation dans des plans un peu circulaires,
00:29:46je crois qu'il y a quelque chose à ce propos chez Mazuit.
00:29:50Et il se trouve que, comme son nom l'indique, la prisonnière de Bordeaux, notamment, investit l'espace carcéral.
00:30:10En tous les cas, il y a souvent des enjeux d'arène et de boucle.
00:30:15Et au passage aussi, c'est comme quand je vous parle de cette histoire d'euphorie ou d'aliénation,
00:30:25dans les mêmes figures de boucle ou de plan spiralé.
00:30:30Mais il y a aussi cette idée de personnages souvent insoumis, rebelles, la jeune fille qui explose.
00:30:43Mais bon, beaucoup de personnages d'outsiders aussi, qui en gros ne veulent pas respecter les règles, pour le dire assez vite.
00:30:50Et en revanche, pourtant, dans le même temps, souvent aussi des enjeux d'apprentissage.
00:31:00Et souvent dans des espaces en clos.
00:31:03Par exemple, à la fin de Travolta et moi, on lui apprend le patinage.
00:31:07Donc il y a tout un cours de patin à glace, etc.
00:31:11Il y a aussi, j'y reviendrai à la fin, tous les films liés au cheval, où il y a beaucoup d'enjeux d'entraînement au manège.
00:31:18Donc cette espèce d'espace, encore une fois, circulaire, où précisément, on tourne en roue.
00:31:24Il y a la claustration des pensionnaires de Saint-Cyr, on en verra un extrait.
00:31:31Mais aussi des prisonniers dans la prisonnière de Bordeaux.
00:31:37Et même dans les anneaux de Saturne, enfin dans Bulling Saturne, je parle logiquement des anneaux.
00:31:44Dans Bulling Saturne, un personnage de serial killer apprend à sa future victime à jouer au bulling.
00:31:52Donc en plus, accessoirement, une forme circulaire.
00:31:54Donc il y a quelque chose, je crois, qui se passe dans ces histoires de boucle, et qui s'avère assez sibylline, ou ambiguë.
00:32:05Je voudrais maintenant passer à ce film qui a précédé Travolta et moi, Pot-de-Vache,
00:32:13qui a imposé d'emblée le tempérament de son premier long-métrage en 1989,
00:32:18qui précisément paraît beaucoup plus rude, rêche, et même boueux, on va le voir,
00:32:25puisque c'est vraiment un film qui se passe à la campagne.
00:32:28Au passage, vous aurez remarqué le choix du décor à Chalon-sur-Marne.
00:32:32En fait, elle a reconstitué cette boulangerie dans un centre commercial désaffecté.
00:32:36Donc elle a choisi en plus un espace assez peu gratifiant, visuellement.
00:32:40Au passage, elle le refait bien, ça me rappelle des souvenirs de la boulangerie des années 70.
00:32:44Mais elle a tout refait, avec le papier peint, les intérieurs, ça l'intéresse beaucoup.
00:32:50Bon, je ferme la parenthèse.
00:32:53Mais donc là, on se trouve vraiment dans un espace rural, extrêmement terreux, etc.
00:33:01Mais encore une fois, c'est ça qui est intéressant.
00:33:03On se dit, ah oui, puisque l'histoire s'y prête, ça va être une histoire un peu viscérale, pulsionnelle,
00:33:09destructrice, mais un peu dans l'indicible, le non-dit, etc.
00:33:13Et pourtant, il y a aussi de l'artificialité dans la mise en scène.
00:33:17Tout comme la jeune fille, tout d'un coup, mime Travolta.
00:33:20Et il devient presque, oui, comme une copie de Travolta.
00:33:24Pour le dire vite, c'est vraiment un enjeu...
00:33:27Alors typiquement, on voit bien un registre...
00:33:30Alors au passage, je vous l'ai dit, je crois qu'elle aime beaucoup le western.
00:33:33Donc on est vraiment dans un schéma un peu de western.
00:33:36C'est-à-dire le frère floué qui revient dans la ferme,
00:33:40alors qu'il est allé en prison, en gros, à la place de son autre frère,
00:33:43qui lui, s'est marié, prospère, a une petite fille, etc.
00:33:47Et en gros, le frère qui sort de prison, il est un peu bizarre.
00:33:52Donc évidemment, il y a une tension.
00:33:55Et donc, les deux frères, c'est Roland et Gérard.
00:33:58Roland, c'est Stévenin, qui sort de prison.
00:34:01Gérard, c'est Jacques Spisser.
00:34:03Et donc, la femme de Gérard, c'est Annie, incarnée par Sandrine Bonner.
00:34:08Et évidemment, il y a une triangulation qui devient de plus en plus torve.
00:34:13On sent qu'il y a une possible attirance entre Annie et Roland.
00:34:16On sent que les deux frères, d'ailleurs, on va le voir,
00:34:19à la fois s'étreignent, mais peuvent aussi s'entretuer.
00:34:23Il y a toujours des espèces de situations comme ça, mi-chef, mi-chou.
00:34:27Et donc, on se dit, ah voilà, ça va être quelque chose sur drame familial,
00:34:31quelque chose vraiment, oui, encore une fois, de primal, un petit peu.
00:34:36Alors, je vais vous montrer, là aussi,
00:34:39deux extraits à la suite de Peau de vache.
00:34:44Oui, d'abord deux extraits, puis deux autres. Ils sont assez courts.
00:34:48Tout simplement, je vais les passer à la suite aussi, les deux extraits.
00:34:52L'ouverture de Peau de vache, avec le générique,
00:34:56et ensuite, une séquence bien ultérieure, justement,
00:35:00de combat dans la boue, précisément.
00:35:02Les deux frères s'empoignent et ça donne une espèce de catch
00:35:06improvisé dans une espèce de lisier.
00:35:18Héléééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééé
00:35:48Hééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééé
00:36:18Hééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééé
00:36:49Fâche.
00:36:52Ce n'est pas un bon pays, puisqu'il n'a pas d'éclairs.
00:36:56Tiens, regarde.
00:36:58Il est né, le divine enfant !
00:37:00Il est malade, ce bestiole.
00:37:02Il faut que tu te plaies.
00:37:05Hein ?
00:37:07Viens voir.
00:37:11On se tire de ce pays pourri, je te jure.
00:37:13Faut qu'on se tire de ce pays pourri, moi j'te jure.
00:37:18Hein ? Tu vas bouffer une putain de crêpe ?
00:37:22De dieu !
00:37:23Tu vas voir comment ça va aller !
00:37:24Viens manger la crêpe !
00:37:26Hein ?
00:37:27Viens manger la crêpe !
00:37:28La crêpe !
00:37:29De dieu !
00:37:31Tu vas voir s'il lui va falloir manger !
00:37:33On va la flamber !
00:37:34On va la flamber !
00:37:35On va la flamber !
00:37:36Hein ?
00:37:37Aïe !
00:38:07Aïe !
00:38:38Je reprends là, avant de...
00:38:41Alors c'est une séquence, bon, déjà qui se place vraiment sous les auspices de
00:38:46Stéphenin comme grand frère, puisque c'est une séquence qui peut beaucoup évoquer
00:38:51le premier long métrage de Stéphenin, Passe-Montagne,
00:38:54qui accessoirement d'ailleurs est un film de 78-79,
00:38:57des cinémas enfin, il y a une espèce de pivot en 67.
00:39:00J'imagine que beaucoup d'entre vous l'ont vu,
00:39:04et si vous ne l'avez pas vu je vous conseille vivement de le voir.
00:39:06C'est un film précisément sur très terreux, au fin fond du Jura,
00:39:11avec beaucoup d'alcool, beaucoup de dialogues assez incompréhensibles,
00:39:18et avec des mobiles un peu, une espèce d'errance un peu hallucinée on va dire,
00:39:24comme ça dans une campagne très terreuse, etc.
00:39:27Et bon, clairement, et en fait il y a d'ailleurs une certaine beauté aussi chez Mazuit,
00:39:34elle choisit Stéphenin et elle le cite quasiment dans cette ouverture.
00:39:40Et vous voyez bien en quoi là il y a quelque chose,
00:39:42oui voilà, on est dans le primal, une espèce comme ça de bacchanal,
00:39:46alcool, les deux frères, les vaches, l'animalité, bon.
00:39:51Sauf ce que je trouve très beau, et d'ailleurs ça cite aussi presque Passe-Montagne,
00:39:56c'est tout d'un coup un procédé qui casse un peu le côté éthylique ou halluciné,
00:40:05c'est tout de suite le journal.
00:40:07Vous voyez bien que c'est très cut, encore une fois,
00:40:09la crêpe flambée, la grange est tout de suite brûlée, etc.
00:40:13Et tout d'un coup, cut, et on a déjà la presse qui imprime la chose,
00:40:18qui donne, au passage c'est d'ailleurs assez intéressant, il est pâtissier,
00:40:21il dit je ferai des gâteaux.
00:40:24Et bon, il va donc en prison pour son frère,
00:40:26puisqu'on apprendra ensuite qu'il va vraiment en prison pour son frère,
00:40:29parce qu'il y a un truc pas net en fait entre les deux frères.
00:40:31Et j'aime assez cette figure qui, la voyez bien, qui induit un style,
00:40:36une distanciation immédiate, parce qu'on se demande bien qui lit ce journal.
00:40:40On voit une main comme ça, dans un champ,
00:40:42et puis qui jette la feuille du courrier Picard,
00:40:45je crois que c'est le courrier Picard, c'est en Picardie,
00:40:47et puis voilà, on a déjà de l'imprimé, on est déjà dans du récit,
00:40:52de l'imprimé qui va sur la terre.
00:40:56Alors je dirais que voilà, sur ce côté, un peu les clichés du fait divers,
00:41:02et à même la terre, quelque chose entre la nudité et le cliché.
00:41:06Et il y a quelque chose, je crois, chez Mazuit là-dessus.
00:41:11C'est-à-dire qu'elle va au plus nu, mais aussi au plus stéréotypé,
00:41:15et elle les colle, d'un certain point de vue.
00:41:18Il y a un collage entre les deux.
00:41:20Et dans le film, je vais essayer de vous passer là, assez vite,
00:41:25trois extraits du film, pour vous donner,
00:41:31l'essentiel c'est aussi de voir, pour ceux qui n'auraient pas vu ces films,
00:41:36d'en avoir des échantillons.
00:41:39Ce fameux combat dans la boue entre les deux frères,
00:41:42ensuite, quelque chose qui se passe précisément dans la maison,
00:41:47en intérieur, sur la cohabitation entre les trois.
00:41:50Et puis, tout de même, ce n'est pas dans l'ordre du film,
00:41:53mais je voudrais juste un peu m'y attarder,
00:41:56la première fois que Bonner et Stévenin se rencontrent,
00:41:59c'est le moment où le frère arrive sans prévenir et les attend à la maison.
00:42:02Et elle, elle rentre d'un mariage, tard le soir,
00:42:05et évidemment, elle est terrifiée par ce type qu'elle ne connaît pas,
00:42:08parce qu'elle n'a jamais rencontré le frère en question.
00:42:11Donc là, je passe les trois extraits à la suite.
00:42:42Viens.
00:42:45T'es plus dans la chambre, moi.
00:42:48Je te chante une chanson.
00:43:06Tiens, je peux vous le prendre comme ça, vous pouvez allumer la lumière.
00:43:09Et puis, ce n'est pas la peine de crier, parce qu'il n'y a personne dehors.
00:43:13Laissez-la tranquille, s'il vous plaît.
00:43:22Vous êtes qui, vous ?
00:43:26Je vous préviens, mon mari arrive juste derrière moi.
00:43:28Ça tombe bien.
00:43:30C'est sûr.
00:43:32Voilà. Arrêtez de la serrer comme ça, il faut aller la coucher, c'est l'heure.
00:43:36Arrêtez de la serrer comme ça, il faut aller la coucher, c'est l'heure.
00:44:06Oh, c'est beau, là. La ville a l'air heureuse, là-dessus.
00:44:37Dites-moi, le mariage, c'est vous qui l'avez forcé, ou alors c'est...
00:44:41C'est venu comme ça ?
00:44:43C'est quoi, toutes ces questions ?
00:44:45On s'est mariés parce qu'on s'aime.
00:44:48Bravo.
00:44:49C'est beau, l'amour. Sacré Gérard, toujours le même. Un vrai tombeur.
00:44:57Vous n'êtes pas un de ses amis, je les connais tous.
00:45:00Est-ce qu'il a beaucoup d'amis, Gérard ?
00:45:02Ah, mais j'aurais dû deviner.
00:45:04Vous avez la même voix que lui.
00:45:06Je sais que vous êtes, maintenant.
00:45:09Vous lui avez fait beaucoup de mal, à Gérard.
00:45:11Vous savez ce que vous avez fait, ici ? Vous avez tout détruit.
00:45:17Je trouve que c'est quand même bien construit.
00:45:19Mieux qu'avant.
00:45:20Il a dû beaucoup travailler.
00:45:22Croyez-vous m'être peur ?
00:45:53Alors ?
00:45:54T'as mangé ?
00:45:56J'ai pas réité.
00:45:59Où est Annie ?
00:46:00Elle est couchée.
00:46:02Tu lui as rien fait ?
00:46:04Non.
00:46:05Elle est collée au plafond.
00:46:07Clouée par les pieds.
00:46:11Je t'ai entendu à 200 m, tu t'es garé.
00:46:13J'ai eu peur.
00:46:15J'ai eu peur.
00:46:17J'ai eu peur.
00:46:19J'ai eu peur.
00:46:21Je t'ai plu à 200 m, tu t'es garé.
00:46:23Pourquoi tu viens pas jusqu'à la maison ?
00:46:25Comme ça, hein ?
00:46:27T'es un p'tit connard lâche.
00:46:29Je t'aime bien.
00:46:36Tu es vivant, je vous ai cherché partout !
00:46:40Tu devrais regarder le film, là. Parce que c'est pas mal.
00:46:43Tu fais toujours la tête ?
00:46:45Gérard !
00:46:46Mais il est fou, mon frère, tu comprends ?
00:46:48A chaque fois que tu lui parles, il faut qu'il fasse diversion.
00:46:50Mais c'est toi qui es comme ça.
00:46:51Mais quand il était petit, c'est ma mère qui me racontait,
00:46:53il a jamais aimé la terre, tu comprends ?
00:46:55Et mon père voulait lui apprendre à traire.
00:46:57Et ma mère, à ce moment-là, était enceinte.
00:46:59De moi.
00:47:00Et Roland, il refusait de traire.
00:47:02Il disait que s'il regardait les vaches,
00:47:04et que ma mère le regardait après,
00:47:06elle allait accoucher d'un veau.
00:47:08Et qu'il n'y allait plus jamais.
00:47:10Tu te rends compte ?
00:47:12C'est là que papa a dit qu'il était trop débile pour faire paysan,
00:47:14et il l'a mis à prendre du boulanger.
00:47:16Et alors c'est moi qui ai arrêté de la fermer.
00:47:18Mais pas lui.
00:47:20Et après l'accident des parents,
00:47:22c'est moi qui me suis occupé de tout.
00:47:24Mais pas Roland.
00:47:40Roland !
00:48:10Roland !
00:48:40Putain !
00:48:42Laissez-le !
00:48:44Laissez-le !
00:48:56C'est pas bien, hein ?
00:49:04Encore !
00:49:10Encore !
00:49:12Encore !
00:49:30T'as vu qui c'était, là ?
00:49:32Ta gueule !
00:49:34Je veux qu'il parte.
00:49:36C'est pas possible, il peut pas partir.
00:49:40C'est pas possible.
00:49:42Et pourquoi il peut pas partir ?
00:49:44Parce qu'il peut pas partir.
00:49:46Non mais moi je veux plus le voir.
00:49:52Il était en prison à ma place.
00:49:58Après l'incendie, Roland m'a dit que c'était pas la peine qu'on soit deux à y aller.
00:50:02Pendant dix ans, il était en prison à ma place.
00:50:04Il savait même pas que je voulais faire flamber les vaches.
00:50:06C'est avec Bérinot qu'il savait.
00:50:08Roland il s'est sacrifié.
00:50:10Pendant tant que je connais personne qui ferait ça pour moi.
00:50:12Personne.
00:50:14Je vais même pas remercier.
00:50:16Je l'ai jamais écrit.
00:50:18Je l'ai jamais été le voir.
00:50:22Parce que j'avais honte.
00:50:24Et j'avais honte qu'on soit heureux ici tous les deux.
00:50:28Roland il peut tout vouloir maintenant.
00:50:30Je suis obligé de lui donner.
00:50:32Je suis obligé de lui donner.
00:50:38T'as entendu ?
00:51:02J'aime beaucoup cette conjonction entre le primordial et l'artificiel.
00:51:08Par exemple, typiquement le combat dans la boue.
00:51:10On est dans la fange.
00:51:12On voit bien tout ce qui peut toucher au naturalisme.
00:51:16Au sens le plus littéral du terme.
00:51:18En lien avec les arcanes fondamentales.
00:51:22L'espèce d'énergie fondamentale.
00:51:24Télérique, etc.
00:51:26J'aime beaucoup tout d'un coup la façon dont
00:51:28Sandrine Bonner apparaît
00:51:30comme spectatrice face à ce spectacle.
00:51:34Elle est extrêmement, je dirais,
00:51:36bizarrement apprêtée.
00:51:38Elle a un manteau comme ça.
00:51:40Elle est très maquillée.
00:51:42Elle est presque à la limite d'un soap opéra.
00:51:46On pourrait dire, ça pourrait évoquer
00:51:48pourquoi pas un mélo un peu flamboyant.
00:51:50Un truc à la Cirque un peu.
00:51:52Ça pourrait évoquer presque Dallas ou Dynastie.
00:51:54Il y a quelque chose un peu sur cette imagerie
00:51:56des années 80.
00:51:58Alors qu'ils sont dans la boue.
00:52:00Déjà, il y a un champ contre champ
00:52:02très curieux.
00:52:04Ça m'intéresse bien sûr parce qu'il y a
00:52:06une imagerie face à quelque chose
00:52:08de presque informe.
00:52:10Comme si les deux étaient à touche-touche.
00:52:12Comme ce journal qu'on jette
00:52:14dans un champ.
00:52:16Au passage, vous aurez remarqué
00:52:18encore une fois les très curieuses syncopes
00:52:20qu'il peut y avoir dans le montage de Mazuit.
00:52:22Notamment sur les deux panoramiques.
00:52:24Qui sont censées être des panoramiques
00:52:26subjectifs.
00:52:28D'un côté, d'un frère à l'autre.
00:52:30Donc peut-être
00:52:32une vue subjective
00:52:34du point de vue de Bonaire.
00:52:36Même si la position de la caméra
00:52:38est un peu bizarre.
00:52:40Et de même, de l'autre côté, un plan
00:52:42qui va de Bonaire
00:52:44à son mari.
00:52:46Et tout d'un coup, cut.
00:52:48Et on la voit partir
00:52:50du coin du mur. Alors que bien des réalisateurs
00:52:52auraient établi une continuité
00:52:54entre les deux ou que sais-je.
00:52:56Tout d'un coup, il y a des espèces
00:52:58de syncopes comme s'il s'agissait
00:53:00effectivement
00:53:02de fuir presque...
00:53:04Oui, une espèce
00:53:06de hantise d'être vu par Stéphenin
00:53:08à ce moment-là. Et d'échapper,
00:53:10de couper.
00:53:12Donc c'est quand même...
00:53:14Bon, je vais y revenir sur cette coupe-là.
00:53:16Après, je vous ai montré
00:53:18un petit truc avec la télé, parce que je trouvais que ça collait
00:53:20avec cette imagerie un peu télévisuelle.
00:53:22Et puis c'est amusant d'avoir de la pacotille télévisuelle
00:53:24au milieu, comme ça, de cette ferme, etc.
00:53:26Et on entrevoit déjà, et on l'entrevoit
00:53:28encore mieux après, la surcharge
00:53:30de motifs à l'intérieur de la maison.
00:53:32Vous voyez, il y a beaucoup de papier peint,
00:53:34il y a des pulls,
00:53:36les motifs, il y en a partout.
00:53:38Il y a quelque chose d'assez claustrophobe,
00:53:40en fait, dans la maison. Et il y a quelque chose
00:53:42qui peut rappeler aussi, d'ailleurs,
00:53:44les décors, encore une fois,
00:53:46les studios chez Demi.
00:53:48Par exemple, dans une chambre en ville,
00:53:50en effet, mais même dans les parapluies de Cherbourg,
00:53:52dans la boutique des parapluies de Cherbourg,
00:53:54vous avez plein de motifs comme ça,
00:53:56notamment avec des papiers peints, vous voyez,
00:53:58un peu à la Matisse, mais de manière assez...
00:54:00qui brouillent la profondeur
00:54:02de champ, etc. Donc il y a un espace
00:54:04assez contraint.
00:54:06Et tout de suite, il y a souvent aussi,
00:54:08chez Mazuit, ce côté,
00:54:10cette espèce de contraste entre des intérieurs
00:54:12assez claustrophobes, comme ça,
00:54:14très autarciques,
00:54:16et le grand dehors, un peu désert,
00:54:18où se passent, d'ailleurs,
00:54:20des choses éventuellement
00:54:22dramatiques.
00:54:24Et dans ce côté aussi,
00:54:26Pacotti, etc., il pourrait y avoir presque
00:54:28un petit côté Fassbinder aussi,
00:54:30dans ce côté-là. Fassbinder, dans les années
00:54:3270-80, il jouait aussi avec
00:54:34ce genre d'excès de Pacotti.
00:54:36Et puis, donc,
00:54:38cette première confrontation
00:54:40entre Stéphenin et Bonnet. Je l'ai mise à la fin
00:54:42parce que, bon, c'est quand même une très belle séquence.
00:54:44Et vous voyez,
00:54:46très découpé, aussi. Là aussi,
00:54:48il y a des cuts qui ne vont pas de soi.
00:54:50Notamment,
00:54:52vous remarquez que pendant très longtemps,
00:54:54ils ne sont pas dans le même plan. Il y a des espèces
00:54:56de champs contre champs. On voit que la jambe,
00:54:58il y a beaucoup d'ellipses de coupe.
00:55:00Et en même temps,
00:55:02c'est ça qui m'intéresse, il y a un effet de boucle, quand même.
00:55:04Parce que,
00:55:06déjà, il y a cette
00:55:08figure que va travailler Stéphenin
00:55:10dans tout le film.
00:55:12C'est le rôdeur, évidemment.
00:55:14Il apparaît comme la figure du rôdeur.
00:55:16Celui qui commence à glisser,
00:55:18qui ouvre la porte, qui s'insinue.
00:55:20Stéphenin, qui est très bon dans ce registre-là,
00:55:22il le faisait déjà dans Passe-Montagne, etc.
00:55:24C'est une espèce de faune.
00:55:26Gentil, pas gentil,
00:55:28on ne sait pas. Et surtout,
00:55:30il fait déjà des boucles
00:55:32à l'intérieur de la maison.
00:55:34Donc, cette alliance entre
00:55:36les boucles et le cut,
00:55:38c'est intéressant, je crois, par rapport, encore une fois,
00:55:40parce que je dirais que chez elle, il y a une espèce de conjonction
00:55:42curieuse entre la sinuosité
00:55:44et le tranché,
00:55:46qui ne va pas de soi.
00:55:48Et peut-être que là-dedans,
00:55:50il y a aussi que ça
00:55:52consonne
00:55:54avec cette espèce
00:55:56d'alliance aussi entre le primal et le cliché,
00:55:58pourquoi pas, ou l'archétype.
00:56:00Ce côté, oui,
00:56:02tranché, on se dit, ah tiens, oui, c'est un peu
00:56:04un archétype ou un cliché, et en même temps,
00:56:06il y a quelque chose qui déraille un peu,
00:56:08qui sinue un peu.
00:56:10Et d'ailleurs, vous verrez,
00:56:12pour ceux qui sont dans La prisonnière de Bordeaux
00:56:14verront le film, les intérieurs,
00:56:16c'est un film essentiellement d'intérieur.
00:56:18Il n'y a même pas...
00:56:20Je dirais que c'est un film
00:56:22hormis une virée à la plage, c'est quasiment un film
00:56:24qu'en intérieur, et avec un champ
00:56:26contre champ, entre précisément
00:56:28un manoir, puisque c'est donc
00:56:30la rencontre
00:56:32entre deux femmes de détenus,
00:56:34une bourgeoise, très bourgeoise,
00:56:36son mari étant
00:56:38un neurochirurgien qui a
00:56:40tué quelqu'un en voiture et qui s'est enfui.
00:56:42Et Afzia Herzi,
00:56:44qui elle, voilà, est évidemment d'une cité populaire,
00:56:46et son mari est braqueur,
00:56:48etc., elle trime dans un
00:56:50pressing, donc elles n'ont rien à voir.
00:56:52Et puis, bizarrement,
00:56:54Huppert propose d'héberger
00:56:56Afzia Herzi, etc., dans sa très belle
00:56:58demeure bordelaise, qui est
00:57:00saturée d'œuvres d'art. Alors là, on n'est pas
00:57:02dans les histoires de calendrier
00:57:04ou de chromo, mais là aussi, il y a trop de choses
00:57:06dans le manoir, et notamment
00:57:08une toile de Villeuglais,
00:57:10je ne sais pas si vous voyez Villeuglais,
00:57:12celui qui fait des toiles, des affiches déchirées,
00:57:14vous savez, avec les mille feuilles
00:57:16d'affiches. Donc il y a effectivement cet effet
00:57:18là encore de trop de motifs
00:57:20à la fois, enfin de conflagrations
00:57:22entre des imprimés.
00:57:24Et de l'autre côté,
00:57:26vous verrez les deux
00:57:28les deux
00:57:30femmes, finalement, évoluent
00:57:32dans des espèces de limbes administratifs
00:57:34qui se ressemblent tous. Prisons,
00:57:36hôpitaux, écoles.
00:57:38Là, des espaces vides,
00:57:40complètement vides. Donc c'est une espèce
00:57:42de film sans réelle
00:57:44extériorité.
00:57:48Vous verrez, c'est en cela que c'est assez intéressant,
00:57:50parce qu'à la fois, évidemment, ces deux femmes n'ont rien
00:57:52à faire ensemble,
00:57:54donc il y a une espèce d'opposition un peu tranchée, et pourtant,
00:57:56elles vivent ensemble. Et précisément,
00:57:58elles sont dans le cercle de la maison,
00:58:00alors même qu'elles sont dans des espaces,
00:58:02a priori, scindés.
00:58:04Et c'est ça qui est intéressant.
00:58:06Vous verrez, c'est un film que je trouve
00:58:08finalement qu'on
00:58:10pourrait dire socialement et psychologiquement
00:58:12assez juste,
00:58:14alors même qu'elle ne recherche pas du tout la justesse.
00:58:16Je veux dire,
00:58:18parce que dans le même temps, on pourrait dire,
00:58:20c'est le cliché de la bourgeoise, c'est le cliché
00:58:22de la prolo
00:58:24des cités.
00:58:26Donc c'est deux clichés,
00:58:28et pourtant, il se passe quelque chose entre les deux,
00:58:30et parce qu'on ne sait pas ce qui...
00:58:32On pourrait dire que le côté tranché
00:58:34de leurs deux
00:58:36silhouettes premières,
00:58:38je veux dire leur silhouette aussi sociale, psychologique,
00:58:40etc., après ça commence
00:58:42à faire des ronds
00:58:44dans la maison, et on ne sait pas ce qui se passe entre ces deux femmes.
00:58:46On ne sait pas si c'est une amitié,
00:58:48s'il y a une attirance, s'il y a une duperie,
00:58:50s'il y a un pacte, etc.
00:58:52Et vous verrez aussi,
00:58:54pour dire que je...
00:58:56Voilà, c'est pas
00:58:58un pur délire peut-être de ma part,
00:59:00vous verrez qu'il y a un plan très bizarre au début
00:59:02de la prisonnière de Bordeaux,
00:59:04chez un fleuriste, et qui justement a quelque chose de l'ordre
00:59:06de la volute. Il y a une espèce de
00:59:08miroir, un plafond en miroir,
00:59:10chez un fleuriste, et en fait c'est Huppert qui...
00:59:12D'ailleurs c'est une séquence qui ne sert à rien
00:59:14dramatiquement, qui va acheter des fleurs
00:59:16pour elle,
00:59:18et en fait pendant très longtemps, la caméra fait
00:59:20des espèces de huit...
00:59:22des espèces de spirales sur le plafond en verre,
00:59:24avec les fleurs,
00:59:26et à côté tout d'un coup,
00:59:28une espèce de fantasmagorie très curieuse.
00:59:30Alors que juste après, on est vraiment
00:59:32dans un parloir de prison, etc.
00:59:34Donc il y a toujours ce truc aussi
00:59:36de vérisme, fantasmagorie, etc.
00:59:44Donc voilà, je crois que c'est ça
00:59:46qui est intéressant chez Masubi, c'est qu'il n'y aurait pas d'un côté
00:59:48la vérité des pulsions,
00:59:50et la dupris ou la duplicité
00:59:52de l'artificialité
00:59:54ou du cliché. C'est beaucoup plus
00:59:56compliqué que ça. Il y a presque une vérité
00:59:58paradoxale des clichés parfois dans leur brutalité,
01:00:00dans la manière dont elles
01:00:02les rejouent, ou les recoupent,
01:00:04ou les fait au contraire sinuer.
01:00:08Alors je le disais, il y a partout,
01:00:10c'est ça qui est...
01:00:12Bon le titre a été fixé en fait
01:00:14par le forum, parce que... bref, pour diverses raisons.
01:00:16Donc c'est un titre un peu
01:00:18générique, et en fait je me disais que
01:00:20finalement, peut-être qu'on aurait pu
01:00:22prendre un titre d'équitation,
01:00:24puisque le cheval est très important, et qu'elle-même
01:00:26a pratiqué l'équitation, bon je vais en retirer
01:00:28un mot, puisque... Et qu'à un moment donné
01:00:30dans un des films où l'équitation
01:00:32apparaît, qui s'appelle Sport de fille,
01:00:34qui est notamment interprété par Marina
01:00:36Hans,
01:00:40on insiste beaucoup
01:00:42sur le fait qu'elle, elle vient
01:00:44de l'obstacle, alors que là, elle doit faire
01:00:46du dressage. Alors moi je suis nul, hein,
01:00:48en équitation, bon. Alors visiblement,
01:00:50ce sont deux mondes radicalement différents.
01:00:52Et ça m'intéresse bien le dressage et l'obstacle.
01:00:54Peut-être que là, c'est une autre manière
01:00:56de dire les choses, quoi. Le dressage, précisément,
01:00:58c'est faire danser un cheval
01:01:00en quelque sorte, et aussi le faire
01:01:02beaucoup tourner en rond.
01:01:04L'obstacle, en revanche, c'est tac ! Soit, voilà,
01:01:06soit on saute, soit
01:01:08on se prend l'obstacle, mais donc on est plus dans la
01:01:10syncope. Et là, je crois qu'on a peut-être
01:01:12deux espèces de rythmes comme ça
01:01:14de Mazuit.
01:01:16Et donc, oui, bizarrement,
01:01:18chez cette cinéaste qui peut
01:01:20apparaître comme une tête brûlée, qui,
01:01:22voilà, fait des combats de catch
01:01:24impromptus, sous l'œil
01:01:26d'une moissonneuse bateau-géante, bien sûr,
01:01:28j'ai pas parlé, la présence des machines est très importante
01:01:30dans le film, les machines agricoles,
01:01:32qui sont des espèces d'animaux préhistoriques.
01:01:34Parce que vraiment, le bestiaire est un peu...
01:01:36Il y a de l'animalité partout chez Mazuit.
01:01:38Et donc, bizarrement,
01:01:40c'est chez cette cinéaste, à priori,
01:01:42voilà,
01:01:46tête brûlée, oui, je ne sais pas
01:01:48comment le dire mieux pour le moment,
01:01:50qu'il y a beaucoup d'apprentissages et de concours.
01:01:52Il y a toujours cet enjeu-là, bizarrement.
01:01:54Puisque donc, on l'a vu, il y a le concours de pâtisserie
01:01:56à la boulangerie, les concours
01:01:58équestres dans les films à cheval,
01:02:00le patinage, le bowling,
01:02:02et donc il y a la question du dressage plus
01:02:04général, de la discipline.
01:02:06C'est-à-dire aussi, l'homme comme machine
01:02:08à dresser l'homme.
01:02:10Ce qui peut être pour...
01:02:12On peut dire que c'est de l'éducation,
01:02:14puis évidemment, d'autres vont dire,
01:02:16bref, je ne rentre pas dans le détail,
01:02:18mais donc la question du dressage.
01:02:20Et c'est donc peut-être pour ça qu'elle a fait ce film
01:02:22qui, à priori, était un peu
01:02:24inattendu chez elle, mais parfois,
01:02:26il y a des...
01:02:30des dérivations curieuses dans la filmographie.
01:02:32Ce film qui est donc Saint-Cyr,
01:02:34qui est le seul film
01:02:36en costume dans la
01:02:38filmographie de Mazuit, et à priori,
01:02:40vous en trouviez déjà un peu ce qu'elle fait,
01:02:42on ne l'attend pas forcément sur les films en costume.
01:02:44Et puis donc, avec Isabelle Huppert,
01:02:46et puis en plus, sur un sujet,
01:02:48précisément,
01:02:50sur une enceinte disciplinaire,
01:02:52enfin, de discipline, puisque c'est
01:02:54sur cette fameuse maison royale
01:02:56de Saint-Louis à Saint-Cyr,
01:02:58fondée par Madame de Maintenon,
01:03:00l'épouse secrète,
01:03:02en quelque sorte, de Louis XIV,
01:03:04et qui donc était censée former
01:03:06l'élite, enfin,
01:03:08une sorte de pensionnat pour
01:03:10jeunes aristocrates patoisantes
01:03:12et sans le sou,
01:03:14qui était censée devenir l'élite de la cour
01:03:16où on formerait
01:03:18notamment, voilà,
01:03:20des femmes distinguées
01:03:22et néanmoins libres. Alors, c'est toute l'ambiguïté
01:03:24du film, puisqu'on voit
01:03:28l'éternelle hésitation
01:03:30de Huppert, maintenant, de Maintenon,
01:03:32par rapport à sa doctrine
01:03:34face aux jeunes filles.
01:03:36Elle est toujours un petit peu
01:03:38entre la dorloterie et la brimade,
01:03:40et puis surtout, elle est aussi toujours
01:03:42entre le jeu et la bigoterie,
01:03:44la dévotion, puisque Madame de Maintenon,
01:03:46vous le savez, est devenue
01:03:48une femme de plus en plus,
01:03:50oui, une dévote de plus en plus
01:03:52étouffante même, puisque visiblement,
01:03:54elle éteignait
01:03:56de tout.
01:03:58Ce qui est intéressant, j'ai juste montré
01:04:00un peu le tout début, des éclats.
01:04:02Alors,
01:04:04parce que, bon, c'est un film...
01:04:08Bon, je vais vous montrer
01:04:10les extraits. Je vais vous montrer tout simplement
01:04:12l'ouverture du film, là aussi.
01:04:14Les ouvertures sont souvent quand même parlantes chez Mazuit.
01:04:16Et puis quelque chose qui est un peu plus
01:04:18loin, je vais essayer peut-être d'accélérer
01:04:20un peu l'extrait, parce que je vois que je suis déjà un peu
01:04:22trop long.
01:04:24Donc, tout début, l'ouverture du film,
01:04:26tout simplement. Là, j'ai rien à dire.
01:04:30...
01:05:00...
01:05:02...
01:05:04...
01:05:06...
01:05:08...
01:05:10...
01:05:12...
01:05:14...
01:05:16...
01:05:18...
01:05:20...
01:05:22...
01:05:24...
01:05:26...
01:05:28...
01:05:30...
01:05:32...
01:05:34...
01:05:36Ou allez-vous, Madame ?
01:05:39...
01:05:41Sire ?
01:05:42Vous ne savez donc pas quels jours nous sommes ?
01:05:44...
01:05:46Rappelez-le-moi. Nous sommes le 30 janvier.
01:05:48...
01:05:50Vous le rappelez si je vous dis encore une fois
01:05:52combien vous avez fait pour que mon projet ait lieu ce jour ?
01:05:54Je crois même
01:05:56comme l'avoir fait au-delà de vos espérances.
01:05:59Sire, je sais...
01:06:02que je vous en suis redevable.
01:06:09C'est un jour grandiose qui se prépare.
01:06:13Un jour qui restera dans les mémoires.
01:06:18Que faites-vous ?
01:06:20Venez contre moi.
01:06:26Que faites-vous ?
01:06:56Qu'y a-t-il ?
01:07:26Qu'y a-t-il ?
01:07:28Qu'y a-t-il ?
01:07:57Bon, ouverture là encore quand même très surprenante.
01:08:01Je vous parlais de cette drôle de...
01:08:04Vous voyez bien la chambre royale.
01:08:07Là encore, motifs, figements.
01:08:10Ils sont presque des gisants au tout début.
01:08:13Déjà des statues.
01:08:15C'est Calfon qui fait...
01:08:17Vous l'avez reconnu, Louis XIV.
01:08:20Et cette étreinte, évidemment,
01:08:22assez mécanique, on va dire.
01:08:25En fait, ce qui m'intéresse, c'est que...
01:08:28Bon, j'ai pas le temps de vous montrer,
01:08:31donc je vais passer à autre chose d'autre part du film.
01:08:34Mais ce qui est assez intéressant, c'est que dans le film,
01:08:37là encore, sur cette confusion entre le primal et l'artificiel,
01:08:41ou l'ornemental,
01:08:44ou le...
01:08:46Oui.
01:08:48L'apparat.
01:08:49C'est que...
01:08:52Clairement, pour Madame de Maintenon,
01:08:55la sexualité n'est qu'une monnaie d'échange avec Louis XIV
01:08:58pour avoir son école.
01:09:00Clairement, bon...
01:09:02Elle passe à la casserole, mais voilà.
01:09:05Il y a encore une scène, d'ailleurs, où le roi remet ça dans une...
01:09:08Et on sent vraiment...
01:09:10Bon, c'est vraiment une espèce...
01:09:12En gros, il n'y a pas du tout de...
01:09:15Il n'y a pas du tout de désir dans la sexualité.
01:09:17Il n'y a pas du tout de désir dans la sexualité elle-même.
01:09:20Enfin, bon, via la figure de Madame de Maintenon.
01:09:24Et donc, il y a quelque chose d'extrêmement social, finalement,
01:09:27dans la sexualité des époux royaux.
01:09:30Et dans le même temps, évidemment, ce qui est intéressant,
01:09:33juste après...
01:09:35Déjà, le roi, je dirais,
01:09:37il joue beaucoup avec le décorum de la cour de Louis XIV, etc.
01:09:40On dirait un peu un gros coq qui monte sa poule, quand même, un petit peu.
01:09:44Et surtout, après, vous voyez bien,
01:09:45tout d'un coup, ce plan très curieux
01:09:48des dames qui vont tenir l'école
01:09:52et qui courent, bon, un peu comme des volailles, quand même,
01:09:55d'autant plus qu'on va avoir des autruches.
01:09:57Louis XIV va offrir des autruches à l'école de Saint-Cyr.
01:10:01Donc, ce qui est intéressant, c'est que, vous voyez,
01:10:04le sexe supposément premier, viscéral, etc.,
01:10:08n'est en fait qu'une convention ou une monnaie d'échange.
01:10:11Et en revanche,
01:10:13la cour, telle qu'elle est montrée,
01:10:15il y a quelque chose d'un peu animal
01:10:17dans cette imagerie, etc.,
01:10:19dont elle joue, évidemment, beaucoup.
01:10:22Il y a aussi un autre contraste,
01:10:24où on peut retrouver mes histoires de coupe,
01:10:26ou au contraire, de sinuosité,
01:10:29c'est qu'évidemment, elle joue à la fois du contraste,
01:10:32évidemment, on est en plein âge classique
01:10:34et donc dans les lignes droites,
01:10:36donc il y a beaucoup de lignes droites
01:10:38dans l'architecture environnante.
01:10:40Et il y a l'obsession permanente dans le film,
01:10:44qui, je crois, était réel,
01:10:46que cette école royale de Saint-Louis
01:10:49était construite sur des marais
01:10:51et donc, possiblement, allait s'effondrer
01:10:56à cause des marais.
01:10:58Donc, il y a toujours cet imaginaire en dessous de l'eau,
01:11:00la présence de l'eau est toujours assez marquée dans le film.
01:11:05Allez, je vais un peu vite pour essayer
01:11:07de vous montrer encore un ou deux extraits.
01:11:09Justement, encore une fois,
01:11:11sur ce mélange de théâtralité et d'animalité,
01:11:13allez, j'essaie de vous montrer deux extraits.
01:11:21Je vous renvoie à Bullying Saturn,
01:11:23je ne sais pas si vous l'avez vu,
01:11:25qui est un film d'une extrême brutalité,
01:11:27où il y a à la fois vraiment des archétypes,
01:11:30c'est une espèce de film noir, on va dire,
01:11:32autour d'un bullying précisément assez infernal,
01:11:36tout en ligne droite d'ailleurs, bizarrement,
01:11:38mais avec précisément un homme qui rôde,
01:11:41puisque son jeune patron
01:11:43qui est accessoirement d'ailleurs incarné
01:11:45par le fils même de Masui,
01:11:47s'avère être un tueur de femmes.
01:11:49Mais il a, il y a vraiment,
01:11:51elle joue beaucoup avec les perspectives du bullying.
01:11:56Et il se trouve donc,
01:11:59dans ce bullying, en fait, il hérite,
01:12:01c'est une histoire entre deux frères, encore une fois,
01:12:04il y a vraiment quelque chose chez elle quand même
01:12:06sur une masculinité assez malade, assez toxique,
01:12:08et des espèces comme ça de frères ennemis,
01:12:11qui héritent de leur père, le fameux, en fait,
01:12:14c'est lui, Saturne, qui visiblement les a rendus un peu dingues,
01:12:17et qui par ailleurs était un chasseur.
01:12:19Et donc il y a une scène assez dingue dans le film
01:12:21de réunion de chasseurs
01:12:23qui regardent des vidéos, en fait,
01:12:25de mise à mort d'animaux dans ce fameux bullying.
01:12:27Donc, c'est assez, voilà, vous voyez bien,
01:12:30il y a quelque chose effectivement d'assez primal,
01:12:32une espèce de cérémonie masculiniste,
01:12:34carnassière, etc.,
01:12:36et en même temps, dans cette espèce d'environnement
01:12:38complètement plastifié du bullying.
01:12:39Voilà.
01:12:41Donc, je vous renvoie à ce film qui est quand même,
01:12:43ou d'ailleurs, mais qui est quand même éprouvant,
01:12:46ne serait-ce que parce que c'est sûrement peut-être,
01:12:48pour moi, le premier film français
01:12:50qui montre réellement ce qu'est un féminicide à l'écran.
01:12:53Ce que c'est.
01:12:55Voilà.
01:12:57Là, pour le coup, sans détourner les yeux.
01:12:59Film assez, quand même, puissant.
01:13:03Mais pour finir peut-être sur une note,
01:13:05parce que c'est un film,
01:13:07Bullying Saturne, vraiment, c'est un film
01:13:09assez éprouvant,
01:13:11peut-être sur une note un peu plus badine,
01:13:13pour dire aussi qu'il y a de l'humour
01:13:15chez Patricia Masui,
01:13:17et précisément sur cette histoire-là
01:13:19d'animalité, artificialité,
01:13:21cliché, pas cliché,
01:13:23engendrement et fabrication.
01:13:28D'abord, une curiosité,
01:13:30que je trouve assez drôle.
01:13:32Alors, là, plus pour venir sur les deux principales bêtes,
01:13:35finalement, qu'elle a filmées,
01:13:37c'est-à-dire les vaches,
01:13:39alors d'abord, les vaches,
01:13:41il se trouve qu'elle a fait en 92,
01:13:43donc là aussi pour dire qu'elle a ce côté,
01:13:45voilà,
01:13:49curieuse, je dirais.
01:13:52Elle a fait un film
01:13:54pour le ministère de l'Agriculture,
01:13:56qui s'appelle Des Taureaux et des Vaches,
01:13:58sur la sélection
01:14:00des meilleurs reproducteurs et reproductrices
01:14:02pour avoir, donc, les meilleures voix.
01:14:05Et tout simplement, je vous montre
01:14:07un passage de ce film
01:14:09qui me paraît assez savoureux,
01:14:11si j'ose dire.
01:14:16Après trois mois de contrôles très poussés,
01:14:1918 taureaux sur 40
01:14:21sont admis pour l'étape suivante.
01:14:2433 centimètres.
01:14:26Moins de 30 centimètres,
01:14:28il aurait été éliminé.
01:14:30En effet, les statistiques ont établi
01:14:32une corrélation directe
01:14:34entre la grosseur du testicule d'un père
01:14:36et la fertilité de ses futures filles.
01:14:38Alors, quand il grandira,
01:14:40ça fera une circonscription
01:14:42de plus en plus courte.
01:14:44C'est-à-dire qu'il aura un corps
01:14:46de plus en plus large
01:14:48et il aura un corps
01:14:50de plus en plus large.
01:14:51Quand il grandira,
01:14:53ça fera une circonférence scrotale
01:14:55d'environ 38 centimètres.
01:14:57La première caractéristique
01:14:59d'un taureau à utiliser
01:15:01une insémination artificielle,
01:15:03c'est d'être un bon réproducteur,
01:15:05c'est-à-dire un animal
01:15:07qui donne la semence
01:15:09en grande quantité
01:15:11et d'une qualité exceptionnelle.
01:15:13Au niveau de la fonction sexuelle,
01:15:15nous contrôlons les taureaux,
01:15:17d'une part,
01:15:19pour ce qui concerne
01:15:21la qualité de leur semence.
01:15:34Ce taureau de 11 mois
01:15:36affronte pour la première fois
01:15:38l'épreuve du saut.
01:15:51...
01:16:18Pour les taureaux laitiers,
01:16:19qui donnent des filles laitières,
01:16:21les procédures de sélection
01:16:23sont les mêmes que pour les taureaux à viande,
01:16:25seulement elles s'appliquent
01:16:27sur un nombre de bêtes plus grand.
01:16:29...
01:16:47Dès qu'il est monté,
01:16:49il doit descendre
01:16:51avant de le faire monter une 2e fois.
01:16:53Cette méthode, appelée fausse monte,
01:16:55augmente la concentration des spermatozoïdes
01:16:57dans l'éjaculat.
01:16:59...
01:17:08Chaque récolte de semences
01:17:10va être examinée et notée.
01:17:12Les producteurs de mauvaises semences
01:17:14seront éliminés,
01:17:16un tiers des jeunes taureaux
01:17:17seront éliminés.
01:17:19...
01:17:45...
01:18:13...
01:18:41Le film documente
01:18:43et donne à voir
01:18:45des extraits de répétition
01:18:47et du spectacle.
01:18:49Mais surtout,
01:18:51c'est intéressant sur le mélange
01:18:53du cru et du cuit,
01:18:55il y a des captations du spectacle.
01:18:57Par ailleurs,
01:18:59ils reconstituent,
01:19:01c'est assez curieux,
01:19:03ils font rejouer
01:19:05aux personnes qu'ils ont croisées
01:19:07leur réaction
01:19:09face au projet.
01:19:11Et on a des gens
01:19:13du milieu de l'équitation,
01:19:15très loin de Masui,
01:19:17et surtout de Rejani,
01:19:19qui est une figure extrêmement
01:19:21inflammable,
01:19:23intense.
01:19:25Et on a des gens,
01:19:27notamment le directeur du Hara,
01:19:29qui est extrêmement pâtelin,
01:19:31très bien de sa personne.
01:19:33Et il y a évidemment
01:19:35quelque chose d'assez comique
01:19:37et en même temps
01:19:39presque
01:19:41on sent que
01:19:43Rejani ne s'amuse pas,
01:19:45douloureux aussi,
01:19:47sur l'aspect toujours un peu
01:19:49potentiellement aberrant
01:19:51de toute création.
01:19:53Parce qu'on sent bien que ces gens
01:19:55se disent,
01:19:57mais qu'est-ce qu'ils veulent faire là exactement ?
01:19:59Surtout que ce sont des gens
01:20:01qui sont dans des Haras,
01:20:03ils ne sont pas du tout habitués
01:20:05à ce genre de trucs.
01:20:07Et donc,
01:20:09ils regardent ça,
01:20:11ils regardent le mariage,
01:20:13je dis beaucoup intéressant aujourd'hui.
01:20:15On a une figure essentielle
01:20:17de ce genre d'exercice,
01:20:19c'est un cheval qui tourne en rond
01:20:21dans un manège.
01:20:25Je ne me suis pas présenté.
01:20:27Je suis Jean Daniel,
01:20:29je m'occupe des costumes.
01:20:31Oui, oui.
01:20:33Celle-là est un peu trop chic
01:20:35dans les verts.
01:20:37Oui, la cravate est un peu chique.
01:20:39Non, non, celle-ci,
01:20:42ça vaut le coup de faire un plan
01:20:44sur les cravates d'équitation.
01:20:46Ce n'est pas d'équitation, non, non.
01:20:48Mais c'est des chevaux.
01:20:50Mais c'est que des chevaux,
01:20:52parce que dans les juges internationaux de dressage,
01:20:54il faut qu'on soit très chic,
01:20:56c'est une discipline très chic le dressage,
01:20:58pour la compétition.
01:21:00Par contre, au travail,
01:21:02tout le monde est dans des tenues tout à fait normales.
01:21:04Blouson, relax, il faut être confortable.
01:21:06Mais le jour de la compétition,
01:21:08c'est queue de pie, haute forme,
01:21:09et j'y l'ai avec les pointes jaunes.
01:21:21Si !
01:21:25Si !
01:21:27J'y arriverai !
01:21:32Comment s'exprime ce genre de jouissance ?
01:21:35Ce n'est pas moi qui vais répondre à cette question.
01:21:40Mais, travaillez votre cheval.
01:21:45Passez-le à l'autre main aussi.
01:21:49Moi je regarde et puis je vous laisse faire.
01:21:52Mais vous allez me donner une leçon quand même.
01:21:55Vous êtes assez à l'aise, travaillez votre cheval.
01:21:59Comme ça ?
01:22:04Ou comme ça ?
01:22:07En gardant l'équilibre, ça ira mieux.
01:22:09Au besoin, faites quelques transitions, ça passera.
01:22:15Allez, Pépère, reste.
01:22:17Bon.
01:22:20Il va falloir radicaliser, en fait, ce moment-là, mais...
01:22:25Il peut y avoir... Attention à votre assiette.
01:22:27Comme j'ai dit, tenez-vous droit, regardez où vous allez.
01:22:30Attention à votre assiette.
01:22:32Et puis maintenant, travaillez votre cheval.
01:22:34Pourquoi n'aurais-je pas pu me décider ?
01:22:37Pourquoi n'aurais-je pas pu me décider ?
01:22:39Mais je ne sais rien, là, il vous regarde.
01:22:41Non, je ne vous dis rien, moi.
01:22:43Ça peut être un truc aussi court que ça.
01:22:45Ce n'est pas de partir dans une leçon.
01:22:47Là, vous partez dans une leçon.
01:22:49Travaillez votre cheval.
01:22:51Moi, ce que j'aime, c'est qu'on travaille le cheval et tout.
01:22:53Non, non, non, non, ça c'est trop.
01:22:55C'est juste, tac.
01:22:57Je veux bien vous regarder.
01:22:59Voilà, voilà.
01:23:01Un truc sous-entendu, puisque c'est mon métier.
01:23:03Mais n'essayez pas, vous voyez, je vais dire ce que je veux dire.
01:23:05N'essayez pas de faire l'entraîneur.
01:23:07Faites Bernard, c'est ça que je veux dire.
01:23:09Vous êtes là.
01:23:11Par contre, quand on le fait, vous me faites…
01:23:13Voilà, vous faites l'entraîneur.
01:23:15Vous voyez ce que je veux dire ?
01:23:17Il ne faut pas faire l'entraîneur, il faut faire…
01:23:19Voilà, moi, mais bon, là, il me semble que ça va.
01:23:21Non, non, non, non, là, moi, je ne sais pas.
01:23:23Vous voyez, c'est très comme ça, avec des petites choses.
01:23:25Bon, bon, ensuite, c'est à moi.
01:23:27Mais il y a de…
01:23:29Ah bon ?
01:23:31Ah oui, par exemple, moi, j'ai un amour propre et frais.
01:23:33Je suis susceptible et rancunier.
01:23:35Hein ?
01:23:37Alors, comme un bossu.
01:23:39Enfin, bref, donc…
01:23:51Donc, voilà.
01:23:54Bon, vous voyez bien, la bête et l'apparat.
01:23:58La tenue…
01:24:00Enfin, le personnage est très drôle, hein, le personnage du rap.
01:24:02Il y a aussi un personnage de député assez irrésistible, en fait.
01:24:04Un vieux député de Normand, qui est vraiment le vieux baron.
01:24:07Lui aussi très pâtelin, etc.
01:24:09Et puis, il y a cette histoire, voilà.
01:24:11C'est pour ça que, peut-être, ça aurait pu s'appeler cette petite intervention
01:24:17« Dressage et obstacles ».
01:24:21Il y a les deux, là.
01:24:23Puisqu'on sent bien que Reggiani lui-même achope, bute un peu sur ce qu'il a envie de faire, etc.
01:24:28Il tourne en rond.
01:24:30C'est la figure, évidemment, de l'entêtement un peu obsessionnel qui tourne en rond.
01:24:33Ça, c'est très fréquent chez Masui.
01:24:35Il y a aussi les personnages qui répètent un peu obsessionnellement des phrases.
01:24:37Ça, c'est très fréquent chez Masui.
01:24:39Notamment, d'ailleurs, à la toute fin de « Travolta et moi ».
01:24:43Dans Paul Sanchez, aussi, il est revenu.
01:24:45Il y a ça.
01:24:47Dans « Sport de filles », également.
01:24:49Donc, cette histoire-là de la boucle.
01:24:51Et, éventuellement, est-ce qu'on la coupe grâce comme ça ?
01:24:57Est-ce qu'on la…
01:24:59Oui, est-ce que…
01:25:01Voilà, cette espèce de choix entre la boucle et la coupe.
01:25:03Et, une fois qu'on est dans la boucle, qu'est-ce qui se passe ?
01:25:05Est-ce que ça nous fait décoller ?
01:25:07Ou est-ce que ça nous enterre, en quelque sorte ?
01:25:09Puisque, en l'occurrence, Reggiani veut dire les carnets du sous-sol.
01:25:16À voir. Voilà.
01:25:18Je vous laisse avec la prisonnière de Bordeaux, tout à l'heure.
01:25:21Et, merci à vous.

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