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À dix jours du premier tour des élections législatives, le politologue catalan Dominique Sistach a analysé les dynamiques nationales et locales, ce jeudi sur France Bleu Roussillon. Selon lui, le Rassemblement national pourrait perdre une ou deux circonscriptions dans les Pyrénées-Orientales.

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00:00Et avec notre invité, on parle des élections législatives. Le premier tour, c'est donc dans dix jours.
00:04Vous entendez les différents candidats catalans, leur porte-parole tous les jours sur notre antenne.
00:08Ce matin, on va se poser un peu pour analyser la situation avec notre politologue maison,
00:13maître de conférences à l'Université de Perpignan. Il est votre invité, Suzanne Chaudjahi.
00:17Bonjour Dominique Sistak.
00:18Bonjour.
00:19Alors, on entend partout qu'on vit un moment historique avec la dissolution de l'Assemblée nationale,
00:23que la situation politique du pays pourrait basculer, peut-être le 7 juillet à l'issue du second tour
00:29des législatives anticipées. Mais est-ce qu'ici, dans les Pyrénées-Orientales,
00:33là où les quatre députées sortantes sont du Rassemblement national,
00:36est-ce qu'on pourrait vraiment vivre un coup de théâtre ?
00:38Je ne sais pas si l'expression coup de théâtre est la plus adéquate.
00:42On peut avoir effectivement quelques surprises sur au moins, à mon avis, une circonscription.
00:49Laquelle ?
00:50A mon avis, c'est la première ou la quatrième. Il pourrait y avoir éventuellement une surprise,
00:56c'est-à-dire la non-élection de la candidate du Rassemblement national,
00:59parce qu'aujourd'hui, il apparaît assez clairement que la dynamique politique au niveau national
01:04comme local est plutôt dans les mains du nouveau Front populaire que dans un Rassemblement national
01:10qui est fort d'un point de vue électoral, mais qui semble quand même dans une espèce de renoncement
01:14au gouvernement qui a coupé sa dynamique. Donc, on va dire qu'il y a une petite carte,
01:20parce qu'elle ne reste pas quand même malgré tout décisive, mais la dynamique,
01:23et en politique, la dynamique, ça compte, elle est quand même plutôt à gauche.
01:26Et pourquoi vous ciblez spécialement la première circonscription et la quatrième ?
01:30Parce que je pense que les deux autres sont perdus. Tout au moins, elles sont gagnées par l'ERN.
01:36Je crois que la deux, notamment, semble aujourd'hui une espèce de bastion nationaliste incontournable.
01:44Et ce serait en raison du bilan des députées sortantes ou en raison de ce que vous dites,
01:50la dynamique nationale ?
01:51Je crois qu'il y a des dynamiques, il y a des dynamiques nationales, il y a des dynamiques locales.
01:55Alors, sur la circonscription, la première circonscription, celle, on va dire, qui totaliste 80%, 70% de Perpignan,
02:03il y a aussi potentiellement une dynamique qui pourrait être laissée au nouveau Front populaire
02:09à raison du vote des plus jeunes, du vote des quartiers,
02:13et qui peut amener une dynamique de coude à coude après le premier tour.
02:17Et qu'est-ce qui se passera après une dynamique de premier tour, où le Front populaire serait premier ou à égalité ?
02:23Vous voyez, il peut y avoir là une dynamique qui passe simplement d'une dynamique un peu abstraite
02:28à une dynamique très concrète sur tel et tel canton, sur tel et tel quartier,
02:33il y aurait des enjeux de vote, et bien entendu, des désistements ou pas, etc.
02:38Et donc, vous vous dites, si j'ai bien compris, que c'est vraiment cette alliance à gauche,
02:41le Front populaire, qui pourrait changer la donne dans le département ?
02:43Carrément, carrément, et d'ailleurs, comme en France.
02:47Aujourd'hui, on le voit bien, s'il n'y avait pas d'ailleurs, si on réfléchissait à contrario,
02:51s'il n'y avait pas cette alliance, puisqu'il faut parler d'alliance,
02:54le Rassemblement national serait seul devant des partis, des positions complètement éclatées.
03:00Le fait qu'il y ait une unité, remet de la dynamique,
03:04permet de visualiser qui sont potentiellement ceux qui vont gouverner, etc.
03:08Mais comment on peut l'expliquer, sachant que la sociologie du département n'a pas spécialement changé ?
03:12Est-ce que c'est parce que tous les électeurs de gauche ici s'uniraient pour voter pour ce Front populaire,
03:17et donc ça ferait nombre, c'est ça, essentiellement ?
03:19Fort probablement.
03:20Alors que d'habitude, s'il voulait, il serait, semble-t-il,
03:23et encore plus quand on y réfléchit précisément,
03:26il serait difficile de faire voter un socialiste modéré pour un candidat de la France insoumise.
03:30Dans une coalition, je dirais, je vais parler comme les jeunes, ça passe crème,
03:35on englobe tout, et il y a un vote qui se massifie, qui se densifie.
03:39Quand on voit le nombre de procurations ces derniers jours,
03:42plus de 700 000 procurations en 10 jours dans toute la France,
03:45c'est six fois plus qu'à la même période aux dernières élections législatives.
03:48Et sachant qu'aux élections européennes, déjà les Pyrénées-Orientales avaient davantage voté que la moyenne en France,
03:54est-ce que la participation aussi pourrait changer la donne ?
03:57Indubitablement.
03:58Est-ce qu'on ne risque pas d'avoir un effet aussi de peur ?
04:03Une espèce comme...
04:04Vous avez des peurs écologiques, des peurs de toute nature à notre époque.
04:08Est-ce qu'il n'y aurait pas une peur démocratique ?
04:10D'aucuns n'auraient peur d'un rassemblement national, entre guillemets, fascisé.
04:15D'aucuns n'auraient peur du Front populaire sous l'empreinte d'une forme presque sud-américaine,
04:21puisque c'est la manière dont on le décrit.
04:23Chez les jeunes, par exemple, on voit qu'il y a tout d'un coup une angoisse
04:27qui fait qu'on se dit, tiens, je ne votais pas, je vais aller voter.
04:29Donc, ça va avoir aussi un effet en termes de dynamique,
04:33puisque ces gens qui ne devaient pas voter, entre guillemets, normalement,
04:37tout d'un coup s'ils vont voter, pour qui ils votent ?
04:39On rentre dans une espèce d'inconnu.
04:41Il est 7h50 sur France Bleu Roussillon,
04:43Suzanne Chaudjahi, notre invitée,
04:45Dominique Sistak, politologue et maître de conférence à l'Université de Perpignan.
04:49Alors, vous, vous dites quand même, attention,
04:51on ne peut pas comparer les européennes et les législatives,
04:53parce que ce n'est pas pareil.
04:55Vous dites que ces deux scrutins ont des logiques vraiment différentes.
04:58Mais lesquelles ?
04:59Déjà, il y a un scrutin à un tour,
05:01qui est un vote presque définitif.
05:03C'est le vote un peu coup de massue, celui des européennes.
05:06Et là, il y a un vote à deux tours, qui est aussi un vote plus stratégique.
05:09Un vote où celui qui met le bulletin dans l'urne
05:14réfléchit à savoir ce qu'il peut faire au second tour.
05:16Est-ce qu'il vote simplement contre quelqu'un, ou est-ce qu'il vote pour quelqu'un ?
05:20Le vote est plus fin.
05:22En deuxième lieu, il y a aussi une élection qui est un peu éterrée,
05:26parce que l'élection européenne, elle représente quoi ?
05:28Qu'est-ce que représentent les institutions européennes ?
05:31Qu'est-ce que représente l'enjeu européen ?
05:32Ça n'intéresse pas tout le monde.
05:33Ça n'intéresse pas tout le monde.
05:34Et on a une tendance très naturelle, en Europe, en France comme ailleurs d'ailleurs,
05:39à nationaliser l'élection.
05:41Là, la dernière était vraiment une élection franco-française.
05:44L'Europe était presque détachée.
05:46Alors que les législatives, elles ont un enjeu de gouvernement.
05:49Donc, quand on voit les sondages qui donnent le RN favori,
05:53vous dites, ce n'est pas sûr, attention.
05:56Favori, oui, parce qu'ils ont un coup d'avance.
05:58La dynamique est pour eux, la dynamique électorale est pour eux.
06:02Sauf qu'ils perdent aussi un peu de dynamique politique.
06:05Le rassemblement à gauche leur fait du mal.
06:08Les renoncements de leurs leaders à ne pas vouloir gouverner,
06:11à ne pas mener telle partie du programme, fait mal.
06:14Si vous étiez un votant du RN et hésitant,
06:17est-ce que vous continuez à voter pour quelqu'un qui dit qu'il ne veut pas gouverner ?
06:20Oui, justement, Jordan Bardella a dit que s'il n'avait pas la majorité absolue,
06:23il ne deviendrait pas Premier ministre.
06:25Il ne le souhaite pas.
06:27Louis Alliot a argumenté en ce sens hier sur notre antenne.
06:30Est-ce que, justement, vous pensez que le RN est en train de mettre un peu la pression
06:33sur son électorat pour dire « Allez-y, votez pour nous, comme ça je deviendrai Premier ministre » ?
06:37Oui, bien sûr, il faut entraîner, il faut retrouver de la dynamique politique,
06:41ça c'est certain.
06:42Mais pour l'électeur, c'est aussi un problème de dire « On est leader en France,
06:47on est majoritaire, on dit qu'on est prêt ».
06:50Et puis, tout d'un coup, on se rend compte qu'on ne va pas mener la réforme sur les retraites,
06:54on ne va pas mener la réforme sur le port du voile, dans les rues, etc.
06:57En tout cas, dans un second temps, selon ce qui est expliqué.
07:01Surtout une politique qui est aussi timée à notre époque,
07:04qui a un quantum de temps qui nous est donné.
07:06Il faut faire, il faut agir, les Français n'ont pas besoin d'attendre,
07:09disait le chef de l'État il y a moins de 48 heures.
07:12Donc, il faut être en capacité de répondre aussi.
07:16Ça, ça peut poser, on le voit bien à la dynamique,
07:18elle s'est stoppée à partir du moment où les renoncements ont commencé.
07:22On a longtemps dit que la France était un pays qui se gouverne au centre,
07:26mais quand on voit le positionnement aujourd'hui dans l'opinion du nouveau Front populaire,
07:30on l'a dit, et puis du Rassemblement national,
07:32est-ce qu'on peut dire que la France se radicalise,
07:34ou en tout cas se polarise aux extrêmes ?
07:36Oui, il y a vraiment de ça.
07:38Ça, ça fait 20 ans qu'on l'explique.
07:40On a inversé le calendrier électoral.
07:42On a fait passer la présidentielle avant les législatives.
07:45On a modifié la position même du président de la République
07:49avec un mandat non renouvelable de la deux fois consécutive.
07:53On a complètement changé les institutions.
07:55Je dis souvent aux étudiants, à notre époque, tout le monde est gaulliste,
07:59et pourtant nous sommes la société qui avons liquidé la République du Général de Gaulle.
08:04Donc plus strictement rien à voir avec ce qu'on avait avant,
08:07une polarisation droite-gauche,
08:08et effectivement, qu'on vienne de droite ou de gauche,
08:10on terminait au centre-droite et au centre-gauche pour pouvoir gouverner.
08:14Là, on le voit bien, on a un problème.
08:16On part de tellement loin des extrêmes,
08:18que comment on retrouve des positions de gouvernement ?
08:21L'ordre public, il n'est ni de droite ni de gauche.
08:24Je serais tenté de dire, il doit être positionné,
08:26il doit être précis, rigoureux,
08:28il doit répondre à des attentes juridiques, etc.
08:32Donc on se retrouve dans cette République qui est devenue une République des personnalités.
08:37Les partis politiques ont quasiment disparu, ou ils ont implosé.
08:40On se retrouve avec, si on n'a pas de personnalité politique forte,
08:44on est quasiment orphelins.
08:46Et on vote donc pour le premier tour le dimanche 30 juin,
08:49le premier tour des législatives.
08:50Merci beaucoup Dominique Sestac d'avoir répondu à notre invitation ce matin.
08:54Vous êtes politologue et maître de conférences à l'Université de Perpignan.
08:58A bientôt !

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