Ponctuation du 18 Juin 2024

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00:00C'est le temps de la ponctuation littéraire sur la CRTV, on va s'intéresser à cette
00:18occasion au théâtre de la vie, de la vie courante.
00:22Bien des drames se produisent sur la route de l'aventure vers l'El Dorado occidental,
00:32des compatriotes se joignent à d'autres migrants africains pour rejoindre l'Europe,
00:38mais il arrive que ces rêves finissent en cauchemar.
00:42Sophie-Françoise Mbappé-Liboc qui écrivait n'en a fait un sujet d'écriture et de méditation
00:50en proposant une pièce de théâtre intitulée Rêves Trompeurs, Rêves Trompeurs c'est justement
00:56le prétexte pour parler globalement de ces questions de migration quand le miracle tourne
01:04au mirage.
01:05Bienvenue dans Ponctuation Madame.
01:07Bonjour Serge.
01:08Vous en avez l'habitude hein ? Oui déjà.
01:11C'est dire combien chez vous écrire est facile ?
01:16La muse ne tarie pas, j'ai une telle facilité d'écrire des textes que je me dis puisque
01:24j'ai cette facilité et qu'une idée me vient ou quelqu'un me la passe, j'écris assez
01:31facilement.
01:32Alors cette pièce de théâtre elle est distribuée en 30 tableaux, il faut donc préciser que
01:39là vous passez au théâtre maintenant, c'est quoi c'est votre profil ? Vous êtes professeur
01:48associé à l'école Normale Supérieure et puis à l'université de Yaoudé 1 je présume ?
01:53Yaoudé 1.
01:54Voilà et puis vous êtes inspecteur coordonnateur régional.
01:58Charge des maîtres arts et langues.
02:00Voilà donc vous êtes une spécialiste de la langue.
02:03Oui à l'initial déjà je suis spécialiste de la langue française mais je ne pense pas
02:09que ce soit nécessairement ça qui me conduise à l'écriture.
02:14J'ai attrapé le virus de l'écriture assez tôt et je pense que cela se matérialise
02:21maintenant par un certain nombre de productions littéraires que j'ai même si celle-ci
02:28est, je me suis essayé pour la première fois au théâtre.
02:33Justement j'allais dire c'est l'essai, on va voir si ça va être transformé.
02:37L'essai est-il transformé ? On verra si vous allez le faire.
02:41On s'intéresse tout de suite à la première de couverture, Rêve Trompeur et deux images
02:47ici.
02:48La première ou peut-être celle qui est beaucoup plus en bas nous montre une pirogue qui est
02:57en situation critique avec des migrants qui sont à deux doigts de se noyer accouchés
03:05à quoi ? Donc est-ce que c'est un requin ? Une pirogue ? Ça c'est la première image.
03:10Deuxième image, la tour Eiffel et juste devant elle le couple qui se tient, qui se soutient
03:17davantage que se tient.
03:19Alors qu'est-ce que c'est qu'il y a ?
03:21Je pense que cette première de couverture a une valeur apéritive.
03:25D'entrée de jeu on voit ces migrants, c'est une pirogue qui fait naufrage, donc ils sont
03:32un certain nombre dans la pirogue qui manifestement s'est renversée et je pense que le plan de
03:39l'eau le montre.
03:40Maintenant il y a quand même déjà cette indication que tous ces migrants-là ne vont
03:46pas périr dans l'eau, il y en a qui vont arriver.
03:50C'est pour cela qu'il y a cette autre image qui apparaît autour, au pied de la tour Eiffel
03:56avec les deux qui finalement ont pu être tirés des eaux et sont quand même arrivés.
04:03Et c'est leur parcours qui va nous intéresser tout au long de cette pièce de théâtre.
04:08Donc cette illustration, elle a été faite par des jeunes avec qui nous travaillons dans
04:14le projet.
04:15Est-ce que c'est une bouée de sauvetage que je vois là ? Parce qu'on dirait que c'est
04:20un peu plus moderne la bouée de sauvetage.
04:22C'est même une pirogue qui s'est renversée, donc ils sont encore accrochés à la pirogue.
04:26Réussiront-ils à atteindre l'Eldorado ? Donc il y a quand même une indication, là où
04:35le ciel se fait un peu plus clair, que certains vont arriver, peut-être pas tous puisqu'on
04:40ne voit que deux personnages de l'autre côté.
04:43Où sont passés les autres ?
04:44Peut-être qu'ils se sont noyés.
04:46C'est la suite qui nous le dira.
04:47La suite nous le dira.
04:48Entrons dans cette pièce de théâtre, il y a une, on va dire quoi, il y a une abondance
04:56de personnages.
04:57C'est vingt-cinq là.
04:58Il y en a beaucoup, effectivement.
05:00Et des curiosités dans cette création.
05:03La fabrique des personnages, elle est inspirée par quoi ?
05:07Ah là, je dirais simplement la muse, parce qu'il y a deux personnages qui nous intéressent
05:13d'entrée de jeu.
05:14C'est ce couple qui apparaît à la première de couverture.
05:17Mais pour qu'ils puissent partir de là où ils sont, arriver là où ils vont, ils passent
05:23par plusieurs étapes.
05:25Et comme ils ne peuvent pas traverser toutes ces étapes sans être en contact avec d'autres
05:30personnes, donc ce sont des personnes qu'ils vont croiser sur leur chemin et qui vont être
05:36à certains moments des personnages tout simplement évoqués, à d'autres moments des personnages
05:41peut-être secondaires, mais qui vont jouer un rôle capital dans l'évolution, je dirais
05:48dans la marche, sur la route de ces deux personnages.
05:52Parce que pour qu'ils arrivent, il faut des passeurs, il faut des gens qui les accompagnent.
05:57Or, dans la pièce de théâtre, nous avons voulu faire ressortir tous ces personnages
06:03qu'ils ont pu croiser sur le chemin de leur aventure ou de leurs mésaventures.
06:09Tout commence par la maison, on est pratiquement dans l'environnement, la ville ici est géographiquement
06:15celle qu'on connaît.
06:16Balmaïo.
06:17On est en Balmaïo, donc il y a un intérêt pour l'autrice que vous êtes de faire un
06:24clin d'œil à ceux qui sont candidats au tourisme, ils découvrent aussi cette réalité.
06:29Dans une famille, l'histoire des bars comme ça, avec quelqu'un qui tout de suite dit
06:36ses rêves.
06:37Oui, ce n'est pas de la littérature du maquis, parce que tous les lieux évoqués
06:44ici sont des lieux réels.
06:46Et Balmaïo existe, c'est au Cameroun, une famille y vit paisiblement, j'allais dire.
06:52On a un parent agriculteur et l'agriculture se porte plutôt très bien.
06:57On a même un jeune, le jeune candidat à l'aventure, c'est un artisan, il fabrique
07:06des choses, il peut avoir de l'argent.
07:08En fait, c'est une famille jamais très normale qui peut gagner sa vie sur place en Balmaïo,
07:15mais il y a comme ce virus là, c'est un trait de l'inconnu, de l'occident, qui fait quand
07:23même qu'il veut abandonner tout ce qu'il peut avoir ici pour aller vers l'aventure.
07:29Alors, il s'appelle Mathias Maquet, c'est quoi le nomastique ?
07:34Le nomomastique, forcément, Maquet, dans la langue de l'autrice, c'est celui qui part.
07:41Ambassade.
07:42Ambassade, c'est le fait de partir, Maquet, le voyageur, celui qui aime partir, dont son
07:48nom est révélateur de ce qu'il fera lui-même.
07:51Il a une fiancée, Martha Penda.
07:54Et justement, même dans le nom de sa fiancée, vous voyez qu'elle passe beaucoup de temps
08:00à lui dire non.
08:01Penda, c'est un peu le doute.
08:03Ton projet, là, j'en doute un peu.
08:05Je ne suis pas sûre que ce dans quoi tu veux m'entraîner soit quelque chose de bien.
08:10Donc, même son nom a une signification qui va, dans le cadre de cet ouvrage, dans le
08:18cadre de cette œuvre, montrer qu'elle aurait pu peser un peu plus.
08:23Est-ce que c'est l'habitude pour les auteurs, vous êtes en grande partie romancière, est-ce
08:30que dans l'accouchement, la fabrique d'un personnage, est-ce que le nom du personnage
08:37vaut mission?
08:38Serge, je t'avais enlevé au départ ma formation de linguiste, un jeu un peu fait dans le monde
08:46nomastique.
08:47Ça veut dire qu'en réalité, le nom dans mes textes et le personnage, le fait de nommer
08:53un personnage, on fait un peu de lui un porteur de mission, un porteur, le porteur d'une vision
08:59dont on lui donne une certaine signification qui fait en sorte qu'on sache, à partir
09:05de son nom, quelle est la mission qui lui est confiée.
09:08Ok, donc tous ces personnages ont forcément un rôle, il va avoir donc ce rêve-là, la
09:16famille va être au courant, mais des réticences vont se faire, celles du père, de la mère,
09:23il va un peu truquer.
09:24Parce que pour pouvoir partir, il faut quitter la famille et aller quelque part.
09:28Quand il a rassemblé les fonds, ce qu'il trouve à dire à ses parents, c'est qu'il
09:33amène sa fiancée en week-end.
09:35Et vous voyez un peu le petit souci avec la mère, qui regarde le père de travers pour
09:39lui dire, mais vraiment, moi je suis mariée avec toi depuis des années et tu m'as jamais
09:44amenée en voyage.
09:45Et c'est lorsque ça tourne au vinaire que le père lui dit, ok, moi mauvais mari, d'accord,
09:51mais au moins je t'ai jamais amenée à l'aventure.
09:53Ok, donc lui, il veut aller à l'aventure, il va trouver un stratagème et ils partent.
09:59Ils s'embarquent, ils embarquent, dans cette aventure, le rôle de la femme, il faut dire
10:08qu'elle s'appelle Martha Penda, elle est suiveuse.
10:12On a un garçon tellement déterminé que finalement, elle se met à le suivre, tout en restant
10:18quand même un peu dubitative quant au choix de son fiancée.
10:24L'histoire, ça, c'est l'air.
10:25Ils sont à Marois.
10:26Ils vont rapidement trouver les papiers avec d'autres rues aussi.
10:30Ils commencent à découvrir le circuit de Marois en Jaména avec à chaque fois la description
10:39des réalités.
10:40Ils sont transportés dans un camion d'oignons.
10:42Camion d'oignons, justement.
10:43Ça ne sent pas bon.
10:44Ah non, non, ça ne sent pas bon du tout.
10:46Les camions d'oignons sont déguisés puisque la fille, on va lui donner un nom, elle sera
10:52une Hadja et lui, il aura un autre nom parce que le chauffeur de camion, lui, il s'appelle
10:58Garba.
10:59Le chauffeur va se comporter comme s'il transporte ses cousins qui vont découvrir une ville
11:06et revenir.
11:07Et vous voyez qu'un peu parfois, au niveau de nos frontières, il suffit de lui passer
11:12quelque chose.
11:13Je le salue bien pour pouvoir éviter que les documents, même des deux personnes qu'on
11:19transporte et qui sont déguisés, ne soient véritablement contrôlés.
11:24Alors qu'ils n'ont pas de papiers, de passeport, on leur a fait la promesse.
11:29C'est Moustapha qui leur fait la promesse.
11:32La promesse.
11:33Dès que vous arriverez à Rabat, vous aurez votre passeport.
11:35Oui, il est en train de fabriquer, mais il doit avoir toute une usine de fabrication
11:41des papiers, de faux papiers, disons-le, parce qu'une fois arrivé, il leur dit vous aurez
11:46les papiers.
11:47Vous pouvez voyager normalement.
11:48En fait, c'est dire comment, lorsque quelqu'un est déterminé à partir, il peut arriver
11:54à perdre la raison.
11:55Vous partez de chez vous, vous avez envie de vous rendre en Occident et vous n'avez
12:00pas de passeport, mais vous partez quand même.
12:02Mais le circuit est quand même bien nul, la route pour aller à ses travailleurs, la route
12:07à ses travailleurs.
12:08On est en Djamena, très rapidement, ça s'arrange et puis on embarque pour la route qui va conduire
12:17en Afrique, en Afrique du Nord, en Afrique du Nord, à Tamaracet d'abord.
12:22C'est une étape.
12:23Alors à partir de là, les passeurs vont leur donner les étapes, les étapes par lesquelles
12:30ils doivent traverser.
12:31Et chaque fois, il faut trouver quelqu'un, soit il transporte des oignons, soit il transporte
12:36quelque chose, soit il est un passeur.
12:38Il faut rentrer en contact avec quelqu'un qui va les aider à atteindre l'étape suivante.
12:44Et généralement, c'est des voyages de nuit.
12:46Avec tout ce que cela comporte.
12:48Sur cette route-là, la femme, un fiancé, Ma, parce qu'il s'appelle The Ma, va quand
12:56même montrer des signes d'une certaine fatigue qu'on ne comprend pas.
13:00Elle est tout le temps en train de rejeter.
13:03Je note ici que votre manière de rédiger, ne ressemble pas à celle des autres, le récit
13:10de ces voyages-là, je trouve que c'est un peu indolore, il n'y a pas trop de souffrances.
13:18Oui, très bien.
13:19Et Moustapha le leur dit d'ailleurs, il leur fait la remarque, parce que mon objectif n'était
13:23pas tant de s'arrêter sur ces souffrances, même si elles sont décrites d'une certaine
13:28manière, assez rapidement, il y a comme une accélération du récit pour qu'on arrive
13:34à destination.
13:35Ok, vous voulez arriver.
13:36Très bien.
13:37Arrivez donc.
13:38Et quand vous êtes arrivé, qu'est-ce que vous avez constaté ?
13:41Alors, l'arrivée, c'est quoi ? Il part de là-bas pour Marseille, sauf qu'il va avoir
13:47cette image.
13:48Justement, il y a cette image, avant la traversée, vous parliez tout à l'heure des malaises
13:56de cette femme.
13:57Les malaises de cette femme, elle est tout le temps en train de renvoyer, elle vomit
14:01par-ci.
14:02Le vendeur d'oignons lui demande d'ailleurs si elle a le palu ou si elle a des verres,
14:05parce qu'on ne peut pas s'arrêter comme ça tout le temps, parce qu'on a envie de vomir.
14:08Elle ne se rend même pas compte de ce qui est en train de se passer.
14:12Pour elle, prise dans ce vertige du voyage, dans ce tourbillon du voyage, elle n'écoute
14:21pas son corps.
14:22Elle sait simplement qu'elle est malade et justement, c'est un élément qui va amener
14:27Moustapha, le passeur, à les faire traverser rapidement, ce qui, et vous l'avez relevé,
14:33n'est pas souvent le cas, parce que généralement, on ne s'occupe pas trop des malades.
14:39Si vous êtes malade, vous restez sur le carreau.
14:41Mais là, exceptionnellement, comme je voulais bien que ces personnes étant malades arrivent
14:47là où elles vont, j'ai mis un peu d'humanité en le personnage de Moustapha.
14:53Humanité et même du fantastique, parce que voilà qu'il va y avoir un chavirement, la
15:00pirogue va chavirer, il y a beaucoup de morts et très peu de rescapés, au nombre desquels
15:09le couple.
15:10Et vous voyez, ils sont recueillis justement par une structure, le SOS Solidarité, dont
15:17je parlais tout à l'heure, et faisant un clin d'œil à Majesté, à Sa Majesté Yémyem
15:23qui m'a inspiré le livre, c'est lui qui s'occupe de SOS Ruralité.
15:28On va donc créer quelque chose où ils devront être recueillis, mais chacun, ce sont des
15:34naufragés, chacun à son tour.
15:37Le mari ne sait pas que la femme a été recueillie puisque chacun pleure de son côté.
15:42La femme pleurant le mari, le mari pleurant la femme, jusqu'à ce qu'ils se rencontrent
15:47d'une manière, vous avez dit, fantastique, hasardeuse, mais c'est quand même voulu
15:51par l'auteur.
15:52Beaucoup sont morts, Maciarski a une obsession au voyage, il veut absolument aller en Europe,
16:00voilà comment il arrive en Europe, presque en pièce détachée, il arrive là comme ça
16:04et donc ils sont recueillis, ils sont accueillis par ces gens.
16:08Une chose m'intéresse dans cette pièce de théâtre, c'est un peu la respiration musicale.
16:16Si j'étais en Europe, le soleil ne me frapperait pas, si j'étais en Europe, je ne transpirerais
16:23pas ainsi, si j'étais en Europe, je mangerais bien, un jour, un jour, un jour, oh, j'irais
16:30en Europe, un jour, un jour, un jour, oh, je deviendrai riche, un jour, un jour, un jour,
16:36oh, j'irais en Europe, oh, un jour, un jour, un jour, oh, ma souffrance cessera.
16:41Voilà la chanson qu'il chante du matin au soir.
16:44Qu'il chantait déjà au départ.
16:45Oui, quand il est encore en Balmaïo et tout, et c'est ça qui commence à attirer l'attention
16:50non seulement de son père, de sa fiancée, parce que même le fou du village finit par
16:55se dire, ce gars, il veut partir.
16:58Mais une fois rendu de l'autre côté, une fois recueilli, vous voyez que la chanson
17:02va un peu changer parce qu'il va dire, me voici en Europe, il se retrouve démuni,
17:07ils avaient de l'argent en partant.
17:09Me voici en Europe et le soleil me frappe dur, me voici en Europe et je transpire à
17:14grosses gouttes, me voici en Europe et je ne mange pas bien, un jour, un jour, un jour,
17:21comme je suis en Europe, un jour, un jour, un jour, oh, je deviendrai riche, un jour,
17:27un jour, un jour, comme je suis en Europe, un jour, un jour, un jour, oh, ma souffrance
17:33cessera.
17:34Il y a eu le choc du naufrage, ils ont échappé à la mort, ils ne savent pas qu'elle est
17:47enceinte, qu'elle va coucher, mais il y a une difficile vie qui va se faire, ils sont
17:53recueillis quand même, ils sont envoyés dans un champ, dans la perspective d'un retour.
17:57Mais lui, il décide de s'échapper, il ne veut pas rentrer, il ne veut pas bénéficier
18:04de l'accompagnement de cette association et il décide de prendre la pote escampette
18:09avec sa femme.
18:10Vous voyez donc que la chanson le dit déjà, parce qu'il dit je suis en Europe, le soleil
18:16me frappe dur, mais comme je suis en Europe, je deviendrai riche.
18:19Donc on sent que même recueilli, il y a cet entêtement, il y a ce désir d'aller jusqu'au
18:27bout de l'aventure.
18:28Si j'ai été sauvée ici, ma femme, qu'est-ce qu'on voulait ? On voulait être en Europe
18:33et là nous sommes en Europe, nous sommes en France.
18:36Comment on peut atteindre le but et rentrer ? Donc il se dit qu'il va réussir à se faufiler
18:43et trouver quand même, vous voyez cette détermination, cet entêtement qu'on relève ici et la chanson
18:51qu'il chante, parce que vous n'avez pas relevé, elle lui dit mais m'as encore ta chanson là.
18:56Vous voyez, elle relève encore cette chanson, moi quand je t'entends chanter ça, je sais
19:01que tu as de mauvaises idées, tu as de mauvaises pensées.
19:04Retournons, on a déjà vu ce qu'on a pu voir, retournons et n'oublie surtout pas que je
19:09porte un enfant.
19:10Mais vous voyez, et nos jeunes, quand quelqu'un s'est déjà dit que l'El Dorado c'est de
19:16l'autre côté, rien ne l'arrête, il n'écoute rien, il s'écoute lui, malgré ce par quoi
19:24il passe, il réussit quand même à s'enfuir pour se retrouver à Paris.
19:27Sophie Françoise, examinons un peu la désillusion, elle commence par le contact avec James, ce
19:35frère qui avait dit quand tu vas arriver, tu me passes un coup de fil et je t'accueille.
19:41Alsa, d'entrée de jeu, on voit ce James, parce que lorsque Martha demande à son fiancé,
19:48qui t'a même dit qu'on peut vivre bien en Europe, vous voyez ce Whatsapp où quelqu'un
19:53est allé se mettre en costume, trois pièces, se filmer quelque part, qu'il en va au Cameroun
19:59ou dans un autre pays d'Afrique, et nous qui sommes au village, quand nous voyons ça,
20:04on a tendance à se dire que là-bas, c'est vraiment le paradis sur terre, c'est cette
20:09illusion dès le départ, et le gars, on se dit, ce gars était fainéant ici, on voit
20:15même comment il n'était pas aussi brillant que moi, s'il a réussi en Europe, ça veut
20:18dire que moi, je réussirai mieux. Malheureusement, comme vous l'avez si bien relevé, Serge,
20:25arrivé à Paris, il n'a même pas le numéro, cet aventurier-là. On lui avait dit que le
20:30gars vendait les téléphones dans un marché. Il va parcourir le marché de vendeur de téléphone
20:35en vendeur de téléphone pour savoir s'il peut le retrouver. Mais quand il le retrouve
20:39finalement et qu'il appelle, mais mon frère, tu m'appelles avec un numéro de France, ça,
20:46ce n'est pas un numéro du Cameroun, là, tu n'es pas en Balmaïo, là, où te trouves-tu ? Je
20:51suis à Paris, ok, je travaille, je te rappelle et il ferme le téléphone. Disons-le facilement,
20:55James, le frère qu'il y a en France, dès qu'il s'aperçoit que Mathias et son épouse sont là,
21:02ils bloquent le téléphone. Ils sont donc pratiquement perdus. Complètement. Ils vont
21:08squatter dans le métro, dans les bouches de métro et autres. Avec une grossesse. L'enfant,
21:18aucune visite médicale, rien du tout. Voilà un homme qui se retrouve avec une femme qu'il aime
21:24et un enfant qui va venir au monde, qui n'a pas où se loger, qui n'a même pas où dormir,
21:30qui se retrouve le soir dans les bouches de métro avec tout ce que cela peut constituer.
21:37Comporté comme risque. Alors, on va finir par ce qui est d'ailleurs, me semble-t-il,
21:43la leçon à retenir. C'est le rôle joué par SOS Ruralité qui, une fois avoir accueilli ces gens
21:56qui ont failli mourir dans un naufrage, leur propose de les accompagner au Cameroun et de
22:05les aider à développer le projet agricole du père. SOS Ruralité va les recueillir une fois de
22:15plus, va les accompagner au Cameroun et va s'occuper à implanter un GIC, c'est ça?
22:22Oui, en fait, la plantation existe déjà. Puisque d'entrée de jeu, on a relevé que les parents
22:27étaient agriculteurs. Ils sont vieillissants. Donc, ils n'ont plus l'énergie suffisante pour
22:33suivre les plantations. Maintenant, avec l'arrivée de SOS Ruralité, l'idée, c'est quoi? Au lieu que
22:40les jeunes aillent à l'aventure, dès lors qu'il y a une structure chez eux capable de les faire
22:46vivre, on développe la structure chez eux pour qu'ils puissent se développer chez eux. Donc,
22:51un peu, une manière de les maintenir là pour qu'ils puissent quand même se développer chez
22:57eux au lieu d'aller risquer leur vie comme ils le font. Donc là, le groupement intercommunal qui
23:03va être créé au niveau d'un balmaïo parce qu'en réalité, on a comme un schéma narratif cyclique.
23:09On part d'un balmaïo en balmaïo. Ça s'achève. Là, on sait comment c'est. Mais il y a eu tellement
23:15de choses entre temps. Mais l'essentiel, c'est cette leçon-là. Et le père va le leur dire. Le fou
23:21même du village va dire quelque chose dans ce sens-là. Pourquoi avoir risqué votre vie en
23:27abandonnant? Disons pour vous, c'est peu. Le peu que vous avez, vous pouvez le développer sur place.
23:32Vous pouvez vivre sur place au lieu d'aller à l'aventure. Donc, c'est ça l'idée. Nous pensons
23:37toujours que si on a une petite structure, si on a un petit commerce, si on a un petit champ, il faut
23:44abandonner ce champ pour aller, je mets les guillemets, se chercher ailleurs. Parce que ce
23:49regard a constamment tourné vers l'ailleurs. L'ailleurs, c'est l'inconnu. On ne sait pas vers
23:54quoi on va. Ce n'est pas pour dire qu'il ne faut pas voyager. Mais il faut savoir où on va. Ce
23:59qu'on va faire, ce n'est pas. C'est le fait d'aller à l'aventure qui cause problème. Et c'est pour
24:04cela que ce qui est développé ici, en fait, c'est la problématique du retour. On finit par deux
24:10personnages importants quand même. Ça, c'est des curiosités. Cette pièce, le fou du village et le
24:16muet. Très bien. Le fou du village, il s'appelle Ndi. Là, par contre, il n'y a pas un problème de
24:22nomastique. L'onomastique, c'est sur les deux personnages principaux. Mais pourquoi un fou?
24:27Pourquoi? Qu'est ce qui est ce que ça participe de cette histoire? C'est une technique. Pour moi,
24:34c'était simplement une technique d'accélération du récit. Parce que c'est lui qui va donner les
24:39indices dès le départ. Tout le monde pense que monsieur et madame ou le fiancé et la fiancée
24:45vont à Kribis. C'est tout. C'est du moins ce qu'ils ont dit. Mais c'est le fou qui les suit et qui
24:51entend dire Moustapha va faire les passeports. Lui, il rattache Moustapha à un vendeur de soja.
24:57Parce qu'il y a un vendeur de soja en Balmaïo dans le Thé qui s'appelle Moustapha. Le gars rit aux
25:02éclats. Mais comment Moustapha peut faire des passeports? Enfin, il est chassé. Moi, ne me
25:07tapez pas. Je passais. Mais c'est quand même lui qui va mettre la puce à l'oreille du père maqué.
25:12Comme tu vois là, les deux sont là en Europe. Donc le rôle du fou, c'est de donner quand même,
25:20malgré ce qu'on peut penser, en fait, c'est l'information vraie. Le fou est aussi sage.
25:26C'est la sagesse du fou. C'est lui qui annonce le départ et c'est lui qui réapparaît à la fin
25:32pour annoncer le retour. Et le muert? Le muert, c'est quelqu'un qui est rencontré à Araba. Il
25:39aide à faire les masques, les masques du passé. Avec ton besoin de ce muet là, c'est quelqu'un qui
25:45est pragmatique. Lui, il n'est pas dans le bavardage de ce qu'on va dire, qu'on va faire et
25:51de regarder même la fenêtre qui s'ouvre, qui se referme comme un éclair. Lui, on lui donne des
25:58choses par la fenêtre. Il a son laboratoire de fabrication des masques. Il suffit qu'il ait un
26:03passeport, quel que soit le visage sur le passeport. En quelque temps, il vous fabrique un
26:09masque qui ressemble à ce visage là. Et c'est comme cela que les deux ont fait, ont finalement
26:14utilisé des faux passeports pour pouvoir traverser parce qu'il y avait le muet. Ce qui intéresse,
26:19ce n'est pas ce que ce monsieur dit, mais c'est ce que ce monsieur fait. C'est peut-être pour cela
26:24que je l'ai voulu muet. Son discours non-verbal, Jean-Paul Sartre disait, se taire, ce n'est pas
26:30être muet, c'est refuser de parler, c'est parler encore. Refuser de parler, parler encore, agir.
26:38Mais lui, il n'a pas refusé de parler, il a parlé par les gestes. Il a parlé par les gestes parce
26:43que sans ce muet, les deux là ne seraient pas partis parce qu'ils n'auraient jamais eu les
26:47masques correspondant aux papiers qu'on avait fabriqués pour eux, d'où l'importance du
26:53personnage de muet qui n'est même pas nommé, qui est tout simplement le muet. Sophie-Françoise
26:58Boppenberg, vous démontrez que vous n'êtes pas muette. Vous parlez de vive voix et vous écrivez
27:06également. Merci de nous avoir proposé en 88 pages une belle aventure. Rêve trompeur, c'est
27:13un théâtre de premier sorti chez Clé. Merci d'être passée à Pontuation. C'est moi qui vous remercie.
27:18C'était Pontuation sur la CRTV. Bonne écoute et bonne lecture. A mardi prochain.