• il y a 6 mois
Aujourd’hui, il nous faut, à la fois, lutter contre tout ce qui détruit l’habitabilité du monde et créer les conditions d’une nouvelle alliance avec le Vivant. Les auteurs de la collection Mondes Sauvages partent en missions au cœur des mondes sauvages et proposent de nouveaux récits mêlant intimement les approches scientifique et sensible.
Dialogue entre Nicolas Baron, historien, enseignant au lycée de Carhaix-Plouguer et à l’Université de Bretagne Occidentale, auteur de « Vivre en renard» et Raphaël Mathevet, écologue et géographe, chercheur au CNRS, auteur de « Sangliers, géographies d'un animal politique».
Rencontre proposée en partenariat avec les éditions Actes Sud

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Transcription
00:00:00Bonjour à tous, j'espère que la sieste aura lieu aux prochains intervenants.
00:00:12Le porteur de lunettes, c'est Nicolas Baron, et je suis Raphaël Matvey.
00:00:22Pour rentrer dans le vif du sujet, j'avais une question à te poser, Nicolas.
00:00:29C'était, comment vont tes poules ?
00:00:31Je ne sais pas si vous avez tous lu le bouquin, ou pas encore.
00:00:36J'avais des poules à qui j'avais donné des noms en rapport avec les Brigades du Tigre,
00:00:41série mythique des années 70. Je sortais du confinement, comme vous tous.
00:00:45J'avais regardé sur le site de l'INA la série en boucle.
00:00:50Et les trois poules que j'ai achetées à la suite de la série, je les avais nommées
00:00:54Pujol, Terrasson et Valentin, pour ceux qui s'en rappellent.
00:00:57Elles vont mal, malheureusement. Terrasson avait déjà disparu, vous l'avez lu dans le bouquin.
00:01:02Depuis, Valentin et Pujol ont également succombé aux renards.
00:01:06C'est la fin de cette histoire des poules. Malheureusement, le renard a été plus fort que les Brigades du Tigre, toutes trois réunies.
00:01:15Ça nous en dit d'entrer long sur le renard et sa capacité à venir interagir de manière
00:01:22assez positive avec ton poulailler et de bien d'autres poulaillers.
00:01:27Est-ce que tu peux nous en dire plus ?
00:01:30Effectivement, sur la question des poulaillers et au-delà sur la question des nuisances.
00:01:36On va parler aujourd'hui, dans cette intervention, de la question des nuisibles.
00:01:40Est-ce qu'ils sont vraiment des nuisibles ou pas ?
00:01:43C'est vrai qu'au-delà de ma petite aventure personnelle d'éleveur amateur et déjà fini de poules,
00:01:51je viens d'un milieu agricole dans lequel mes parents étaient éleveurs de poules,
00:01:55mais eux, avec un élevage industriel, commençaient à le faire en Bretagne occidentale.
00:01:59J'avais un regard plutôt négatif sur le renard.
00:02:04Déjà parce que je portais en moi, comme tout occidental qui se respecte les fables de La Fontaine, le roman de Renard.
00:02:09Donc déjà, ils partaient avec un a priori négatif.
00:02:12Il y avait bien sûr cette question familiale du fait que le renard, c'était celui qui allait peut-être un jour se faufiler
00:02:17sous les portes et venir manger les milliers de poules que nous élevions de façon pas forcément très biologique.
00:02:22Et puis, moi je suis historien, j'ai fait ma thèse sur les animaux enragés en France fin 18e, fin 20e siècle.
00:02:29Et parmi les colporteurs du virus arabique, il y a eu le renard de 1968 à 1998.
00:02:34Donc autant vous dire qu'entre mes raisons familiales, historiques et mes travaux de recherche,
00:02:39j'ai plutôt une image négative du renard.
00:02:42Et puis, en travaillant justement dans le cadre de ma thèse, il a fallu que je lise des choses pour comprendre ce que c'était qu'être un renard enragé autrefois.
00:02:51Et plus je lisais, et plus je me disais qu'il y avait un hiatus entre ce que j'avais en moi ou que j'avais expérimenté,
00:02:58et ce que je lisais, et ce que parfois je pouvais croiser dans la campagne.
00:03:02Il y avait quelque chose de contradictoire entre l'image du renard et la réalité.
00:03:07Et c'est une réalité qui continue à s'enrichir parce que les travaux de recherche montrent qu'en fait c'est certes un animal nuisible,
00:03:13et encore pour certains, pour certains animaux sauvages bien sûr, pour certains éleveurs,
00:03:16mais il y a aussi beaucoup d'avantages, beaucoup d'intérêts à la présence du renard.
00:03:20Sans compter aussi maintenant, et peut-être que vous avez chez vous un t-shirt avec un motif de renard,
00:03:27des chaussettes, moi j'en ai plusieurs paires, avec des motifs de renard.
00:03:31Peut-être aussi que vous avez offert un tour de lit ou une gigoteuse pour votre petite fille avec des motifs de renard.
00:03:38Chose qui paraît surprenante, moi qui suis historien et qui vois le renard comme une bébête maléfique enragée,
00:03:44j'ai du mal, quand même encore aujourd'hui, ça me fait toujours sourire de voir dans les magasins pour enfants,
00:03:49des tas d'objets justement avec des motifs de renard dédiés au bébé.
00:03:53Alors je me dis peut-être que dans 20 ou 30 ans, on fera pareil pour les frelons asiatiques, pour les ragondins,
00:03:58on aura comme ça des objets pour bébés.
00:04:00Donc ça montre une évolution, et c'est ce que j'ai essayé justement de raconter à travers ce livre,
00:04:05et ce que tu fais toi aussi à travers le sanglier, le fait finalement qu'on a une évolution,
00:04:09on ne n'est pas nuisible, finalement on le devient, pour paraphraser une autrice célèbre,
00:04:13il y a vraiment la question de la nuisance qui peut évoluer dans le temps, et je crois que pour le sanglier c'est ton cas aussi.
00:04:20Oui, sachant que moi je suis parti plutôt d'un constat, qui était un constat en tant que double cursus en écologie et en géographie,
00:04:31et c'est vrai que moi je m'étonnais que le sanglier ait été de tout temps perçu comme une espèce dangereuse,
00:04:40une espèce qui génère des dégâts, et qui a fasciné pour cette raison là,
00:04:45une espèce qui ne prend pas systématiquement la fuite, qui est capable de réagir, qui a des défenses,
00:04:51qui fait un mal en moyenne autour de 130 kg, donc qui est capable de venir avec des défenses qui sont capables d'éventrer, d'écorcher,
00:05:00et même de blesser mortellement, donc c'est vrai qu'au cours de l'histoire on voit que toute la mythologie grecque,
00:05:08la mythologie romaine, indienne, scandinave, etc. sont imprégnées de figurines, de symboles liés au sanglier,
00:05:16de rapports à la nature où le sanglier représente le sauvage.
00:05:20Moi ce qui m'avait fasciné, c'est pour ça qu'on est arrivé à cet ouvrage là avec mon co-auteur Roméo Bondon,
00:05:25c'était de voir comment le sanglier, à la fin, après la deuxième guerre mondiale,
00:05:31était devenu un peu une espèce recherchée, parce qu'elle était plutôt rare,
00:05:36selon les régions évidemment, mais elle était plutôt rare, et c'était une espèce qui représentait un peu le sauvage,
00:05:43et ce qui m'avait fasciné ces dernières années, moi je travaillais sur d'autres espèces,
00:05:48le flamand rose, les canards, etc, d'autres espèces, d'autres milieux,
00:05:54et je voyais le sanglier s'inviter systématiquement dans les débats,
00:05:58et moi je suis arrivé sur le sanglier par la problématique qu'il générait,
00:06:01c'est-à-dire de s'étonner, je me suis étonné de voir qu'il y avait de moins en moins de gens dans le milieu naturaliste passionnés par le sanglier,
00:06:11il y avait encore quelques chasseurs passionnés par le sanglier,
00:06:15mais ce qui définissait le sanglier, c'est que c'était devenu une espèce qui pose des problèmes,
00:06:20qui crée des collisions routières, qui génère des dégâts agricoles, qui vient retourner les potagers,
00:06:26et donc c'était de questionner pourquoi en quelques décennies, on avait cette inversion d'image de dignes représentants du sauvage,
00:06:36on basculait vers une espèce susceptible d'occasionner des dégâts,
00:06:40l'acronyme c'est ESODE, je pense que vous avez un moyen mnémotechnique pour le retenir, c'est de dire que c'est nuisible,
00:06:49je plaisante évidemment, mais c'est depuis la loi de 1976,
00:06:53le législateur a essayé de changer l'idée que les espèces pouvaient être par essence nuisibles aux activités humaines,
00:07:03et d'essayer de souligner que c'était le contexte, les conditions qui créent les conditions de dégâts et de nuisances,
00:07:10et de dérangements si je puis dire,
00:07:12et on a changé l'appellation, désormais on parle d'ESODE, d'espèces susceptibles d'occasionner des dégâts,
00:07:18on ne parle plus de nuisibles dans la réglementation,
00:07:20mais rassurez-vous, les esprits progressent des fois plus lentement que la loi,
00:07:25ou l'inverse, je ne sais jamais en France,
00:07:28et donc toujours est-il que dans la pratique, ça n'a pas changé grand chose.
00:07:34Donc finalement, nos deux espèces ont pratiquement une trajectoire qui pourrait se croiser,
00:07:39parce que finalement le renard a été très longtemps vu comme un animal nuisible,
00:07:43il est toujours classé dans les ESODE, il y a 9 espèces, il fait partie de la liste des 9 malheureux,
00:07:49donc c'est plutôt une évolution positive, à travers l'urbanisation, à travers les objets dont je vous ai parlé,
00:07:55à travers la prise de conscience de l'intérêt de l'animal, et de tous ses atouts, tous ses talents,
00:07:59alors que toi, on est plutôt dans une phase de problèmes mis en avant,
00:08:05plus qu'autrefois, la fascination, voire le caractère sacré, voire divinisé de l'animal.
00:08:13Oui, ce qui ressort, ce qui est mis en avant, dans le discours circulant, dans le discours médiatique aussi,
00:08:19ou cinégétique, c'est les 30 à 50 millions d'euros de dégâts agricoles par an,
00:08:27dont les chasseurs doivent prendre en charge eux-mêmes,
00:08:33puisqu'à la fin des années 60, au nom de la gestion des populations d'ogibiers, de leur rationalisation,
00:08:40les agriculteurs ont perdu leur droit d'affût, et en échange, ils ont gagné le droit à être indemnisés par les chasseurs,
00:08:50donc ça abîme énormément les trésoreries, ça affecte énormément les relations sociales,
00:08:56puisque les chasseurs montrent la pression de chasse, et font des tentatives de régulation,
00:09:03c'est-à-dire de baisser la taille de la population de sangliers pour baisser les nuisances.
00:09:08Pour avoir un ordre de grandeur, on a multiplié par 23 les effectifs de sangliers abattus en France.
00:09:15Dans les années 70, on a tué 30 000 à 35 000 sangliers en France.
00:09:20Aujourd'hui, on en tue plus de 800 000, entre 790 000 et 840 000.
00:09:27C'est considérable.
00:09:29Malgré cela, les dégâts ont la même pente, c'est-à-dire qu'il y a une progression sensible du nombre de dégâts.
00:09:36On voit le sanglier par le prisme du dégâts agricoles,
00:09:40une profession qui a déjà pas mal de difficultés à gérer, par ailleurs.
00:09:45On voit le sanglier à travers les collisions routières.
00:09:49Il y a à peu près 30 000 collisions routières.
00:09:52Il y a une dizaine de mortalités humaines en moto, en voiture.
00:09:56Récemment, j'ai été interpellé par certaines directions régionales de la SNCF.
00:10:03Cela remet énormément en cause.
00:10:06Il y a énormément de collisions sur les voies ferrées qui abîment les engins, les machines, les tractions.
00:10:13Le sanglier, tout seul, par sa collision avec les machines, peut aller jusqu'à remettre en cause des contrats entre les régions et la SNCF.
00:10:24On se retrouve pris entre des usagers qui veulent arriver à l'heure et des difficultés logistiques générées par le sanglier.
00:10:33Si ce n'est déjà fait, il y a un monsieur ou une madame sanglier qui va être nommé à la SNCF, à l'échelle nationale, pour prendre en charge le sanglier.
00:10:43On voit que le sanglier nous amène énormément vers des enjeux politiques et d'aménagement.
00:10:49Le troisième point, c'est nos potagers.
00:10:53C'est les potagers, les pelouses, où personne ne rembourse.
00:10:58Les animaux sont res nullius, donc vos assurances, je n'ai pas de publicité à faire.
00:11:04Il n'y a que la mienne qui rembourse les dégâts, mais je ne la citerai pas.
00:11:09A ma connaissance, il n'y en a pas, qui rembourse les dégâts dans vos cultures, vos potagers, vos pelouses.
00:11:17Cela se multiplie et on a de plus en plus d'arrivées de sangliers en ville.
00:11:21Nos programmes de recherche étaient à la campagne jusqu'ici.
00:11:24Ils travaillaient sur les interactions entre agriculteurs, chasseurs, protecteurs de la nature, espaces protégés.
00:11:30Maintenant, on suit le sanglier et on est en train d'arriver en ville.
00:11:35C'est ce qui se passe avec le renard.
00:11:37J'ai vu que c'était assez impressionnant, cette évolution et l'arrivée du renard en ville.
00:11:42C'est vrai. Le renard, ça fait à peu près 100 ans qu'il est en ville.
00:11:46Ça a commencé au Royaume-Uni, autour de Bristol, de Londres, dans les années 1930.
00:11:50On ne sait pas très bien si c'est le renard qui est venu en ville ou si c'est la ville qui est venue au renard.
00:11:53Sans doute, à mon avis, les deux.
00:11:55Il s'est retrouvé coincé par une urbanisation sous forme de quartier.
00:11:59En même temps, cette ville qui s'est approchée du milieu dit naturel du renard,
00:12:04alors qu'on aurait pu penser initialement que c'était un milieu défavorable.
00:12:08Finalement, il y a des abris, de la nourriture et il est tellement plastique sur le plan comportemental
00:12:13qu'il s'adapte extrêmement facilement.
00:12:15Rien que sur le Royaume-Uni, aujourd'hui, on est à 150 000 renards.
00:12:18C'est les chiffres de 2017.
00:12:20Il faut imaginer une croissance exponentielle à l'échelle du Royaume-Uni.
00:12:24C'est partout pareil.
00:12:26Que ce soit en Croatie, au Danemark, en France, de Quimper à Hannemasse, de Lille à Montpellier,
00:12:32vous avez dorénavant des renards qui sont absolument partout.
00:12:35À mon avis, dans 30 ou 40 ans,
00:12:37parce que pour l'instant, on a plutôt une image,
00:12:39les gens qui voient le renard pour la première fois en ville,
00:12:41ils ont un côté émerveillé.
00:12:43C'est l'animal passeur de nature.
00:12:45On n'est pas si méchant, parce que vous voyez bien qu'ils viennent jusqu'à nous.
00:12:47Je pense que d'ici quelques décennies,
00:12:49on sera peut-être dans le rapport avec le renard,
00:12:51comme c'est déjà un peu le cas à Londres,
00:12:53un peu comme le rapport qu'on peut avoir à Paris vis-à-vis des pigeons.
00:12:55Il y a 150 ans, quand le pigeon a commencé à coloniser la ville parisienne,
00:12:59les gens étaient éblouis de voir cet animal qui symbolisait l'amour.
00:13:03À l'époque, même à Paris, ville romantique par excellence,
00:13:07les pigeons viennent.
00:13:09Aujourd'hui, ce n'est plus tout à fait le même rapport qu'on a avec les pigeons.
00:13:12On peut craindre cette évolution-là pour le renard,
00:13:15que son image, qui pour l'instant est plutôt positive,
00:13:17en tout cas dans le cas de la ville,
00:13:19soit en train de changer.
00:13:21Si je reviens sur la question de la destruction,
00:13:23parce que tu parles qu'il y a de plus en plus de chasse du sanglier,
00:13:25là encore, la trajectoire du nombre d'animaux tués
00:13:28en tant que renard,
00:13:30ça suit l'évolution de nos trajectoires qui se croisent.
00:13:36Pour représenter, dans les années 1970,
00:13:38on est à peu près à 1 million de renards tués en France,
00:13:41sur une population qu'on ne sait pas estimer.
00:13:43On n'a jamais réussi à estimer la population totale,
00:13:46peut-être entre 5 et 10 millions, on ne sait pas.
00:13:48De quoi ils étaient tués et pourquoi ?
00:13:50Les raisons principales, c'est les nuisances qu'on lui mettait sur le dos,
00:13:54à savoir la prédation vis-à-vis du gibier,
00:13:58les perderies, les lapins, si on n'en avait plus trop à l'époque,
00:14:00à la suite de la myxomatose.
00:14:02Vous avez aussi les déprédations sur les poulaillers,
00:14:04avec émotion, vous m'avez entendu parler des miennes.
00:14:08Et puis vous avez aussi la rage,
00:14:10qui est arrivée en France en 1968.
00:14:12Elle avait disparu en 1959, donc 9 ans plus tôt,
00:14:15parce qu'à force de massacrer le loup et les chiens errants,
00:14:18on avait enfin réussi à éradiquer le virus.
00:14:20Et malheureusement, par l'Allemagne et par le Luxembourg,
00:14:23la rage revient, elle va se diffuser dans tout le tiers nord-est du pays,
00:14:27touchant des dizaines, centaines de milliers de renards,
00:14:30on ne sait pas très bien le chiffre exact.
00:14:32Et parce qu'il y avait un risque sanitaire,
00:14:34et puis c'est aussi un risque économique important,
00:14:36il y avait beaucoup de bovins qui étaient touchés,
00:14:38et il fallait à ce moment-là les abattre et donc perdre,
00:14:40pour les agriculteurs, des revenus importants,
00:14:42on a décidé de détruire la population de renards.
00:14:44C'est vraiment une politique d'éradication,
00:14:46soutenue par l'OMS, par le gouvernement,
00:14:48avec des organismes spécialisés, des primes relevées.
00:14:52Et donc on a utilisé les techniques traditionnelles,
00:14:54de chasse, de piégeage,
00:14:56et puis deux autres techniques, voire même trois.
00:14:59On a utilisé aussi les tirs de nuit.
00:15:01Dans les années 80, on avait des équipes spécialisées,
00:15:04qui allaient abattre avec un phare,
00:15:06et puis des fusils adaptés, les renards.
00:15:09On a également empoisonné les renards de façon massive,
00:15:11avec la strychnine essentiellement,
00:15:13dans des boulettes de viande, avec le poison,
00:15:15qu'on déversait partout,
00:15:17y compris l'armée avec des hélicoptères,
00:15:20dans les zones un peu plus inaccessibles.
00:15:22Et puis, chose qui a vraiment frappé l'esprit,
00:15:24et qui aurait été très critiquée,
00:15:26ça a été le gazage.
00:15:28On a gazé les terriers.
00:15:30Déjà au début XXe,
00:15:32on faisait plutôt avec des techniques,
00:15:34on créait de la fumée, le but c'est de faire sortir l'animal.
00:15:36Là, on va utiliser d'abord de la chloropicrine,
00:15:38qui est un gaz moutarde de la Première Guerre mondiale.
00:15:41Le but, c'est qu'on coince au moment du printemps,
00:15:45la renarde et les renardeaux dans le terrier.
00:15:47On ferme toutes les gueules du terrier,
00:15:49on l'ajuste une ouverte, par laquelle on va rentrer
00:15:51le produit avec le gaz,
00:15:53et comme le gaz est extrêmement toxique,
00:15:55il ronge les yeux, les poumons, etc.
00:15:57D'abord les renardeaux, qui ne tiennent pas très longtemps,
00:15:59qui sortent,
00:16:01et puis là, les gars les attendent avec un coup de gourdin ou de fusil.
00:16:03Et puis ensuite, la renarde,
00:16:05des fois, au bout de 30-40 minutes, sortait,
00:16:07mais évidemment, elle avait essayé de tenir le plus longtemps possible,
00:16:09elle était assez maligne, elle était habituée,
00:16:11et elle fonçait souvent très vite, lorsque le chasseur
00:16:13était un petit peu moins attentif,
00:16:15elle échappait. Donc là, ils vont utiliser une nouvelle technique,
00:16:17c'est l'acide cyanhydrique,
00:16:19qu'on appelle aussi le Zyklon B,
00:16:21de sinistre mémoire, pendant la Seconde Guerre mondiale,
00:16:23et là, on va refermer toutes les gueules du terrier,
00:16:25on met le Zyklon B à l'intérieur,
00:16:27les gars sont avec des masques à gaz,
00:16:29c'est des gens de l'ONC,
00:16:31Fils National de la Chasse, et puis ils vont refermer
00:16:33le terrier, ils vont avancer, comme ça,
00:16:35de terrier en terrier, en liquidant des populations
00:16:37énormes de renards, mais aussi d'autres animaux,
00:16:39puisque là, on est sur le renard
00:16:41et le sanglier, mais on attend bientôt
00:16:43l'exemplaire sur le blaireau,
00:16:45et le blaireau aussi va être une victime
00:16:47collatérale, justement, de cette technique-là.
00:16:49Alors, ça va être remis en cause,
00:16:51puisque dans les années 80-90,
00:16:53les mouvements animalistes, les victimes collatérales,
00:16:55même des enfants, il y a deux enfants qui sont morts en 1976
00:16:57après avoir mangé des boulettes
00:16:59de viande empoisonnées au cyanure, ce qui est absolument
00:17:01interdit, mais ça a quand même été employé,
00:17:03et là, on s'est dit, on arrête avec ça, donc fin du gazage,
00:17:05fin de l'empoisonnement,
00:17:07fin aussi des pièges
00:17:09à mâchoire,
00:17:11et on va utiliser maintenant plutôt le fusil,
00:17:13des pièges avec arrêt,
00:17:15et puis surtout, on va utiliser la vaccination
00:17:17qui, dix ans plus tard, va réussir
00:17:19à éradiquer totalement le virus de la rage,
00:17:21et c'est ce qui fait aussi, je pense, que l'image
00:17:23est devenue positive du renard aujourd'hui,
00:17:25c'est parce que finalement, on est passé d'un animal
00:17:27qui était susceptible de transmettre une des pires maladies,
00:17:29parce que, pour bien travailler longtemps
00:17:31sur cette maladie, c'est vraiment une maladie absolument atroce,
00:17:33c'est une maladie qu'il pouvait transmettre,
00:17:35donc une image très négative, en plus, on avait
00:17:37beaucoup de gens dans les campagnes qui élevaient des poules,
00:17:39et maintenant, finalement, un animal
00:17:41qui, même s'il y a encore des maladies, représente quand même
00:17:43un risque moins important pour l'espèce humaine,
00:17:45et ce qui, à mon avis, joue aussi
00:17:47dans le côté plus positif de l'image
00:17:49du renard aujourd'hui.
00:17:51Ce qui est fascinant dans l'histoire du renard,
00:17:53mais comme du sanglier, c'est ce qu'on est capable
00:17:55de faire aux animaux,
00:17:57et ce qu'en retour, ils nous font faire,
00:17:59en fait.
00:18:01Dès qu'on se plonge
00:18:03sur ce simple jeu
00:18:05de questions, c'est tout de suite assez
00:18:07sale et passionnant à explorer.
00:18:09On le voit avec le cas du renard.
00:18:11Dans le cas du sanglier,
00:18:13moi, ce qui m'a assez impressionné,
00:18:15c'est sur les causes, comment on essaye
00:18:17d'expliquer, parce que souvent,
00:18:19dans le discours circulant,
00:18:21s'il y a tant de sangliers, c'est la population
00:18:23des chasseurs qui est systématiquement
00:18:25stigmatisée pour dire que c'est la faute
00:18:27des chasseurs ici et là.
00:18:29Alors, ça peut être vrai dans certains
00:18:31territoires, mais ce n'est pas vrai
00:18:33partout, et comme souvent dans les questions
00:18:35environnementales, c'est toujours
00:18:37multifactoriel.
00:18:39Là, il y a un jeu, une combinaison
00:18:41au fil de l'histoire, de 4-5
00:18:43causes premières.
00:18:45La première, pour le sanglier,
00:18:47c'est la disparition
00:18:49de son principal prédateur,
00:18:51à savoir le loup.
00:18:53Il faut vraiment garder en tête qu'on a été très efficaces
00:18:55pour annihiler
00:18:57les populations de loups jusqu'aux
00:18:59années 1930.
00:19:01Les populations reviennent naturellement,
00:19:03ce ne sont pas les
00:19:05mille loups un peu plus
00:19:07estimés en France
00:19:09qui vont être
00:19:11capables de réduire
00:19:13à court terme la population de
00:19:15sangliers, qui est très abondante.
00:19:17La deuxième cause, c'est
00:19:19la progression de la forêt.
00:19:21Quand on prend les chiffres,
00:19:23on avait notre collègue
00:19:25Laurent de l'ONF ce matin,
00:19:27quand on prend les chiffres,
00:19:29il n'y a jamais eu autant de forêts aujourd'hui
00:19:31que depuis l'évolution
00:19:33au cours des 15 000 dernières années.
00:19:35Depuis le 10e siècle environ,
00:19:37on a à peu près 17 millions de forêts.
00:19:39On sait qu'il y a une grande diversité de forêts.
00:19:41Cela veut dire que cette forêt-là
00:19:43fait de la fructification forestière.
00:19:45Il y a énormément de nourriture,
00:19:47d'abris pour les sangliers
00:19:49et pour toute une partie de la biodiversité.
00:19:51Notamment,
00:19:53tout cela en lien avec l'abandon
00:19:55des terres les plus ingrates, sur les pentes
00:19:57du Massif central, des Pyrénées, des Alpes,
00:19:59peu importe.
00:20:01Associé à ça, on a la simplification
00:20:03des paysages agricoles, l'intensification,
00:20:05l'arrachage de haies.
00:20:07Je rappelle qu'aujourd'hui toujours,
00:20:09on arrache plus de haies
00:20:11qu'on en replante.
00:20:13Il y a aussi ce bouleversement du paysage agricole
00:20:15qui est devenu extrêmement accueillant
00:20:17pour les populations de sangliers.
00:20:19Si l'agriculture française
00:20:21on claironne souvent
00:20:23est la première agriculture
00:20:25européenne avec
00:20:2718% de la production
00:20:29agricole européenne,
00:20:31agroalimentaire,
00:20:33on est dans une situation où il y a
00:20:35énormément de laissés de culture,
00:20:37de nourriture, et on a une évolution du parcellaire
00:20:39qui fait que les sangliers peuvent
00:20:41passer nuit et jour dans des grandes
00:20:43parcelles de plusieurs centaines
00:20:45hectares de céréales ou de maïs
00:20:47sans crainte d'être dérangés
00:20:49par les humains, puisqu'il n'y a jamais eu aussi peu
00:20:51d'agriculteurs dans ces paysages-là.
00:20:53L'autre élément,
00:20:55c'est qu'avec cette intensification
00:20:57qui a porté atteinte aux renards,
00:20:59c'est la disparition
00:21:01de beaucoup d'oiseaux
00:21:03granivores,
00:21:05de passereaux des champs,
00:21:07mais c'est aussi la disparition du lièvre,
00:21:09la myxomatose avec le lapin,
00:21:11c'est la disparition de beaucoup
00:21:13d'extinctions locales,
00:21:15de populations de perderie.
00:21:17La chasse de Vançois, qui faisait
00:21:19les joies du grand-père
00:21:21et des agriculteurs à l'époque,
00:21:23disparaît puisqu'il n'y a plus
00:21:25de gibier à chasser.
00:21:27Dans les années 60-70,
00:21:29les institutions cinégétiques nationales
00:21:31vont promouvoir
00:21:33que plutôt que tous les chasseurs
00:21:35raccrochent le fusil, car dans la campagne
00:21:37il n'y a plus grand-chose à chasser,
00:21:39c'est d'essayer de promouvoir la chasse au gros gibier.
00:21:41On va essayer de promouvoir...
00:21:43Là, on va avoir une espèce d'accompagnement
00:21:45zootechnique par
00:21:47l'Office national de la chasse à l'époque,
00:21:49par l'INRA et les chercheurs.
00:21:51On va essayer de comprendre
00:21:53comment on peut avoir un territoire
00:21:55giboyeux en sanglier,
00:21:57élevé du sanglier,
00:21:59comment on lâche du sanglier,
00:22:01comment on nourrit du sanglier,
00:22:03comment on le maintient sur un territoire,
00:22:05comment on l'abreuve, et comment on le chasse.
00:22:07Donc développer des pratiques conservatrices
00:22:09qui permettent de garder les géniteurs,
00:22:11les plus beaux reproducteurs, pour s'assurer
00:22:13d'un bon niveau de recrutement.
00:22:15De ce fait, on va transformer
00:22:17les chasseurs en chasseurs gestionnaires
00:22:19qui gèrent un capital
00:22:21de gibiers,
00:22:23un cheptel de sangliers,
00:22:25et on va leur demander de chasser,
00:22:27d'éviter de tirer les gros mâles, les grosses femelles,
00:22:29etc., pour pouvoir gérer
00:22:31au mieux leur population de gibiers.
00:22:33Et ça va être un succès incroyable,
00:22:35puisqu'on a ce paradoxe.
00:22:37En France, quand vous vous promenez,
00:22:39vous avez les médias qui vous disent que c'est la crise
00:22:41de la biodiversité, la sixième crise d'extinction.
00:22:43C'est vrai, c'est avéré,
00:22:45c'est très bien documenté, on connaît très bien les causes.
00:22:47Et puis, à côté de ça,
00:22:49quand vous vous promenez dans la campagne en France,
00:22:51ou dans les Alpes, ou ailleurs,
00:22:53vous êtes tout de suite survolé par les vautours,
00:22:55vous avez des bouquetins,
00:22:57ça n'a jamais été aussi facile de voir du cerf,
00:22:59etc. Moi, j'ai encore
00:23:01des muscles douloureux de nombreux affûts
00:23:03quand j'étais plus jeune,
00:23:05pour pouvoir voir des chevreuils, des cerfs, etc.
00:23:07Maintenant, en voiture,
00:23:09selon les endroits, vous pouvez les apercevoir
00:23:11sans même arrêter le moteur.
00:23:13Du coup,
00:23:15on est dans une situation un peu paradoxale,
00:23:17c'est-à-dire qu'on a énormément
00:23:19de cette grande faune qui revient
00:23:21et qui crée peut-être de la dissonance
00:23:23cognitive dans le grand public,
00:23:25ou même chez les décideurs
00:23:27sur ce qu'il faudrait faire.
00:23:29Et puis, la dernière cause
00:23:31de présence du sanglier, c'est l'étalement urbain,
00:23:33tu l'as dit pour le renard.
00:23:35Cet étalement urbain,
00:23:37les infrastructures routières,
00:23:39ferroviaires, etc.,
00:23:41qui vont faire que la ville,
00:23:43les activités humaines s'étendent.
00:23:45Il y a plus d'un million de kilomètres de route en France
00:23:47et il n'y a jamais eu autant de sangliers,
00:23:49donc on n'est pas surpris qu'il y ait autant de collisions routières.
00:23:51Et là, petit à petit,
00:23:53ça crée aussi des espaces
00:23:55difficiles à chasser pour des raisons de sécurité,
00:23:57pour les biens, les personnes,
00:23:59pour les chasseurs eux-mêmes.
00:24:01On se retrouve dans une difficulté
00:24:03assez importante pour pouvoir réguler
00:24:05la population de sangliers.
00:24:07Sachant également que, dans le même temps,
00:24:09depuis la Deuxième Guerre mondiale,
00:24:11on cesse de créer, à juste titre,
00:24:13des espaces protégés,
00:24:15qui ne correspondent pas à la mise sous cloche,
00:24:17puisqu'à peu près la moitié sont l'objet d'une chasse,
00:24:19aujourd'hui.
00:24:21Mais cette multiplication d'espaces
00:24:23non chassables ou difficilement chassables
00:24:25rend difficile ce qu'on appelle la régulation,
00:24:27c'est-à-dire faire tomber
00:24:29la taille d'une population
00:24:31animale à un niveau
00:24:33qui serait acceptable en termes de dégâts agricoles,
00:24:35de collisions routières
00:24:37et de conflits sociaux
00:24:39dans la campagne
00:24:41ou dans les quartiers au sujet des potagers.
00:24:43Ce que tu disais au sujet du renard
00:24:45sur les maladies,
00:24:47donc sur la rage,
00:24:49actuellement, on a un peu
00:24:51le même phénomène sur le sanglier
00:24:53avec la peste porcine africaine
00:24:55qui est arrivée en Géorgie
00:24:57en 2006-2007.
00:24:59Je n'ai plus les dates en tête.
00:25:01On demandera à François Moutou
00:25:03qui était là ce matin,
00:25:05je ne sais pas si je le vois.
00:25:07Il connaît très bien la problématique.
00:25:09Dans cette peste porcine africaine
00:25:11qui est partie de Géorgie et qui est revenue,
00:25:13qui est une maladie hémorragique très grave,
00:25:15et la difficulté qu'on a
00:25:17qui touche évidemment le sanglier
00:25:19qui n'est pas dangereuse pour les humains
00:25:21mais qui est surtout dangereuse pour l'économie
00:25:23de l'industrie porcine
00:25:25et donc tout l'élevage industriel porcin
00:25:27qui se voit interdire ses exportations
00:25:29dès que, par exemple,
00:25:31vous avez un sanglier qui est touché
00:25:33au fin fond d'une gorge reculée
00:25:35ou du massif des écrins,
00:25:37ça se traduit automatiquement,
00:25:39il y a un effet couperet
00:25:41par une interdiction des exportations
00:25:43de viande porcine
00:25:45notamment vers la Chine.
00:25:47Évidemment, à l'échelle européenne,
00:25:49on ne veut pas de ça.
00:25:51Le réflexe, c'est se débarrasser des animaux.
00:25:53Ce qu'ils nous font faire aussi,
00:25:55c'est qu'au nom de la biosécurité,
00:25:57on fait des vidanges sanitaires.
00:25:59On demande aux chasseurs
00:26:01d'annihiler toute population
00:26:03tout individu de sanglier
00:26:07présent dans un périmètre
00:26:09et puis on va analyser
00:26:11les animaux qui sont récupérés,
00:26:13on les évacue
00:26:15et on décontamine les lieux.
00:26:17La première des mesures
00:26:19avant les vidanges sanitaires,
00:26:21c'est aussi la pause de clôture.
00:26:23Depuis 2016-2017, les États européens
00:26:25avec l'arrivée,
00:26:27avant le déclenchement de la guerre en Ukraine,
00:26:29avec l'arrivée de la peste porcine
00:26:31sur les marges de la Pologne,
00:26:33après l'Ukraine, la Biélorussie,
00:26:35sur les marges de la Lituanie,
00:26:37en Slovaquie également,
00:26:39tout le monde a commencé
00:26:41d'installer des clôtures.
00:26:43On a dépensé des dizaines de millions d'euros
00:26:45à la pause de clôture.
00:26:47Tantôt, c'est pour les migrants
00:26:49dont on ne veut pas dans le contexte
00:26:51du changement climatique
00:26:53et des vagues migratoires humaines,
00:26:55mais là également pour la faune sauvage
00:26:57puisque le sanglier est déclaré
00:26:59un peu l'équivalent.
00:27:01Tout le monde se clôture,
00:27:03à la frontière polonaise et ukrainienne,
00:27:05à la frontière allemande et polonaise.
00:27:07Les Allemands se sont clôturés.
00:27:09Les premiers se clôturés,
00:27:11ce sont les Danois.
00:27:13Dès qu'il y a eu des annonces
00:27:15de sangliers contaminés
00:27:17qui se promenaient à la frontière
00:27:19de l'Allemagne de l'Est,
00:27:21les Danois se sont clôturés.
00:27:23Ils ont dépensé des caméras
00:27:25et des millions d'euros dans les clôtures.
00:27:27C'est fascinant de voir notre capacité
00:27:29au nom de la sécurité des affaires humaines,
00:27:31après avoir tout fait pour avoir
00:27:33du sanglier,
00:27:35même si le changement climatique
00:27:37est en train de booster
00:27:39toutes ces dynamiques-là,
00:27:41d'un seul coup, il y a un effet coup près
00:27:43et on décide de ne plus avoir de sanglier
00:27:45dans plein de régions.
00:27:47Aujourd'hui, on peut se poser la question
00:27:49si c'est à la frontière allemande ou italienne,
00:27:51si les sangliers contaminés
00:27:53arrivent sur le territoire français,
00:27:55est-ce qu'il va falloir intervenir
00:27:57dans les cœurs de parcs nationaux alpins ?
00:27:59Ce sont des questions assez critiques.
00:28:01J'en reviens au renard,
00:28:03parce que tu avais souligné
00:28:05la question de la rage.
00:28:07Dans les causes de développement
00:28:09de ces populations de renards,
00:28:11à priori, il n'y en a jamais eu autant.
00:28:13On va vers une banalisation
00:28:15de ce qui s'est passé.
00:28:17Le renard est en train de vivre
00:28:19à rebours, si je puis dire,
00:28:21de ce qui se passe avec le sanglier.
00:28:23Comment vois-tu l'avenir
00:28:25du renard en ville,
00:28:27à la campagne,
00:28:29dans les années à venir ?
00:28:31Avec l'augmentation des maladies
00:28:33et des zoonoses qui se profilent ?
00:28:35Au niveau de la ville,
00:28:37c'est évident qu'on a une croissance démographique.
00:28:39Au niveau de la campagne, on a des chiffres
00:28:41qui montrent une croissance assez modérée.
00:28:43Il faut savoir que le renard,
00:28:45une des raisons pour lesquelles
00:28:47il a à la fois tenu le choc
00:28:49face à l'arrivée du front de la rage,
00:28:51mais aussi pourquoi ça a duré aussi longtemps,
00:28:53c'est que les renards sont capables,
00:28:55quand vous arrivez à une population
00:28:57qui a perdu 95% de ses effectifs,
00:28:59comme c'était le cas lorsque la rage arrivait,
00:29:01dans un territoire, puis vous rajoutez les pratiques humaines,
00:29:03donc il n'y a pratiquement plus de renards,
00:29:05on estime qu'en 2 à 3 ans,
00:29:07la population est revenue à son niveau initial.
00:29:09Ils ont une telle force de fécondité,
00:29:11ils multiplient par 2 leur fécondité,
00:29:13qu'ils reconstituent très rapidement leurs effectifs.
00:29:15Ce qui fait qu'on a une population
00:29:17à la campagne qui augmente,
00:29:19une population aussi massive que les sangliers,
00:29:21on a atteint une population maximale
00:29:23par rapport aux ressources du milieu.
00:29:25Par contre, c'est davantage la ville
00:29:27qui est une zone de conquête,
00:29:29une zone de colonisation,
00:29:31on a un phénomène d'urmanisation du renard.
00:29:33A mon avis,
00:29:35je pense que pour le sanglier,
00:29:37on a finalement presque un animal aujourd'hui
00:29:39pour lequel il faut s'occuper surtout de gestion.
00:29:41On parle beaucoup de gestion du sanglier,
00:29:43pas tellement de la gestion du renard.
00:29:45On a plutôt avec le renard aujourd'hui,
00:29:47une vision de plus en plus positive.
00:29:49A mon avis, une des raisons,
00:29:51hormis la disparition de la rage et de l'arrivée
00:29:53de cet animal dans la ville,
00:29:55la reconnexion des urbains
00:29:57avec ce monde sauvage,
00:29:59le renard est un peu l'animal passant de la nature.
00:30:01Une autre raison, à mon avis,
00:30:03c'est la prise de conscience,
00:30:05parce qu'on a changé de regard,
00:30:07on a fait des études très poussées,
00:30:09on a pris conscience de l'intérêt
00:30:11et des talents du renard.
00:30:13Comme pour le sanglier, sans doute.
00:30:15C'est un animal qui joue un rôle important
00:30:17dans la dispersion des végétaux.
00:30:19Le sanglier, entre autres,
00:30:21pour la dispersion des végétaux
00:30:23et le développement des forêts, c'est incontournable.
00:30:25Vous avez tous déjà rencontré des animaux
00:30:27écrasés sur le bas-côté.
00:30:29Si les renards peuvent nous les enlever,
00:30:31ça nous évitera des coups de frein
00:30:33ou des coups de volant intempestifs
00:30:35qui sont accidentogènes.
00:30:37C'est aussi un animal qui tue beaucoup de rongeurs.
00:30:39Là, on n'a pas encore de vivre comme un rongeur.
00:30:41On n'aura pas ce débat-là,
00:30:43mais aujourd'hui, on a plutôt tendance
00:30:45à mettre l'accent sur le fait que le renard
00:30:47est extrêmement nécessaire pour limiter
00:30:49la population de rongeurs.
00:30:51Il en mange entre 5 et 10 000 par an.
00:30:53Pour les céréaliers, par exemple,
00:30:55c'est quand même un animal
00:30:57qui est un excellent auxiliaire agricole.
00:30:59Le fait qu'il mange des rongeurs,
00:31:01il va manger un peu tout.
00:31:03Il adore les campagnoles.
00:31:05En particulier, au Jura, au Massif Central,
00:31:07il y a une invasion du campagnole terrestre,
00:31:09qu'on appelle aussi le rat aux pieds,
00:31:11qui est un rongeur XXL.
00:31:13Il fait 20 centimètres.
00:31:15Il fait des trous énormes dans les pâturages.
00:31:17Cela empêche ensuite de faucher,
00:31:19d'avoir une herbe abondante.
00:31:21On est dans une zone de comté.
00:31:23Pour le comté, il faut de l'herbe, évidemment,
00:31:25pour nourrir les vaches.
00:31:27Il y a des trous tellement importants
00:31:29que les vaches, quand elles vont dans les prés,
00:31:31elles tombent dans le trou.
00:31:33Elles se brisent parfois la patte.
00:31:35On a traité ça avec des substances chimiques
00:31:37comme la bromadiolone,
00:31:39et on s'est rendu compte
00:31:41qu'il y a un excellent rongicide,
00:31:43rogenticide,
00:31:45je crois que c'est le terme exact,
00:31:47qui s'appelle le renard.
00:31:49Dans le Jura, actuellement, ils font
00:31:51une expérimentation d'une zone de non-chasse
00:31:53pour voir si une présence accrue du renard
00:31:55permettrait de limiter la présence
00:31:57de rat aux pieds et de favoriser
00:31:59à long terme l'élevage
00:32:01agricole, en particulier
00:32:03de l'élevage bovin.
00:32:05Le fait qu'ils s'en prennent aussi
00:32:07en rongeurs, non seulement c'est très bien
00:32:09pour ceux qui ont des élevages
00:32:11de poules, pour ceux qui ont des céréales
00:32:13à conserver, mais c'est aussi apparemment
00:32:15très favorable pour les maladies.
00:32:17Je pense en particulier à une étude menée
00:32:19aux Etats-Unis en 2012 et aux Pays-Bas
00:32:21en 2017. On s'est rendu compte
00:32:23que plus il y a de renards,
00:32:25donc logiquement, moins il y a de rongeurs,
00:32:27et moins il y a de tiques sur les rongeurs,
00:32:29et donc moins il y a de tiques,
00:32:31moins il y a de maladies de Lyme, la borreliose.
00:32:33Vous avez le renard qui va
00:32:35tuer une partie des rongeurs
00:32:37ou qui va faire une telle pression que finalement
00:32:39il va créer un stress chez les populations
00:32:41qui vont limiter les contacts
00:32:43inter-individuels, ce qui fait
00:32:45qu'il y a moins de contacts, moins de transmissions
00:32:47de la bactérie.
00:32:49On s'est rendu
00:32:51compte que là, justement,
00:32:53aux Etats-Unis, les zones où le
00:32:55coyote avait éliminé
00:32:57les renards,
00:32:59en forme de grand remplacement,
00:33:01vous avez le coyote qui avait éliminé le renard,
00:33:03à ce moment-là, vous avez
00:33:05la population de tiques qui était plus abondante
00:33:07et davantage de maladies de Lyme.
00:33:09Et à l'inverse, lorsque le renard reprenait
00:33:11possession du territoire,
00:33:13il faisait une telle pression sur les rongeurs
00:33:15qu'il permettait indirectement de lutter
00:33:17contre la maladie de Lyme.
00:33:19Il y a des tas d'utilités dont on se rend compte de plus en plus,
00:33:21et moi-même, je suis peut-être comme vous,
00:33:23j'ai découvert ça, moi qui venais un peu
00:33:25à reculons sur le renard au vu de
00:33:27mon histoire familiale et de mes travaux d'historien,
00:33:29je me suis rendu compte que c'est un animal
00:33:31qui est extrêmement utile, et je pense
00:33:33que ça joue aussi un rôle.
00:33:35Mieux on le connaît, mieux on le comprend,
00:33:37et plus on se rend compte de l'utilité de cet animal
00:33:39dans notre société, non seulement moderne,
00:33:41mais aussi dans le monde agricole.
00:33:43Et en ville aussi,
00:33:45il peut avoir son utilité. Alors, en ville,
00:33:47il ne faut pas se mentir, il y a aussi des nuisances.
00:33:49Évidemment, au moment de l'hiver,
00:33:51il y aura le rut, donc ils vont beaucoup crier,
00:33:53ils font leurs excréments un peu partout,
00:33:55et j'en ai pas trop parlé, mais il y a aussi
00:33:57une maladie dans laquelle ils jouent
00:33:59un rôle qui s'appelle l'échinococcose,
00:34:01qui est une maladie parasitaire du foie,
00:34:03et dans laquelle ils jouent un rôle dans le cycle.
00:34:05Il y a aussi le fait
00:34:07qu'il va déchirer les poubelles,
00:34:09qu'il va les répandre partout.
00:34:11Il va aussi manger dans les gamelles
00:34:13du chien ou du chat, mais ça, il y a plein de gens
00:34:15qui ont réservé... J'en parlais encore à Montpellier avant-hier,
00:34:17à la conférence, il y avait des gens qui disaient, nous on a une gamelle
00:34:19spéciale pour le renard, à côté de nos chats
00:34:21et notre chien, il y en a une pour le renard.
00:34:23C'est pratiquement le troisième enfant de la famille.
00:34:25Bon, il y a quand même des nuisances,
00:34:27il ne faut pas se mentir.
00:34:29Quand ils seront peut-être très nombreux, c'est possible,
00:34:31en cas de la ville, peut-être que là, on aura, comme d'autres animaux,
00:34:33j'en parlais tout à l'heure du pigeon
00:34:35et du rat, bien sûr, peut-être qu'on va se rendre compte
00:34:37qu'il y a plus de nuisances que d'intérêts,
00:34:39mais pour l'instant, il y a quand même beaucoup d'intérêts
00:34:41à la présence du renard à la campagne
00:34:43et en ville aussi, puisqu'il y a une forme de reconnection.
00:34:45Je m'interroge aussi,
00:34:47quels seraient pour toi, tu penses,
00:34:49les arguments favorables ?
00:34:51Parce que là, on a souvent, dans les médias,
00:34:53un discours très négatif
00:34:55de gestion de l'imitation
00:34:57de la population de sangliers.
00:34:59Est-ce qu'il n'y a pas, hormis la dispersion des végétaux,
00:35:01d'autres intérêts à la présence du sanglier ?
00:35:05Je suis toujours gêné par ce genre
00:35:07de questions sur l'utilité,
00:35:09parce que moi, ça me renvoie
00:35:11tristement
00:35:13à ma propre condition humaine
00:35:15et du coup, je me dis, si on me demande
00:35:17l'utilité du sanglier, quelle est la mienne ?
00:35:21Du coup, c'est un peu
00:35:23déstabilisant.
00:35:25Donc, évidemment,
00:35:27cet argument-là, il est souvent sollicité.
00:35:31On nous demande
00:35:33de le préciser sur le terrain.
00:35:35Évidemment, le sanglier
00:35:37participe à ce qu'on appelle
00:35:39la zoocorie,
00:35:41c'est-à-dire la dispersion des graines dans ses soies.
00:35:43Il participe à l'endocorie
00:35:45à travers ses excréments.
00:35:47Il peut favoriser la dispersion des graines.
00:35:49Il est volontiers charognard.
00:35:51C'est surtout un bioperturbateur,
00:35:53je dirais, qui permet de remuer
00:35:55les litières, il permet de remuer
00:35:57les prairies,
00:35:59de remuer
00:36:01les banques de graines dans le sol,
00:36:03de redynamiser
00:36:05les champignons,
00:36:07ou de privilégier d'autres plantes.
00:36:09Il peut être volontiers charognard,
00:36:11je crois que je l'ai dit déjà,
00:36:13mais ce qui est intéressant avec le sanglier,
00:36:15c'est qu'il sert aussi de proie.
00:36:17Il participe aussi au cycle de la vie,
00:36:19en étant une proie,
00:36:21même s'il peut être volontiers prédateur
00:36:23d'oiseaux nichant au sol.
00:36:25Mais scientifiquement,
00:36:27contrairement aux renards,
00:36:29où il y a des évidences scientifiques
00:36:31qui sont amenées régulièrement,
00:36:33le sanglier, c'est encore assez
00:36:35controversé, c'est assez difficile
00:36:37à étudier les avantages
00:36:39et les inconvénients du sanglier
00:36:41dans un espace.
00:36:43Il n'y a pas forcément besoin
00:36:45de ce genre d'argument
00:36:47très utilitariste
00:36:49pour questionner la présence du sanglier.
00:36:51Sa présence peut se suffire
00:36:53à elle-même,
00:36:55indépendamment
00:36:57des valeurs portées par les humains.
00:36:59Par contre,
00:37:01la question se pose en ville.
00:37:03Les sangliers
00:37:05abondent à la campagne
00:37:07et viennent de plus en plus
00:37:09en ville, à Rome, à Barcelone.
00:37:11Vous avez vu ça dans tous les médias.
00:37:13Toutes les villes françaises
00:37:15sont concernées aujourd'hui.
00:37:17Comme le renard,
00:37:19au début, il y a souvent
00:37:21deux événements. Quand on fait les enquêtes
00:37:23en sociologie,
00:37:25il y a soit de l'indifférence,
00:37:27c'est-à-dire qu'au départ, on est étonné,
00:37:29puis après, si le sanglier
00:37:31est au bord du boulevard ou le long de l'avenue,
00:37:33tant qu'il ne traverse pas
00:37:35au moment où je passe en voiture
00:37:37ou qu'il n'attaque pas mes chiens,
00:37:39ce n'est pas gênant.
00:37:41Mais qu'il soit là ou pas,
00:37:43ça me préoccupe guère.
00:37:45Il y a une autre partie
00:37:47de la population qui, à travers
00:37:49l'arrivée du sanglier en ville,
00:37:51se dit qu'il faut
00:37:53accueillir ce migrant,
00:37:55ce nouvel arrivant.
00:37:57Pour l'accueillir,
00:37:59je vais le nourrir.
00:38:03Ce qu'on a à faire,
00:38:05c'était le gestionnaire de la faune sauvage
00:38:07de la ville de Berlin.
00:38:09Lui, ce qu'il dit, c'est que
00:38:11le problème, ce n'est pas le sanglier.
00:38:13A Berlin, il y a à peu près
00:38:15une vaste commune, si vous avez la chance
00:38:17de connaître, c'est une très belle ville,
00:38:19avec plus de 20%
00:38:21d'espaces verts.
00:38:23Il y a entre 5 et 6 000
00:38:25sangliers à Berlin.
00:38:27Ils en tuent à peu près
00:38:292 000 par an.
00:38:31Globalement, vous pouvez avoir une proximité
00:38:33avec le sanglier, avec
00:38:35de rares attaques, très peu
00:38:37de conflictualité.
00:38:39Le principal souci, c'est moins le sanglier
00:38:41que le comportement des gens
00:38:43à l'endroit du sanglier et des sangliers.
00:38:45La plupart des attaques,
00:38:47sur la dernière période,
00:38:49sur les 20 dernières années,
00:38:51il y a à peu près
00:38:531 500 attaques de sangliers.
00:38:55Il y en a très peu
00:38:57de mortels. En France,
00:38:59c'est une quarantaine d'attaques
00:39:01documentées dans la littérature.
00:39:03Seulement une mortelle, indirectement.
00:39:05La plupart du temps,
00:39:07ce sont des attaques qui ont lieu
00:39:09en action de chasse.
00:39:11Ce sont des sangliers qui sont en fuite,
00:39:13stressés, qui finissent par
00:39:15charger hommes ou chiens.
00:39:17Généralement, quand il y a des attaques,
00:39:19c'est aussi quand il y a une présence de chiens.
00:39:21Ce qu'on voit, c'est que les gens
00:39:23ont tendance à accueillir les sangliers
00:39:25et à les nourrir.
00:39:27Tantôt, on va leur porter le reste de pâtes.
00:39:29Tantôt, on fait partie d'une association
00:39:31de chats errants et on s'aperçoit
00:39:33que le sanglier vient manger toute la pâte
00:39:35que vous avez mis la veille.
00:39:37C'est les sangliers qui les ont mangés.
00:39:39Les pauvres chats n'ont rien à manger.
00:39:41Vous mettez à nourrir le sanglier.
00:39:43Comme ça, à côté, vous pourrez
00:39:45nourrir les chats.
00:39:47On rentre dans des cycles un peu pervers
00:39:49de cette nature-là.
00:39:51On a des sangliers qui ont une habituation
00:39:53de plus en plus importante
00:39:55et qui n'hésitent plus à venir
00:39:57qu'émander la glace des enfants
00:39:59ou le sandwich dans les espaces verts.
00:40:01Cela pose des problèmes
00:40:03de cohabitation.
00:40:05Quand on enquête auprès des gens,
00:40:07finalement, le sanglier,
00:40:09pour le moment, au niveau de population
00:40:11qu'on a, il y a un décalage
00:40:13entre ce que pensent les habitants
00:40:15et ce que pensent les institutions
00:40:17en charge de la gestion de la faune sauvage.
00:40:19Les institutions en charge de la faune sauvage
00:40:21disent que la place du sanglier n'est pas en ville.
00:40:23C'est une espèce sauvage.
00:40:25Elle n'a rien à faire en ville.
00:40:27Elle ne peut que créer des enjeux de sécurité
00:40:29des biens et des personnes.
00:40:31C'est un animal déviant
00:40:33et tous les animaux déviants, la solution,
00:40:35c'est soit on les tue immédiatement,
00:40:37soit on les capture et on les euthanasie.
00:40:39C'est-à-dire qu'on a une logique
00:40:41très... Il y a une espèce de violence
00:40:43politique là-dedans.
00:40:45À côté de ça, vous avez des gens
00:40:47qui n'ont pas forcément conscience
00:40:49des risques et n'ont pas à les gérer
00:40:51de toute façon, ni à rendre des comptes
00:40:53sur comment ils auraient géré les risques
00:40:55de la présence d'animaux sauvages
00:40:57en ville.
00:40:59Les personnes qu'on interroge
00:41:01en ce moment à Nîmes, à Montpellier
00:41:03et sur Toulouse
00:41:05montrent que
00:41:07la présence d'individus
00:41:09de sangliers génère énormément
00:41:11de biophilie, d'empathie
00:41:13et qu'on a envie d'accueillir
00:41:15ces animaux. Souvent, dans l'esprit des gens,
00:41:17ce sont des animaux qui fuient la chasse,
00:41:19qui fuient la campagne
00:41:21parce qu'il y aurait trop de chasseurs à la campagne.
00:41:23Il y a souvent un sentiment anti-chasse
00:41:25qui est associé à l'accueil
00:41:27favorable de l'animal
00:41:29sauvage en ville.
00:41:31Alors qu'en fait, jusqu'à présent,
00:41:33le discours des institutions, c'est
00:41:35que l'animal est dangereux et donc on doit
00:41:37le réguler. Sur le renard,
00:41:39on pourrait avoir très rapidement
00:41:41le même genre de discours
00:41:43en mettant en avant les nuisances.
00:41:45Alors que là, évidemment, le sanglier
00:41:47peut générer, on l'a déjà dit,
00:41:49pas mal de dégâts avec
00:41:51le renversement de poubelles,
00:41:53les sacs éventrés, les déchets, etc.
00:41:55ouvert.
00:41:57Mais à l'évidence, il y a besoin
00:41:59d'une gestion différenciée.
00:42:01Plutôt que d'avoir un règlement
00:42:03qui passe par une solution létale,
00:42:05c'est peut-être de dire qu'il y a des quartiers
00:42:07où on peut aménager les quartiers.
00:42:09C'est ce qui se fait à Barcelone aussi,
00:42:11qui est expérimenté à Barcelone,
00:42:13où on rend difficile la ville
00:42:15à l'accès par les sangliers.
00:42:17Ou au contraire,
00:42:19on décide de dire qu'il y a tel quartier
00:42:21où les gens sont favorables,
00:42:23ne souhaitent vivre avec le sanglier
00:42:25tant qu'il n'y a pas de dégâts,
00:42:27ne souhaitent pas d'intervention particulière
00:42:29des lieutenants de l'ouvetterie.
00:42:31Ou au contraire, il y a des endroits
00:42:33où on ne veut pas de sanglier,
00:42:35donc on retourne vers un zonage.
00:42:37Je vais te poser la question
00:42:39sur le renard.
00:42:41Ce que je trouve intéressant
00:42:43entre nos deux objets d'étude,
00:42:45à savoir ce renard
00:42:47et ce sanglier,
00:42:49c'est ce qu'il dit de notre rapport
00:42:51aussi à la mort
00:42:53et notre rapport à la faune sauvage.
00:42:55Là, ce qu'on voit très bien,
00:42:57c'est qu'on a une population animale,
00:42:59dès qu'elle pose souci,
00:43:01pour des raisons sanitaires,
00:43:03pour des raisons de productivité économique,
00:43:05pour des raisons de confort,
00:43:07ça dépend des moments,
00:43:09et toutes des raisons bien légitimes,
00:43:11j'en conviens.
00:43:13Mais pour toutes ces raisons-là,
00:43:15on décide qu'on va pouvoir façonner
00:43:17le corps des animaux,
00:43:19qu'on va pouvoir façonner
00:43:21la population de ces animaux.
00:43:23On va mettre en place une politique
00:43:25où, généralement, on va décider
00:43:27avec des règlements, des négociations,
00:43:29c'est ce qui fait qu'on a affaire
00:43:31à des animaux politiques
00:43:33puisqu'ils vont générer des conflits,
00:43:35des tensions, mais aussi des solutions,
00:43:37des réglementations.
00:43:39Et là, toute la question qu'on voit
00:43:41qui crée énormément de tensions
00:43:43au sujet des espèces susceptibles
00:43:45d'occasionner des dégâts,
00:43:47le putois, la belette et d'autres,
00:43:49c'est finalement qui a le droit
00:43:51de vie et donc qui a le droit
00:43:53de mort sur la faune sauvage aujourd'hui.
00:43:55Et jusqu'à présent,
00:43:57il y a l'État qui est souverain,
00:43:59qui a pris en charge, à travers
00:44:01le Code de l'environnement, le Code de l'agriculture,
00:44:03un certain nombre de règlements.
00:44:05Il y a les enjeux sanitaires
00:44:07qui sont croissants aujourd'hui,
00:44:09donc des enjeux de sécurité.
00:44:11Mais jusqu'à présent, c'est plutôt les services de l'État,
00:44:13le monde synergétique et le monde
00:44:15agricole ou agroalimentaire
00:44:17qui ont pris ça en main.
00:44:19Et aujourd'hui, ce qu'on observe, c'est,
00:44:21via les poussées du mouvement animaliste,
00:44:23notamment, qu'il y a une remise
00:44:25en cause de
00:44:27cette légitimité
00:44:29à décider, comme ça,
00:44:31via des réglementations, via des procédures
00:44:33existantes de la vie et de la mort des animaux
00:44:35parce qu'ils nous dérangent.
00:44:37C'est en ça que les deux ouvrages
00:44:39me semblent assez
00:44:41intéressants, notamment
00:44:43avec l'histoire de ton renard.
00:44:45Bien, merci.
00:44:47Je crois que Françoise veut passer
00:44:49la parole aux gens qui ont plein de questions.
00:44:55Oui, super.
00:44:57On a 10-15 minutes de temps d'échange.
00:44:59Voilà, j'arrive.
00:45:07Merci.
00:45:09François Moutou.
00:45:11J'ai été interpellé par Raphaël, mais je ne vais pas
00:45:13revenir sur la paix sportive africaine, ce n'est pas très rigolo.
00:45:15Ce que j'aimerais dire, c'est que là,
00:45:17on parle, j'allais dire, gentiment, entre nous,
00:45:19de sujets intéressants et on est globalement
00:45:21assez d'accord.
00:45:23Si on parle de l'État et de la réglementation,
00:45:25vous savez qu'en France, dans chaque département,
00:45:27il y a un comité départemental pour la chasse
00:45:29et la faune sauvage qui,
00:45:31de différentes façons, c'est un peu compliqué,
00:45:33décide de ce qui va se passer
00:45:35sur ces animaux, en particulier les fameux
00:45:37nuisibles devenus ézodes.
00:45:39Et là, c'est vraiment différent.
00:45:41Vous avez une majorité de gens qui représentent
00:45:43le monde agricole et le monde de la chasse
00:45:45et je ne sais pas quel mot employer,
00:45:47mais qui sont hermétiques aux données scientifiques.
00:45:49Ce ne sont pas des réunions scientifiques,
00:45:51ce sont des réunions où chacun
00:45:53expose son point de vue
00:45:55sans écouter l'autre et si l'autre
00:45:57n'est pas de son avis, on l'insulte.
00:45:59C'est plutôt le genre de réponse qu'on a.
00:46:01Et en ce moment, je vois mes collègues qui participent,
00:46:03associatifs ou scientifiques d'ailleurs,
00:46:05qui participent à ces comités départementaux
00:46:07qui ont lieu en ce moment.
00:46:09C'est le genre d'argument qu'on entend et qui se décide.
00:46:11Le paradoxe, c'est que les préfets
00:46:13sont capables de prendre des arrêtés préfectoraux
00:46:15illégaux, qui ne respectent
00:46:17ni les lois françaises ni européennes.
00:46:19Il y a un vrai paradoxe
00:46:21entre l'avancée de la science,
00:46:23auquel beaucoup d'entre vous
00:46:25participez, et ce qui se passe
00:46:27vraiment et comment faire
00:46:29pour que, dans la réalité des faits,
00:46:31parce que le mouvement animaliste est une chose,
00:46:33mais la science aussi est une autre chose.
00:46:35Quand on a des informations assez objectives
00:46:37avec des méthodes qu'on peut reproduire,
00:46:39qu'on peut discuter et qui donnent des résultats
00:46:41et qu'en face, on ne veut même pas l'entendre,
00:46:43il y a un moment où ça devient un peu difficile
00:46:45et ça peut expliquer
00:46:47certaines agressivités
00:46:49qu'on peut remarquer
00:46:51de part et d'autre. Et si on ne peut pas parler,
00:46:53comment faire pour entendre le discours
00:46:55qu'on aimerait pouvoir diffuser ?
00:46:57Je ne sais pas comment vous vivez ça chacun dans votre domaine
00:46:59pour le renard ou pour le sanglier.
00:47:01Je vais juste aller rapidement un peu
00:47:03dans votre sens, François.
00:47:05C'est vrai que, par exemple, quand je discute
00:47:07des fois avec des chasseurs, avec qui j'ai des relations cordiales,
00:47:09vous m'y direz ça de toute façon,
00:47:11quand on a des voisins chasseurs,
00:47:13quand je discute
00:47:15avec eux, j'ai encore parfois l'argument
00:47:17et je sais que ça a été parfois avancé dans certains départements
00:47:19de, oui, il faut tuer le renard
00:47:21parce qu'il y a la rage. Sachant que la rage
00:47:23a disparu en France, en tout cas
00:47:25transportée par les renards,
00:47:27depuis 1998.
00:47:29Ça nous ramène quand même au XXème siècle et c'est encore
00:47:31un argument qui est avancé. Maintenant, ça va être
00:47:33l'équinococose qui va être mise en avant alors que
00:47:35c'est une maladie qui pose problème et qui reste
00:47:37encore heureusement assez marginale.
00:47:39C'est vrai que des fois, il y a des
00:47:41données scientifiques
00:47:43qui sont mises de côté et on entend
00:47:45vraiment un discours qui est basé sur le bras de fer
00:47:47sans forcément tenir compte
00:47:49de la réalité des dernières connaissances.
00:47:53Merci François de cette question
00:47:55qui n'est pas
00:47:57sensible du tout.
00:47:59Je partage le constat
00:48:01que tu as mentionné sur les CDCFS
00:48:03qui se réunissent dans le Gard.
00:48:05C'était la semaine dernière ?
00:48:07Ou non ? Oui, c'est ça.
00:48:09C'était vendredi dernier.
00:48:11Effectivement, il y a une polarisation
00:48:13dans ces instances-là
00:48:15qui sont censées
00:48:17discuter ouvertement
00:48:19et rationaliser un certain nombre
00:48:21de décisions à l'échelle départementale.
00:48:25Le monde de chasse agricole,
00:48:27ça doit être des proportions
00:48:2970 ou 80%
00:48:31du monde qui est issu de représentants
00:48:33de la chasse et de l'agriculture
00:48:35et 20% de la protection
00:48:37de la nature ou scientifique.
00:48:43On est arrivé à un stade
00:48:45où il y a un problème
00:48:47d'entendement. C'est vrai que les gens
00:48:49n'arrivent pas
00:48:51à s'écouter d'une part
00:48:53et à mettre des mots sur ce qui se passe
00:48:55notamment du fait que tout se bouleverse
00:48:57très vite actuellement
00:48:59du fait des effets
00:49:01du changement climatique
00:49:03qui vient renforcer pas mal de tensions
00:49:05sur le terrain et du déploiement
00:49:07de plein de politiques publiques.
00:49:09Quand on discute avec un préfet
00:49:11ou un sous-préfet qui doit gérer
00:49:13la cohérence d'une centaine de politiques publiques,
00:49:15on comprend que certaines
00:49:17malheureusement
00:49:19ont un peu moins d'intérêt pour lui.
00:49:21Mais la manière
00:49:23dont on voit les choses
00:49:25et dont on essaie de contribuer à la réflexion,
00:49:27on travaille bien humblement
00:49:29sur cette question-là,
00:49:31on n'a pas de solution. Mais la solution
00:49:33qui est la nôtre, c'est de dire
00:49:35qu'il faut créer du désordre politique
00:49:37au sens noble du terme.
00:49:39C'est-à-dire de remettre en question
00:49:41l'ordre policier.
00:49:43Je ne suis pas en train de parler de l'ordre policier.
00:49:45Il y avait quelqu'un qui avait parlé
00:49:47d'éco-terroristes, c'est ça ?
00:49:49Je ne sais plus, j'ai entendu parler de ça.
00:49:53Je ne fais pas du tout référence
00:49:55à l'appareil d'État,
00:49:57à l'appareil policier
00:49:59et à notre ministre de l'Intérieur.
00:50:01Là, l'idée,
00:50:03c'est de questionner l'ordre policier
00:50:05au sens de Jacques Rancière.
00:50:07C'est-à-dire, qu'est-ce qui définit
00:50:09ce qui est sensible, insensible,
00:50:11ce qu'on doit rendre visible, invisible.
00:50:13Donc questionner ça
00:50:15pour construire un nouvel ordre policier.
00:50:17Et donc,
00:50:19pour cette construction-là,
00:50:21Rancière
00:50:23propose de créer des scènes polémiques
00:50:25où on peut faire
00:50:27de la contradiction
00:50:29et mettre en discussion,
00:50:31apprendre à se mettre d'accord
00:50:33sur les désaccords, tout ce genre d'éléments
00:50:35qu'on a entendus depuis une quinzaine d'années
00:50:37pour ceux qui travaillent dans la gestion intégrée
00:50:39ou les approches participatives.
00:50:41Et là, typiquement,
00:50:43dans les CDCFS,
00:50:45c'est typiquement des lieux
00:50:47où c'est très difficile de faire ça.
00:50:49Nous, ce qu'on essaye de faire,
00:50:51c'est d'arriver avec un aéropage
00:50:53scientifique interdisciplinaire
00:50:55et de créer des lieux de dialogue parallèles
00:50:57aux instances officielles
00:50:59pour essayer d'inviter
00:51:01tout le monde à faire un pas de côté.
00:51:03C'est de travailler, par exemple,
00:51:05avec les tracés GPS des animaux
00:51:07pour rediscuter
00:51:09de ce qu'on croyait savoir.
00:51:11On l'a vu avec le renard.
00:51:13On l'a vu aussi au Compte-Croix,
00:51:15avec les sangliers.
00:51:17D'essayer de mieux comprendre le fonctionnement du sanglier
00:51:19en ville, pourquoi il va là, etc.
00:51:21Et en même temps,
00:51:23inviter autant les animalistes,
00:51:25les chasseurs, les lieutenants
00:51:27de l'ouvetterie, les élus,
00:51:29les habitants, les représentants
00:51:31d'associations de quartier
00:51:33à rediscuter tous ces éléments-là
00:51:35puisque c'est la demande sociale aujourd'hui.
00:51:37L'idée, c'est de proposer
00:51:39un accompagnement méthodologique
00:51:41pour créer cette réflexivité-là
00:51:43pour accompagner
00:51:45les services de l'État
00:51:47qui en ont bien besoin
00:51:49puisqu'ils sont pris à la fois
00:51:51par les injonctions réglementaires
00:51:53auxquelles ils doivent répondre et dont ils sont les garants
00:51:55et en même temps, on leur demande
00:51:57d'assurer la paix sociale et de répondre
00:51:59à tel lobby et tel autre, etc.
00:52:01Ce qu'on propose, c'est d'expérimenter ça
00:52:03et c'est ce qu'on est en train de faire actuellement
00:52:05sur Montpellier et dans une moindre
00:52:07mesure sur Nîmes.
00:52:12C'est extrêmement intéressant
00:52:14ce que tu viens de dire, Raphaël,
00:52:16sur le partage du sensible,
00:52:18ce que Jacques Rancière dénomme comme ça.
00:52:20Question naïve,
00:52:22est-ce que la visée
00:52:24de ce travail-là,
00:52:26c'est qu'il n'y ait plus
00:52:28de partage du tout,
00:52:30de sorte que tout est sensible,
00:52:32c'est-à-dire que la catégorie de nuisible
00:52:34disparaît totalement
00:52:36ou pas ?
00:52:38Je n'ai pas de réponse.
00:52:40Merci, elle est pertinente,
00:52:42la question, mais je n'ai pas de réponse
00:52:44là, en l'état, puisque moi, je ne peux pas
00:52:46préjuger de ce qui va sortir
00:52:48du débat.
00:52:50Peut-être que
00:52:52dans l'arène qu'on construit, où on est
00:52:54vigilant à ce que chaque point de vue
00:52:56puisse vraiment être partagé,
00:52:58exposé en tout cas,
00:53:00et pris en compte par les autres, même si
00:53:02on n'est pas en train de créer une représentation
00:53:04commune, mais simplement déjà
00:53:06partagé sur les choses.
00:53:08Réellement, on pourrait dire, oui,
00:53:10il n'y aurait plus de partage,
00:53:12tout serait sensible,
00:53:14mais l'exemple montre, quand on travaille
00:53:16non pas à l'échelle des animaux, mais qu'on a
00:53:18la même démarche à l'échelle d'un territoire,
00:53:20parce qu'on fait ça aussi à l'échelle territoriale,
00:53:22et quand on travaille à l'échelle
00:53:24territoriale, on parle plutôt
00:53:26d'attachement, c'est-à-dire comment on remet
00:53:28du sensible dans
00:53:30les arènes politiques.
00:53:32De la même manière, ces dernières années,
00:53:34de la même manière que dans les CDCFS,
00:53:36au sujet de la faune sauvage, et en particulier
00:53:38des nuisibles, on a évacué
00:53:40la science et les
00:53:42dimensions sensibles. A l'échelle
00:53:44des territoires, on a maintenu encore
00:53:46des dimensions techno de la science.
00:53:48Sur la partie science pure,
00:53:50on est encore dans une situation de
00:53:52défiance, on est encore
00:53:54dans des mouvements très Trumpiens,
00:53:56et puis, sur la partie
00:53:58sensible, on refuse
00:54:00de la voir, si ce n'est pour en faire
00:54:02un levier d'enrôlement de la population
00:54:04lors d'une
00:54:06envolée lyrique par un élu local,
00:54:08ce genre de choses, pour essayer
00:54:10d'engager sa population à participer
00:54:12collectivement à quelque chose.
00:54:14Sinon, c'est systématiquement passé sous le tapis,
00:54:16on l'a évoqué ce matin,
00:54:18au nom des critères de scientificité
00:54:20habituels de la science normale.
00:54:22Les dispositifs
00:54:24qu'on propose, c'est justement
00:54:26requestionner ça et remettre les
00:54:28attachements via des enquêtes,
00:54:30mais aussi via du jury citoyen
00:54:32ou du théâtre forum, par exemple.
00:54:34Il y a plein de techniques aujourd'hui qui s'invitent.
00:54:36Pour le moment,
00:54:38c'est trop tôt pour dire que ça va fonctionner,
00:54:40puisqu'on est en train de l'expérimenter
00:54:42en ce moment, mais c'est une voie qui est explorée
00:54:44et j'ai bien d'autres collègues qui ont d'autres
00:54:46dispositifs pour cela.
00:54:48J'avais une question sur
00:54:50la période Covid.
00:54:52Au moment des confinements, est-ce qu'on a
00:54:54observé des choses différentes sur le comportement
00:54:56des animaux, comme le renard
00:54:58ou comme le sanglier, justement sur
00:55:00leur approche près des villes
00:55:02ou même leur
00:55:04interactivité entre eux ?
00:55:06Est-ce qu'on a observé des choses particulières
00:55:08du fait qu'il y ait moins d'humains
00:55:10qui se promènent dans la nature,
00:55:12par exemple ?
00:55:14Je ne crois pas. Je n'ai pas lu d'études
00:55:16post-Covid qui auraient montré
00:55:18une évolution du comportement. Je dirais que c'est plutôt
00:55:20l'inverse. C'est plutôt les humains qui ont, je pense,
00:55:22changé de comportement. Déjà, les deux mois
00:55:24de pause dont
00:55:26on a bénéficié, entre guillemets,
00:55:28on a peut-être ouvert davantage notre regard.
00:55:30On était peut-être plus sensibles au bruit,
00:55:32au mouvement des
00:55:34animaux.
00:55:36Je pense que ça a joué encore
00:55:38jusqu'à aujourd'hui. Je pense qu'il y a des gens
00:55:40qui ont eu un peu une révélation
00:55:42finalement
00:55:44de ces autres vivants
00:55:46qui étaient à côté d'eux et qui ne regardaient pas
00:55:48parce qu'il fallait aller travailler, etc.
00:55:50Là, il y avait une pause qui, je pense, a permis
00:55:52à certains de s'ouvrir un peu.
00:55:54...
00:55:56Plus de dégâts,
00:55:58vous voulez dire.
00:56:00Je ne crois pas non plus.
00:56:02Non.
00:56:04Moi, j'habite vraiment à la campagne.
00:56:06C'est parisien. Je ne sais pas s'il y a eu plus de poubelles
00:56:08déchirées.
00:56:10Remis mes poules, évidemment.
00:56:12Je ne reviens pas sur ce
00:56:14moment tragique.
00:56:15Je crois qu'il y a eu un phénomène inverse.
00:56:17C'est-à-dire que dans des parcs,
00:56:19de mémoire, il me semble qu'il y a eu des parcs urbains
00:56:21dans la région parisienne et dans d'autres
00:56:23métropoles. Le fait qu'il y ait moins de fréquentation
00:56:25des parcs au moment
00:56:27du confinement, il y avait moins de déchets
00:56:29dans les poubelles.
00:56:31Moins de sacs plastiques
00:56:33à décortiquer, à arracher.
00:56:35Moins de poubelles à se partager.
00:56:37Du coup, il y a eu moins d'impact
00:56:39pour certaines espèces. Je pense peut-être plutôt
00:56:41aux corneilles, mais Frédéric Jiguet
00:56:43pourrait en dire davantage.
00:56:45Après,
00:56:47c'est pareil. Il y a eu effectivement
00:56:49plus de tranquillité dans beaucoup d'espaces
00:56:51du fait de l'intensité des activités
00:56:53humaines qui avaient fortement baissé.
00:56:55La fréquentation, le dérangement.
00:56:57De ce fait-là, il y a pas mal d'animaux
00:56:59qui sont invités plus facilement
00:57:01en ville. Cela a été assez bien documenté.
00:57:03Par contre, sur le sanglier,
00:57:05il y a eu un effet particulier.
00:57:07Je n'ai rien de notable
00:57:09en tête.
00:57:11Vous avez parlé du
00:57:13nombre de sangliers abattus
00:57:15en très forte croissance. Les populations
00:57:17de sangliers sont malgré tout en très forte croissance.
00:57:19Comment vous l'expliquez ?
00:57:25Un peu le même phénomène qu'a décrit Nicolas
00:57:27pour le sanglier. Cela a été
00:57:29modélisé et étudié
00:57:31par Marlène Gamelon au CNRS
00:57:33à Lyon, avec d'autres
00:57:35collègues. Ils ont
00:57:37montré, d'une part,
00:57:39que le changement climatique
00:57:43accélérait le processus de matting
00:57:45sur la production
00:57:47de glandées.
00:57:49Il y avait de plus en plus
00:57:51de glandées massives forestières.
00:57:53On ne sait pas combien de temps cela va durer.
00:57:55Les mécanismes ne sont pas parfaitement connus.
00:57:57C'est l'objet de plein de travaux à l'ONF
00:57:59et à l'INRAE.
00:58:01Elles produisent énormément de nourriture,
00:58:03extrêmement abondante pour le sanglier.
00:58:05Elles font que les laits vont en profiter.
00:58:07Elles vont grossir plus vite.
00:58:09Elles vont être fertiles
00:58:11beaucoup plus jeunes.
00:58:13Elles vont se reproduire plus facilement.
00:58:15Elles vont faire plus de jeunes qui auront un taux de survie plus élevé.
00:58:17Le changement climatique,
00:58:19au cours des dix dernières années,
00:58:21accélère la dynamique démographique
00:58:23du sanglier.
00:58:25Le deuxième paramètre qui joue,
00:58:27c'est celui qu'a décrit Nicolas,
00:58:29c'est pour le renard.
00:58:31Ils ont étudié une population chassée de sangliers
00:58:33versus une population non chassée.
00:58:35Quand vous chassez les sangliers,
00:58:37je ne sais pas si je l'ai dit,
00:58:39le sanglier vit une douzaine d'années
00:58:41à l'état sauvage.
00:58:43Selon certains territoires,
00:58:45on peut avoir des sangliers qui ne franchissent pas
00:58:47les deux ou les trois ans
00:58:49du fait des forts taux de prélèvement.
00:58:51Ils n'ont pas le temps de vieillir.
00:58:53Là, le sanglier se met à réagir
00:58:55comme une espèce à courte vie.
00:58:57Il se reproduit.
00:58:59Plus il est chassé,
00:59:01plus il se reproduit jeune.
00:59:03Il essaie de faire de petit, pour simplifier, pour aller vite.
00:59:05On a ces deux phénomènes concomitants
00:59:07qui accélèrent la démographie.
00:59:09Et qui accroissent
00:59:11la démographie du sanglier.
00:59:13En pensant à régler le problème,
00:59:15on est dans une espèce d'impasse.
00:59:17Quand vous questionnez
00:59:19tous les biologistes
00:59:21autour de moi,
00:59:23tout le monde dit que la capacité d'accueil...
00:59:25C'est pour ça qu'on ne peut pas parler...
00:59:27Localement, les gens parlent de sapulules
00:59:29où il y a une surpopulation,
00:59:31mais d'un point de vue biologique,
00:59:33on ne peut pas parler de surpopulation pour le sanglier
00:59:35parce qu'on n'a pas dépassé la capacité d'accueil.
00:59:37La capacité d'accueil du milieu
00:59:39pour le sanglier continue de croître.
00:59:41Elle est loin d'être dépassée.
00:59:43On est dans une espèce
00:59:45d'emballement.
00:59:47Pour le moment, on met tout
00:59:49sur la chasse.
00:59:51On confond régulation et chasse.
00:59:53L'essence même
00:59:55de la chasse
00:59:57et la régulation sont
00:59:59deux approches très différentes
01:00:01d'un point de vue éthique et en termes de pratique.
01:00:03Beaucoup de chasseurs sont fatigués
01:00:05de faire de la régulation.
01:00:07Ils délaissent ces aspects-là.
01:00:09L'autre aspect,
01:00:11c'est que les chasseurs sont vieillissants.
01:00:13Il y a de moins en moins de chasseurs.
01:00:15La majorité des chasseurs
01:00:17a plus de 55 ans aujourd'hui.
01:00:19Il y en a de moins en moins alors qu'il faudrait
01:00:21en tuer de plus en plus.
01:00:23On a une inversion des courbes.
01:00:25De sangliers.
01:00:27Il faut tuer de plus en plus de sangliers.
01:00:29La situation
01:00:31est assez compliquée
01:00:33malgré tout.
01:00:35Il y a beaucoup d'estimations
01:00:37aux doigts mouillés.
01:00:39Il y en a qui ont le doigt plus long que d'autres.
01:00:41Globalement, c'est 1,5 de 2 millions.
01:00:43J'ai entendu 2,5 millions.
01:00:45On ne sait pas combien il y a
01:00:47de sangliers en France.
01:00:49Chers amis, il est l'heure
01:00:51de quitter la scène.
01:00:53Un grand merci. On va applaudir Raphaël et Nicolas.

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