• il y a 6 mois
Aujourd’hui, il nous faut, à la fois, lutter contre tout ce qui détruit l’habitabilité du monde et créer les conditions d’une nouvelle alliance avec le Vivant. Les auteurs de la collection Mondes Sauvages partent en missions au cœur des mondes sauvages et proposent de nouveaux récits mêlant intimement les approches scientifique et sensible.
Dialogue entre Rémy Marion, conférencier, photographe, réalisateur, écrivain, auteur de « L’ours - l’autre de l’homme» ; « Ovibos - le survivant de l'Arctique» ; « L’ours polaire, vagabond des glaces » et Stéphane Durand, biologiste, cinéaste, créateur et directeur de la collection Mondes Sauvages, auteur de « 20 000 ans ou la grande histoire de la nature»

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00:00Merci Françoise. Merci Françoise. Je trouve que je commence ? Ben vas-y, c'est toi le patron.
00:13En tout cas Raphaël et Nicolas nous tendent une perche parce que en évoquant l'histoire
00:24particulière des sangliers et des renards, on voit bien que rien n'est figé, la nature n'est pas figée.
00:32Les populations de renards et de sangliers n'ont pas cessé d'évoluer et ça vaut pour toutes les
00:39espèces vivantes. Nos rapports à eux, aux sangliers, aux renards, mais à toutes les autres, évoluent
00:46sans cesse et en fait on en a fait le coeur de nos ouvrages. Toi avec l'ours brun, l'ours polaire,
00:54même le bœuf musqué. Un peu sur le bœuf musqué aussi. Moi avec l'ensemble de la forêt française.
01:01En fait, ce qui nous a vraiment intéressé dans nos livres, c'est de dresser un portrait vivant
01:12et qui évolue dans le temps et dans le temps long. La nature telle qu'on l'observe, la nature
01:18avec douze guisemets comme on disait ce matin, elle n'est pas aujourd'hui telle qu'elle était il y a
01:23cinquante ans, ça a été dit tout à l'heure, mais ni il y a cent ans, ni il y a mille ans, ni il y a dix
01:28mille ans. Elle ne cesse d'évoluer et c'est cette évolution aussi qui est le coeur de nos récits.
01:33Oui, complètement. Je pense qu'avec les ours en particulier, qui sont quasiment omniprésents
01:39dans notre imaginaire et même sur les cartes de France, c'est vrai que l'évolution de notre
01:44regard, ça va bien avec aussi l'évolution des populations de sangliers ou de renards,
01:50parce que maintenant on a une évolution des ours en France, c'est tant mieux, mais il faut aussi
01:54faire évoluer justement les mentalités et la vision et c'est là que c'est beaucoup plus lent,
01:57beaucoup plus compliqué. Et moi, j'aime bien le paradoxe entre les deux espèces que j'ai pu
02:02traiter dans la collection, le brun et le polaire, parce que les deux visions sont quasiment opposées.
02:06C'est que tout le monde a une vision presque onirique avec l'ours polaire, il est partout,
02:11il encombre les médias et on en parlera. L'ours brun, c'est un peu plus compliqué parce qu'on a
02:17cohabité avec lui et il a fallu toujours essayer de vivre avec lui jusqu'à l'éradication en France,
02:24ou quasiment de l'éradication. Donc c'est évidemment ces relations qui doivent évoluer
02:27en permanence. Et c'est vrai que maintenant, avec beaucoup de gens qui sont plutôt urbains et moins
02:32de gens qui vivent en montagne, moins de gens qui vivent dans la nature, avec des guillemets
02:37et évidemment, les relations sont très différentes et doivent évoluer. C'est tant mieux quelque part,
02:43mais il faut aussi que les gens qui gèrent les territoires évoluent et c'est peut-être un peu
02:49plus compliqué. Ce qu'évoquait Raphaël tout à l'heure sur les réunions, ou François, le doigt
02:55que tu mettais sur les fameuses réunions, il faut aussi que les dirigeants évoluent. Et on le voit
02:59bien qu'avec l'ours brun, par exemple, en Europe et en France, c'est très compliqué de faire évoluer
03:04les mentalités, pas forcément du grand public, mais aussi nos dirigeants et les gens qui ont aussi
03:09à faire un petit peu la quadrature du cercle, c'est-à-dire entre les différents lobbies, les différents
03:13problèmes sociaux et puis la place de cette grande faune, que tu as démontré, toi, avec le
03:18rayon sauvagement, justement, avec cette grande faune qui est de plus en plus présente, alors qu'effectivement
03:22on perd beaucoup d'espèces d'oiseaux, d'insectes, et ça se voit beaucoup moins que cette grande faune,
03:26qu'on voit beaucoup plus de chamois, de cerfs et de chevreuils et de loups maintenant que ce qu'on
03:31voyait il y a trente ou quarante ans.
03:33Raphaël a vraiment mis le mot exact sur la situation, c'était la situation paradoxale.
03:39Ce paradoxe où, effectivement, on n'a jamais vu autant de grands mammifères et de grands rapaces
03:45aujourd'hui que depuis des décennies, voire des siècles. Et paradoxalement, les animaux et les
03:53espèces les plus banales que les naturalistes n'ont regardées même pas il y a 30, 40 ou 50 ans,
03:59maintenant, on les cherche comme des trésors. Ça va être des petits papillons, des petits escargots,
04:06l'alouette des champs, les hirondelles, et tout ça, c'est en train de disparaître à vitesse grand vie.
04:11Oui, et là, je voulais citer quelque chose que tu as mis dans ton livre, les rayons sauvagements,
04:15une citation de Gilbert Cochet qui dit « prendre conscience que nous vivons dans un désert,
04:19c'est déjà avancer avec une prise de conscience pour accepter le rayon sauvagement ». C'est vrai
04:23qu'on est dans un désert par rapport à ce qu'il y avait après la fin de la dernière glaciation,
04:27où commence ton bouquin, et justement, on est dans un désert par rapport à la faune, à cette
04:32grande faune, mais aussi par rapport à la faune que l'on pourrait côtoyer au jour le jour.
04:36Et c'est vrai que les grands mammifères, évidemment, en ayant traité les ours, c'est un peu compliqué
04:42parce que ce sont des animaux tellement emblématiques, on met tellement de choses derrière,
04:45mais qui cachent aussi, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt, et c'est vraiment ce qui me gêne
04:50justement dans beaucoup de discours au niveau de la protection de la faune, c'est qu'on s'intéresse
04:54beaucoup à cette grande faune, mais relativement peu à une faune beaucoup plus discrète dont on a
04:59largement autant besoin, et comme moi je m'amuse parfois à dire dans des présentations « si l'ours
05:04polaire disparaît, où est le problème ? ». Alors qu'il y a des espèces beaucoup plus importantes,
05:08ça peut être les lémines dans le Grand Nord ou les abeilles ou je ne sais quoi,
05:12dont on ne parlera pas et qui ne feront pas la couverture des magazines.
05:15Est-ce que tu peux nous raconter, sur l'ours bras, on a une très longue histoire,
05:20l'homme en tout cas dans l'homisphère Nord a une très longue histoire de cohabitation avec l'ours
05:24au bras, et il y a des traces, tu en parles dans ton livre, des traces de divination. L'ours a été
05:33placé au sommet de la mythologie ou en tout cas de la culture de nos ancêtres il y a trente,
05:42centaines de milliers d'années, et ça a évolué extrêmement vite.
05:47Complètement, il faut bien voir que les relations entre l'homme et l'ours,
05:50c'est quand les premiers hominidés sont sortis d'Afrique, déjà ils ont croisé des ours très
05:55certainement en Syrie ou au Liban ou dans ces régions-là, où il y a toujours des ours au bras,
05:59j'espère, et donc évidemment nos relations sont très anciennes et ce qui est troublant toujours
06:05avec cet animal, c'est ce côté, l'anthropomorphie, c'est très compliqué quand on parle d'ours en
06:11général, de ne pas être anthropomorphe justement, parce qu'ils mangent comme nous, l'ours au bras,
06:16ils mangent 80% de végétaux, un peu de viande, et puis une femelle qui alète, elle va s'asseoir et
06:22puis elle va offrir ses tétines comme une femme pourrait le faire, donc il y a beaucoup beaucoup
06:27de relations comme ça qui sont très très étranges. J'ai commis aussi une collaboration dans un autre
06:33livre qui est sur l'animal médecin où justement là c'est un peu complexe parce qu'on s'aperçoit
06:38que les premiers médecins ou les premiers chamanes, les premiers guérisseurs ont beaucoup
06:45regardé, se sont beaucoup inspirés de l'ours au brin pour trouver la bonne pharmacopée et il y a même
06:50des régions du monde ou entre autres dans le centre des Etats-Unis où le mot ours et
06:55médecin sont synonymes, donc on voit bien que là évidemment nos relations sont très très compliquées
07:00parce que c'est l'ours qui a nourri les hommes, enfin qui a soigné les hommes, donc c'est vrai
07:04que cette relation est omniprésente et puis c'est vrai qu'il y a eu un changement très très brutal
07:09aussi avec l'évolution de la sédentarisation des humains et l'appropriation des territoires où
07:15vivaient les ours et là il a fallu éradiquer l'animal qui pouvait poser problème même si dans
07:20certaines régions et entre autres en Sibérie ou au Kamchatka et tout ça où là la cohabitation a
07:24toujours été je dirais sereine ou presque et il y a des grandes populations qui ont pu continuer
07:29à vivre pendant des siècles et des siècles au contact des ours en partageant les mêmes zones
07:35à Myrtille et ainsi de suite sans aucun problème alors qu'en Europe occidentale en particulier la
07:40solution comme on le disait tout à l'heure ça a été justement d'éradiquer les grands mammifères
07:45et les grands prédateurs. Paradoxalement depuis quelques années les populations d'ours reviennent
07:50en Europe. Est-ce que tu peux nous donner les derniers chiffres ? Il y a une grande déprise
07:57agricole aussi dans les régions montagneuses alors il faut savoir aussi que les ours bruns avant
08:01ils ne vivaient pas uniquement dans les montagnes et ils pouvaient très bien vivre au bord de la
08:07Charente ou à pêcher du saumon peut-être aussi comme en Alaska donc maintenant en France je
08:12pense qu'avec les derniers recensements qui vont sortir au printemps on va s'approcher de la centaine
08:17d'ours en France donc ce qui est très bien enfin moi je vais dans les Asturies bientôt là où il
08:23y a 300 ours bruns rien que dans les Asturies au nord d'Espagne donc il y a des populations comme
08:28ça alors après il y a des zones où il n'y a pas d'ours donc il va peut-être falloir créer des
08:32corridors ou que les ours se créent des corridors pour pouvoir passer d'une population à d'autres
08:36parce qu'après arrive et entre autres c'est l'un des problématiques en France avec le problème de
08:40brassage génétique qui va devenir un problème donc voilà je dirais qu'il y a toute cette grande faune
08:46c'est vrai reprend pas toute sa place mais presque. Par exemple en Suède où j'ai eu l'occasion de faire
08:51un film il y a 30 ans il y avait 300 ours bruns maintenant il y en a 3000 donc on voit bien que
08:57ces populations progressent ce qui est intéressant aussi avec l'exemple de la Suède c'est qu'il y
09:01avait deux isolages génétiques d'ailleurs entre le nord et le sud et que maintenant il y a eu une
09:05connexion entre les deux donc là qu'on voit que l'expansion aussi est intéressante aussi dès que
09:09les populations reprennent des niveaux importants et surtout une dispersion géographique importante.
09:14Oui est-ce que tu peux nous dire la population française dans les Pyrénées on est parti dans
09:18les années 90 il n'y en avait plus que 4 ou 5 ? Je ne sais pas François pourrait nous dire exactement moi je me
09:24rappelle avoir été il y a presque 25 ans dans la région d'Arbace où on avait essayé de faire des
09:29journées ours et ça s'était très très mal terminé. Il y avait des règles, les premières réintroductions
09:34avec Nelly Hollin à l'époque, il devait rester 6 ours aux bruns je crois dans les Pyrénées
09:40quoi en tout et pour tout. De 6 à 100 en 30 ans quoi. Voilà c'est ça à peu près donc ça a bien progressé
09:45ce qui prouve aussi que le milieu aussi offre des capacités importantes au niveau alimentation
09:51de tranquillité aussi parce que les ours entre autres les femelles ont besoin de tranquillité
09:55pour passer l'hiver et mettre bas leurs petits donc ce qui prouve aussi que le milieu et la
09:59forêt de montagne entre autres françaises peut offrir des capacités. Jean-Jacques Camaras qui
10:05est maintenant en retraite mais qui suit bien le problème et bien pourrait nous en dire plus
10:09mais c'est vrai que les ours maintenant commencent à prendre une belle place et évidemment ça
10:13commence à poser enfin ça continue je dirais dans certaines régions comme l'Ariège en particulier
10:18à poser des gros soucis mais on voit l'augmentation de la population est très nette mais il n'y a pas
10:24d'augmentation réelle des dégâts parce que justement il y a eu beaucoup aussi de prises de conscience
10:28il y a aussi un certain nombre d'éleveurs que l'on n'entend pas qui prennent bien conscience de la
10:33valeur de la biodiversité de l'importance d'avoir l'ours aux bruns sur le territoire et donc qui
10:38prennent des précautions d'usage et entre autres j'ai rencontré des éleveurs qui étaient tout à
10:43fait pro-ours parce qu'en se disant si on fait du fromage dans ces régions là dans les zones à
10:48ours parce qu'ils prouvent la qualité du produit et donc c'est un argument de vente aussi on voit
10:52on parlait de l'utilité ben là on peut utiliser aussi la présence de grands prédateurs comme ça
10:56de grands mammifères comme étant presque une tête de gondole quoi. Moi ce que j'ai beaucoup aimé dans
11:02ton approche dans ton travail sur le premier livre qu'on a fait ensemble donc l'ours
11:07l'autre de l'homme c'était toute la dimension naturaliste scientifique la biologie l'écologie
11:13de l'animal mais il y a aussi toute cette approche historique tu explores autant sur le terrain les
11:23diverses régions où vivent les ours que les archives que les journaux de bord des explorateurs
11:31il y a aussi toute cette dimension historique qui nourrit ton travail qui donne une dimension
11:37littéraire finalement au niveau de la narration du livre qui m'a beaucoup beaucoup intéressé.
11:44Merci, j'ai des questions aussi pour toi Stéphane. Non mais c'est vrai que moi ce qui m'intéresse
11:51avec ces grands animaux c'est aussi ce côté transversal. Moi j'ai fait un bouquin il y a
11:55quelques années qui s'appelait géopolitique de l'ours polaire et comme le sanglier peut être
12:00politique les grands mammifères peuvent être aussi géopolitiques. Donc moi c'est aussi ce côté
12:06transversal qui m'intéresse avec ces grands animaux d'une parce qu'on les côtoie et on croit les
12:11connaître et puis dans notre histoire ils ont eu des places parfois très importantes. J'évoque
12:17entre autres le cas des berzéquires, des guerriers je dirais scandinaves qui se prenaient pour des
12:27ours ou presque, qui allaient au combat comme des ours avec des peaux d'ours et tout ça. Donc
12:32l'ours on voit bien était quelqu'un qui donnait la puissance aussi aux humains. Donc il y a tous
12:36ces rapports très très compliqués entre notre relation avec l'ours et donc moi c'est ce qui
12:42m'intéresse justement c'est d'aller un petit peu dans les grimoires aussi et puis voir un petit peu
12:47ce qu'il y avait dans les temps anciens et nos relations. Et c'est vrai qu'avec l'ours au brun
12:51il y a tellement tellement de choses à raconter que oui on essayait de faire le maximum. Et est-ce
12:57que, comme on en a parlé tout à l'heure avec le sanglier et le renard, est-ce que l'avenir de
13:02l'ours est de se rapprocher, enfin de descendre des montagnes, de se rapprocher des villes ? Je
13:07sais qu'en Roumanie il y a déjà des ours qui traînent dans certaines villes. Est-ce qu'on peut
13:11voir ça en Europe de l'Ouest ? Oui alors bon ça peut poser des soucis comme c'est arrivé d'ailleurs
13:16en Italie l'année dernière où il y avait une femelle ours qui traversait un village dans
13:21les abruses très fréquemment et là ça se passait très très bien. Les villageois ils sortaient le
13:26soir, ils se mettaient à la fenêtre comme s'ils regardaient la télé et puis voyaient la femelle
13:29passer. Il y avait une vraie, comme avec ce que disait Raphaël sur le sanglier, il y a une vraie
13:33appropriation aussi des gens pour cette grande faune. Ils étaient très fiers, très contents
13:39d'avoir l'ours qui traversait le village, c'était un signe, c'était vraiment une fierté. Malheureusement
13:44la femelle a été abattue, les deux oursons ont divagué. Donc voilà, c'est très problématique
13:50parce qu'il y a toujours quand même une faille qui peut-être s'élargit aussi entre deux branches de
13:55la population, entre des gens qui veulent vraiment se dire c'est super, il y a des grandes faunes qui
14:00reviennent, on peut les voir de mieux en mieux et tout ça. Et puis il y a toujours une qui refuse aussi
14:05et qui malheureusement qui a des moyens aussi d'éradiquer l'espèce ou l'animal en question. Et
14:11ça c'est un vrai gros problème. C'est qu'ils nous exproprient aussi quelque part de ces animaux
14:16qu'on aimerait pouvoir regarder un peu plus souvent. On habite en forêt de Fontainebleau et on a
14:21le problème avec la chasse à cours en particulier, qui eux nous dérangent complètement la forêt, qui
14:25la détruit quelque part avec les passages répétés, qui courent après les cerfs un peu partout.
14:29Et c'est des animaux qu'on voudrait bien partager, qu'on voudrait bien observer aussi et les pas
14:34réservés à cette frange de gens qui veulent les abattre. Oui, j'aime pas les chasseurs, désolé. Je
14:41sais pas s'il y en a dans la salle mais je les aime pas. Et moi comparativement, juste pour rebondir
14:45par rapport à ce qu'on disait ce matin, c'est vrai que moi j'ai l'avantage d'appartenir à personne.
14:50Et je comprends bien des gens comme Laurent, comme Jérôme aussi, qui appartiennent aussi à des
14:57organismes d'État quelque part. C'est un peu compliqué de s'exprimer, justement de porter
15:03une parole parfois un peu iconoclaste, moi n'étant parfaitement libre de mes propos. Et c'est
15:09l'avantage aussi de la collection et des livres qu'on peut faire ensemble, c'est que j'ai aussi
15:13le droit de m'exprimer en mon nom propre évidemment. Mais c'est vachement important parce que je pense
15:17qu'on doit libérer aussi cette parole. Et ça je pense que c'est un problème lié... Malheureusement
15:22pour des scientifiques, l'année dernière j'ai interviewé des scientifiques sur une table
15:25ronde qui travaillent sur l'eau. Et je pense que c'est vraiment un problème qu'on a depuis même
15:28ce matin. C'est de se dire que maintenant les scientifiques me disaient l'année dernière,
15:33des gens qui depuis dix ans au CNRS travaillent sur la gestion de l'eau et tout ça, ils nous disent
15:37on a présenté nos travaux à des élus, à des préfets, tout ça. On nous dit oui mais c'est
15:42une opinion. Et je pense que là le gros problème il est là. C'est que les gens qui gèrent
15:48actuellement aux plus hautes instances considèrent le travail scientifique comme une opinion, comme
15:54si c'était madame Michu. Alors que c'est des scientifiques qui sont formés, qui travaillent
15:58depuis des décennies, des décennies sur des sujets qui ont des informations tout à fait
16:03objectives et argumentées. Et vraiment le gros problème, le gros fossé, il est
16:08là entre le travail de terrain, le travail scientifique et la prise en compte de ces travaux.
16:13Je sais pas si messieurs les scientifiques sont d'accord mais je pense que passer du
16:17travail scientifique, dire que c'est une opinion, c'est tout à fait insupportable.
16:21Alors tout le monde te connaît comme l'homme qui a vu l'ours mais le deuxième titre qu'on a
16:26publié ensemble c'était sur le bœuf musqué, Ovibos. Pourquoi tu as fait cette infidélité à l'ours
16:35comme ça ? Pourquoi s'intéresser à cet animal étonnant, le bœuf musqué ?
16:39Justement parce qu'on n'en parle pas et que tu m'as donné la possibilité de le faire.
16:44Moi je suis parti de l'Ovibos, je sais pas si vous voyez le bœuf musqué qui n'est pas un bœuf et
16:48qui n'est pas musqué déjà. Donc justement à partir de cette idée là je pense qu'il valait,
16:52c'était bien d'en parler quoi. Parce que justement on lui colle, pour les gens qui le connaissent
16:57évidemment, donc c'est un animal assez peu connu malgré tout et qui a une importance vraiment
17:04radicale quelque part entre autres dans la migration des humains dans le nord de l'Amérique et on est à
17:10peu près certain que la migration humaine passant d'Eurasie à le nord de l'Amérique est liée aux
17:15migrations de l'Ovibos, du bœuf musqué et donc on voit son importance quand même. Et puis c'est
17:21un animal qui nous apporte des tas d'informations. D'ailleurs toi tu en parles dans ton ré-en
17:26sauvagement aussi, il y a quelques milliers d'années, dizaines de milliers d'années,
17:29il y avait des Ovibos qui vivaient dans les Pyrénées, qui vivaient en France. Donc il nous
17:33parle aussi de notre histoire quelque part du climat et maintenant c'est un animal qui était
17:39presque central. Les origines très très anciennes de l'Ovibos viennent de Méditerranée, on ne peut
17:45pas l'imaginer comme ça a priori. Et puis il a été poussé très très loin vers le nord et puis
17:50maintenant il vit vraiment aux confins du monde en bordure des glaces. Et évidemment comme le
17:56réchauffement climatique, on peut en parler là, est quatre fois ou cinq fois plus important dans
18:01l'Arctique, eh bien l'Ovibos est un témoin qui le subit vraiment très très rapidement et très
18:08brutalement. Donc c'est pour ça aussi que ça me semblait important. Alors c'est un bouquin un peu
18:13particulier parce que c'est vrai que c'est un espèce de dialogue posthume avec Robert Gessin.
18:17Robert Gessin qui était compagnon de Paul-Hubert Victor en 1934-1935-1936, a été aussi directeur du
18:24Musée de l'Homme, avait fait un livre dans les années 80 qui s'appelait Ovibos et qui était
18:29tout à fait passionnant. C'était la référence en français. Il était anthropologue. Oui tout à fait,
18:36médecin et anthropologue. Et donc moi je voulais rééditer ce livre mais ce livre était un petit
18:41peu passé on va dire. Et donc grâce à Antoine Gessin qui est un très bon ami, on a pu reprendre
18:48la partie anthropologique du travail de Robert et moi j'ai pu le mettre au goût du jour avec
18:53justement toutes les problématiques liées au réchauffement climatique. Sachant qu'une espèce
18:57qui est aussi adaptée à des climats extrêmement froids, tous les animaux qui sont très bien
19:02adaptés sont aussi très fragiles. Si on change un petit peu le curseur, si on bouge le curseur
19:07des températures, de l'humidité à cause du réchauffement climatique, le bœuf musqué va
19:13s'en prendre plein la tête, c'est certain. Parce qu'il est recouvert d'une polisse, d'une
19:18peau, d'une laine qui est la laine la plus chaude du monde, elle est faite pour le protéger des
19:22moins 50. Sauf qu'entre deux périodes de moins 50, s'il y a un redout et qu'il pleut, ça ne va pas
19:28très bien se passer pour lui. Et puis il y a aussi dans certains endroits, les
19:34populations humaines qui prennent de plus en plus de place, qui amènent aussi des virus, des bactéries,
19:39des nuisances, des pathologies. Et donc ça pose aussi problème à ces espèces qui ne sont pas
19:43du tout adaptées à ces relations. Dans la perche, tu évoques la question du réchauffement
19:50climatique et ses impacts sur la faune de l'Arctique. Mais on pourrait parler de l'ours
19:57polaire, le symbole de la disparition de la banquise et des icebergs. Moi je pense aussi que,
20:03parce que Stéphane il est très fort, il veut éviter qu'on parle de son 20 000 ans d'histoire,
20:08t'as remarqué, il reste 17 minutes. Donc oui Stéphane il a commis le premier bouquin de la
20:15collection, parce qu'on parle quand même de la collection d'ours sauvage. Pas tout à fait le premier,
20:18mais presque. Mais ça a peut-être été le point de départ de ta collection quand même. Parce que
20:23tu avais travaillé sur le sujet des saisons et de l'évolution justement de la faune, avec la fin
20:27de la dernière glaciation. Et donc ce qui a été le point de départ de tes 20 000 ans. Et rappelle-nous
20:33un petit peu quand même comment il est né, justement avec le film saison, avec Jacques Perrin,
20:37qui a été l'origine de tout ça. Oui Jacques Perrin, à la fin du film Océan, qui était sorti en 2010,
20:45il nous réunit dans son bureau et il nous dit bon ça va là, on arrête les films délirants où on parcourt
20:51le monde pour amener de belles images de nature. Maintenant on va faire un film au fond du jardin.
20:57Donc un film au fond du jardin pour Jacques. Très vite le jardin il s'est agrandi à la taille de
21:06l'Europe quand même, donc c'est quand même un grand jardin. Mais très vite on a été confronté
21:13au problème que pour trouver des spectacles de nature aussi grandioses, aussi époustouflants que
21:20ceux qu'on avait pu trouver dans les océans, dans les savannes africaines, au Galapagos, dans les
21:27pôles, en Europe, et bien c'était compliqué parce que ça n'existait plus. Donc tout de suite la
21:35dimension historique intervient. Ça a existé mais ça n'existe plus. Donc ça a existé, est-ce qu'il
21:42y a moyen de recréer, en tout cas à travers la fiction et à travers l'outil, les outils
21:50du cinéma, de replonger dans les premiers temps de la nature en Europe pour montrer que la nature
21:57en Europe elle a été aussi surabondante, aussi exubérante que certains
22:05autres coins de la planète. Et ça a été le point de départ du film qui s'appelait Les saisons,
22:10qui est sorti en 2016. Et donc moi comme j'étais le conseiller de Jacques, j'ai accumulé une
22:15documentation sur l'histoire de cette nature depuis 20 000 ans absolument absolument dingue et le film
22:21en donne vraiment trois fois rien. Et c'est toujours c'est les éditions Actes Sud qui m'ont dit voilà
22:29et écrit quelque chose qui permet de puiser dans toute cette matière et ça a été le point de
22:35départ de ce livre avec l'idée qu'on est vraiment victime aujourd'hui de ce qu'on
22:42appelle l'amnésie écologique, c'est-à-dire que chaque être humain pense que l'état zéro de la
22:49nature, même s'il a conscience que la nature a évolué le temps de sa vie, mais la nature idéale
22:55était celle qu'il a connue quand il était enfant. Mais sauf que
23:01génération après génération, la référence glisse petit à petit et on a oublié la nature telle
23:08qu'elle était au temps de l'enfance de nos grands-parents, de nos arrière-grands-parents,
23:11et puis il y a 500 ans et puis il y a 1000 ans et puis il y a 20 000 ans. Et c'est comme ça,
23:18en poussant le curseur de plus en plus loin, en fouillant dans les archives, il y a des archives
23:21absolument très disparates. C'est ça que j'ai trouvé vraiment super, à la fois de la glaciologie,
23:27de la zooarchéologie, de la zoobotanique, l'histoire elle-même avec les récits. On se rend compte
23:36qu'il y a ce que certains écologues appellent le 1.0, c'est-à-dire le paroxysme de l'âge de
23:42glace. En Europe, c'était il y a approximativement 20 000 ans et c'est à un moment donné de l'histoire
23:50qui a été tellement froid et tellement sec que la majorité de la surface de l'Europe était
23:57devenue un désert. Il n'y avait plus du tout de vie. Il n'y avait même plus un brin d'herbe,
24:02il y avait déjà d'énormes glaciers. Et quand ce n'était pas des glaciers, c'était juste des
24:06champs de poussière, des champs de cailloux. Les derniers petites parcelles de nature étaient
24:11vraiment réfugiées le long de la Méditerranée, au pied des calanques de Marseille par exemple,
24:18sur les côtes espagnoles, en Italie. Une fois que, pour des raisons astronomiques,
24:25le climat se modifie, se réchauffe un peu et se réhumidifie, la nature qui était réfugiée dans
24:31ces petits recoins repart à l'assaut de toute l'Europe. Je voulais raconter ça à partir du
24:39point zéro, c'est-à-dire qu'il n'y a plus rien. Le niveau des mers est descendu de 120 à 130 mètres.
24:46On peut aller à pied à Londres. La Manche, c'est juste un petit ruisseau.
24:51Et puis raconter cette épopée du retour de la nature.
24:59Et donc, il y a 20 000 ans, il y avait des ours polaires qui étaient bien plus au sud,
25:04pour rebondir.
25:05Dans le golfe de Gascogne.
25:07Il y avait des ours polaires qui venaient très au sud. On a retrouvé des ossements le long de la
25:11mer Baltique, en Suède, au Danemark et ainsi de suite.
25:14Il y avait des beaux-musquets dans les Pyrénées.
25:16Il y avait des beaux-musquets dans les Pyrénées.
25:18Et puis, il y avait des rennes qui traversaient la Seine à Nemours.
25:22Et les humains ont failli disparaître à cette époque-là. Les humains ont failli disparaître d'Europe occidentale.
25:29On estime, avec beaucoup de guillemets, la population humaine en Europe de l'Ouest à environ 7 000 individus.
25:39Ça, c'était les données au moment où j'ai écrit le livre.
25:41Ça a peut-être été affiné depuis. Je n'ai pas fait la dernière recherche.
25:447 000 individus qui étaient réfugiés entre le Pays Basque et le nord de l'Espagne.
25:50Ça a été une espèce en voie de disparition.
25:54Et ils ont profité aussi du réchauffement pour repartir à la conquête de l'Europe.
25:59Dès qu'il y a plus à manger, il y a plus d'hommes aussi.
26:03L'ours polaire, c'était plutôt bien pour lui, la glaciation.
26:09Il a pu se disperser, croiser aussi ses amis, ses cousins ours bruns.
26:14Il y a 20 000 ans, il y avait des ours polaires en Écosse, bien plus au sud.
26:19Et puis, avec le réchauffement, il a reflué de plus en plus vers le nord.
26:24Ce que j'ai aimé en me plongeant dans l'écriture de ce bouquin,
26:29c'est de remettre à jour tous les travaux.
26:32Moi, ça fait 35 ans que j'observe des ours polaires un peu partout dans le monde.
26:37Il y a une évolution de la connaissance, mais il y a surtout,
26:40et c'est là-dessus que j'ai insisté, une évolution de notre vision de l'animal.
26:45Comment cet animal ours polaire a été instrumentalisé avec le réchauffement climatique ?
26:50Comment un certain nombre de personnes, d'ONG, de zoos,
26:54ont instrumentalisé la vision de l'ours polaire
26:57pour communiquer et l'utiliser comme un espèce d'avatar,
27:02pour masquer les vrais problèmes ?
27:04On parle de l'ours polaire qui risque de disparaître,
27:07voire même, il a été dit en vraie distinction,
27:09dans certains moments, à certains moments.
27:11Ça évite de parler des problèmes qui sont devant notre porte.
27:14C'est vraiment toute cette utilisation de l'image de l'ours polaire
27:18que j'ai un peu travaillée dans cet ouvrage,
27:20pour montrer que l'ours polaire,
27:22il ne faut pas que ce soit à nouveau l'arbre qui cache la forêt,
27:25et qu'il y a bien d'autres problématiques, bien plus importantes,
27:28et que si l'ours polaire, c'est une conoclaste,
27:31disparaît, ce n'est pas vraiment un problème.
27:34Ce n'est pas une espèce aussi importante pour l'environnement
27:38que peut-être l'ours brun.
27:40L'ours polaire, il y a 26 000 individus, à priori,
27:43de mes derniers recensements,
27:46sur un territoire qui est 28 fois grand comme la France.
27:51Et donc, lui, à part manger des phoques,
27:53c'est à peu près tout ce qu'il produit pour l'Arctique.
27:55Donc, ce n'est pas vraiment une espèce très importante.
27:58Si on cherchait un côté utilitaire,
28:00la semaine dernière, je faisais des conférences auprès de scolaires,
28:02ils me disaient, mais à quoi ça sert, un ours polaire ?
28:04C'est toujours la question qui revient.
28:06Évidemment, à priori, ça ne sert à rien, mais nous non plus, d'ailleurs.
28:10Et donc, voilà.
28:12Mais s'il disparaissait, ce serait moins important
28:14que les lémings dans l'Arctique.
28:16C'est un peu tout ça que j'ai voulu remettre en perspective.
28:19C'est un animal dont tout le monde veut la sauvegarde.
28:22Il n'y aura aucun problème.
28:24Mais c'est un peu plus compliqué.
28:26C'est cette complexité que j'ai essayé de développer.
28:29Tu as mené une vraie enquête.
28:31Cette conception de l'avatar, du réchauffement climatique,
28:37on peut pratiquement la dater et la localiser au jour près.
28:42C'est le film d'Algore.
28:44C'est le film d'Algore en 2007.
28:46La vérité qui dérange,
28:48j'ai l'impression qu'elle n'a pas dérangé grand monde,
28:50à part le grand public, peut-être.
28:52Mais elle n'a pas dérangé nos dirigeants, du moins.
28:55Là, il a commencé à parler de l'ours polaire
28:58qui, dans quelques décennies, va disparaître.
29:00C'est très contre-productif de faire comme ça des prévisions.
29:05On parlait du doigt mouillé, mais c'est un peu ça,
29:07dans une boule de cristal, en disant
29:09qu'en 30 ans, il y aura 50 % de moins d'ours polaire.
29:13Il se trouve qu'après 2007,
29:15il y a beaucoup de ONG qui se sont dit
29:17« Donnez-moi 50 €, on va sauver l'ours polaire. »
29:19Ce qui est une escroquerie absolue,
29:21parce que c'est le milieu,
29:23c'est l'ensemble de la planète,
29:25l'ensemble des écosystèmes qu'il faut préserver,
29:27et pas une espèce animale.
29:29À partir de ce moment-là, tout le monde s'est engouffré
29:31avec l'image de l'ours polaire.
29:33On a tout dit et n'importe quoi sur l'ours polaire.
29:36Il y a surtout beaucoup de gens qui ont gagné
29:38beaucoup d'argent en l'utilisant.
29:40C'était un vrai problème.
29:42Surtout qu'en 2017,
29:44les recensements donnaient une plus grande
29:46population d'ours polaire qu'en 2007.
29:48Là, tout est tombé à plat.
29:50La protection avait bien marché ?
29:52La protection a bien marché.
29:55Il faut savoir qu'en 1976,
29:57la population d'ours polaire était très basse,
29:59peut-être moins de 10 000 individus.
30:01On ne sait pas exactement.
30:03Avec un arrêt total de la chasse,
30:05sauf pour les peuples autochtones du Groenland et du Canada.
30:08La protection a bien fonctionné,
30:10en particulier dans les endroits comme Svalbard,
30:12où il y avait une chasse intensive de l'ours polaire.
30:15Ça a bien fonctionné, heureusement.
30:17Les méthodes de comptage et d'études ont évolué.
30:20Et aussi,
30:22grâce à une collaboration internationale
30:24accrue et importante,
30:26on a pu compter de meilleures façons l'ours polaire.
30:29Tant mieux.
30:31Sauf qu'avec cette population
30:33qui est actuellement plutôt stable,
30:35c'est plutôt une bonne nouvelle,
30:37ça pose un problème.
30:38Si on regarde les occurrences
30:40sur les réseaux sociaux et sur Internet,
30:42sur les climato-sceptiques
30:44qui utilisent l'image de l'ours polaire
30:46pour se dire, ce que vous nous avez dit
30:48il y a 15 ou 20 ans, c'est faux.
30:50Maintenant, il y a autant d'ours polaire, voire plus.
30:52Il faut beaucoup se méfier
30:54quand on communique autour d'une espèce
30:56si emblématique.
30:58Il ne faut pas pousser le curseur trop loin.
31:00Ça pourrait être contre-productif.
31:02Actuellement, c'est le cas pour l'ours polaire.
31:04Tu disais que les lois qui l'ont protégé
31:06datent de 1976, c'est ça ?
31:08Ça a été signé en 1973
31:10et vraiment appliqué en 1976.
31:12Parce que 1976, c'est aussi
31:14une date importante dont on parle avec Gilbert Cochet
31:16dans le livre Réensauvageant la France.
31:18Parce qu'en 1976, les députés français
31:20et l'Assemblée nationale votent une loi
31:22de protection de la nature.
31:24Du jour au lendemain, un grand nombre d'espèces
31:26basculent dans le camp
31:28des espèces protégées.
31:30Impossible, on ne peut pas les cueillir,
31:32on ne peut pas les chasser.
31:34Il faut vraiment les protéger.
31:36Là-dedans basculent
31:38le loup, l'ours,
31:40les castors,
31:42les loutres, il y a énormément d'espèces.
31:44Tous les grands rapaces.
31:46Du jour au lendemain,
31:48ils étaient chassés.
31:50Du jour au lendemain, ils ne le sont plus chassés.
31:52On s'est rendu compte
31:54qu'il suffit d'arrêter de les chasser
31:56et les populations augmentent.
31:58Parfois aidés par des coups de pouce.
32:00Les vautours ont été aidés
32:02avec des systèmes de réintroduction
32:04dans l'Ecosse,
32:06notamment, ou dans le sud des Alpes.
32:08En une action,
32:10on est capables
32:12de faire chambouler
32:14les choses de façon positive.
32:16La résilience est intéressante.
32:18Je vais de temps en temps dans l'hémisphère sud.
32:20Entre autres, les otaries à fourrure
32:22avaient été détruits, presque éradiqués.
32:24En Georgie du Sud, il restait
32:26200 otaries antarctiques.
32:28On a arrêté la chasse.
32:30Maintenant, il y a 5 millions d'otaries.
32:32Sauf qu'il y a la grippe aviaire.
32:34Les problèmes ne sont jamais terminés.
32:36On arrête la chasse
32:38et c'est tant mieux.
32:40C'est une réussite
32:42et c'est facile.
32:44On appuie sur le bouton off.
32:46Ça va relativement bien.
32:48Sauf qu'il y a d'autres problèmes
32:50qui arrivent, des pathologies.
32:52En plus des pathologies
32:54qui peuvent se transmettre.
32:56La grippe aviaire, c'est que les poules et les canards.
32:58On s'aperçoit que ça passe au mammifère.
33:00Un ours polaire est mort de grippe aviaire
33:02l'année dernière en Alaska.
33:04Là, il y a des otaries et des éléphants de mer.
33:06On voit qu'il y a d'autres problématiques
33:08qui arrivent sur notre planète.
33:10C'est un gros souci
33:12pour la protection.
33:14Au début des années 1980,
33:16la Commission balénière internationale
33:18a voté l'arrêt de la chasse
33:20de nombreuses espèces de cétacés.
33:22À cette époque-là,
33:24il était impossible d'approcher
33:26des cachalots.
33:28François Saranot, dont on parlait ce matin,
33:30a écrit le premier livre
33:32dans la collection,
33:34le Retour d'Homo Vidic.
33:36Aujourd'hui, il nage au milieu
33:38d'une famille de cachalots
33:40qui n'ont plus du tout peur
33:42des hommes.
33:44Ça fait plusieurs années,
33:46plus de dix ans, qu'il va nager
33:48avec cette famille de cachalots
33:50qu'il accepte.
33:52La proximité est de nouveau possible.
33:54Comme tu disais,
33:56la résilience...
33:58Je l'ai vu sur les baleines à bosse.
34:00On voit de plus en plus de baleines à bosse.
34:02En Antarctique, il y en a partout.
34:04En Alaska, il y en avait
34:06beaucoup plus ces derniers temps.
34:08Sauf qu'avec le réchauffement climatique,
34:10à nouveau, il y a moins de nourriture
34:12et qu'il y a une chute
34:14drastique de la population de baleines à bosse.
34:16Il y a également la surpêche
34:18dans ces régions-là.
34:20C'est d'autres problématiques.
34:22On arrive à protéger les espèces,
34:24mais il y a tout ce qu'il y a autour.
34:26Sur l'ours brun, il y a des problématiques
34:28sur la pêche au saumon,
34:30dans les rangs Sibérie ou au Kamchatka,
34:32où ils sont obligés de réensemencer
34:34de façon artificielle les rivières
34:36parce qu'il y a tellement de pêche
34:38et de surpêche à l'embouchure des rivières
34:40qu'il n'y a plus de production de saumon.
34:42L'équilibre est très compliqué à maintenir.
34:45Cette surpêche des saumons
34:47impacte les grizzlies d'Alaska ?
34:49Ce ne sont pas des grizzlies,
34:51ce sont des ours bruns.
34:53Il y a moins de remontées de saumon
34:55dans les rivières.
34:57Les saumons se reproduisent
34:59dans la rivière où ils sont nés.
35:01Il faut prélever des saumons
35:03à certains endroits,
35:05les faire se reproduire,
35:07faire éclore et faire croître les alevins
35:09et les remettre dans des rivières.
35:11On artificialise complètement
35:13des zones que l'on pensait
35:15complètement sauvages
35:17qui sont obligées maintenant
35:19d'être sous la tutelle des humains
35:21de ces régions-là,
35:23si on veut continuer à pêcher du saumon
35:25et si on veut continuer
35:27à avoir des ours qui le pêchent.
35:29Si on veut continuer à avoir des belles forêts...
35:31Une des choses que j'ai découvert
35:33dans les études pour le livre,
35:3520 000 ans,
35:37c'est que les forêts
35:39ont énormément bénéficié
35:41des saumons
35:43et de tous les poissons migrateurs
35:45et des ours indirectement.
35:47C'est difficile...
35:49Ce n'est pas très intuitif.
35:51Quel est le rapport entre les saumons
35:53et les poissons migrateurs et la forêt ?
35:55Les poissons migrateurs quittent l'océan,
35:57remontent les rivières, sont pêchés
35:59par les ours
36:01et à travers leurs fesses
36:03ou même les cadavres qu'ils laissent
36:05dans la rivière et qu'ils vont emporter dans la forêt,
36:07ces cadavres de poissons migrateurs
36:09ou ces crottes d'ours
36:11viennent fertiliser
36:13les sols de la forêt.
36:15Il a été démontré par des études
36:17en Colombie-Britannique
36:19que les forêts
36:21qui sont traversées de rivières
36:23où il y a encore des poissons migrateurs
36:25et où il y a encore des ours qui les pêchent,
36:27la croissance des arbres est bien plus importante
36:29que dans la vallée des côtés
36:31où il y a toujours des rivières mais vides de poissons
36:33et où il n'y a plus d'ours pour les pêcher.
36:35Peut-être avant de prendre
36:37des questions,
36:39pour terminer sur l'ours,
36:41il faut savoir que les pommes que nous mangeons,
36:43c'est grâce à l'ours.
36:45L'ours mange beaucoup
36:47de fruits,
36:49de légumes, de végétaux
36:51et il défèque aussi, comme il n'a pas
36:53un système digestif idéal,
36:55beaucoup de graines.
36:57Lui, il va choisir les fruits les plus mûrs,
36:59les plus sucrés.
37:01Les pommes qui sont arrivées en Europe occidentale
37:03viennent d'Asie centrale et ont été sélectionnées
37:05par des générations d'ours
37:07qui ont sélectionné
37:09les pommiers
37:11et qui ont choisi les meilleurs fruits,
37:13les plus sucrés et les plus mûrs,
37:15quand ils sortent en particulier,
37:17juste avant l'hibernation.
37:19On sait que la présence des pommes
37:21en Europe occidentale et les espèces
37:23que l'on peut trouver chez nous
37:25ont été sélectionnées par les ours.
37:27On voit l'importance de ces animaux
37:29dans notre quotidien.
37:31Des relations inter-espèces.
37:33Il y avait la même histoire,
37:35je l'avais trouvée pour le bouquin,
37:37c'était en Amérique du Nord,
37:39la relation entre les mammouths et les courges.
37:41Les courges sauvages auraient été
37:43en partie sélectionnées
37:45pour devenir de plus en plus grosses
37:47et goûteuses et sucrées
37:49par les mammouths qui les mangeaient.
37:51C'est toujours important de se rappeler
37:53d'où on vient.
37:55On a des questions Françoise ?
37:57Peut-être pas.
37:59Peut-être pas.
38:01S'il y a une question là-bas.
38:03Je pense que c'est François.
38:05Vous n'avez pas beaucoup parlé de réanimation sauvage dans la France.
38:07Tu t'es bien débrouillé Stéphane
38:09avec cette histoire.
38:15Oui François.
38:17Je reviens un peu sur ma paroisse.
38:19Tout à l'heure, vous avez parlé d'épidémie et d'épisodes.
38:21Ce que je voulais dire,
38:23c'est que finalement,
38:25dans une grande population d'animaux ou de plantes,
38:27quand il y a beaucoup d'individus qui sont assez proches,
38:29les probabilités
38:31qu'un animal malade transmette
38:33à l'ensemble de ses congénères
38:35augmentent évidemment.
38:37C'est pas du tout impensable de penser
38:39que ce sont des phénomènes naturels.
38:41La notion d'équilibre
38:43est complètement virtuelle.
38:45Surtout si on parle du livre de Stéphane
38:47il y a 20 000 ans.
38:49Je ne parle même pas des humains.
38:51L'équilibre, c'est simplement
38:53sur le long terme.
38:55On voit des choses qui nous paraissent assez stables.
38:57Tout change tout le temps en permanence.
38:59Les microbes
39:01font partie de la vie.
39:03C'est même des éléments fondamentaux
39:05du vivant.
39:07Chez les virus, par exemple, nous ne serions pas
39:09mammifères sans les virus.
39:11Il y a des virus qui nous sont
39:13nécessaires. On ne serait pas là sinon.
39:15Cette notion
39:17d'épizootie n'est pas forcément
39:19grave en tant que telle.
39:21Le seul problème, c'est que depuis,
39:23on est très nombreux. On est 8 milliards.
39:25On a beaucoup dégradé.
39:27Si il y a 50 ans, l'otarie à fourrure du sud
39:29a pu récupérer, est-ce qu'aujourd'hui
39:31les conditions de l'océan,
39:33de la nourriture, lui permettent de se maintenir
39:35à sa population actuelle ?
39:37Là, ce ne sont plus des phénomènes naturels,
39:39ce sont des phénomènes anthropiques.
39:41On doit être extrêmement prudent.
39:43Pour l'instant, on n'est pas dans la bonne direction
39:45pour partager tout ça entre les humains et les autres qu'humains.
39:47Je préfère autres qu'humains que non-humains.
39:49Il n'y a pas une dichotomie. Il y a nous et plein d'autres
39:51espèces. Cela évite peut-être
39:53d'opposer ce qui n'est pas humain
39:55à nous, ce qui serait un peu
39:57dommage sans doute, un peu réducteur.
39:59Ce qui s'est passé aussi,
40:01c'est que quand on arrêtait la chasse
40:03des otaries,
40:05la population de baleines qui mangent la même chose,
40:07elles mangent du krill, était au plus bas.
40:09Il y avait une manne
40:11de nourriture extrêmement importante.
40:13Cela a permis aux otaries
40:15qui ont un taux de reproduction beaucoup plus important
40:17que les baleines, de repartir très vite.
40:19C'est vrai que maintenant,
40:21j'étais en Jordie du Sud
40:23il y a peu de temps, il y a des plages
40:25qui sont couvertes d'otaries.
40:27Je dirais peut-être même plus qu'avant.
40:29C'est vrai que dès qu'un virus
40:31arrive, ça va
40:33se disperser très vite.
40:35On l'a vu
40:37sur des populations d'albatros aussi
40:39aux îles Falkland, qui sont
40:41touche-touche dans certains endroits.
40:43Il y a eu des dizaines de milliers d'albatros
40:45qui sont morts de la grippe aviaire
40:47cette année.
40:49Ce n'est pas complètement anormal,
40:51mais c'est vrai qu'on peut créer des situations
40:53où ça va se développer encore beaucoup plus vite.
40:55Évidemment, nous,
40:57on a la chance, mais aussi
40:59la responsabilité que,
41:01quand on va dans ces régions, il ne faut pas
41:03qu'on n'arrive avec...
41:05qu'on ne soit pas porteur de bactéries
41:07ou de virus ou quoi que ce soit.
41:09On fait extrêmement attention quand on va dans ces régions-là.
41:11Je réagis aussi.
41:13La notion d'équilibre
41:15est très intéressante
41:17et aussi
41:19très délicate à manier.
41:21Si les deux livres, 20 000 ans
41:23et Ré-en-sauvageant la France,
41:25c'est dur à dire...
41:27Ré-en-sauvageant la France,
41:29écrit avec Gilbert Cochet.
41:31Ces deux livres,
41:33on ne les a pas faits pour dire
41:35comment doit être
41:37la nature.
41:39L'idée était de montrer que la nature
41:41évolue sans cesse.
41:43Il n'y a pas un état idéal
41:45de la nature.
41:47Pour en mentir sur la réintroduction
41:49d'espèces ou le ré-en-sauvagement
41:51de la France aujourd'hui,
41:53la philosophie derrière tout ça,
41:55ce n'est pas du tout
41:57de retrouver un état hypothétique,
41:59idéal. Je ne sais pas lequel ce serait.
42:01A quel moment ? Il y a 1 000 ans ?
42:035 000 ans ? 20 000 ans ?
42:05Je n'en sais rien.
42:07L'idée principale, c'est plus
42:09de préserver les grandes fonctionnalités
42:11des environnements.
42:13Les cycles de l'eau,
42:15de la matière organique.
42:19L'idée que portent Gilbert
42:21et sa femme Béatrice
42:23et d'autres,
42:25et Baptiste,
42:27c'est la libre évolution,
42:29de pouvoir préserver des espaces
42:31où la nature,
42:33quelle qu'elle soit,
42:35puisse en faire
42:37à sa guise, à son rythme,
42:39selon son temps propre,
42:41avec ce qu'elle veut.
42:45Les réserves de vie sauvage
42:47portées par l'espace,
42:49par exemple,
42:51et de plus en plus d'autres associations
42:53qui acquièrent des territoires,
42:55qui achètent du foncier
42:57pour ne rien y faire.
42:59Ça va dans ce sens-là.
43:03Comme la forêt primaire de Francis.
43:05Par exemple.
43:07Qu'on attend un jour.
43:09Ça viendra, je ne sais pas si on le verra.
43:11Est-ce qu'il y a d'autres...
43:13D'autres questions ?
43:15Nos amis à Monde Sauvage,
43:17c'est pas la sieste.
43:19Alexis, c'est trop tard.
43:21Allez.
43:23Ce n'est pas une question,
43:25c'est juste un petit commentaire
43:27sur le livre de Stéphane que j'avais adoré.
43:29C'est que 20 000 ans.
43:31C'est tout.
43:3320 000 ans à l'histoire,
43:35à l'échelle
43:37de l'évolution
43:39et de la construction du vivant.
43:41On est dans l'histoire.
43:43Juste de retourner à 20 000 ans,
43:45on est dans un état complètement différent.
43:47C'est juste remarquable.
43:49Tu me donnes la perche
43:51pour que je fasse 200 000 ans
43:53le nouveau livre ?
43:55Vu le nombre d'années qu'il a fallu pour 20 000 ans,
43:57je propose
43:59qu'on ajourne à la génération d'après.
44:03C'est pas de question.
44:05Il y a toujours la question qui vient.
44:07Nous, en tant que citoyens, on peut faire quoi
44:09dans toutes vos histoires ?
44:11Vous nous racontez des belles histoires,
44:13mais on fait quoi avec nos petits bras ?
44:15Qu'on soit à Paris ou ailleurs ?
44:17Tu aurais pu attendre qu'on soit tous
44:19réunis pour poser la question.
44:21Non, j'en ai d'autres pour tout à l'heure.
44:23C'est compliqué.
44:25J'interviens assez souvent
44:27dans les classes, dans les collèges,
44:29dans les lycées. J'y étais il n'y a pas longtemps
44:31en Corse, par exemple.
44:33On ne va pas assez voir ces jeunes.
44:35C'est compliqué
44:37parce qu'on leur laisse une situation
44:39qui n'est pas simple.
44:41Ils n'ont pas forcément
44:43les outils pour comprendre tout ça.
44:45Mais il y a quand même une appétence,
44:47un grand appétit, pour comprendre.
44:49Quand je vais voir les jeunes,
44:51j'ai une heure de questions.
44:53J'ai une heure de questions.
44:55Parfois, il faut que je dise
44:57qu'il faut que je m'en aille, j'ai mon avion.
44:59Dire que j'ai mon avion, ce n'est pas bien.
45:01Je le conçois.
45:03Mais pour aller en Corse, c'est bien pratique.
45:05Mais c'est vrai
45:07que c'est compliqué.
45:09Ce qu'il faut faire,
45:11ce qu'il faut surtout,
45:13ce n'est pas se masquer la face.
45:15C'est une première chose, je pense.
45:17C'est pour ça que j'en veux beaucoup
45:19aux gens qui ont utilisé l'ours polaire
45:21comme étendard,
45:23ou les gens comme les zoos,
45:25qui font naître des oursons polaires
45:27pour dire qu'ils vont sauver l'espèce
45:29à cause du réchauffement climatique
45:31qui risque de disparaître,
45:33ce qui est une escroquerie absolue.
45:35Il ne faut pas se masquer la face
45:37et se dire que le réchauffement climatique
45:39n'est pas dans le Grand Nord,
45:41il est chez nous et on le voit de plus en plus.
45:43Évidemment, il va falloir changer
45:45de mode de vie.
45:47Nous tous, les uns les autres,
45:49entre autres les scientifiques,
45:51quand on fait des films ou des documentaires,
45:53on voyage beaucoup, peut-être trop.
45:55L'intelligence artificielle va régler tout ça.
45:57On va inventer des ours polaires virtuels.
45:59Tout va s'arranger.
46:01On va prendre moins l'avion.
46:03Mais c'est vrai
46:05que c'est très compliqué.
46:07Les jeunes, il faut qu'ils se prennent en main,
46:09qu'ils inventent peut-être
46:11des nouveaux modes de vie,
46:13des nouveaux métiers aussi.
46:15Mais surtout,
46:17qu'ils ne restent pas sur des fake news.
46:19Il faut qu'ils avancent
46:21dans la complexité.
46:23J'ai un exemple qui m'est arrivé
46:25pas plus tard qu'hier.
46:27Je vous fais une confidence.
46:29On est en famille, presque.
46:31Ça restera entre nous.
46:33On m'a proposé de participer
46:35à un film, hier,
46:37pour une grande maison
46:39de production.
46:41Ils ont décidé du scénario, déjà.
46:43C'est bien.
46:45Ils ont décidé du scénario
46:47qui est d'un scénario absolument
46:49fantasmagorique,
46:51avec des ours polaires.
46:53Les ours polaires, on fait ça,
46:55on suit une femelle.
46:57On voit qu'il y a toutes ces
46:59fantasmagories
47:01qui sont très présentes dans les médias,
47:03dans les réseaux sociaux.
47:05Ce qu'il faut, c'est regarder la complexité.
47:07C'est là qu'il faut faire attention
47:09avec tout ce que l'on peut voir.
47:11Quand je vais voir les jeunes,
47:13qui sont sur les réseaux sociaux,
47:15qui regardent beaucoup de chaînes YouTube,
47:17il faut bien déminer tout ça
47:19et expliquer que la complexité,
47:21c'est drôlement important et intéressant.
47:23Là, on voit que les médias,
47:25vu ce qu'on m'a proposé comme film, hier,
47:27que j'ai instantanément refusé,
47:29là, c'était vraiment
47:31une image idyllique.
47:33On va voir des ours polaires,
47:35on suit une femelle,
47:37elle va nous apprendre ce qu'il faut faire
47:39pour s'adapter au climat.
47:41C'est honteux de proposer ça,
47:43parce que ce n'est pas du tout la réalité.
47:45Malgré tout, il y a toujours des gens
47:47qui essayent de nous vendre
47:49la simplicité, la simplification.
47:51C'est là que ça devient terrible.
47:53Quand on parle aux jeunes,
47:55il faut leur expliquer que la complexité,
47:57c'est ce qui va leur permettre d'avancer,
47:59de comprendre, de se passionner.
48:01Pour moi, c'est vraiment capital.
48:03Ce matin, on parlait
48:05de sensibilité, de crise de la sensibilité.
48:07Laurent, tu as parlé d'immersion.
48:09Je pense que ça commence...
48:11Évidemment, il faut lire
48:13tous les livres de la collection Montesovelle.
48:15Après, il faut aller sur le terrain,
48:17en immersion, pour cultiver,
48:19raviver cette sensibilité, la cultiver,
48:21l'intensifier.
48:23Après, il faut aussi...
48:25On parlait d'associations
48:27comme celle de Francis ou d'autres
48:29qui, par exemple, sur le terrain,
48:31achètent pour protéger,
48:33achètent du terrain.
48:35Ce n'est pas virtuel, c'est réel.
48:37La semaine dernière,
48:39j'ai vécu un truc
48:41assez dingue.
48:43J'étais avec Baptiste Morisot
48:45qui organisait
48:47un stage de formation des techniciens de rivière
48:49dans la Drôme,
48:51où il a appris,
48:53il a initié les techniciens de rivière
48:55qui habituellement gèrent les rivières
48:57à coup de pelleteuse, de digues en béton
48:59et autres joyeusetés,
49:01à dialoguer avec la rivière
49:03mais à la façon d'un castor,
49:05avec des ouvrages doux,
49:07faits en branches,
49:09en pierre, en argile.
49:11Il y avait une trentaine...
49:13C'était un travail pratique.
49:15On a fait des travaux pratiques.
49:17On était dans une rivière,
49:19les pieds dans l'eau, on s'est retroussés les manches.
49:21Il y avait une trentaine de techniciens de rivière.
49:23En un après-midi,
49:25on a construit un ouvrage comme une famille de castors
49:27peut le faire.
49:29La rivière a réagi
49:31tout de suite.
49:33C'était magnifique à voir.
49:35Le fait de passer cet après-midi
49:37avec une trentaine de personnes
49:39qu'on ne se connaissait pas au début de la journée,
49:41mais d'œuvrer tous ensemble
49:43dans le même sens pour protéger un espace
49:45et de voir que cet espace, ce milieu,
49:47réagit tout de suite
49:49dans le bon sens.
49:51C'est tellement réjouissant.
49:53C'est euphorisant.
49:55Il faut aller sur le terrain
49:57lutter pour un territoire.
50:01Ça donne la pêche.
50:03C'est un très bon antidote
50:05à l'éco-anxiété.
50:07Puisque Stéphane a refusé de nous parler
50:09de ré-ensauvagement de la France,
50:11j'ai une question. Il y a une polémique
50:13sur la réintroduction
50:15du grand état dans les Vosges
50:17où les scientifiques se battent
50:19entre eux, les associations
50:21contre les associations.
50:23Qu'en pensez-vous ?
50:25J'ai vu passer l'article
50:27dans Le Monde hier. Je ne l'ai pas encore lu.
50:29Je sais que Vincent
50:31et son père,
50:33Vincent Munier et son père
50:35sont assez vent debout contre ça.
50:37J'avoue que je ne connais pas
50:39les articles.
50:41Laurent doit bien connaître la problématique.
50:43Juste pour vous éclairer,
50:45sur ce sujet-là,
50:47il y a un gros débat
50:49non pas contre la réintroduction
50:51en elle-même,
50:53mais sur les conditions
50:55qui feraient que ça réussirait ou pas.
50:57On est face à deux problèmes,
50:59mais surtout un qui est vraiment majeur,
51:01c'est la fréquentation du public.
51:03Aujourd'hui, la première cause
51:05de disparition du grand état,
51:07c'est lié au fait
51:09qu'on ait ouvert tous les espaces
51:11vosgiens,
51:13qui fait qu'en hiver, il y a du monde
51:15absolument partout.
51:17C'est le dérangement lié à l'envol des animaux
51:19qui entraîne aujourd'hui la disparition
51:21du grand état. C'est la première cause,
51:23même avant le changement climatique,
51:25même avant les habitats.
51:27Je connais bien le sujet de l'évolution
51:29des habitats et de la gestion forestière pour le tétras,
51:31parce que j'ai été baigné dedans il y a 19 ans.
51:33Aujourd'hui, quand on en parle
51:35avec Michel en particulier,
51:37avec Michel Munier, ils considèrent
51:39qu'on peut difficilement faire plus
51:41en termes de gestion forestière
51:43en faveur du grand état. Mais le dérangement,
51:45c'est la première cause.
51:47Le projet de réintroduction a été
51:49présenté notamment au Conseil national de protection
51:51de la nature. Je vous en parlais un peu ce matin.
51:53Nous, on leur a dit
51:55tant que vous ne réglez pas ce problème
51:57du dérangement dans la montagne,
51:59on va relâcher des animaux
52:01qu'on condamne à la mort.
52:03C'est à 100% certain.
52:05Il n'y a aucun doute. Les animaux sauvages
52:07ne s'en sortent pas aujourd'hui.
52:09Ceux qu'on va réintroduire, qui vont avoir
52:11des difficultés à s'immiscer
52:13et à s'immerger dans ce milieu-là,
52:15ça va être encore plus compliqué pour eux.
52:17C'est pour ça que pour l'instant,
52:19il y a un avis défavorable des scientifiques.
52:21Ce n'est pas tant contre le projet de réintroduction,
52:23c'est vraiment à cause du fait
52:25qu'éthiquement, on ne peut pas se permettre
52:27de condamner des animaux et de jouer avec ça.
52:29Vincent sait exactement ce qu'il développe
52:31dans ses arguments. Lui, il connaît bien
52:33la forêt vosgienne.
52:35Du point de vue politique aussi,
52:37parce que c'est vraiment ça le problème,
52:39on ne prend pas les décisions en disant
52:41qu'on ferme la forêt aux VTT, aux randonneurs
52:43pour laisser la place à cette faune,
52:45qui en plus sont des Grands Tétras
52:47qui viendraient de Norvège, je crois bien,
52:49qui sont quand même très délocalisés.
52:51Evidemment, ça pose problème,
52:53mais politiquement, c'est compliqué
52:55de dire qu'on va fermer la forêt.
52:57L'année dernière, j'avais fait intervenir
52:59les gens de la DREA, le Grand Rest,
53:01qui étaient absolument partisans
53:03de réintroduire le Grand Tétras,
53:05qui avaient réintroduit le Grand Hamster
53:07aussi de la même façon.
53:09Tout ça, il y a beaucoup de communication,
53:11beaucoup de politique, et on est loin
53:13de la connaissance du milieu,
53:15de la connaissance des habitats
53:17et de la faune. On va remettre
53:19des Grands Tétras pour dire que d'ici
53:21quelques années, on pourra les chasser.
53:23Il intervient aussi toujours ce fameux lobby,
53:25entre autres dans les régions
53:27comme le Grand Est, où le lobby
53:29de la chasse est extrêmement virulent.
53:31Oui, la réintroduction,
53:33ça marche dans certains cas,
53:35et c'est absolument fabuleux,
53:37mais ça ne marche pas dans tous les cas.
53:39Dans le cas des Vosges, la réintroduction
53:41du lynx, par exemple,
53:43à tel point qu'il a de nouveaux
53:45dispo.
53:47Il n'y a que dans le Jura où il se maintient.
53:49Alors qu'on parlait des vautours tout à l'heure,
53:51dans l'Ecosse ou dans le sud des Alpes,
53:53ça a été un succès absolument incroyable.
53:55Le monde entier nous envie le succès
53:57de la réintroduction des vautours,
53:59mais ça ne marche pas à tous les coups.
54:01Il faut bien étudier son coût.
54:03Qu'est-ce qui marche alors ?
54:05Les vautours, les castors,
54:07les cigognes.
54:09Je pense qu'il y a des espèces
54:11comme les grands mammifères,
54:13les grands prédateurs.
54:15C'est très compliqué. Ils ont besoin
54:17de tranquillité et de milieux riches
54:19pour leur offrir suffisamment de nourriture.
54:21Est-ce qu'il y a suffisamment
54:23de régions qui sont aptes
54:25à offrir ce genre de refuge ?
54:27C'est vrai qu'on a la chance
54:29en France d'avoir une diversité
54:31de milieux très différents
54:33qui se sont construits
54:35il y a plus de 20 000 ans.
54:37On a des régions,
54:39comme le Vercors,
54:41ou les Pyrénées,
54:43qui offrent des refuges,
54:45qui ne sont que des refuges,
54:47parce qu'il y a de l'organisation
54:49et de l'activité humaine partout.
54:51Les bouquetins, ça a bien marché
54:53avec les bouquetins des Alpes,
54:55dans les Pyrénées, il y a quelques années.
54:57Ils ont réintroduit quelques dizaines
54:59d'individus.
55:01C'est parti tout de suite,
55:03très fort. Il y a quand même
55:05pas mal de succès. François, il faut garder
55:07le sourire.
55:09C'est une journée
55:11sous le signe de la joie.
55:13J'avais une question à propos
55:15des actions citoyennes. Vous en parliez
55:17tout à l'heure. J'ai lu un papier dans
55:19Oui Demain sur
55:21les havres de paix
55:23sauvages. C'est un label.
55:25Je ne sais pas si quelqu'un en a entendu parler
55:27parmi vous. C'est la possibilité...
55:29Vous connaissez, Laurent ?
55:31Qu'en pensez-vous
55:33de cette possibilité ?
55:35C'est de la com ?
55:41Vous voulez répondre ?
55:43Très bien.
55:45Allez.
55:47C'est Marc Giraud.
55:49C'est M. Marc Giraud.
55:51Il est dans son petit coin, là-bas.
55:53Salut, Marc.
55:59Bonjour.
56:01Je pense qu'il s'agit des havres de vie sauvage.
56:03C'est encore
56:05l'ASPAS qui a fait ça.
56:07On sera copiés si ça marche bien, comme d'habitude.
56:09C'est-à-dire
56:11qu'on profite
56:13d'une mesure administrative
56:15qui s'appelle les ERE, les obligations réelles
56:17environnementales, où on permet
56:19aux gens qui laissent leur
56:21domaine
56:23en libre évolution,
56:25justement, on les aide.
56:27Pour ça, il faut des partenaires,
56:29quelqu'un de local, une mairie,
56:31ou une ASOS.
56:33L'ASPAS aide à faire ce genre de choses.
56:35On ne sait pas si ça va marcher,
56:37parce que c'est très contraignant.
56:39Les gens qui ont 5 hectares,
56:41super, ils ne peuvent plus cueillir
56:43ou rien faire.
56:45On a inauguré ça dans les Deux-Sèvres,
56:47près de Minigouttes, il y a un an,
56:49à peu près, avec Delphine Bateau.
56:53Pendant la nuit, avant l'inauguration,
56:55il y a eu des impacts
56:57de balles un peu partout sur les panneaux.
56:59C'est surtout les mentalités
57:01que ça fait évoluer,
57:03cette histoire de libre évolution.
57:05Tout le monde nous dit que c'est la nature sous cloche,
57:07mais ça ne veut rien dire. Dans l'esprit des gens
57:09qui disent ça, nature sous cloche,
57:11c'est nature sans exploitation.
57:13C'est une idée très difficile à faire comprendre
57:15que la nature peut se débrouiller toute seule,
57:17que ça ne va pas entraîner
57:19des pullulations de vermines, etc.
57:21Donc déjà,
57:23même si c'est un peu dérisoire
57:25ce qui se passe aujourd'hui au niveau de la protection
57:27des espaces, je ne sais pas pour les autres
57:29assos, mais pour l'espace, ça doit être
57:31500 hectares en tout en France.
57:33Non, 1 000 hectares, ce n'est pas grand-chose.
57:35C'est rien. Mais ça fait évoluer
57:37les esprits, et il y a déjà du boulot.
57:39Voilà.
57:41C'est les
57:43Havres de Vie Sauvage, HVS.
57:45Quand c'est des grands espaces
57:47qu'on avait inaugurés
57:49avec Stéphane et Jacques Perrin,
57:51là, c'est des RVS, des Réserves de Vie Sauvage
57:53qui sont pour la plupart dans la Drôme.
57:55Voilà.
57:56Il y a une taille plus petite ?
57:58Est-ce que la LPO appelle les refuges LPO ?
58:00Il y a plein d'associations,
58:02les refuges.
58:04Il y a Refuge à LPO, ASPAS.
58:06Il y en a plein.
58:08Ça, c'est dans son jardin.
58:10On s'engage à ne pas mettre
58:12de pesticides
58:14à protéger la nature.
58:16Ça peut aussi permettre d'interdire la chasse
58:18chez soi, ce qui n'est pas toujours facile
58:20en France.
58:22Peut-être pour rebondir
58:24sur la question de François,
58:26qu'est-ce qu'on peut faire ?
58:28Au niveau environnement,
58:30il y a une multitude, une pléthore,
58:32une nébuleuse d'associations naturalistes
58:34en France qui ont tous des bonnes idées,
58:36des bonnes initiatives.
58:38En face, il y a une fédération de chasse
58:40qui est unique.
58:42Chaque chasseur reçoit une liste
58:44d'arguments de langage.
58:46Ils sont beaucoup plus forts
58:48parce qu'ils ont beaucoup plus d'argent.
58:50L'une des premières choses
58:52intéressantes à faire,
58:54c'est de fédérer plus largement
58:56et plus étroitement
58:58toutes les initiatives.
59:00C'est quelque chose que je regrette énormément.
59:02On n'est pas
59:04une fédération de la protection
59:06de l'environnement au sens large du terme.
59:08Je sais bien qu'il y a d'autres structures,
59:10mais quelque chose de plus fédéré
59:12qui pourrait rassembler des dizaines
59:14voire des centaines de milliers de personnes
59:16avec des moyens, avec un lobbyiste
59:18qui serait important.
59:20Malheureusement, je pense
59:22que c'est très intéressant à faire,
59:24mais on en est loin.
59:26Il y a tellement de chapelles en France
59:28que c'est compliqué.
59:30Merci beaucoup, Rémi et Stéphane.
59:32On va vous applaudir.

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