Jean-Moulin, la vérité retrouvée (2022)

  • il y a 3 mois
Jean Moulin, la vérité retrouvée est un documentaire historique sorti en 2022 qui revient sur l'arrestation et la mort du célèbre résistant français Jean Moulin pendant la Seconde Guerre mondiale.
Résumé du documentaire
Le 21 juin 1943, Jean Moulin, chef du Conseil National de la Résistance, est arrêté à Caluire près de Lyon par la Gestapo dirigée par Klaus Barbie. Torturé pendant plusieurs semaines, il finit par être exécuté par les Nazis le 8 juillet 1943 près de Metz. Le documentaire d'Emmanuel Amara explore les circonstances troubles de cette arrestation qui a longtemps alimenté les spéculations sur une éventuelle trahison. À travers des témoignages d'historiens et l'analyse de nouveaux éléments, il tente de faire la lumière sur les derniers jours de Jean Moulin.
Nouvelles révélations
Le film apporte notamment des révélations sur le rôle controversé du résistant René Hardy, soupçonné d'avoir dénoncé Moulin aux Allemands. Il dévoile également des documents inédits issus des archives militaires allemandes récemment déclassifiées. En croisant ces nouvelles pièces du puzzle avec les témoignages existants, le documentaire propose une relecture éclairante des événements tragiques ayant conduit à l'élimination de l'un des plus grands héros de la Résistance française. Mêlant rigueur historique et suspense, Jean Moulin, la vérité retrouvée offre un regard neuf et captivant sur l'une des affaires les plus mystérieuses de la Seconde Guerre mondiale en France.
Transcript
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01:00Lorsque les Allemands arrivent à Chartres, donc ils les accueillent, l'évêque est parti dans le sud du département, le maire est parti, il reste 800 personnes dans cette ville de 30 000 habitants.
01:13Apparemment les choses se passent très bien au départ et puis dans la journée on vient et on cherche à le torturer pour lui faire signer un document accusant les tirailleurs sénégalais qui ont défendu la ville avec héroïsme.
01:25Lorsque Jean Moulin découvre les corps de ces femmes et ces enfants criblés d'éclats, il comprend tout de suite que ces civils sont les victimes d'un bombardement allemand.
01:41Il refuse de signer le protocole. Les Allemands insistent brutalement. Ayant peur de craquer sous la torture, le préfet, enfermé dans une petite pièce, fait une tentative de suicide en se tranchant la gorge.
01:59La sentinelle allemande le retrouve gisant par terre dans son sang et on va l'emmener à l'hôpital et il pourra être sauvé. Donc une épreuve terrible mais cette épreuve ne l'amène pas à renoncer à ses fonctions.
02:13Au cours de l'été 1940, le régime de Vichy se met en place. Muni des pleins pouvoirs, le maréchal Pétain lance la révolution nationale.
02:22L'écharpe au cou pour couvrir sa blessure, le préfet Moulin reste à son poste pour protéger ses administrés.
02:33Alors on a reproché à Moulin d'être resté préfet, d'être resté préfet de Vichy. Je crois qu'il a eu le réflexe du capitaine dans le vaisseau sombre et qui reste sous commande, je crois que c'était ça.
02:48On le voit qui freine autant qu'il peut les mesures antisémites, les mesures anti-maçonniques et les mesures anticommunistes.
02:56Il n'a pas confiance dans le gouvernement de Vichy et ne se reconnaît pas dans l'état de Vichy. Pour lui, Vichy n'incarne plus la nation mais la nation subsiste même quand l'état n'existe plus.
03:10Finalement, le 2 novembre 1940, Jean Moulin est révoqué par le régime de Vichy.
03:19C'est un homme de la troisième république Jean Moulin. Aux yeux de Vichy, il apparaît trop lié aux élites républicaines, notamment aux élites du parti radical.
03:30Jean Moulin a notamment fait partie du gouvernement du Front populaire de Léon Blum. Directeur de cabinet de Pierre Cotte, le ministre de l'Aviation, il s'est beaucoup battu pour défendre les républicains espagnols contre le dictateur Franco.
03:43A Chartres, il prépare son entrée dans la clandestinité.
03:48Au cours de sa dernière journée passée dans les services de la préfecture de Chartres, il se fait confectionner des faux papiers au nom de Joseph Mercier.
03:58Joseph Mercier, c'est intéressant, il garde les mêmes initiales, JM, ça lui sert donc de couverture.
04:04Et s'il se dote immédiatement d'une couverture, c'est bien parce qu'il a l'intention de faire quelque chose.
04:12Muni d'un laissé-passer, il rejoint la zone sud dite libre, direction les Bouches-du-Rhône, où il retrouve notamment sa sœur Laure.
04:22Et à partir de ce moment-là, il va avoir une double vie. Il vient un certain nombre de jours par mois à Saint-Andiol. Il est le préfet hors cadre, le citoyen lambda.
04:33Et puis le reste du temps, il vit à l'hôtel à Marseille et il prend des contacts.
04:38Pendant le temps d'attente, se créent les premières organisations, les premiers noyaux de résistance. Donc il les voit se constituer.
04:49En tant qu'ancien préfet, Jean Moulin a été directement informé des premières initiatives de la résistance française.
05:00Sous sa fausse identité de Joseph Mercier, Jean Moulin obtient un visa pour les États-Unis qui lui permet de quitter la France le 9 septembre 1941.
05:10Il traverse l'Espagne pour rejoindre Lisbonne. Pendant les quelques semaines de son séjour portugais, il rédige un rapport sur les premiers réseaux de résistants dont il a rencontré les chefs en zone sud.
05:23Notamment Henri Frénet, qui dirige le MLN, le Mouvement de Libération Nationale Futur Combat. Moulin, alias Mercier, rejoint Londres en octobre 1941.
05:34Le choix de Londres, il l'a forgé parce qu'il estime très vite que le général de Gaulle, le chef de la France libre, est la seule autorité qui représente l'État.
05:48De Gaulle est un militaire qui veut représenter la France à l'étranger avec les alliés, se faire écouter, s'imposer. Mais la résistance en France, il n'y a pas encore vraiment pensé.
06:00Son joker, son as de pique, ça va être Jean Moulin. Un préfet en plus. De Gaulle a le plus grand respect pour les préfets, même et surtout quand ils avaient été licenciés.
06:10Et donc son homme, c'est Jean Moulin. Il va lui donner une mission. La mission, c'est d'unifier tous ces mouvements sous l'autorité de son délégué. Et son délégué, ça va être Jean Moulin.
06:23Jean Moulin sera à la fois l'unificateur des mouvements de résistance et le délégué du général de Gaulle.
06:29Muni de ces deux ordres de mission, d'un montant d'argent conséquent, il dispose aussi de moyens de communication radio direct avec le général de Gaulle à Londres.
06:39Et il y a un avion de la Royal Air Force qui est un bombardier transformé pour les parachutages simples, qui les transporte jusqu'à l'endroit qu'aurait souhaité Jean Moulin, qui est le Mazet, le Petit-Mars, la petite bergerie qu'il a à Égalière, dans le nord des Bouches-du-Rhône.
06:58En compagnie de son agent de liaison, Raymond Fassin, du radio Montjarret, il saute à l'aveugle dans les alpilles sans équipe de réception au sol.
07:17Il passe la nuit du 2 au 3 janvier 1942 dans le refuge acquis à Égalière, puis rejoint la maison familiale de Saint-Andiol à pied.
07:27Moulin, qui est devenu Rex, organise l'installation de ses activités clandestines à Lyon, ville dans laquelle tous les mouvements de résistance se sont basés.
07:36Jean Moulin porte sur lui effectivement des sommes d'argent qui seront destinées au mouvement, les instructions du général de Gaulle qu'il cache sous forme de micro-photos dans une petite boîte d'allumettes.
07:53Pendant ses premiers mois, il est un peu seul. Il s'appuie sur sa famille et son réseau d'amitié pour poser les premiers jalons de son organisation à Lyon.
08:03Lyon, c'est central, c'est pas loin de la zone de démarcation, les liaisons avec Paris sont possibles, la liaison avec Vichy, où malgré tout est installé le gouvernement, est également possible.
08:16On n'est pas loin de la Méditerranée, donc la position est centrale.
08:19L'envoyé de De Gaulle maintient sa double identité. En tant qu'ancien préfet, il se sait surveillé par la police de Vichy. Et pour tromper les autorités françaises, il maintient sa véritable identité.
08:32Sa vie privée est organisée, un certain nombre de jours par semaine à Lyon, un certain nombre de jours par semaine à Saint-Adiol, où il est le monsieur boulin parfait.
08:42Il a une galerie de peinture à Nice qui lui permet de satisfaire ses goûts de collectionneur d'art et puis de circuler.
08:51Mais au cours des premiers mois de sa mission, il fait tout tout seul. Il n'a pas de secrétaire, il n'a pas de dactylo, il n'a pas de radio, donc c'est lui qui écrit lui-même ses rapports, c'est lui qui décrypte les messages qu'on peut lui envoyer.
09:05Pour épauler la résistance qui s'organise, la France Libre envoie des agents en France.
09:11Un homme, le lieutenant Daniel Cordier, agent du BCRA, le bureau central de renseignement et d'action, est parachuté près de Montluçon le 26 juillet 1942.
09:21Il gagne rapidement Lyon et entre au service de Moulins. Daniel Cordier, alias Alain, est au quotidien l'un de ses plus proches collaborateurs.
09:31Daniel Cordier va véritablement mettre sur pied ce qu'est la délégation générale, constituée d'une petite vingtaine de personnes, de gens sûrs et dévoués.
09:42C'est-à-dire une sorte de secrétariat animé par Cordier pour remplir un certain nombre de missions, missions de rédaction de rapports, déchiffrage des télégrammes envoyés depuis Londres, mise en place des rendez-vous clandestins, et Cordier devient un petit peu le couteau suisse, l'homme à tout faire de Jean Moulin.
10:07À son retour en France, Jean Moulin a rencontré Henri Frénet de Combat, à qui il remet des fonds pour le financement de son activité de résistance.
10:15Par son intermédiaire, il entre en contact avec les deux autres mouvements de résistance de la zone sud, Emmanuel Dastier de la Vigerie, qui dirige Libération Sud, et Jean-Pierre Lévy de Franc-Tireur.
10:29Assez vite ensuite, les chefs de mouvement comprennent que Jean Moulin est devenu le représentant du général de Gaulle, c'est-à-dire celui qui est chargé de faire appliquer les ordres et les instructions de de Gaulle par les chefs de mouvement.
10:44Et forcément, ça passe pas très bien parce que ces chefs de mouvement, eux, ont développé leur organisation de façon totalement autonome vis-à-vis de la France libre.
10:56Ce qui pose particulièrement problème est la mise en place d'une armée secrète qui regrouperait l'ensemble des forces combattantes de ces mouvements sous une tutelle militaire dépendante de de Gaulle.
11:07Henri Frénet, un militaire de carrière qui dirige le plus puissant d'entre eux, voit cela d'un très mauvais œil.
11:15Mais peut-il laisser échapper la direction de l'armée secrète ?
11:19Pour Jean Moulin, il est clair qu'il ne faut pas que cette armée secrète soit dans les mains d'Henri Frénet.
11:25Henri Frénet dit mais nous sommes faits tout seuls, on n'a pas eu besoin de la France libre pour nous constituer.
11:30Donc il faut quelqu'un de fidèle, reconnu, respecté.
11:36Le général Charles de Lestrin est un officier de cavalerie que connaît bien le général de Gaulle.
11:41Patriote et respectueux de la République, c'est un candidat parfait, même si ce n'est pas un spécialiste du combat clandestin.
11:48Mais c'est un homme consensuel qui est à la hauteur de la tâche.
11:53Et donc c'est Charles de Lestrin, officier de char effectivement, qui présente toutes les qualités de grade, de reconnaissance,
12:03qui en même temps, comme on est allé le chercher, est tout à fait dévoué à la France libre,
12:09et qui va être admirable de ce point de vue là, mais en même temps ça ne règle pas la question Frénet.
12:14Pour respecter les rapports de force au sein de la résistance, des hommes de combat intègrent de hautes positions au sein de l'état-major de l'armée secrète.
12:23Henri Aubry, alias Thomas, deviendra inspecteur de l'AS, puis chef d'état-major de De Lestrin.
12:31Aubry, c'est un des premiers compagnons d'Henri Frénet.
12:34C'est un militaire de carrière, c'est un personnage controversé Aubry.
12:39Controversé parce que ceux qui l'ont côtoyé ont un avis qui est un avis mitigé sur lui.
12:50Il a une tendance peut-être à prendre ses désirs pour des réalités, il ne paraît pas d'une fiabilité totale.
12:58Mais il est fidèle à Frénet.
13:01Malgré ses difficultés, Jean Moulin mène à bien les deux premières missions que lui a confiées De Gaulle.
13:06La création de l'armée secrète en septembre 1942,
13:10et la mise en place d'un comité de coordination qui permet le rapprochement des trois mouvements de résistance de la zone sud.
13:16La première institution qui se met en place à partir de septembre, octobre 1942,
13:21c'est une armée secrète qui va permettre de fusionner l'ensemble des branches paramilitaires des trois mouvements.
13:29Et puis ensuite se met aussi en place un comité de coordination,
13:32qui est chargé là aussi de rapprocher les trois grands mouvements de zone sud,
13:37combat, libération et franc-tireur, et de développer entre eux une forme de coopération.
13:45Militairement, la situation évolue.
13:49Le 8 novembre 1942, les alliés anglo-américains débarquent avec succès en Afrique du Nord.
13:55Ce débarquement, suivi de l'envahissement de la zone sud par les troupes nazies,
13:59accélère un peu plus la nécessaire union de la résistance intérieure.
14:03A Alger, les américains imposent des hommes de Vichy.
14:09Cette politique américaine qui consiste toujours à traiter avec la plus haute autorité en place,
14:15en l'occurrence l'amiral d'Arland, qui est le chantre de la collaboration,
14:19et qui, lorsqu'il est éliminé, impose le général Géraud.
14:23Et de Gaulle, qui se trouve marginalisé, isolé, par notamment les américains,
14:29eh bien il lui reste une carte en main, c'est la résistance intérieure.
14:33Parce que la résistance intérieure, elle, elle est très attachée, par son combat, à une restauration de la démocratie.
14:42Pour ce faire, dans la nuit du 13 au 14 février 1943,
14:46Jean Moulin retourne rendre compte de sa mission à Londres,
14:50accompagné du général de Lestrin, organisateur et chef de l'armée secrète.
14:54À Londres, Charles de Gaulle le décorde la croix de la libération,
14:58et le nomme secrètement ministre, membre du gouvernement français en exil,
15:02et seul représentant de ce comité pour l'ensemble du territoire métropolitain.
15:07C'est ce qui va pousser de Gaulle à confier à Jean Moulin sa deuxième mission,
15:13à partir du début de l'année 1943, c'est la création d'un grand conseil de la résistance,
15:18qui puisse unir l'ensemble des forces résistantes en une seule institution,
15:25et placer cette institution sous l'autorité du général de Gaulle.
15:29C'est une façon, bien sûr, de renforcer la légitimité de de Gaulle,
15:32et de lancer un message très clair aux alliés, en leur expliquant,
15:35vous voyez, moi j'ai le soutien des résistants de l'intérieur, ce que n'a pas le général Giraud.
15:43Pour que ce futur conseil de la résistance soit viable, il faut qu'il soit le plus représentatif possible.
15:49Pour cela, Rex propose à de Gaulle que ce comité inclue tous les partis et syndicats
15:54qui ont fait le choix de la résistance.
15:57Cette idée déclenche une crise majeure avec les chefs de la résistance,
16:01qui veulent faire table rase du passé.
16:05De Gaulle a besoin d'une représentation des partis et des syndicats,
16:09parce que les chefs de mouvement, qui bien souvent n'avaient pas eu d'engagement avant la guerre,
16:14sont totalement inconnus à l'international.
16:17Alors qu'un parti comme la SFIO, des grands syndicats comme la CGT, la CFTC,
16:23ont des leaders qui eux sont connus, ont une légitimité,
16:26et bien sûr les inclurent dans le conseil de la résistance.
16:29Pour l'image du général de Gaulle, c'est quelque chose de fondamental.
16:34Depuis juillet 1940, la police de Vichy traque les résistants en zone sud.
16:39Pétain avait également autorisé les redoutables voitures goniométriques allemandes,
16:44spécialisées dans le repérage d'émissions radio des résistants.
16:47Avec leur arrivée massive en zone sud,
16:50les allemands décident de se débarrasser une fois pour toutes d'une résistance
16:53qui pourrait les gêner sur leurs arrières.
16:56Les services allemands, le SIPO-SD, l'APVR, sont des professionnels de la traque.
17:01Et c'est ainsi que leur premier semestre en 1943 est terrible du point de vue de la répression.
17:08Répression accrue parce qu'il faut imaginer qu'à l'époque,
17:12comme il y a eu le débarquement le 8 novembre 1942 au Maroc et en Algérie,
17:17les allemands pensent au plus haut niveau qu'il va y avoir une autre coopération sur les côtes de Provence.
17:23Marseille est évidemment une cible essentielle pour les allemands avant même l'occupation.
17:29Ils savent que la ville est dangereuse.
17:31La très grande manifestation du 14 juillet 1942 a montré que la ville est hostile,
17:36en plus des représentations sur la mauvaise réputation de Marseille, bien entendu.
17:41Donc très tôt, les allemands installent un service de police, un KDS comme on dit,
17:47le SIPO-SD, extrêmement important.
17:51L'une des premières cibles des allemands, c'est la résistance à Marseille.
17:55Un homme va croiser leur chemin.
17:58Jean Multon, un agent d'assurance de la Vienne, gagne la zone libre à l'automne 1942.
18:04Arrivé à Marseille, Multon entre à combat au sein duquel il devient rapidement
18:09l'homme de confiance du chef régional de ce mouvement, Maurice Chevance.
18:14Multon, alias Lunel, jusqu'à la fin avril 1943, remplit des missions à Marseille et à Lyon.
18:21Il y apprend des adresses, des lieux de rendez-vous, des boîtes aux lettres.
18:26Il devient le bras droit, le chef régional du mouvement de combat pour la Provence.
18:32Donc il a une position qui est une position privilégiée.
18:38Il connaît, dans le petit milieu de la résistance organisée en 1942-43,
18:45il connaît à peu près tout ce qui compte.
18:48Il est arrêté le 28 avril 1943 et il se met au service du chef de l'antenne de Marseille,
18:56Ernst Dancker, dès le 30 avril.
19:00Très vite, ce retournement va entraîner l'arrestation de 122 résistants marseillais,
19:08donc toute une filière, et également permettre à cette antenne d'avoir des précisions
19:15sur tous les chefs de la résistance de zone sud.
19:18Mais à Lyon, on ne sait pas, on ne mesure pas ce qui se passe à Marseille.
19:23Il faut quand même imaginer la difficulté des liaisons.
19:27Et puis, que c'est exactement l'UNED ? C'est toujours pareil.
19:31Les résistants sont des amateurs.
19:33Pendant ce temps, Jean Moulin avance sur la mise en place du CNR,
19:37le Conseil National de la Résistance.
19:39La date retenue pour la réunion fondatrice est le 27 mai 1943.
19:44L'enjeu politique est majeur.
19:46Rien que la proclamation de la formation à venir du CNR
19:50sauve littéralement De Gaulle et la France libre.
19:53Il faut frapper un grand coup, et le grand coup, c'est celui qui arrive effectivement le 15 mai.
19:57Quelle que soit l'issue des tractations, de toute façon,
20:00la résistance ne reconnaîtra pas d'autre chef que le général De Gaulle.
20:04Voilà, c'est une proclamation qui arrive évidemment à point nommé
20:08dans les grandes difficultés qu'éprouve De Gaulle à ce moment-là.
20:11Il ne faut pas oublier que pendant ce temps-là, Churchill se trouve à Washington
20:17et que Roosevelt est en train d'essayer de le persuader d'abandonner De Gaulle.
20:23Le 27 mai 1943, dans Paris occupé,
20:27où le ministre Moulin a installé le siège de son administration
20:30et les mouvements, leurs quartiers généraux,
20:32se tient la première réunion de ce conseil.
20:34Les 16 représentants de tous les mouvements de la résistance,
20:37ainsi que les chefs des partis politiques et des syndicats,
20:40enterrinent la fondation du CNR.
20:43Cette réunion aux 48 rues du Four, dans un Paris occupé,
20:47tient d'une prouesse extraordinaire.
20:49Non seulement la création du conseil de la résistance permet
20:53d'unifier la résistance intérieure,
20:55on peut dire qu'on passe d'ailleurs des résistances à la résistance,
20:58et elle permet aussi de placer cette résistance
21:01sous l'autorité du général De Gaulle.
21:04En parallèle, sur l'échiquier de la répression nazie en France,
21:08les hommes de la Gestapo avancent leur pion.
21:10Jean Multon, alias Lunel, qui a si bien servi à Marseille,
21:14est prêté au chef de la Gestapo lyonnaise, Klaus Barbie,
21:17pour y débusquer les cadres de la résistance,
21:20notamment Henri Frénet, le chef de combat qu'il a déjà rencontré.
21:24Pensant piéger Frénet, c'est la résistante Berthie Albrecht,
21:28proche du chef de combat, qui tombe entre les mains de la Gestapo
21:31le 28 mai 1943.
21:33Un premier succès pour le redoutable Multon.
21:36Et il propose de donner les boîtes aux lettres de Lyon.
21:41Et par conséquent, il est mis à disposition du KDS,
21:45c'est-à-dire de la police allemande de Lyon,
21:48à la fin mai 1943.
21:52Les boîtes aux lettres sont l'un des principaux moyens
21:55de communication de la résistance.
21:57Elles sont particulièrement efficaces et anonymes
21:59dans les immeubles lyonnais qui n'ont pas de concierge.
22:02Et pendant ce même mois de mai, Multon donne aux nazis
22:05l'adresse d'une boîte aux lettres stratégique
22:07aux 14 rues Bouteille de Lyon.
22:10Elle sert à Henri Aubry, l'un des chefs de combat.
22:13Elle est également utilisée par le général de l'Estrin,
22:15le chef de l'armée secrète, et René Hardy,
22:18un autre cadre important de combat.
22:21René Hardy, qui est un résistant de la première heure,
22:26c'est un ancien insulteur, ingénieur à la SNCF,
22:30qui a voulu gagner Londres, qui n'a pas pu gagner Londres,
22:33et qui a été arrêté et qui a été interné pendant plusieurs mois
22:38dans des conditions très dures au bagne de Toulon.
22:43C'est dans ce bagne de Toulon, pendant l'été 1941,
22:47qu'il s'est noué d'amitié avec Pierre Guillin de Benouville,
22:50un résistant de la première heure et futur numéro 2 de combat.
22:54Lorsqu'Hardy sort de prison, Benouville va le prendre sous son aile
22:58en le faisant entrer dans la résistance.
23:01C'est Benouville qui lui apporte de quoi vivre
23:04et qui le fait rentrer dans la résistance, dans le mouvement, dans le combat.
23:08Il devient le responsable des sabotages offerts pour le mouvement.
23:13Et c'est lui qui fait le plan des sabotages
23:17pour le jour du débarquement allié.
23:22C'est donc extrêmement important.
23:25Début juin 1943, Hardy, alias Didot,
23:29relève un message dans la boîte aux lettres de la rue Bouteille,
23:31surveillée par les Allemands.
23:35Des rendez-vous de travail lui ont été fixés à Paris pour le 8 juin
23:39avec des membres de son mouvement.
23:41Il prend un train de nuit pour Paris
23:43à la gare Perrache de Lyon le 7 juin 1943.
23:46Sur le quai, il croise plusieurs personnes.
23:49Lazar Rachlin, le chef d'un petit réseau de résistance,
23:52est sur ce même quai.
23:54Il reconnaît de loin le sinistre Multon, alias Lunel.
23:59Mais pour l'instant, on n'est pas sûr qu'il soit un argent double.
24:10Hardy se méfie.
24:12Et il dit à quelqu'un, s'il m'arrive quelque chose,
24:17dites-vous bien que Lunel m'a vu monter dans le train.
24:24Peu de temps après le départ,
24:26Hardy est arrêté dans le train par la Gestapo,
24:29accompagné de Multon.
24:31Il est descendu sous bonne garde à la gare de Châlons-sur-Saône.
24:35Et il est conduit directement à Lyon
24:38où il est interrogé par le chef de la section SD de Lyon,
24:44qui est le sinistre Barbie.
24:47Il va rester une journée et demie
24:50avec Barbie.
24:52Et Barbie a trouvé dans la poche du costume de Hardy
24:57une lettre extrêmement passionnée de Lydie Bastien.
25:02Et vraisemblablement, il le fait chanter sur ce point.
25:07Soit tu coopères, soit alors c'est notre agent
25:10et nous la livrons à la résistance,
25:12et tu sais ce qu'ils en feront.
25:14Soit alors nous la torturerons.
25:16Et tu reviendras régulièrement nous voir
25:19à la Gestapo de Lyon.
25:22Et si tu t'enfuis,
25:24nous arrêterons la famille de Lydie Bastien.
25:27Lydie Bastien, une belle jeune femme de 22 ans,
25:30travaille comme agent de la Gestapo à Lyon.
25:33Elle est proche de Harry Stengritt,
25:35l'adjoint de Klaus Barbie.
25:37Elle aurait été chargée de séduire René Hardy
25:40afin d'infiltrer la résistance.
25:42Avec Hardy, elle vivra pourtant une vraie histoire d'amour.
25:46Mais lui ne sait rien de ses liens avec la Gestapo.
25:49Grâce à cela, René Hardy a accepté
25:53de se mettre au service de Barbie.
25:56Cela étant, il s'est cru très fort sur René Hardy.
26:00Il a cru qu'il pouvait se jouer de Barbie.
26:04Et en réalité, il ne s'est pas rendu compte
26:07qu'il était instrumentalisé.
26:09À Lyon, une autre femme est manipulée par Klaus Barbie.
26:13Elle s'appelle Ennemy de l'Etrase.
26:16Ennemy travaille pour le réseau de résistance Gilbert,
26:19basé en Suisse et dirigé par Georges Grossard,
26:22un militaire français.
26:24Ennemy de l'Etrase est arrêté par Klaus Barbie
26:27en avril 1943.
26:29Il la force à travailler comme agent double
26:32sous la menace de les déporter, elle et son jeune enfant.
26:36En ce printemps 1943,
26:38l'étau se resserre sur la résistance.
26:41Après l'arrestation de Hardy,
26:43le lendemain, le 9 juin,
26:45c'est le général Charles Delestrin,
26:48le chef de l'armée secrète,
26:50qui est arrêté à Paris,
26:52à la station de métro muette,
26:54par les hommes de la Gestapo de Lyon.
26:57L'arrestation de Delestrin
26:59passe par la découverte de rendez-vous.
27:03Et il semble bien qu'Aubry ait oublié
27:06de signaler que cette boîte aux lettres était brûlée.
27:10En conséquence, c'est certainement une faute manifeste.
27:14Donc l'arrestation de Delestrin
27:16vient d'un travail policier logique
27:19de la part des Allemands.
27:21On a une information, on la vérifie,
27:24et on arrête le chef de l'armée secrète.
27:27Henri Delestrin,
27:29l'un des cadres de combat
27:31et le chef d'état-major du général Delestrin,
27:34avait oublié de signaler au réseau de la résistance à Lyon
27:38que la boîte aux lettres stratégique de la rue Bouteille
27:42était grillée.
27:44Pour Jean Moulin, l'armée secrète et la résistance intérieure,
27:48c'est un revers de taille.
27:50Là, on est à un moment charnière
27:52parce que l'arrestation du général Delestrin
27:55nécessite de lui trouver un remplaçant.
27:58Jean Moulin décide d'organiser à Calhuir
28:01une réunion avec les principaux responsables
28:04de la résistance militaire en zone sud.
28:07L'idée de Jean Moulin, à cette réunion de Calhuir,
28:10c'était de nommer René Aubrac pour la zone nord
28:14et puis le colonel Schwarzfeld,
28:16qui était l'un des chefs d'un petit mouvement lyonnais,
28:19comme chef de la résistance zone sud pour l'armée secrète,
28:23en attendant la nomination par Londres.
28:26Contrevenant à toutes les règles de sécurité,
28:28Pierre Guillin de Bénouville, le numéro 2 de combat,
28:31demande à Hardy d'aller à cette réunion,
28:34alors qu'il n'y est pas convié.
28:36Il ne fallait pas que cette direction
28:40échappe totalement à leur contrôle
28:43et retombe totalement sous la coupe de Jean Moulin.
28:46La réunion doit avoir lieu le 21 juin 1943
28:49à 14h à Calhuir, sur les hauteurs de Lyon,
28:52chez Jean Dugoujon, un médecin proche de la résistance.
28:55Toutes les précautions ont été prises,
28:58mais un certain nombre de participants peuvent être suivis.
29:01C'est le cas de Raymond Aubrac,
29:03du mouvement Libération Sud,
29:05qui avait déjà été arrêté,
29:07ou du colonel Albert Lacaze,
29:09le chef du renseignement de l'armée secrète.
29:11Ce jour-là, c'est René Hardy qui est filé.
29:14Il est suivi par Ennemé de l'Etrase,
29:16la résistante que Klaus Barbie fait chanter.
29:19Elle doit l'avertir du lieu de rendez-vous.
29:22Elle a cherché à prévenir
29:24à trois services différents.
29:27Et on a la preuve.
29:29À la Croix-Rouge,
29:31puis quelqu'un de l'organisation de la résistance armée,
29:34de l'ORA, et quelqu'un de Franc-Tireur.
29:37Personne ne savait où avait lieu la réunion,
29:39on n'a pas pu l'empêcher, c'est trop tard.
29:42Elle est arrivée à une heure et demie
29:44à l'endroit déterminé.
29:46Elle a suivi René Hardy.
29:48Manque de chance, fait rarissime,
29:51le colonel Émile Schwarzfeld,
29:53le chef d'un petit mouvement de résistance
29:55et pressenti par Moulin pour prendre la tête
29:57de l'armée secrète, arrive très en retard.
30:00Le colonel Schwarzfeld est arrivé avec trois quarts d'heure de retard.
30:03Moulin n'arrivait jamais en retard à Hanoï.
30:05Et les réunions s'étaient expédiées
30:07en une demi-heure, trois quarts d'heure.
30:10S'il n'était pas arrivé en retard,
30:12la Gestapo serait arrivée plus tard.
30:15Vers 15h, ce lundi 21 juin 1943,
30:19les forces de la Gestapo dirigées par Klaus Barbie
30:22bloquent toutes les issues du cabinet du docteur Dugoujon
30:25et arrêtent par surprise les personnes à l'intérieur
30:28du petit immeuble de Caluire.
30:30Pourtant, un homme parvient à s'enfuir.
30:33La facilité avec laquelle René Hardy s'évade
30:36a pris toutes les personnes arrêtées de cours.
30:38L'une d'elles, Raymond Aubrac,
30:40l'un des chefs de Libération Sud,
30:42se souvient de cette évasion douteuse.
30:46On nous a mis les mnotes.
30:48Tout le monde avait les mnotes, y compris les malades.
30:50Y compris le docteur, la bonne du docteur,
30:53les vieilles dames, tout le monde avait une paire de mnotes.
30:56Il était le seul de toutes ces personnes,
30:58y compris les malades, à ne pas avoir de mnotes.
31:01Il a été sorti un des premiers de la maison du médecin.
31:05Il a été amené près d'une traction avant.
31:08La Gestapo avait les tractions avant.
31:10Il a secoué le militaire allemand
31:14ou le SS allemand qui le tenait.
31:17Il a traversé la place en courant.
31:20Au milieu de quatre ou cinq Allemands armés de mitraillettes,
31:24on a entendu seulement un ou deux coups de feu isolés.
31:27C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de rafale.
31:29Et il a disparu.
31:31Mais pour moi, la présence de Hardy, non invité,
31:35et la manière dont il avait échappé
31:38au guet-apens de la Gestapo,
31:41pour moi, c'était impossible
31:44qu'il ne soit pas de mèche avec l'opération.
31:47À part l'évasion spectaculaire de René Hardy,
31:49toutes les personnes présentes dans le cabinet
31:51sont arrêtées et conduites à la prison de Montluc.
31:54S'y trouve Jean Moulin, devenu max,
31:56six membres de l'état-major de l'armée secrète,
31:58deux simples patients,
32:00le docteur Dugoujon et son assistante.
32:03À Paris, où il est désormais basé,
32:05Daniel Cordier attend les nouvelles quotidiennes de Jean Moulin
32:08que doit lui remettre un messager.
32:10Le rendez-vous a lieu le soir dans le métro parisien.
32:13Le métro arrive,
32:16et de la première voiture,
32:18il sort en courant, en venant vers moi,
32:21et je me lève.
32:24Et il me dit,
32:27Rex,
32:30et c'est drôle.
32:32Enfin, c'est drôle, c'est terrible.
32:35J'ai compris.
32:37J'ai compris et
32:40j'ai reculé
32:43pour me laisser tomber à nouveau sur le banc
32:46sur lequel je l'attendais.
32:48C'est très difficile de reconstituer après coup
32:53cette espèce
32:57d'anéantisation
33:00de tout,
33:02de tout ce que l'on fait, de tout ce que l'on espère,
33:05de tout ce que vaincement on voulait faire.
33:11Et en même temps, la révolte.
33:14À Lyon, les nazis savent qu'à cette réunion
33:17se trouve le délégué du général de Gaulle.
33:19Mais ils ne connaissent pas sa véritable identité.
33:22Chez le docteur Dugoujon,
33:24il est le patient Jacques Martel.
33:28Jean Moulin va arriver
33:31pendant plusieurs jours à cacher
33:34sa véritable identité.
33:37Et en fait, il sera dénoncé.
33:40Les allemands se sont acharnés
33:43sur Aubry.
33:46Et le mardi soir,
33:51Aubry aurait dit
33:53« Max, c'est celui-là ».
33:57Les responsables du CNR demandent au commissaire Charles Porte,
34:00un ami de Jean Moulin,
34:02toute la lumière sur l'arrestation de Caluire.
34:05Il doit aussi tenter de délivrer le ministre de De Gaulle
34:07des griffes de la Gestapo lyonnaise
34:09en montant une opération commando.
34:11Pour ce faire,
34:13il se voit confié par Daniel Cordier
34:15une importante somme d'argent.
34:17Chaque minute compte.
34:19Très vite, d'ailleurs, il y a une enquête
34:21qui est menée par le commissaire Porte
34:23pour savoir dans quelles conditions il a été arrêté.
34:26Ses camarades essayent de faire ce qu'ils peuvent
34:28avec les moyens qu'ils ont,
34:30les moyens limités.
34:32D'abord,
34:34où est-il ?
34:36On pensait qu'il était à Montluc à l'époque.
34:40Le commissaire Porte n'a pas trouvé
34:42beaucoup d'appui sur place.
34:45Lui, il ne connaissait pas grand monde.
34:47Donc, il n'a pas pu faire quoi que ce soit.
34:50Mais il y en a eu d'autres, je sais,
34:52mais qui venaient plutôt
34:54des groupes de Londres
34:56que des mouvements de résistants.
34:58Des mouvements de résistants s'étantaient
35:00quoi que ce soit
35:02de très sérieux.
35:04Le commissaire Porte
35:06adresse rapidement un long rapport au colonel Passy,
35:08chef du BCRA en Angleterre,
35:10dans lequel il rencontre amèrement
35:12de l'échec de sa mission d'exfiltration
35:14faute de moyens humains
35:16mis à la disposition par les mouvements de résistance.
35:20Dans les hautes sphères de la résistance intérieure,
35:22ils sont peu à pleurer l'arrestation de Jean Moulin.
35:24Avant le drame de Caluire,
35:26à Londres,
35:28Henri Frenet de Combat
35:30et Emmanuel Dastier de la Vigerie de Libération Sud
35:32avaient même demandé la mise à pied
35:34de Jean Moulin.
35:36Pendant ce temps,
35:38Moulin, dont l'identité a été révélée par Aubry,
35:40est torturé par Klaus Barbie
35:42au siège de la Gestapo
35:44dans l'école de santé Avenue Berthelot.
35:46Ils tentent de lui arracher des informations.
35:48Moulin ne parle pas.
35:54Le troisième
35:56ou le quatrième jour,
35:58par l'œilleton
36:00de ma porte de cellule
36:02qui donne sur l'escalier
36:04de la prison Manduc,
36:06je vois descendre Jean Moulin
36:08porté pratiquement
36:10par deux policiers allemands,
36:12les vêtements
36:14en locs, du sang.
36:16Un autre homme
36:18est présent aux côtés de Jean Moulin
36:20alors qu'il sort à peine d'une salle de torture.
36:22Ce rare entretien de Christian Pinault,
36:24l'un des dirigeants de Libération Nord,
36:26est diffusé pour la première fois.
36:30Sur un banc de la prison, le soir,
36:32au crépuscule, je trouve Jean Moulin
36:34étendu avec une plaie
36:36de 2 ou 3 millimètres à la tempe
36:38et mourant,
36:40manifestement mourant.
36:42Je suis resté 4 heures à côté de lui
36:44la nuit,
36:46avec un simple sentinelle
36:48qui nous gardait,
36:50essayant vainement de le ranimer,
36:52de lui parler,
36:54sans que personne ne s'occupe de nous deux,
36:56ni de lui, ni de moi.
36:58Alors vers minuit,
37:00on m'a fait remonter,
37:02on m'a donné une soupe
37:04et on m'a fait remonter dans ma cellule
37:06et je n'ai plus revu Jean Moulin de ma vie.
37:12On m'a décidé de le faire
37:14transférer à Paris,
37:16puis à Berlin,
37:18du fait de l'importance qu'il représente
37:20et il est certainement mort
37:22au cours de ce
37:24transfert vers l'Allemagne.
37:26La Gestapo vient,
37:28en octobre 1943,
37:30informer Laurent Moulin.
37:32À ce moment-là,
37:34il va à Paris et il obtient d'être
37:36reçu dans les bureaux de la Gestapo.
37:38Le type a été assez hautain,
37:40assez désagréable,
37:42puis il lui a dit
37:44il a été incinéré,
37:46la guerre n'est pas finie,
37:48quand la guerre sera finie,
37:50on vous rendra le machin,
37:52en parlant des sangs.
37:54La disparition de Jean Moulin
37:56et de l'état-major de l'armée secrète
37:58est un coup très dur porté à la Résistance
38:00et à la France Libre.
38:02Il a fallu des semaines pour réorganiser,
38:04recoordonner,
38:06chaque mouvement reprenant un peu son autonomie.
38:08Dans Paris Libéré, le 25 août 1944,
38:10un homme entend
38:12et rapporte les paroles que prononce
38:14le général de Gaulle.
38:16C'est un jeune officier de l'armée de l'air,
38:18Claude Guy, et l'aide de camp du général
38:20qu'il ne quitte pas d'une semelle.
38:22Il y aurait eu une conversation
38:24à laquelle aurait assisté
38:26l'aide de camp de Gaulle,
38:28dans laquelle
38:30dit, de Gaulle dit,
38:32ils ont fait cette chose,
38:34cette chose ignoble,
38:36ils ont livré
38:38un des leurs pour arriver
38:40les premiers à la libération.
38:44Voilà.
38:46Une phrase terrible
38:48que vient conforter en septembre 1944
38:50la découverte à Marseille
38:52d'un rapport rédigé le 17 juillet 1943
38:54par Ernst Dunker,
38:56le chef de l'antenne marseillaise
38:58de la Gestapo.
39:00Les nazis lui ont donné le nom de Floira,
39:02la première des 122 résistants
39:04arrêtés grâce à la trahison de Jean Multon.
39:08Ils clôturent la période de répression d'avril
39:10à juin 1943 pour Marseille
39:12et Lyon.
39:14Le rapport mentionne que Hardy,
39:16alias Didot, arrêté le 9 juin 1943
39:18dans le Lyon-Paris,
39:20a permis les arrestations de Caluire.
39:24Le nom de Hardy apparaît
39:26clairement dans ce rapport
39:28comme un contre-agent
39:30de la police allemande.
39:32L'information qui est donnée
39:34est claire et comme celui
39:36qui permet de remonter
39:38au comité directeur
39:40de la résistance.
39:42Le comité directeur de la résistance, c'est la réunion de Caluire.
39:44Donc ça, c'est
39:46clairement
39:48écrit.
39:50Le scénario le plus probable, c'est que Klaus Barbie,
39:52l'a-t-il totalement retourné ?
39:54Hardy voulait-il souhaiter
39:56une sorte de double jeu ?
39:58Mais Klaus Barbie se dit,
40:00sachant bien sûr, c'est peut-être le poisson
40:02qui va me mener jusqu'à
40:04de plus grosses prises.
40:06Ernst Dunker
40:08rédige ce rapport à Marseille.
40:10Il s'appuie sur les informations
40:12que lui transmet l'antenne de la gestapo de Lyon
40:14à qui il a prêté l'agent français
40:16Jean Multon.
40:18Les renseignements qu'il contient sont de première main.
40:20Ce que ne donne pas le rapport,
40:22c'est l'enchaînement des faits qui conduit
40:24d'abord à l'arrestation de Hardy,
40:26puis au drame de Caluire.
40:28Premier fait.
40:30Multon révèle l'existence de la boîte aux lettres
40:32de la rue Bouteille.
40:34Par imprudence, elle permet l'arrestation de Hardy.
40:36Aubry, alias Thomas,
40:38commet la première faute.
40:42Le responsable
40:44de cette
40:46énorme
40:48erreur
40:50savait que la boîte aux lettres était guérie.
40:52On aurait donc pu prévenir
40:54et René Hardy,
40:56d'une part,
40:58et de l'être d'autre part.
41:00Mais Thomas vit une période difficile.
41:02Sa femme a couché
41:04dans des conditions dramatiques.
41:06Il semble que
41:08il y ait eu
41:10une sorte d'ictus amnésique.
41:14Après-guerre,
41:16sa secrétaire, Madame Rézin, révèle
41:18un fait qui montre que cet homme
41:20n'était pas à la hauteur de la tâche.
41:22Le 2 juin 1943,
41:24trois-six jours avant le départ de Hardy pour Paris,
41:26Aubry informe son assistante
41:28que la boîte aux lettres est grillée.
41:30Il ne fait rien pour prévenir René Hardy,
41:32le général de l'Estrin,
41:34ou tout autre responsable
41:36de la Résistance.
41:38Il envoie ses hommes dans la gueule du loup
41:40en toute connaissance de cause.
41:42Les imprudences coupables se poursuivent
41:44après la sortie de détention de Hardy.
41:46Il est envoyé à la réunion de Caluire.
41:50Le problème de ce rame de Caluire,
41:52c'est d'abord que les règles
41:54normalement appliquées
41:56dans le cadre de la Résistance
41:58n'ont pas été respectées.
42:00On n'accepte pas quelqu'un normalement
42:02qui n'est pas prévu
42:04à une réunion clandestine.
42:06Or Hardy n'était pas invité
42:08à Caluire.
42:12Alors, pourquoi Hardy
42:14est-il envoyé à la réunion de Caluire ?
42:16Qui l'envoie ?
42:18Quels sont les enjeux liés à sa présence ?
42:22Guylain Bénaudville va insister
42:24pour que René Hardy assiste
42:26à cette réunion de Caluire
42:28parce qu'il pense que Henri Aubry
42:30n'est pas assez fort pour tenir tête
42:32à Jean Moulin.
42:34Il faut dire que René Hardy
42:36ne voulait pas assister à cette réunion
42:38mais il y est un peu tenu
42:40par Guylain Bénaudville.
42:42C'est d'autant plus regrettable
42:44qu'il a avoué à Guylain Bénaudville
42:46qu'il avait été arrêté
42:48par Barbie.
42:50À ce moment-là,
42:52Guylain Bénaudville l'envoie.
42:54Il est le seul à savoir
42:56que René Hardy a été arrêté
42:58par Barbie.
43:00En juin 1943,
43:02Henri Frénet étant parti pour Londres,
43:04Pierre Guylain de Bénaudville
43:06est de fait le responsable de combat en France.
43:08Hardy s'est toujours défendu
43:10d'avoir informé qui que ce soit
43:12à combat de son arrestation.
43:14Pourtant, au moins un homme
43:16l'a appris de la bouche de Hardy
43:18après que la Gestapo lui relâchait.
43:20Dans cet entretien jamais diffusé,
43:22Guylain de Bénaudville
43:24l'admet tout naturellement
43:26mais bien trop tard.
43:30Ils m'ont arrêté dit
43:32Hardy, mais je les ai roulés.
43:34Oui, c'est ce qu'il a toujours dit.
43:36Je leur ai promis ma collaboration.
43:40Comme l'avaient fait beaucoup de nos camarades
43:42arrêtés, je n'ai rien à voir
43:44avec eux, je suis au fond
43:48je suis tout à fait
43:50d'accord avec
43:52vos thèses, il faut de l'ordre.
43:54Il m'a raconté ça à moi.
43:58Le jour de ma rencontre avec lui
44:00aux douches d'Ainay.
44:02D'église d'Ainay, près de l'église d'Ainay.
44:06Moi je crois à cette thèse.
44:08Comment ce responsable
44:10de haut niveau n'a-t-il pas
44:12anticipé les risques qu'il faisait courir
44:14à Jean Moulin, à tout l'état-major
44:16de l'armée secrète et à son
44:18ami de coeur, René Hardy.
44:22C'est l'aveuglement, un double
44:24aveuglement, aveuglement vis-à-vis
44:26de Hardy, la confiance.
44:30Et aveuglement dans
44:32sa volonté
44:34de contrecarrer
44:36les desseins éventuels de
44:38Jean Moulin. Le 12 décembre
44:401944, accusé
44:42d'avoir eu avec l'ennemi des contacts
44:44abouti à l'arrestation de De Lestrin
44:46et des dirigeants de Caluire,
44:48Hardy est arrêté.
44:50En plus du rapport Floira,
44:52découvert en septembre 1944,
44:54en octobre 1946,
44:56un autre rapport est trouvé dans les
44:58archives des affaires étrangères de Berlin.
45:00Le rapport Kelton Brunner,
45:02daté du 29 juin 1943,
45:04révèle qu'Hardy, retourné
45:06dès son arrestation dans le Lyon-Paris,
45:08a livré le plan de sabotage SNCF
45:10et contribué à de nombreuses
45:12arrestations, dont celle de Caluire.
45:16Les proches de
45:18Jean Moulin, tous
45:20penchent pour l'hypothèse de la trahison.
45:22Ils pensent que
45:24il y avait une telle haine,
45:26une telle volonté de se débarrasser
45:28de Moulin et de Lestrin
45:30que personne n'a pleuré.
45:32Personne n'a pleuré.
45:36Hardy est renvoyé devant la Cour de Justice
45:38de la Seine en 1947.
45:40Il est défendu par Maurice Garçon,
45:42qui remet en cause les rapports
45:44émanants de l'ennemi, ayant pour but
45:46de salir la résistance.
45:48Hardy est soutenu par tous ses compagnons
45:50de combat, dont Benouville, qui fait
45:52même un faux témoignage.
45:54Plusieurs personnes lui établissent même
45:56un alibi concernant son arrestation à
45:58Chalon-sur-Saône. Dans sa défense,
46:00Hardy n'a jamais été arrêté.
46:02Il y a pourtant
46:04des témoignages à charge. Celui de
46:06Lazare Hacheline, qui a vu Hardy se faire
46:08arrêter dans le train. Celui d'ennemi
46:10de l'étrase, qui dit avoir vu Hardy
46:12au siège de la Gestapo quelques heures
46:14avant l'arrestation de Caluire.
46:16Et celui de Raymond Aubrac.
46:18Il y a aussi la déposition de Ernst Duncker,
46:20le chef de la Gestapo de Marseille,
46:22qui affirme que l'évasion de Hardy
46:24s'est faite avec la complicité
46:26de Klaus Barbie.
46:28Le procès est très complexe.
46:30Alors il est complexe parce que
46:32d'abord, Hardy, jusqu'à son
46:34arrestation, c'est un grand
46:36résistant. Il serait mort le jour
46:38de son arrestation, ce serait un
46:40héros de la résistance.
46:42Ensuite, il y a cette confiance
46:44absolue que lui font
46:46ses camarades. Son avocat
46:48aussi part du principe que s'il avait
46:50vraiment trahi, ils auraient été
46:52arrêtés eux aussi. C'est ça l'argument
46:54qu'il fera. Si bien que
46:56il est acquitté,
46:58au bénéfice du doute, mais enfin...
47:00Hardy est acquitté
47:02par la cour le 24 janvier
47:041947.
47:06En 1950, nouveau rebondissement.
47:08Roger Vibot, patron
47:10de la Direction de la Surveillance du Territoire,
47:12la DST, apporte
47:14la preuve de l'arrestation de Hardy
47:16dans le train Lyon-Paris.
47:18L'argument principal, qui a emporté
47:20la conviction du premier procès,
47:22reposait sur une affirmation mensongère.
47:24Hardy retourne en prison.
47:26Il est inculpé de non-dénonciation
47:28de projet ou acte de trahison
47:30en ayant troqué sa libération
47:32contre une trahison.
47:34Le deuxième procès,
47:36il est obligé
47:38d'avouer qu'il a été arrêté
47:40et libéré.
47:42De ce fait, on se rend compte
47:44qu'il a menti, puisqu'il a été
47:46arrêté par les Allemands. Si bien que le
47:48second procès qui s'ouvre en 1950
47:50n'aura pas du tout la même teneur
47:52et à ce moment-là, il sera même
47:54très peu conforté par
47:56ses amis de combat.
47:58Normal. Devant le tribunal
48:00militaire de Paris, les témoins
48:02qui ont fourni un faux alibi à Hardy
48:04sont poursuivis pour faux témoignages.
48:06Pourtant, il a un motif de récusation
48:08du témoignage particulièrement accusateur
48:10d'ennemis de l'étrase.
48:12Un nouveau témoin surprise,
48:14Roger Bossé, l'ancien agent de liaison
48:16de René Hardy et héros de la Résistance,
48:18certifie qu'il déjeunait
48:20à la même heure avec Hardy
48:22le jour où elle l'a vu à la Gestapo.
48:24Au-delà de ça, il faut imaginer
48:26que ces procès
48:28se déroulent sur fond de guerre froide
48:30et de grande dissension
48:32et qui
48:36ne vont pas dans le sens
48:38j'allais dire
48:40d'une justice saine rendue.
48:42Le 8 mai 1950,
48:44Hardy évite à nouveau la condamnation.
48:46Il bénéficie
48:48de la minorité de faveur.
48:50Quatre juges sur sept l'estiment coupable,
48:52soit un de moins que nécessaire
48:54pour que le tribunal militaire prononce
48:56une sentence de culpabilité.
48:58Une seule voix de majorité étant insuffisante,
49:00il en faut deux pour prononcer
49:02une condamnation.
49:04Hardy aura fait au total six ans
49:06de prison préventive.
49:12La justice n'a pas été vraiment rendue.
49:14Quand on voit les documents allemands,
49:16comme on les a vus de très près,
49:18on a conclu,
49:20on a dit que si on se servait,
49:22comme les historiens doivent le faire,
49:24on a, nous,
49:26vraiment le fait
49:28qu'il y a une culpabilité
49:30de la part de René Hardy.
49:32Une culpabilité de trahison,
49:34en quelque sorte.
49:36Est-ce qu'on peut lui donner
49:38le nom de traître ?
49:40C'est difficile à dire.
49:42Le résultat de ça,
49:44c'était deux procès
49:46et ce qui se passe aujourd'hui.
49:48J'ai fait six années de cellules.
49:50J'ai essayé de reconstruire ma vie.
49:52Honnêtement,
49:54ruinée,
49:56sortie de prison tuberculeuse,
49:58j'ai recommencé.
50:00Je suis sorti de prison
50:02avec 150 francs dans ma poche.
50:04Alors je trouve qu'aujourd'hui,
50:06la mesure est complète.
50:16Une partie de la vérité
50:18a pourtant eu le dernier mot.
50:20Elle a été révélée par René Hardy
50:22en personne.
50:24Peu de temps avant sa mort,
50:26en 1987, il avoue que le témoignage
50:28de Roger Bossé, son officier de liaison,
50:30qui l'a sauvé au second procès,
50:32était un faux.
50:34Encore un mensonge.
50:38Et ça a été la torture
50:40de toute la vie
50:42de René Hardy.
50:44Il a fini dans une aberture terrible.
50:46C'est celui qui s'est fait piéger.
50:48Oui, mais
50:50il y a toute une série de petits détails
50:52qui semblent montrer
50:54que
50:56Hardy les a effectivement
50:58envoyés là-bas.
51:00La culpabilité
51:02de Hardy
51:04paraît certaine.
51:10Malgré les efforts incessants et le combat des proches
51:12de Jean Moulin,
51:14l'institution judiciaire a failli à deux reprises.
51:16Elle n'a pas rendu justice
51:18à l'homme qui a tant donné pour la libération
51:20de la France.
51:24C'est finalement le politique qui s'est chargé
51:26de la lui rendre en gravant le souvenir
51:28du résistant dans la mémoire collective.
51:30Et c'est De Gaulle,
51:32président de la République,
51:34qui s'en charge en 1964.
51:38Par un froid glacial,
51:40il organise le 19 décembre, en compagnie d'André Malraux,
51:42son ministre de la Culture,
51:44la panthéonisation de l'homme
51:46qui l'a tant aidé,
51:48et à travers lui, la France.
51:50Depuis,
51:52comme d'autres héros exemplaires de la liberté,
51:54le nom,
51:56l'histoire de Jean Moulin et sa silhouette
51:58sont entrés dans l'histoire de France.
52:14Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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