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00:00Moi, j'ai été vraiment à passer mes nuits roulées en boule pendant 15 ans à pleurer tous les soirs
00:05et à me dire que j'étais un humain dysfonctionnant, seule au monde et sans aucune solution.
00:10Du jour au lendemain, j'ai fait partie d'une communauté qui est légitime, qui a le droit d'exister.
00:16C'est précisément à ça que serve le fait de mettre des étiquettes.
00:19J'ai toujours su que j'étais asexuelle, mais j'ai vraiment pu mettre un mot dessus à l'âge de 21 ans,
00:24donc il y a 4 ans.
00:26L'asexualité, c'est une orientation sexuelle, comme toutes les autres,
00:29à la différence que nous ne sommes attirés par aucun genre ou dans des circonstances très particulières.
00:34Je me suis beaucoup forcée avec les personnes avec qui j'ai été
00:37parce que je me disais à chaque fois que peut-être c'était pareil pour tout le monde
00:41et l'eau de la piscine, une fois qu'on aurait sauté dedans, elle prendrait une température agréable.
00:46Ce n'est jamais arrivé et j'ai continué comme ça à me forcer avec plusieurs partenaires
00:51jusqu'à rencontrer mon copain actuel avec qui je suis depuis presque 6 ans
00:55et qui m'a énormément mise en confiance avec beaucoup de patience et d'écoute
00:59et avec qui j'ai pu trouver cette liberté et l'espace suffisant pour me questionner.
01:04Mon copain n'est pas asexuel, il est hétérosexuel et il ressent de la différence.
01:09J'ai découvert que j'étais asexuelle alors qu'on était en couple,
01:13ça faisait déjà 2 ans qu'on était ensemble.
01:15Au début, le fait de mettre un mot, de poser l'asexualité sur mon identité,
01:22ça l'a inquiété, ça lui a fait peur parce que c'était quelque chose qui lui était totalement inconnu.
01:27Du jour au lendemain, ça signifiait qu'il perdait espoir de me réparer.
01:31Avec le temps, cette inquiétude s'est transformée en un espace libérateur
01:36où on a pu questionner l'asexualité, le rapport à nos corps mutuels,
01:41tout doucement, très tranquillement, en dehors des carcans et des normes
01:45pour trouver en définitive une sexualité qui nous est propre, qui est très intime,
01:49qui est précieuse et qui est évidemment plutôt rare.
01:51Souvent, on voit ça comme une tare dans mon couple, genre j'enlève quelque chose à mon copain,
01:56alors qu'en définitive, il y a bien des couples qui n'ont pas les mêmes religions,
02:00il y a des couples qui habitent à 500 km de distance,
02:03il y a des couples qui ne veulent pas dormir ensemble la nuit parce qu'il y en a un qui ronfle
02:06et l'autre, ça l'empêche de dormir.
02:07Nous, on n'a rien de tout ça et je supporte ces ronflements,
02:10on habite dans le même appart, on est hyper heureux, on ne se dispute jamais
02:14et on est ultra, ultra compatibles,
02:17donc je ne vois pas en quoi le sexe pèserait plus ou moins dans la balance
02:21que n'importe quel autre compromis que font les couples.
02:24Avec Anthony, parce que c'est quelqu'un de formidable, que j'aime de tout mon cœur,
02:28qui est extrêmement patient, respectueux et tout,
02:30j'ai appris effectivement à dire non et à m'écouter,
02:33sans avoir peur justement qu'il me quitte ou qu'il aille me tromper à la moindre frustration.
02:38On me demande souvent si c'est un état de santé, si j'ai fait des examens ou des bilans hormonaux.
02:43Oui, ça fait 12 ans que je suis suivie par un psychiatre pour ça entre autres choses, pas que,
02:50et j'ai fait un bilan hormonal, des deux côtés, il n'y a rien à déclarer et rien d'anormal.
02:55La question des enfants, elle interroge beaucoup.
02:58En fait, il y a plusieurs choses.
02:59Déjà avec mon copain, il nous arrive rarement d'avoir des rapports sexuels
03:02parce qu'on peut avoir des échanges qui sont comme pour d'autres,
03:05se faire un massage, faire la cuisine ensemble.
03:07D'un coup, l'envie d'avoir des rapports avec lui
03:11est tout à fait décorrélée du fait que je n'ai pas d'attirance,
03:14c'est juste lui faire plaisir, me faire plaisir,
03:17comme le font sans doute des couples qui sont ensemble depuis 30 ans.
03:20Ces rapports sont néanmoins rares,
03:22mais laissent une chance un jour de fabriquer, entre gros guillemets, un enfant.
03:27Et après, effectivement, il y a plein d'autres moyens aujourd'hui d'en avoir.
03:31La sexualité, ça concerne autant les hommes que les femmes.
03:34Aujourd'hui, néanmoins, je reçois plus de témoignages féminins,
03:38mais parce que je suis persuadée que les hommes, dans l'imaginaire collectif,
03:43n'ont absolument pas le droit de ne pas ressentir de désir,
03:47là où l'image de la femme qui ne couche pas, c'est un peu plus courant,
03:50c'est plus démocratisé.
03:51L'homme, lui, l'homme qui n'a pas de désir, n'existe pas.
03:56De ce fait, ils ont bien moins le droit de s'interroger
03:58quant à leurs envies, leurs non-envies.