• il y a 4 mois

Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent de la position de l'Église à propos du projet de loi sur la fin de vie. Pour en discuter ils reçoivent Monseigneur Vincent Jordy, vice-président de la Conférence des évêques de France.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline

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Transcription
00:00 [Musique]
00:03 Punchline, 18h-19h, Laurence Ferrari sur CNews et Europe 1.
00:08 [Musique]
00:12 18h40, on se retrouve en direct dans Punchline sur CNews et sur Europe 1.
00:15 On est toujours avec Louis de Ragnel et on accueille Mgr Jordi, bonsoir à vous.
00:18 Merci d'être avec nous, vice-président de la Conférence des évêques de France,
00:21 porte-parole des évêques sur la fin de vie et archevêque de Tours.
00:24 On va parler bien sûr du projet de loi sur l'aide à mourir
00:27 qui est examiné jusqu'au 14 juin à l'Assemblée nationale.
00:30 L'Église catholique, Mgr, comme l'ensemble des représentants des cultes d'ailleurs,
00:33 a exprimé ses vives inquiétudes à propos de ce texte qui a été largement modifié
00:38 par la commission spéciale.
00:39 Le grand rabbin Raim Korsia estime qu'il s'agit d'une rupture de société,
00:43 qu'on rentre dans un monde où tuer est un soin.
00:45 Le recteur de la Grande Mosquée de Paris dit "Dieu nous a donné la vie,
00:49 c'est lui qui décide à quel moment il doit la reprendre".
00:51 Qu'est-ce qui vous inquiète au plus haut point, Mgr Jordi ?
00:54 C'est un bouleversement de civilisation ?
00:57 Il y a quelque chose de cet ordre-là, oui.
00:58 Alors, tout de suite, pour dire d'emblée, il y a la réaction des cultes,
01:01 mais moi je me rends compte que ça déborde largement les cultes.
01:04 Ça traverse en fait notre pays et un certain nombre de domaines.
01:08 Je pense par exemple tous les soignants qui sont quand même
01:11 vent debout pour une bonne partie d'entre eux.
01:13 Alors parfois ils le disent, parfois ils ne le disent pas.
01:15 Il y a aussi des juristes qui ont réagi,
01:17 il y a des philosophes qui réagissent face à ce qui est en train de se passer.
01:20 Parce qu'effectivement, d'abord on arrive avec un projet de loi
01:23 qui nous parle d'aide à mourir,
01:25 c'est-à-dire qu'en fait il ne dit pas directement ce qu'il veut dire.
01:28 C'est-à-dire euthanasie ?
01:30 Euthanasie et suicide assisté.
01:32 Pourquoi selon vous le refus de ce mot ?
01:34 Parce que les mots font un peu peur.
01:36 Ce n'est pas un sujet qu'on aime aborder, quand même, la fin de vie.
01:39 Mais pour répondre à votre question plus directement, oui,
01:42 qu'est-ce qui nous fait réagir ?
01:44 Effectivement, il y a la question de donner la mort,
01:48 qui à la fois est quelque chose évidemment
01:50 qui appartient à la tradition spirituelle des grandes religions,
01:53 mais qui est aussi une sagesse profane.
01:55 Il ne faut pas l'oublier.
01:56 Vous avez des philosophes tout au long du XXe siècle,
01:59 je pense encore à Paul Ricoeur,
02:01 je pense à Martin Buber, à Lévinas,
02:04 ont écrit sur cette question du rapport à l'autre,
02:06 du soin à l'égard de l'autre,
02:08 de l'importance de l'autre pour exister soi-même,
02:10 le rapport interpersonnel.
02:12 Et donc il y a véritablement autour de cette question
02:15 de quelque chose qui se joue,
02:18 le fondamental, un basculement, comme vous l'avez dit.
02:20 Et alors c'est la chance que nous avons.
02:22 Si vous me permettez, il y a une deuxième chose
02:23 qui nous paraît vraiment importante.
02:25 La chance que nous avons, c'est que des pays nous précèdent.
02:29 Et donc nous sommes capables de voir et de dire aujourd'hui,
02:32 si on est un peu sérieux, si on se documente...
02:34 - D'avoir du recul. - D'avoir du recul.
02:36 La Hollande a commencé en 1985,
02:39 elle est allée progressivement.
02:40 Donc on sait aujourd'hui ce qui se passe là-bas.
02:42 - Et qu'est-ce qui se passe ? - Et bien qu'est-ce qui se passe ?
02:44 Nous avions, nous, à l'Institut de France,
02:46 il y a 15 jours, un colloque,
02:48 au cours duquel nous avons entendu des experts,
02:50 des philosophes, des spécialistes de soins palliatifs,
02:52 et nous étions en visioconférence avec des personnes du Canada,
02:57 avec des personnes en Belgique et en Hollande.
02:59 En Hollande, nous avions un expert qui est un universitaire
03:02 qui était à la commission,
03:03 qui était chargé du contrôle de la mise en œuvre de cette loi,
03:06 et qui nous disait,
03:08 mais il y a des effets sur toute la société.
03:10 C'est pas simplement le fait de dire,
03:12 tiens, des gens vont demander de mourir par l'euthanasie,
03:18 et il y a un effet autour d'eux, autour de leur famille.
03:21 Non, c'est l'ensemble de la société qui, progressivement, est affectée.
03:24 C'est le rapport entre les soignants et les malades
03:27 qui est en train de changer, progressivement.
03:29 Et puis, c'est même, il nous l'a dit,
03:30 c'est une formule, moi, qui m'a beaucoup marqué,
03:32 lui qui, je précise d'ailleurs,
03:34 quand la loi a été mise en œuvre, il n'était pas contre la loi.
03:37 Et aujourd'hui encore, il dit,
03:38 voilà, je ne sais pas trop quoi dire,
03:40 mais j'observe ce qui se passe.
03:41 C'est ce qui nous a paru d'autant plus intéressant,
03:43 c'est qu'il avait une forme d'objectivité.
03:45 Il nous a dit, écoutez, il y a une forme de spirale de la dépression dans le pays.
03:50 Une spirale de la dépression.
03:52 Il y a une manière de regarder au niveau...
03:53 Une spirale mortifère, voilà.
03:54 Une spirale mortifère, exactement.
03:56 Absolument.
03:57 On va écouter, si vous le permettez,
03:58 le témoignage d'une jeune femme belge qui a 30 ans.
04:00 Elle s'appelle Claire, elle est atteinte d'une maladie neurodégénérative.
04:04 Son père était atteint de la même pathologie qu'elle.
04:06 Il avait demandé l'euthanasie.
04:07 Elle, elle s'y refuse.
04:08 Et elle nous explique pourquoi.
04:09 On va écouter son témoignage.
04:11 C'est normal, en fait, d'en avoir marre
04:15 et d'être fatiguée, mais
04:17 c'est pas pour ça qu'on va aller au bout, quoi.
04:19 Et donc c'est vrai que par rapport à l'euthanasie,
04:24 je pense que
04:26 on a vraiment, justement, un rôle de témoin, de force
04:33 à être
04:34 pour montrer que, ben oui, on a envie de mourir.
04:38 Mais si on a envie de pas pour rien,
04:41 il faut aller au bout, quoi.
04:43 Et c'est dur, hein, tous les jours.
04:45 C'est re-choisir la vie, en fait.
04:48 Mais quand j'écoute mes tripes,
04:51 je sens vraiment que
04:53 si on n'a pas choisi notre moment de vie,
05:00 ben on choisit pas le moment de mourir, quoi.
05:03 Voilà, pour ce témoignage de Claire,
05:04 qui est évidemment au cœur de cette problématique.
05:06 Elle dit que c'est chaque jour de choisir la vie
05:09 quand on est atteint de ces maladies-là.
05:10 Oui, c'est chaque jour se réengager pour l'autre
05:12 et accompagner l'autre.
05:13 Et c'est en ce sens-là que nous,
05:15 nous essayons de sensibiliser, d'interroger.
05:19 D'autant plus que, vous le savez,
05:21 il y a quand même quelque chose, moi, que j'aime rappeler,
05:22 parce que parfois, on nous demande,
05:24 ben finalement, quelle légitimité avons-nous
05:25 pour parler de ces questions ?
05:27 On est un peu, si vous voulez, les cultes,
05:28 donc est-ce qu'on a vraiment une crédibilité ?
05:30 On l'entend parfois.
05:32 Il faut quand même se rappeler que, nous, par exemple,
05:34 au niveau de l'Église catholique,
05:35 mais ce serait vrai pour nos frères protestants,
05:37 pour les orthodoxes, pour les autres cultes,
05:38 nous avons près de 10 000 personnes
05:41 qui sont engagées sur le terrain,
05:43 qui font la visite des malades,
05:45 qui sont dans les centres d'accompagnement,
05:47 qui sont...
05:48 Et alors, je ne parle pas nécessairement des professionnels,
05:50 puisqu'il y a les médecins catholiques, évidemment,
05:51 mais je parle vraiment des gens
05:52 qui se donnent dans le bénévolat
05:53 pour accompagner, pour être présents,
05:55 les aumôneries d'hôpitaux,
05:56 les aumôneries dans les EHPAD,
05:57 parce qu'il y a aussi toute la question
06:00 derrière du vieillissement.
06:01 Et ça, Théo Boehr, qui nous avait parlé,
06:03 donc depuis la Hollande,
06:04 nous a dit que le vrai problème, aussi,
06:06 c'est quel regard nous avons sur le vieillissement.
06:09 Et on sent bien qu'il y a une angoisse aussi
06:11 qui se déroule ici.
06:12 Sur la vulnérabilité.
06:13 Monseigneur Jordi,
06:14 vous êtes vice-président de la Conférence des évêques,
06:16 on est sur CNU-Zéropoint,
06:17 il y a des soignants qui témoignent, beaucoup.
06:19 Je vais citer le docteur Alexis Murnau,
06:21 qui a écrit un livre, qui est médecin urgentiste,
06:23 qui est au soins palliatifs à l'Institut Curie,
06:26 qui dit ce qui nous bouleverse
06:27 dans ce qui se profile,
06:28 c'est le faire mourir
06:29 par défaut d'accès aux soins de qualité.
06:32 Il y a des endroits en France
06:33 où il n'y a pas suffisamment d'accès
06:34 à l'offre de soins palliatifs.
06:36 Si la loi passe,
06:36 on pourra avoir une aide à mourir active en quatre jours,
06:40 quand dans certains départements,
06:41 on met quatre mois à avoir une consultation antidouleur.
06:44 Quatre jours, mais surtout,
06:45 Laurence Ferrari,
06:47 quatre lois depuis 1999 ?
06:49 Quatre lois, qu'est-ce qu'on attend ?
06:52 D'ailleurs, vous savez que le Comité national d'éthique
06:55 l'a dit lui-même,
06:56 avant de penser à une loi pour faire mourir,
06:58 occupons-nous d'abord des lois
06:59 que nous avons à mettre en œuvre.
07:00 Et d'ailleurs,
07:01 j'étais dans le bureau de Mme Firmin-Lebaudot,
07:03 ministre déléguée à la santé,
07:05 à l'époque, à l'automne 2022,
07:07 avec M. Dornellas,
07:08 nous étions en ligne la voire,
07:09 elle nous avait invités à la rencontrer,
07:11 très gentiment,
07:12 et nous lui avions posé cette première question,
07:14 mais une loi a été votée en 2016,
07:17 nous sommes en 2022
07:19 et il faut déjà une nouvelle loi.
07:21 Et on nous disait alors,
07:22 ben oui, mais voilà,
07:23 il y a des besoins nouveaux,
07:25 et on a dit,
07:25 mais est-ce qu'on a fait une évaluation de la loi de 2016 ?
07:28 Nous avions dit,
07:29 ça y est, on vient de nommer quelqu'un,
07:30 et c'est M. Falorni,
07:31 comme par hasard,
07:32 et celui qui fait la production.
07:34 Qui est le rapporteur de la loi.
07:36 Mais alors, comment fonctionne tout ça ?
07:38 Quel espace de liberté on se laisse pour réfléchir ?
07:40 Mais alors justement, Monseigneur,
07:41 j'ai une question à ce sujet,
07:43 parce que,
07:44 est-ce qu'il n'y a pas eu un problème de pédagogie
07:45 dans cette histoire ?
07:46 Quand on regarde les enquêtes d'opinion,
07:48 il y a plusieurs problèmes.
07:48 Globalement, les Français se disent favorables
07:52 à une aide à mourir,
07:52 à l'euthanasie,
07:53 au suicide assisté.
07:55 Mais en fait, quand on regarde le détail,
07:57 en fait, les gens, que disent-ils ?
07:58 On a l'impression,
07:58 quand on regarde les ventilations,
08:00 ils disent qu'ils veulent mourir
08:02 sans subir d'atroces souffrances,
08:04 et en fait, est-ce qu'il n'y a pas un biais
08:06 qui est posé volontairement dans le débat ?
08:08 Est-ce que vous voulez mourir
08:10 dans des souffrances abominables,
08:11 ou est-ce que vous voulez qu'on vous aide
08:13 à avoir une mort un peu plus douce ?
08:16 Et ma question derrière tout ça,
08:18 c'est est-ce qu'il y a eu une prise de conscience
08:20 que derrière cette loi, il y a des lobbies ?
08:22 Et l'ADMD, dont M. Falorni
08:25 était un des membres de l'association...
08:27 Aide à mourir dans la dignité, c'est ça ?
08:29 Absolument, et donc qui plaide pour l'euthanasie,
08:32 ils ont un projet politique, un projet de société.
08:35 Ils disent tous qu'ils font tout ça
08:37 avec la main qui tremble,
08:38 en réalité, leur main ne tremble pas.
08:39 Mais la question que je voulais vous poser,
08:41 c'est est-ce que vous êtes bien conscients
08:42 qu'il y a des...
08:42 Voilà, ce sont des lobbies,
08:43 et vous, vous essayez de faire appel
08:45 à l'intelligence, à l'âme,
08:46 mais en face de vous,
08:47 vous avez des gens qui ne sont pas du tout
08:48 dans cette échelle...
08:48 Ma réponse de M. Jordi.
08:50 Eh bien, écoutez, ce que vous dites,
08:51 évidemment, tout ce que vous dites,
08:53 je le sais, c'est évident.
08:54 En même temps, nous essayons justement
08:57 de garder et de vouloir garder
08:59 pour ce débat une certaine hauteur
09:01 et ne pas rentrer dans, je dirais,
09:02 ce qui pourrait être de la conflictualité.
09:04 Non, je pense que vraiment,
09:07 comme vous le dites,
09:08 il y a une difficulté
09:10 parce que pour qu'il puisse y avoir dialogue,
09:12 il faudrait que l'on puisse dialoguer.
09:14 Et on sent bien qu'on est devant quelque chose
09:16 qui s'est préparé depuis longtemps.
09:18 Regardez sur la question, par exemple, des mots.
09:20 On a évoqué à départ,
09:21 les mots ne sont pas utilisés.
09:22 Même le Conseil d'État a reproché cela
09:24 avant que le texte arrive en commission spéciale
09:26 en disant pourquoi on n'utilise pas
09:28 les mots qui correspondent à la réalité.
09:30 Et quand vous avez demandé à M. Falorni,
09:32 l'autre matin, Laurence Ferrari, sur Europe 1,
09:34 pourquoi, il a dit
09:35 "Parce que M. Ballinter m'a dit, ça fait euthanasie."
09:38 Écoutez, c'est une explication un peu...
09:40 Deux mois après que le projet circule,
09:42 on trouve cette explication-là.
09:43 Non, le fait est que nous sommes devant
09:46 une situation où il y a eu du flou
09:48 dans l'ensemble de la procédure
09:50 et parce qu'on est finalement
09:52 devant un choix civilisationnel
09:53 qu'on est en train de poser.
09:55 On le sent très bien.
09:56 Quand le Grand Rabbin de France
09:57 parle de rupture anthropologique,
09:58 il y a une conception de l'homme qui est derrière,
10:01 une conception du rapport à sa propre vie.
10:03 Et comme on l'a dit, ça a commencé
10:05 il y a de nombreuses années,
10:06 en particulier en faisant glisser les mots.
10:08 Pensez à la notion de dignité.
10:10 Le Saint-Siège vient de produire
10:11 un document sur la dignité.
10:13 Il le fait à l'occasion de quoi ?
10:14 De la sortie, des 75 ans, pardon,
10:18 de l'anniversaire de la charte des Nations Unies
10:22 sur la dignité de 48.
10:23 Cette charte, qu'est-ce qu'elle dit ?
10:24 Elle définit la dignité
10:25 comme étant une réalité objective.
10:27 C'est-à-dire, elle dit,
10:29 "Personne ne peut dire de personne
10:30 tu es digne ou indigne."
10:32 Il n'y a pas de discrimination sur la dignité.
10:34 Il le fait pour quoi, ce texte ?
10:35 Parce qu'en 47, il y a eu quoi ?
10:37 Il y a eu le procès de Nuremberg.
10:38 Et qu'on a vu ce que c'est
10:39 quand on commence à dire,
10:41 "Toi, tu es digne, toi, tu n'es pas digne."
10:42 Alors, évidemment, on n'est pas du tout
10:43 dans ce schéma-là,
10:44 mais on est quand même dans une histoire
10:46 où, peu à peu,
10:47 on est passé de cette dignité objective,
10:49 qui existe tout simplement
10:51 parce qu'on a la vie,
10:52 à une dignité subjective,
10:54 où la personne dit, évidemment,
10:56 c'est son impression,
10:57 "Voilà, je ne me sens pas digne, oui."
10:59 Mais si on consent à ça,
11:00 ça veut dire qu'un jour,
11:01 quelqu'un pourra dire d'un autre,
11:02 "Tu n'es pas digne."
11:03 Mgr Jordi, Mgr de Moulin-Beaufort
11:06 propose un référendum
11:07 sur toutes ces questions éthiques.
11:08 Il dit, c'est le genre de texte
11:09 qui mérite que toute la nation se mobilise.
11:11 Et contrairement à ce que l'on entend dire,
11:13 je ne crois pas que l'opinion publique
11:14 soit aussi construite
11:15 que l'on veut bien l'entendre.
11:16 Vous êtes d'accord ?
11:17 Moi, je pense aussi.
11:18 Je trouve surtout qu'il y a des choses
11:19 qui bougent en ce moment.
11:20 Je pense que les Français
11:21 commencent à comprendre...
11:23 Et à s'intéresser à ce sujet.
11:24 Et à s'intéresser à ce sujet, absolument.
11:26 Mgr Moulin-Beaufort en a parlé ce matin
11:28 sur France Info, effectivement.
11:30 D'ailleurs, moi, j'aimerais vous dire,
11:32 rappelons-nous qui a commencé
11:33 à parler de référendum pour cette question.
11:35 Qui ?
11:37 C'est le président de la République lui-même.
11:38 En 2022.
11:40 Il en a parlé trois fois.
11:41 C'est vrai.
11:42 Et donc, s'il en a parlé, lui,
11:44 qui est un homme qui réfléchit,
11:45 il a voulu prendre son temps
11:46 pour cette question,
11:47 il a beaucoup consulté,
11:48 il a même parlé avec le pape.
11:49 Eh bien, s'il a pris ce temps-là,
11:51 et si peut-être il a posé cette question,
11:54 c'est qu'il sent bien le poids
11:55 et l'importance de ce sujet
11:57 et ce qu'il va produire.
11:59 Donc, je crois que c'est très important
12:01 de se dire, oui,
12:01 nous pensons, nous,
12:03 que, bien évidemment,
12:05 on ne discute pas ça,
12:06 c'est l'Assemblée qui fait la loi.
12:08 Il y a des députés,
12:09 il y a une démocratie représentative.
12:11 Mais ça n'empêche pas
12:12 qu'on a besoin de débats.
12:14 Ça n'empêche pas
12:14 qu'on a besoin de discuter.
12:16 Et nous avons posé la question
12:18 du référendum,
12:18 parce que le président lui-même
12:20 a posé cette question,
12:22 peut-être en se disant,
12:23 il y a peut-être vu l'importance
12:25 de cette loi,
12:25 vous savez, les lois de bioéthique
12:26 ou le mariage pour tous,
12:28 ça concerne peu de gens
12:29 dans la société, finalement.
12:30 Là, tout le monde est concerné.
12:32 Tout le monde, un jour,
12:34 va passer par la mort.
12:35 Tout le monde accompagne,
12:36 un jour, un ami et un proche.
12:37 Donc, la loi est tellement importante,
12:39 elle va avoir tellement d'effets
12:41 dans la société
12:42 que les gens ne mesurent pas encore.
12:43 Parce que, bien évidemment,
12:45 on a des sondages,
12:46 vous l'avez dit tout à l'heure,
12:47 80 % des Français,
12:48 sauf que des travaux documentés...
12:50 Ce sont des bien portants, souvent,
12:50 qui répondent.
12:51 Mais bien sûr.
12:51 C'est-à-dire que c'est des questions
12:52 auxquelles on n'est pas réellement
12:53 confronté directement.
12:54 C'est ce que je veux vous dire.
12:55 On sait par des travaux documentés,
12:57 par une documentation médicale
12:59 qui existe,
12:59 que 80 %, c'est les gens,
13:01 effectivement,
13:02 qui sont en bonne santé
13:03 parce qu'on projette sa mort.
13:04 Et ça, c'est absolument abominable.
13:06 Mais 2 % seulement,
13:08 quand ils sont en situation...
13:10 Réclament.
13:10 Réclament, exactement.
13:11 Monseigneur Jordi,
13:12 est-ce qu'il n'y a pas aussi un regard
13:13 autre à porter
13:14 sur la vulnérabilité ?
13:15 C'est-à-dire,
13:16 on est dans un monde
13:17 qui met en avance la performance,
13:19 qui met en avance
13:19 la façon dont on pourrait
13:23 programmer notre mort
13:24 en fonction de notre âge,
13:25 notre handicap, notre maladie.
13:26 Est-ce que c'est une société
13:28 de la dignité humaine, tout cela ?
13:30 Non, parce qu'une société
13:32 se reconnaît, justement,
13:33 et on reconnaît sa qualité,
13:34 son humanité,
13:35 à travers l'histoire,
13:36 à travers la manière
13:37 dont elle traite les plus fragiles
13:38 et les plus vulnérables.
13:39 Ça, c'est évident.
13:40 Et c'est une grande tradition,
13:42 en particulier en Europe.
13:43 On va voter pour l'Europe
13:44 dans quelques jours.
13:45 Dimanche.
13:46 Dimanche, voilà.
13:46 D'ailleurs, les Français
13:47 sont appelés à voter pour l'Europe,
13:49 mais vous savez bien
13:49 qu'ils ne vont pas voter pour l'Europe,
13:51 parce que cette idée,
13:51 cet idéal est en train de se perdre.
13:54 Or, justement,
13:55 qu'est-ce qui faisait
13:56 et qu'est-ce qui fait, en principe,
13:57 la valeur de l'Europe ?
13:58 C'est justement qu'en Europe,
13:59 on a réfléchi...
14:00 C'est arrivé aussi, évidemment,
14:02 dans d'autres civilisations,
14:03 mais particulièrement en Europe,
14:05 on a eu le souci
14:06 du respect de la personne,
14:08 de ce qu'était la personne,
14:09 de la valeur de la personne,
14:10 et on a développé une culture
14:12 et une manière
14:13 d'accompagner les personnes.
14:14 Les hôpitaux, moi,
14:15 je pense à la place de l'Église aussi,
14:17 les hôpitaux au 16e, 17e, 18e siècle.
14:20 Parfois, on dit les soignants
14:24 sont mal payés, mal rémunérés.
14:25 Vous savez qu'on dit souvent
14:26 que ça vient du fait
14:27 qu'au 19e et au 20e siècle,
14:28 jusque dans les années 40-50,
14:30 c'est les religieuses
14:31 qui étaient présentes dans les hôpitaux
14:32 pour donner de l'humanité.
14:34 Donc, je crois qu'il y a
14:34 tout cet aspect-là.
14:35 Il y a une dernière chose
14:36 que vous avez dite,
14:37 qui m'a interpellé.
14:38 Vous dites "la question du suicide
14:39 a longtemps été tabou dans nos sociétés,
14:41 dans l'Église aussi.
14:42 Et aujourd'hui, le taux de suicide,
14:43 notamment chez les adolescents,
14:45 est effarant."
14:46 C'est la deuxième cause de suicide.
14:48 "De mortalité chez les adolescents.
14:50 Est-ce que ce type de décision
14:51 pourrait avoir un impact
14:52 sur levé ce tabou ?"
14:54 Alors, au Canada,
14:56 il y a eu quelques analyses
14:57 qui montrent
14:57 que ça a une forme d'influence.
15:00 Moi, je ne pourrais pas dire
15:01 beaucoup plus,
15:01 mais en tout cas,
15:02 on dit parfois qu'il faudrait
15:04 signer une loi comme ça en tremblant,
15:06 mais je pense qu'il faudrait d'abord
15:08 réfléchir un peu plus profondément
15:10 à ce qu'on est en train de faire
15:10 et aux effets que ça peut avoir.
15:12 Oui, Dernier.
15:13 Dernière question.
15:14 Vous avez été auditionné
15:16 à plusieurs reprises.
15:17 Est-ce que vous avez le sentiment
15:18 d'avoir vraiment été écouté
15:20 de manière sincère ?
15:20 Est-ce que vous avez le sentiment
15:23 que les personnes
15:23 qui vous ont posé des questions
15:25 étaient prêtes à changer d'avis
15:27 et à avoir réellement
15:27 la main qui tremble ?
15:28 Je dirais que nous avons été reçus
15:30 vraiment de manière courtoise.
15:32 Ça, c'est certain.
15:32 Ensuite, le débat a montré,
15:35 ou la session d'écoute
15:38 de ce que nous avions à dire,
15:39 a montré qu'il y avait
15:40 des gens désintéressés,
15:42 des gens qui nous écoutaient
15:43 et des gens qui étaient prêts
15:45 à poser certaines questions.
15:46 Ensuite, je dirais
15:48 qu'on nous a écoutés.
15:50 Est-ce qu'on nous a entendus
15:51 pour aller plus loin dans un débat ?
15:52 Je n'ai pas l'impression.
15:53 Merci en tout cas,
15:54 Monseigneur Jordi,
15:55 d'être venu ce soir
15:56 dans notre émission
15:57 sur CNews et Europe.
15:58 Un vice-président de la Conférence
15:59 des évêques de France
16:00 et porte-parole des évêques
16:00 sur la fin de Vitex,
16:02 qui sera débattue jusqu'au 14 juin

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