• il y a 5 mois
Transcription
00:00 *La matinale d'Oxford 7h30, 9h30, à la volée*
00:05 Et à la volée, je suis très heureuse et honorée de recevoir aujourd'hui Eric Branca,
00:11 historien, auteur de la référence, ce livre "L'ami américain" aux éditions Tempus,
00:16 et plus récemment "La République des imposteurs" aux éditions Perrin. Bonjour Eric Branca.
00:21 - Bonjour.
00:21 - Et merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Nous entamons avec vous, et je voulais en fait entamer avec vous cette série,
00:28 sur le débarquement, dont on va beaucoup entendre parler cette semaine jusqu'au 6 juin dans trois jours.
00:33 Le débarquement, le D-Day 44 évidemment.
00:37 On va revenir sur la réalité derrière, comment dire,
00:42 le produit qu'on nous sert aujourd'hui et l'hommage qui sera rendu,
00:47 qui oublie quelques réalités historiques, et c'est pour ça que je voulais absolument commencer avec vous
00:52 aujourd'hui à travers le travail d'archive que vous avez fait dans "L'ami américain".
00:58 Alors pour commencer, je voudrais citer, vous-même vous le citez,
01:01 l'extrait directement de "C'était de Gaulle" d'Alain Perfit,
01:05 qui revient sur ce passage où le général de Gaulle refuse,
01:11 une énième fois finalement, auprès cette fois-ci d'Alain Perfit,
01:15 de participer aux commémorations et à l'hommage donc de ce D-Day.
01:21 Et je vais vous lire un extrait, ensuite vous allez pouvoir commenter, parce que je crois que tout est là.
01:26 En fait tout est dit dans cet extrait et dans ce que vous allez pouvoir dire derrière,
01:29 tout est dit dans la réalité des enjeux géopolitiques entre les français et les américains,
01:34 dans cet extrait du général de Gaulle.
01:37 Donc Alain Perfit interroge l'air candide le général de Gaulle.
01:42 "Croyez-vous mon général que les français comprendront que vous ne soyez pas présent aux cérémonies de Normandie ?"
01:47 Sachant que je précise que c'était pour le 20e anniversaire de 1944.
01:51 "Le général de Gaulle sévèrement, c'est Pompidou qui vous a demandé de revenir à la charge ?"
01:56 "Eh bien non, ma décision est prise, la France a été traitée comme un paillasson."
02:00 "Churchill m'a convoqué d'Alger à Londres le 4 juin, il m'a fait venir dans un train où il avait établi son quartier général comme un châtelain."
02:06 "Sonne son maître d'hôtel, il m'a annoncé le débarquement sans qu'aucune unité française ait été prévue pour y participer."
02:13 "Nous nous sommes affrontés rudement, je lui ai reproché de se mettre aux ordres de Roosevelt, au lieu de lui imposer une volonté européenne."
02:19 "Il m'a crié de toute la force de ses poumons."
02:22 "De Gaulle, dites-vous bien que j'aurais à choisir entre vous et Roosevelt, je préférerais toujours Roosevelt."
02:28 "Et quand nous aurons à choisir entre les Français et les Américains, nous préférons toujours les Américains."
02:33 "Quand nous aurons à choisir entre le continent et le grand large, nous choisirons toujours le grand large."
02:39 Il continue.
02:40 "Le débarquement du 6 juin, ça a été l'affaire des Anglo-Saxons."
02:43 "D'où la France a été exclue."
02:45 "Ils étaient bien décidés à s'installer en France comme en territoire ennemi."
02:49 "Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s'apprêtaient à le faire en Allemagne."
02:53 "Ils avaient préparé leur amgote qui devait gouverner souverainement la France à mesure de l'avance de leurs armées."
02:58 "Ils avaient imprimé leur fausse monnaie qui aurait eu cours forcés et se serait conduit en pays conquis."
03:03 "C'est exactement ce qui serait passé si je n'avais pas imposé ou imposé mes commissaires de la République."
03:09 "Mes préfets, mes sous-préfets, mes comités de la libération."
03:13 "Et vous, vous voudriez que j'aille commémorer leur débarquement."
03:16 "Eh bien non, ne comptez pas sur moi."
03:18 "Et puis il va dire un peu plus tard, en revanche ma place sera au Mont-Faron le 15 août."
03:22 "Puisque les troupes françaises ont été prépondérantes dans le débarquement en Provence."
03:27 Voilà ce qui est dit par le général de Gaulle et je crois qu'il était une bonne introduction à cette série d'hommages que nous allons entendre cette semaine pour le 6 juin 44 Éric Branca.
03:36 Est-ce que vous pouvez nous expliquer chacune de ces informations que nous donne ici le général de Gaulle ?
03:41 Bien sûr, et puis je vais même en donner une autre que de Gaulle oublie de donner mais c'est normal parce que pour lui c'était évident, pour Perfide c'était évident.
03:49 Mais en 2024 ça n'est plus évident pour personne.
03:53 Que signifie Overlord en anglais ?
03:55 Overlord signifie "suceurin".
03:58 Quand vous avez compris ça, vous comprenez tout.
04:00 C'était certes des libérateurs, c'était certes des gens qui venaient nous aider à chasser les Allemands,
04:05 qui ont sacrifié des milliers de GIs, c'est un contestat personne ne le nie et surtout pas de Gaulle qui a toujours pris soin de leur rendre hommage,
04:13 mais il venait en suceurin.
04:15 Et tout découle de là.
04:17 Il parle de l'AMGOT, qu'est-ce qu'était l'AMGOT ?
04:19 L'AMGOT était en anglais, je vais le dire en français, l'administration militaire des territoires occupés.
04:27 Territoires occupés.
04:29 Curieux adjectif pour des territoires amis, occupés.
04:33 Ou sauvés, puisque c'est censé être l'histoire.
04:36 Nous avons été sauvés par les Américains ce jour-là.
04:38 Nous étions promis à devenir des territoires occupés.
04:41 Et là, de Gaulle fait allusion au commissaire de la République, c'est absolument fondamental,
04:45 parce que dans la première semaine qui suit le débarquement, qui suit l'opération suceurin,
04:51 appelons-la comme ça, c'est plus simple, c'est mieux qu'Overlord,
04:54 dans la semaine qui suit l'opération suceurin,
04:58 les Américains arrivent avec une administration militaire prête à se substituer au préfet de Vichy,
05:05 avec une monnaie de singe qu'on appelle le billet de rapport,
05:09 et qui est encore moins cotée que le marque allemande d'occupation, c'est vous dire.
05:14 Et donc il va y avoir une course de vitesse avec le premier commissaire de la République installé à Bayeux,
05:19 qui s'appelle François Coulet, qui est un héros, c'est quelqu'un à qui on doit beaucoup.
05:24 Ça va se faire à Bayeux parce que c'est symbolique, c'est la première portion de territoire français libéré,
05:30 mais ça va se faire également partout, où les commissaires de la République nommés depuis Londres vont surgir du maquis,
05:36 vont s'installer dans les préfectures et ils vont déposer les préfets de Vichy
05:40 et faire en sorte d'arriver avant les administrateurs américains.
05:44 Donc vraiment, c'était une opération d'occupation, certes pacifique,
05:50 certes bienveillante par rapport à l'occupation précédente, mais une occupation, comme le dit le titre, "I'm got".
05:57 - Donc, intéressant tout de suite, on voit une occupation,
06:02 alors vous le dites, en fait vous faites l'indistinction, ce n'est pas une occupation militaire,
06:05 mais tout de même quels étaient les intérêts des américains à s'installer ici, à prendre cette place ?
06:09 - Si, c'est tout de même militaire, puisque c'était des administrateurs militaires
06:13 qui étaient formés à Londres, dans des écoles spéciales, qui avaient ouvert fin 1943,
06:17 et qui étaient des officiers qui devaient gérer la France en direct, par-dessus les préfets.
06:24 Il n'y avait même plus de préfets, on ne sait même pas ce qu'ils voulaient faire les préfets de Vichy,
06:29 puisque tout ça est resté dans la virtualité.
06:31 Et donc, leur intérêt, évidemment, ça n'était pas une occupation définitive,
06:36 mais c'était comme en Italie, quelque chose de provisoire,
06:40 qui leur permettait d'installer un pouvoir à leurs mains.
06:44 C'était ça l'idée. C'est ce qui s'est passé en Italie.
06:47 Et en France... - Comme une colonie, finalement.
06:50 - Comme une colonie, ou comme un territoire autonome.
06:52 Mais "autonome", c'est le contraire de "souverain".
06:54 Ça veut dire qu'on a certaines libertés, locales notamment,
06:57 mais on n'a pas les attributs de la souveraineté, c'est-à-dire ni la monnaie, ni la défense.
07:02 C'est les deux attributs de la souveraineté.
07:05 Je rappelle aussi que, dans les semaines qui ont précédé la libération de Paris, le 25 août,
07:12 il y a eu un rapport de force qui s'est installé.
07:16 De Gaulle a été prévenu, par les Anglais, il faut le dire d'ailleurs,
07:20 par leur propre service de renseignement, mais par les Anglais.
07:22 Churchill, aussi proche des Américains qu'il l'était, était tout de même assez choqué de cette manière de faire.
07:29 - Oui, tout à fait. Parfois, il redonnait des informations aux Français pour qu'ils puissent réagir.
07:32 - Surtout quand ça l'arrangeait. Mais ça, on dirait, "j'y reviendrai peut-être".
07:35 Mais là, en l'occurrence, il a prévenu les Français libres
07:38 qu'il y avait une négociation entre le département d'État américain,
07:43 les services secrets américains, qui n'étaient pas encore la CIA, qui s'appelait l'OSS,
07:48 pour réinstaller les gens de Vichy.
07:51 Pierre Laval, quelques jours avant l'arrivée des Américains à Paris en août,
07:57 fait libérer Édouard Herriot, l'ancien président de l'Assemblée nationale française, qui était présigné en Allemagne,
08:02 fait chercher l'ancien président du Sénat, Jeanneney,
08:05 et essaie de voir avec eux ce qu'on pourrait faire pour rétablir des institutions démocratiques
08:11 et passer le pouvoir aux Américains. Et ça, ça convenait parfaitement aux Américains.
08:15 - Pourquoi alors ? Pourquoi cherchaient-ils ces Américains ?
08:19 Question peut-être un petit peu naïve, mais je voudrais vraiment que vous nous expliquiez dans quel état d'esprit ils étaient.
08:24 Cherchaient-ils ici à défendre le gouvernement Laval ?
08:27 - Mais ils ne le défendaient pas en tant que gouvernement Laval,
08:29 ils le défendaient en tant qu'entité qui leur aurait été favorable.
08:33 C'est-à-dire qui les aurait laissés s'installer comme un pays conquis.
08:36 Avec des gens qui sont habitués à collaborer, vous pouvez faire absolument ce que vous voulez.
08:40 - Ils se sont couchés une fois, ils se coucheront deux fois.
08:42 - Bien sûr, bien sûr. Et ça a raté de très peu.
08:45 - Ils sont moins embêtants que le général de Gaulle finalement.
08:48 - Tout à fait. D'ailleurs, André Philippe, qui était un proche du général de Gaulle,
08:54 avait rencontré Roosevelt en préparant la première rencontre de Gaulle-Roosevelt à Alger.
09:01 Et Roosevelt lui avait dit "Qui me donne Paris aura ma gratitude.
09:07 Et si Laval me donne Paris, je traiterai avec Laval."
09:11 Et d'où la colère de de Gaulle qui avait dit "Mais finalement on se demande à qui Roosevelt fait la guerre,
09:16 est-ce que c'est à Hitler ou est-ce que c'est à moi ?"
09:18 - Oui, tout à fait.
09:19 - Donc il y avait quand même un rapport de force très très dur qui s'est installé dès le départ,
09:24 alors que de Gaulle, de son point de vue, était très demandeur d'une collaboration,
09:32 je ne dirais pas amicale parce que dans les rapports internationales il n'y a pas d'amitié,
09:36 mais équanime avec les Américains.
09:38 - Il le dit lui-même d'ailleurs.
09:39 - Il le dit lui-même.
09:40 - Alors revenons juste sur cette course de dernière minute, on va dire,
09:45 en une semaine où tout s'est joué, où il dit "J'ai pu installer moi mes préfets, mes sous-préfets."
09:49 Comment le général de Gaulle a appris ce qui était prévu ?
09:52 Et comment a-t-il pu contrecarrer ce plan ?
09:55 - Alors il a eu des renseignements très tôt à Alger, par les services de la France, par les BCRA,
10:03 par les services britanniques et puis aussi par des interlocuteurs très divers,
10:09 notamment des néerlandais, des luxembourgeois qui avaient rencontré Roosevelt,
10:13 parce que Roosevelt n'avait pas que cette idée d'impérium sur la France,
10:19 il avait aussi des idées de division de la France en plusieurs parties.
10:23 Et il avait dit notamment au premier ministre luxembourgeois, en exil à Londres,
10:27 il lui avait dit "Mais vous savez, quand nous aurons gagné la guerre,
10:30 enfin c'est même pas si, quand nous aurons gagné la guerre,
10:33 eh bien nous créerons une grande principauté où vous allez gagner du territoire."
10:38 Le type n'en revenait pas et avait dit à des gens de la France "Mais vous savez, Roosevelt a des projets
10:44 et ses projets c'était de diviser la France en plusieurs parties."
10:47 Il voulait donner, il avait pensé donner la rive gauche du Rhône aux Italiens
10:52 pour les remercier d'avoir changé de camp, c'est quand même énorme.
10:56 Il avait prévu de créer une entité belgo-néerlando-luxembourgeoise
11:05 et il avait prévu aussi de démilitariser la Roure et une partie de la Lorraine.
11:12 Donc ça fait aller très loin.
11:14 - On va jusqu'à se demander s'il n'a pas quelque chose contre la France en particulier,
11:18 à force de vouloir la démanteler.
11:19 - Je pense que d'emblée, dès 1940, les Américains pensaient que la France n'était plus une grande puissance.
11:26 La nature horreur du vide, la nature géopolitique davantage encore
11:31 et l'idée de prendre pied dans l'Empire français dès 1940,
11:35 elle commence à se réaliser par les accords qui sont scellés entre les Américains et Vichy.
11:41 Il ne faut pas oublier ça, dès 1940, des accords de libre-échange.
11:45 - Oui, rappelez-le nous s'il vous plaît.
11:48 - En 1940, les Américains, qui ne sont pas en guerre avec Vichy,
11:52 qui ne le seront jamais d'ailleurs, là encore moins puisqu'ils ne sont pas encore en guerre contre l'Allemagne,
11:57 scellent des accords commerciaux avec Vichy et disent "Vous nous ouvrez les marchés coloniaux,
12:05 en échange de quoi on vous donne des denrées alimentaires pour aider la France occupée".
12:10 Et ça marche d'ailleurs très bien, ça marche très bien.
12:12 Ça permet à beaucoup d'enrées américaines d'arriver en Afrique du Nord, de là à gagner la France.
12:21 Et voilà, vous savez, la politique d'ouverture des marchés coloniaux, c'est une obsession américaine.
12:27 C'est une obsession anglo-saxonne.
12:29 - Oui mais si, pardon, si je tire la ficelle, on se rend bien compte ici que les Américains collaborent avec Vichy,
12:33 qui collaborent avec l'État nazi, enfin que la puissance nazie,
12:36 ça pose quand même des questions aussi sur la cohérence des Américains depuis le début dans ce conflit.
12:41 - Les Américains n'ont été en guerre que contraint et forcé en 1941.
12:45 Vous avez jusqu'en 1941 des rapports extrêmement étroits, non pas entre les deux gouvernements,
12:49 parce que Roosevelt était très anti-hitlérien, ça on ne peut pas leur projeter l'inverse,
12:55 mais il était... les grandes compagnies américaines et allemandes étaient très intégrées, très intégrées.
13:05 J'ai expliqué ça dans un autre livre qui s'appelle "L'aigle et le léopard",
13:08 où je parle justement des anglo-saxons et des américains.
13:10 Et jusqu'en 1941, il y a eu vraiment une intégration très étroite des économies.
13:16 Et la France était vraiment une quantité négligeable.
13:21 Et puis la priorité, c'était de prendre pied dans l'Empire français.
13:25 Et Vichy a donné carrément l'Empire français aux Américains, à ce moment-là.
13:30 - Vichy a vraiment tout donné, en fait. - Tout donné à tout le monde.
13:33 - Oui, c'est ça, à tous les vents.
13:35 - Et quel était le point de bascule en 1941 qui a forcé les Américains à rédire un peu leur...
13:41 - Ça a été la guerre avec le Japon et avec l'Allemagne.
13:43 À ce moment-là, ça devenait très compliqué.
13:46 Mais les contacts avec Vichy sont restés absolument intacts.
13:51 - Et comment vous expliquez un débarquement si tardif ?
13:54 - Oh ben ça, c'était difficile de faire autrement.
13:56 Il fallait d'abord chasser l'axe.
13:58 Vous parlez du débarquement d'Afrique du Nord ?
13:59 - Non, non, en 1944.
14:01 - Ah, en 1944.
14:02 - Ben c'était...
14:03 Non, ils ne pouvaient pas le faire avant.
14:04 C'était très difficile.
14:06 Le débarquement...
14:08 Il y a toute une partie logistique qui commence dès 1943,
14:12 où vous avez quand même deux millions, enfin un million et demi de soldats américains,
14:16 d'administratifs, de techniciens qui arrivent en Angleterre,
14:20 qui prennent pied en Angleterre pour préparer.
14:23 Et là, je voudrais faire une toute petite parenthèse.
14:25 Parce qu'à force de parler du rôle des Américains dans la libération de l'Europe de l'Ouest,
14:30 on ne parle pas du rôle des Anglais.
14:32 Or, le rôle des Anglais est absolument décisif.
14:35 Car si, en 1940, comme ça a été presque fait,
14:39 les Britanniques avaient scellé une paix avec Hitler,
14:43 il n'y aurait pas eu de débarquement, il n'y aurait pas eu de libération de l'Europe de l'Ouest,
14:47 parce que l'Angleterre n'aurait pas pu servir de base de départ.
14:51 L'Angleterre a servi de base de départ absolument décisive à la reconquête de l'Europe.
14:55 - Et ça, on le doit à Churchill.
14:57 - Et on le doit à Churchill et à lui seul.
14:59 La France doit beaucoup à Churchill de ce qu'on dit là,
15:01 même si les disputes ont été parfois homériques avec De Gaulle.
15:04 C'était deux grandes personnalités qui avaient leur caractère.
15:08 Mais De Gaulle n'a jamais oublié ça.
15:10 Il n'a jamais oublié ça.
15:11 Il n'y aurait pas eu de libération de la France.
15:13 - Alors, il y a quand même plusieurs oubliés, finalement, c'est vrai, dans ces hommages de la libération.
15:18 Il y a l'Angleterre, vous l'avez rappelé.
15:21 Et puis, évidemment, le front de l'Est, il est russe.
15:23 - Le front de l'Est, il est non seulement décisif, mais essentiel.
15:28 Je voudrais, je vais rappeler tout à l'heure une évidence qui était la traduction française du mot "overlord".
15:34 Et je voudrais maintenant revenir à un chiffre tout bête.
15:36 On ne refait pas l'histoire avec des chiffres, mais il y a des hommes derrière les chiffres.
15:41 Le total des pertes américaines dans la Seconde Guerre mondiale,
15:46 c'est 2% de l'ensemble des pertes des alliés, pas des pertes totales, des alliés.
15:54 Les Russes, c'est 88%.
15:56 - C'est énorme.
15:57 - 2%, c'est moins que la France, 2,3%.
16:01 Je vérifiais les chiffres ce matin avant de venir parce que je voulais être tout à fait certain.
16:06 - C'est tellement énorme.
16:07 - Et les Anglais, c'est 3%.
16:09 Et quand vous prenez les victimes civiles, alors là, c'est encore pire,
16:12 puisque les Américains descendent, il n'y a pas de victimes civiles.
16:17 Et les Russes, c'est 53%.
16:20 Bon, donc, il n'y a pas photo.
16:25 - Comment vous expliquez aujourd'hui qu'on soit capable d'oublier ce front de l'Est
16:29 et d'oublier la part prise par ce pays ?
16:33 - Ce pays qui a perdu 10 millions de combattants,
16:36 peut-être 20 millions en tout avec les civils.
16:39 - C'est presque indécent de notre part aujourd'hui, le gouvernement.
16:42 - C'est absolument indécent.
16:43 Alors, je l'explique d'une manière très simple.
16:45 Il ne faut jamais simplifier, mais il faut quand même revenir à des choses simples de temps en temps.
16:50 C'est le soft power américain qui est une donnée permanente depuis 1945,
16:57 qui a pris naissance en 1946 avec les accords Bloom-Biens.
17:01 On parle beaucoup du plan Marshall, on parle peu des accords Bloom-Biens,
17:05 qui sont en fait le pendant culturel du plan Marshall et qui impose,
17:10 c'est un exemple parmi d'autres, mais il est essentiel,
17:12 qui impose une majorité de production américaine au cinéma,
17:15 puis ensuite à la télévision, etc.
17:17 Et quand je dis une majorité, ce qui est scellé en 1946,
17:20 c'est 8 productions américaines pour 2 productions françaises par mois.
17:25 Enfin, c'est en plus à porter sans droit de doigt.
17:27 Et donc on est envahi par les représentations américaines,
17:30 par le narratif, je déteste ce mot, mais par le narratif américain.
17:34 - C'est quand même exceptionnel de se dire,
17:36 en fait, là-dessus, ils sont en effet extrêmement forts les Américains,
17:39 puisque, vous le dites, en scellant cet accord,
17:42 on ne voit pas forcément ce qui peut se passer derrière.
17:46 Mais finalement, ils ont réussi en vendant leurs films
17:50 à vendre toute leur histoire revisitée, finalement.
17:54 Toute l'histoire revisitée, notamment de la Seconde Guerre mondiale.
17:56 - Alors, il ne faut pas simplifier, je le disais.
17:59 Il ne faut pas non plus refaire l'histoire avec des scies,
18:01 mais on peut quand même faire un petit exercice intellectuel
18:04 et se demander ce qui serait advenu
18:06 si les Russes n'avaient pas au moment du débarquement
18:09 lancé la plus formidable offensive militaire de tous les temps à ce jour.
18:15 Je ne vois pas que ça ne revienne jamais,
18:17 ce qui est l'opération Bagration,
18:18 qui commence exactement au moment du débarquement.
18:22 Staline attendait le débarquement pour la lancer.
18:24 L'opération Bagration, ce sont 4 millions de Russes
18:28 qui se jettent sur les Allemands de la mer Noire jusqu'à la Baltique.
18:33 - Oui, c'est énorme, un front très...
18:36 - Voilà, et qui vont faire une sorte de barbarossa à l'envers
18:40 avec 600 kilomètres reconquis en un mois et demi.
18:48 Ils vont aller de Biélorussie jusqu'à Varsovie en un mois et demi
18:51 et ils vont littéralement casser les reins de la Wehrmacht.
18:55 Ils vont envoyer au tapis 200 divisions allemandes.
18:58 Mais s'il y avait eu 10 divisions allemandes de plus
19:01 et un peu d'aviation disponible au moment du débarquement,
19:04 il est clair que le débarquement n'aurait pas eu lieu,
19:07 n'aurait pas pu, ça aurait été un échec sanglant,
19:10 donc il ne faut évidemment rien enlever au courage des GIs américains
19:14 qui ont été jetés sur les plages.
19:16 - Faisons un petit point d'ailleurs sur les GIs américains,
19:17 parce que, évidemment, on parle de géopolitique,
19:20 on parle de Roosevelt,
19:21 mais les GIs, eux, ont fait preuve de courage,
19:23 il n'y a rien à dire, ils étaient là, ils se sont battus,
19:26 surtout qu'ils étaient envoyés un peu,
19:28 pardonnez-moi l'expression, comme des chers à canon ici.
19:30 - Ah, ils ont été envoyés au casse-pipe littéralement,
19:32 parce que l'élite de l'armée américaine, les Marines notamment,
19:35 elles se battaient dans le Pacifique,
19:36 ils étaient expérimentés, etc.
19:38 Ce qu'on en voit sur les places de Normandie,
19:39 c'est souvent des étudiants, des Noirs,
19:42 des gens qui ont été tirés au sort plus ou moins,
19:44 mais enfin, qui sont tout de même dans un état d'impréparation chronique
19:49 par rapport aux gens aguerris, qui ont quatre ans de guerre derrière eux,
19:53 qui les attendent.
19:55 Les troupes allemandes qui sont en Normandie...
19:58 - Des très jeunes aussi.
19:59 - Des très jeunes, d'où d'ailleurs,
20:01 vous savez, les cellules psychologiques,
20:04 elles ont pris naissance là,
20:05 c'est la première fois qu'on a eu des dépressions nerveuses,
20:08 des collapses psychiques immédiates après le débarquement.
20:14 Les types pleuraient, jetaient leurs armes, etc.
20:16 Et donc, on a ouvert des unités psychiatriques
20:18 parce qu'ils n'étaient pas entraînés.
20:21 Ils sont d'ailleurs très vite entraînés.
20:22 Et au moment de l'offensive des Ardennes en décembre 44,
20:25 on a vu ce que les Américains savaient faire.
20:27 Ils se sont battus très bien et ils ont été entraînés sur le tas.
20:31 Mais les gens qu'on en voit sur les places du débarquement,
20:35 il faut leur rendre hommage parce qu'ils n'étaient pas préparés.
20:37 Ils n'étaient pas préparés.
20:38 Il y avait des unités préparées.
20:40 La 82ème Airborne, etc.
20:42 Ça oui, ça c'était des pros.
20:43 Mais la masse des GIs, elle était envoyée au casse-pipe
20:46 dans des conditions très contestables.
20:50 - Alors, j'aimerais bien aussi qu'on revienne,
20:52 parce que c'est la conclusion du général De Gaulle
20:56 dans cet échange que j'ai pu vous lire tout à l'heure avec Alain Perfit,
20:58 sur le débarquement en Provence.
21:00 Parce que lui, il veut tout centrer sur ce débarquement de Provence.
21:04 Est-ce que vous pourriez nous dire à quel point aussi ce débarquement,
21:06 dont on entend aujourd'hui beaucoup moins parler finalement,
21:09 à quel point aussi il a joué sa part dans l'histoire ?
21:12 - Il a été décisif d'abord du point de vue de l'honneur français,
21:16 parce qu'il n'y avait personne, comme De Gaulle le dit,
21:19 sur les places de Normandie, sauf le commando Kieffer,
21:21 quelques centaines de types.
21:22 Mais là, il y avait 200 000 soldats.
21:24 Il y avait la première armée française.
21:26 C'était en plus une armée qui était symbolique
21:28 parce que c'était les forces françaises libres
21:29 et l'ancienne armée de Vichy qui avait été unie
21:33 sous la houlette de l'art qu'avait fait l'amiral De Gaulle,
21:36 le propre fils du général qui lui venait des forces françaises libres,
21:40 raconte dans ses mémoires combien ça a été difficile
21:43 de se retrouver avec l'armée de Vichy.
21:44 Mais finalement, le désir de se débarrasser des Allemands
21:47 a fait que toute cette armée a eu un vraciment
21:50 et ils se sont battus magnifiquement.
21:53 C'est eux qui ont libéré en quelques semaines la vallée du Rhône.
21:58 Il y avait un type tout à fait extraordinaire,
22:00 dont on parle très peu, qui est le général Diego Brosset,
22:02 qui était vraiment un héros de cette première armée française,
22:08 qui est mort d'un accident de voiture, de Jeep,
22:12 en franchissant un pont dans les Vosges au mois d'octobre,
22:16 mais qui a fait partie de ceux qui ont libéré la vallée du Rhône à toute vitesse,
22:22 qui a mis en plus bon ordre à l'épuration sauvage
22:25 qui commençait dans certaines villes où les communistes avaient pris le pouvoir,
22:29 notamment à Lyon.
22:30 Ce sont des destins absolument extraordinaires,
22:33 ce sont des gens qui se sont battus magnifiquement,
22:35 qui ont repoussé les Allemands comme rarement,
22:37 ils avaient été corrigés depuis 1940,
22:40 rarement en tout cas en France,
22:42 et on n'en parle jamais.
22:43 Et donc de Gaulle vouer une véritable dévotion à cette armée-là,
22:48 et c'est elle qui voulait fêter pour le 20e anniversaire de la libération.
22:54 D'autant, d'autant, d'autant, que...
22:56 Je ne sais pas si je peux continuer deux secondes plus là-dessus,
22:59 mais que si l'on voulait à Roosevelt,
23:02 c'est parce que Roosevelt ne souhaitait pas libérer Paris immédiatement.
23:06 Dans un autre passage qui vient tout de suite après,
23:09 il dit à Perfit, en fait, ce que voulaient les Américains,
23:11 ce qui peut tout à fait se comprendre de leur point de vue,
23:13 c'était, de Gaulle, ceci de mémoire, il emploie le mot,
23:18 il voulait glisser le long de la côte atlantique
23:22 et remonter jusqu'à Anvers
23:24 et pour démolir les bases de V2 qui bombardaient l'Angleterre au même moment,
23:30 qui étaient effectivement des armes assez redoutables,
23:32 bien que symboliques, parce qu'elles ont fait beaucoup de...
23:35 Elles ont fait très peur, mais elles n'ont pas changé grand-chose à la fin des fins.
23:40 Et donc il voulait éviter Paris.
23:41 Or, Paris s'était révolté, s'était soulevé à partir de la mi-juillet.
23:47 Et donc on avait un exemple assez effrayant, c'était celui de Varsovie.
23:53 Et de Gaulle ne voulait pas que cette insurrection populaire,
23:58 en plus il n'avait pas envie que ce soit les communistes qui prenaient le pouvoir,
24:00 disons-le franchement,
24:02 mais il ne voulait surtout pas que la population parisienne se fasse massacrer.
24:07 Or, Roosevelt, ça lui était complètement égal.
24:12 Et puis alors, je vous dirais même plus,
24:13 si les communistes avaient pris le pouvoir à Paris,
24:17 ça leur aurait arrangé parce que ça aurait totalement délégitimé de Gaulle.
24:23 - Délégitimé de Gaulle et légitimer eux, leur plan Overlord.
24:26 - Bien sûr, vous voyez, c'est les communistes.
24:29 Alors il y a ça.
24:30 Et puis après, il y a l'affaire d'Alsace,
24:33 qui est également, dont on parle très peu, mais qui est très importante.
24:37 Et ça, c'est vraiment au cœur du contentieux entre de Gaulle et les Américains,
24:42 presque autant que l'affaire du débarquement.
24:46 Quand Hitler lance son offensive sur les Ardennes, le 16 décembre 1944,
24:50 la dernière grande contre-offensive,
24:52 il bouscule les Américains, il veut les rejeter à la mer jusqu'à Anvers.
24:56 Il n'y arrive pas et je pense qu'il n'y serait jamais arrivé
24:58 parce qu'il manquait d'essence, pour des tas de raisons.
25:00 C'est un autre sujet.
25:01 Mais enfin, ça sème la panique dans les rangs américains.
25:04 On ne s'attendait pas à cette offensive.
25:06 Et Roosevelt demande à Eisenhower d'abandonner Strasbourg,
25:11 d'abandonner l'Alsace, qui a été reconquise par les Français
25:15 dès le mois de novembre 1944, pour tout mettre, pour tout envoyer vers la Belgique.
25:23 Abandonner Strasbourg pour de Gaulle, c'était absolument impossible
25:27 parce que là, il y aurait eu des représailles terribles des Allemands.
25:31 En plus, alors ça c'est là, c'est une raison humanitaire.
25:35 Il y a une raison d'honneur qui est que, vous avez entendu parler du serment de Koufra.
25:40 En 1941, Leclerc, au début de son équipé, avait juré qu'il déposerait les armes
25:47 que quand le drapeau français flotterait à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg.
25:51 Donc, c'était impossible.
25:52 Et puis, il y a une troisième raison, alors là, qui est profondément géopolitique,
25:56 c'est que si on avait abandonné Strasbourg, on ne pouvait pas passer le Rhin
26:00 et par conséquent, conquérir un gage en territoire allemand.
26:04 Or, conquérir un gage en territoire allemand, avoir une zone occupée,
26:07 ce que les alliés soviétiques comme américains, comme anglais, ne voulaient pas nous donner,
26:12 il fallait la prendre de force, parce que c'est ce qui nous permettait de compter après la guerre.
26:17 Et c'est d'ailleurs ce qui a valu que nous ayons un siège permanent au conseil de l'ONU.
26:23 - Il a fallu, ce qui est incroyable, quand on relit votre livre et Perfit,
26:26 c'est qu'on se rend compte à quel point chaque...
26:30 Aujourd'hui, nous sommes sur des acquis, les acquis du combat du général de Gaulle,
26:33 mais en fait, chaque élément, chaque place a dû être conquise.
26:37 Il a fallu se battre jusqu'au bout pour pouvoir l'avoir.
26:39 - C'est surhumain, ce qu'a fait de Gaulle est surhumain.
26:41 La France n'a pas gagné la guerre, mais elle a gagné sa place dans le monde d'après-guerre.
26:47 Et sans de Gaulle, elle était un objet passif de la vie internationale.
26:51 Ce qui nous a libérés des allemands, c'est les américains, les soviétiques, la résistance, bien sûr,
26:59 mais le général de Gaulle, il fédère tout ça, mais il ne faut pas se raconter d'histoire
27:06 sans les américains et sans les soviétiques, la France n'aurait pas été libérée.
27:09 En revanche, que la France existe après-guerre, c'est de Gaulle et lui seul.
27:12 - Oui, alors on arrive à ma question.
27:15 Est-ce que la France existe encore aujourd'hui ?
27:17 - Alors là, bien sûr qu'elle existe, elle existera toujours.
27:21 - Oui, mais bon, comment et dans quel état ?
27:23 Aujourd'hui, comment vous comprenez que finalement, tout ce que le général de Gaulle a fait,
27:28 lui, il a fallu qu'il se batte terriblement, on l'a vu militairement,
27:32 mais pas que stratégiquement, géopolitiquement, pour pouvoir défendre chaque place dans l'après-guerre de notre pays.
27:41 Finalement, on a l'impression que tout ça est balayé d'un revers de manche aujourd'hui, oublié.
27:46 Et si on se tourne vers notre gouvernement actuel, mais ce n'est pas le d'avril avant qui ont fait la même chose,
27:52 et les hommages qui vont être rendus aujourd'hui, comment vous expliquez finalement qu'on oublie ce combat,
27:57 qu'on oublie ce combat du général de Gaulle, qu'on oublie ce qu'on a été, et aussi la vision gaulliste ?
28:03 - Je crois que là encore, quitte à paraître obsédé, je crois que le soft power américain est absolument essentiel,
28:08 parce que c'est lui qui modèle la conscience et l'inconscient de nos dirigeants.
28:14 Les trois quarts de nos dirigeants actuels ont fait...
28:17 - Mais on a un problème de ça, dans ce cas-là, on a un problème de formation, c'est-à-dire que...
28:20 - Bien sûr !
28:20 - Nos dirigeants aujourd'hui sont Emmanuel Macron, entre autres, des young leaders américains.
28:25 - Oui, ça a commencé avec Sarkozy.
28:29 Chirac a été le dernier à avoir fait la guerre, pas celle-là, mais la guerre d'Algérie,
28:33 il savait ce que c'était de se battre, il savait ce que c'était de risquer sa peau, voilà.
28:38 On peut ne pas aimer Chirac, lui reprocher des choses,
28:41 mais enfin, il était encore quelqu'un qui avait les pieds dans la glebe de l'histoire.
28:46 D'ailleurs, il nous a pas fait honte, je pense que même des gens qui n'ont pas soutenu Chirac
28:49 peuvent dire que ça a été le dernier président qui nous a pas fait honte.
28:53 Mais après, quand vous voyez que Nicolas Sarkozy vient...
28:56 Je fais de la politique, je devrais pas, mais je vais quand même le faire...
28:59 est allé déclarer sa candidature à l'ambassade des États-Unis, avant de la déclarer aux Français.
29:04 C'est tout de même assez extraordinaire, c'est les papiers Wikileaks qui ont révélé ça.
29:10 - Oui, puis l'OTAN aussi, tout de même...
29:11 - D'ailleurs, qu'est-ce qu'il a fait quand il est allé voir l'ambassadeur des États-Unis,
29:15 qui s'appelait Stapleton ?
29:17 En 2006, il lui annonce à la fois qu'il va être candidat à la présidence de la République,
29:23 contre... à l'époque on pensait que ça serait Villepin, à droite,
29:28 de qui réintégrera l'OTAN.
29:30 C'est quand même énorme, et c'est très exactement ce qu'il a fait.
29:34 Et je parle pas de...
29:35 - Pour quelqu'un qui soit disant était dans la filiation du gaullisme ?
29:38 - Euh... écoutez...
29:41 Sarkozy s'est jamais... - Enfin, officiellement, en fait.
29:42 - Oui, officiellement, mais il est jamais allé trop loin dans la...
29:46 - Au moins, il a eu cette honnêteté.
29:48 - Oui, oui, on peut pas lui enlever ça.
29:50 Mais enfin, il est quand même allé déclarer sa candidature à un gouvernement étranger,
29:54 avant de la déclarer au peuple français devant lequel il est responsable.
29:58 C'est assez stupéfiant, tout de même.
30:00 - Oui, oui, tout à fait. Et quand on continue aujourd'hui,
30:03 et qu'on voit quel point les intérêts de la France,
30:07 et on peut parler de l'Union Européenne deux secondes,
30:09 puisque vous en parlez aussi beaucoup dans votre livre,
30:11 le général de Gaulle était ultra conscient de l'enjeu,
30:16 de ce qu'était en train de devenir l'Europe, puis l'Union Européenne,
30:21 qui finalement servait de base aux Américains.
30:25 Et malgré cette vision, malgré ces avertissements,
30:29 aujourd'hui, tout ce qu'il avait prédit se réalise.
30:31 Et nous, notre gouvernement, nos gouvernements successifs,
30:35 sont allés dans ce sens-là.
30:36 - La vérité est que le gaullisme a été une parenthèse absolument glorieuse,
30:40 absolument décisive, absolument surhumaine,
30:43 par rapport au point de départ qui était la 4ème République,
30:47 qui avait absolument tout cédé.
30:49 De 58 à 74, parce que j'inclus Pompidou dans cette dynamique-là,
30:54 en fait, on sort de l'épure Jean Monnet, Robert Chauvin, etc.,
30:59 épure mise au point sur la 4ème au début des années 50,
31:03 en prise directe avec le département d'État américain.
31:06 Moi, je raconte dans mes livres comment, à la fois,
31:08 le traité de la CK, qui est à la bourse de l'Union européenne d'aujourd'hui,
31:12 et le traité CED sont en fait entièrement négociés,
31:17 et souvent à l'insu même des parlementaires,
31:19 et à l'insu des ministres.
31:21 Il faut voir, il faut lire, parce qu'on ne lit pas assez les textes.
31:24 Les mémoires de Monnet, les mémoires de Robert Marjolin,
31:28 les mémoires de Robert Chauvin, des papiers politiques de Chauvin...
31:31 Oui, mais moi, je les cite, tous ces gens-là !
31:33 - Mais oui, mais vous faites un tel travail de référencement
31:35 que franchement, tout est dit, et une fois qu'on a lu ça,
31:38 pour moi, on comprend tout.
31:41 Tout ce qui se passe aujourd'hui, on le comprend à travers vos livres.
31:44 Et puis c'est vrai, en relisant Perfit par exemple.
31:46 Qui n'a pas lu ne peut pas comprendre ce qui se passe aujourd'hui.
31:49 - Perfit, il faut vraiment le lire, c'est absolument fondamental.
31:52 Parce que vous savez comment, si j'ai encore deux minutes,
31:54 comment Perfit travaillait ?
31:56 Il était le porte-parole du général de Gaulle.
31:58 Et de Gaulle lui exposait l'entièreté de sa pensée,
32:02 parce qu'il lui disait "vous allez en choisir 10%
32:04 mais je veux que, pour que les gens comprennent le maximum,
32:08 je veux moi vous en dire aussi le maximum,
32:11 et vous, vous direz le minimum utile".
32:13 Et donc, il voyait de Gaulle, et dès qu'il était dans l'antichambre,
32:16 il notait absolument tout.
32:18 Et donc, c'est pas de la sténographie, mais quasi.
32:22 Et l'honnêteté intellectuelle de Perfit est absolument évidente.
32:26 Et tout ce que Perfit dit, on entend parler de Gaulle.
32:30 - Alors je reviens sur cette idée de "parenthèse enchantée".
32:34 Je sais plus si vous allez dire "enchantée", mais peu importe,
32:36 c'est peut-être mon mot.
32:38 En tout cas, cette parenthèse salvatrice du général de Gaulle,
32:42 qui nous a sauvés entre la 4ème République et puis l'après de Gaulle.
32:46 Finalement, et c'est vrai que c'est la conclusion qu'on a à la fin de votre livre,
32:51 on se dit "on a été sauvés par un homme",
32:53 mais peut-être que la France ne méritait pas de Gaulle, entre guillemets.
32:57 Finalement, aujourd'hui, est-ce qu'on pourra,
33:01 est-ce qu'il faut attendre un nouvel homme providentiel, à la de Gaulle, qui nous sauve ?
33:05 Ou est-ce que ça a été, justement, une personne exceptionnelle
33:09 et la France n'est que redevenue la France, finalement ?
33:12 - Pour répondre à votre question, je ne vais pas y répondre moi-même,
33:16 je vais citer Malraux, lors de son dernier grand discours du Palais des Sports,
33:20 d'avril 1969.
33:23 C'est le vendredi qui précède le référendum, les sondages sont mauvais,
33:27 on sait que de Gaulle va vraisemblablement perdre, lui il le sait déjà.
33:30 Et Malraux termine son discours en disant
33:34 "ne vous en faites pas pour la France".
33:36 La France, elle a eu Vercingétorix, elle a eu Jeanne d'Arc,
33:40 elle a eu Napoléon, elle en trouvera d'autres.
33:43 Notre affaire à nous, c'est d'éviter qu'on les brûle.
33:47 - Les mots sont très forts, et je pense résonner encore aujourd'hui,
33:51 plus que jamais d'ailleurs, aujourd'hui,
33:53 il était absolument fondamental de vous entendre, Éri Branca, sur ce sujet,
33:57 c'est pour ça que je suis vraiment très heureuse de vous avoir reçu.
33:59 Je rappelle votre ouvrage "L'ami américain" aux éditions Tempus,
34:03 et puis plus récemment "La république des imposteurs" aux éditions Perrin.
34:07 Merci beaucoup Éric Branca, et merci à vous tous, chers auditeurs,
34:10 c'est la fin de cette émission.
34:12 Vous n'oubliez pas, pour faire monter cette vidéo dans les référencements,
34:15 vous mettez des pouces, des likes, des cœurs, des commentaires positifs,
34:18 on en a besoin pour que tout le monde puisse avoir accès à cette information.

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