C'est une personnalité bien connue du biterrois. Il vient de sortir un livre consacré à un pays auquel il est resté profondément attaché: le Vietnam. Il est d'ailleurs le premier étranger à avoir reçu des mains même du président du pays la nationalité vietnamienne.
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00:00 - Héros, vous nous regardez peut-être sur France 3 Occitanie, Guillaume Broulon, nous accueillons André Menras
00:04 qui est franco-vietnamien, ancien prisonnier pendant la guerre du Vietnam.
00:07 - Bonjour André Menras. - Bonjour.
00:09 - Ravi de vous recevoir ce matin pour ce livre que vous venez tout juste de sortir,
00:13 "Vietnam, entre le meilleur et le pire, 50 ans de fidélité au combat de ma jeunesse".
00:19 C'est aux éditions Les Indes Savantes.
00:23 Quel parcours de vie André Menras que vous racontez dans ce livre
00:29 qu'on va essayer de résumer en quelques minutes, ça ne va pas être facile.
00:32 Mais le Vietnam, c'est votre second pays, c'est votre seconde patrie.
00:37 Déjà on peut dire les choses comme ça pour commencer.
00:39 - Oui exactement, je peux dire que je m'y sens aussi bien qu'à Béziers, qu'à Souviens exactement.
00:49 Ou que dans le sud d'Aveyron, d'où je suis originaire.
00:52 - Vous faisiez un peu de braconnage aussi avec les tontons, vous racontez ça dans le livre.
00:58 - Oui, dans le sud d'Aveyron il faut aller pêcher la truite à la main et les crevices,
01:02 et placer des collets pour le lièvre.
01:05 - Et vous dites que ce braconnage était un peu l'acte de fondateur de ma propre résistance ensuite au Vietnam.
01:10 - Exactement, c'est-à-dire que j'étais un jeune amateur de rugby, de fête, de braconnage et de chasse.
01:19 Et aussi pris d'indépendance et avec la fierté des gens du coin.
01:26 Et je suis arrivé au Vietnam avec cette mentalité, pas du tout politique.
01:31 - Alors vous arrivez au Vietnam comme instituteur, vous êtes nommé là-bas, c'est pas vous qui l'avez demandé ?
01:36 - Je l'ai demandé mais en fin de liste, parce que j'étais contre la guerre.
01:41 Et je suis tombé là-bas en pleine guerre.
01:43 - Et la guerre avait commencé depuis 1955, parce que c'était un long conflit au Vietnam.
01:47 - La guerre a commencé au Vietnam depuis 1858, débarquement à Da Nang des premiers bateaux français et espagnols d'ailleurs.
01:56 La guerre avait duré déjà plus de 100 ans au Vietnam.
02:01 - Alors vous arrivez là-bas, vous êtes en pleine guerre, en plein conflit.
02:04 - La guerre américaine.
02:05 - La guerre américaine, évidemment, qui suit la guerre d'Indochine, suite à la colonisation française.
02:10 Donc vous découvrez un pays à feu et à sang.
02:12 Le week-end quand vous n'êtes pas face à vos élèves en classe, vous parcourez le pays, notamment le sud du Vietnam.
02:19 Là vous découvrez les horreurs de la guerre.
02:21 - Exactement, je découvre la guerre telle qu'elle est.
02:23 C'est-à-dire pas celle qu'on voit à la télé ou qu'on montre à la télé, même s'il y a de belles images de flammes et de destruction,
02:30 qui à la télé sont belles finalement, mais là on voit les villages brûlés,
02:35 on voit les paysans soupçonnés d'être des vietcongs éventrés au bord de la route pour terroriser leurs co-villageois.
02:44 On voit le massacre, et on voit les mouches sur les corps.
02:50 La guerre, moi je l'ai découverte là, et je me suis, à 20 piges, c'est comme ça, je me suis identifié à ces gens.
03:00 Et je me suis dit, et si c'était les miens ? Et si c'était chez moi ? Et si c'était mes voisins à qui on faisait ça ?
03:08 - Le 25 juillet 1970, André Ménrasse, je montre la photo à l'image pour ceux qui nous regardent.
03:15 C'est une photo qui est restée extrêmement marquante.
03:18 C'est vous qu'on voit, vous montez sur un monument qui représente un soldat américain,
03:23 avec le drapeau du Front National de Libération du Sud-Vietnam, vous hissez ce drapeau.
03:28 C'est un acte complètement fou. Moi ça me fait penser à Tiananmen, ce chinois qui se met devant un char.
03:35 C'est un peu cette portée-là, le geste que vous effectuez ce jour-là.
03:39 - C'est un peu l'état d'esprit des étudiants de Tiananmen devant les chars, c'est-à-dire l'exaspération, l'indignation.
03:46 - Face à l'envahisseur américain.
03:47 - Voilà, et à dire stop, non on va arrêter cette guerre, il faut arrêter ce massacre quotidien qu'on voit.
03:53 On ne le voyait pas tellement dans les villes comme Danang, Saigon, mais à la campagne c'était flagrant.
03:59 C'était un génocide, c'était la destruction des forêts par les produits chimiques, par le napalm,
04:06 et c'était la destruction des gens dans leur corps et dans leur esprit par la terreur.
04:10 - Cet acte héroïque André Ménrasse vous vaut d'abord un passage à tabac, un bonnet du forme.
04:15 - Il n'est pas héroïque, il est humain, il est normal pour quelqu'un qui a vécu ça.
04:20 - Et vous, passage à tabac, vous êtes quasiment laissé pour mort, dans un seul état, et puis surtout deux ans de prison derrière.
04:26 - Deux ans et demi de prison dans le bagne de tiroir à Saigon, avec les prisonniers politiques.
04:33 Et c'est là où je suis vraiment devenu vietnamien.
04:36 C'est pas quand le président m'a donné la nationalité vietnamienne, mais c'est à ce moment-là que je suis devenu vietnamien,
04:43 parce que j'ai été accepté par la résistance, qui était pourtant très très très très sélective,
04:50 pas comme un étranger, mais comme un vietnamien, et j'ai été intégré au mouvement de résistance dans la prison.
04:58 - Donc 75, la guerre prend fin, on commémorera les 50 ans de la fin de la guerre du Vietnam l'année prochaine, en 2025,
05:04 vous revenez en France, toujours avec évidemment ce Vietnam dans une partie de votre...
05:10 - Mes copains étaient encore en prison.
05:12 - Et vous en avez encore aujourd'hui qui sont en prison d'ailleurs.
05:14 - Voilà, et il y en a encore aujourd'hui qui sont en prison, des 15 ans de prison aujourd'hui, avec ce régime dit libérateur,
05:22 ce régime qu'on a contribué par nos sacrifices, et surtout les vietnamiens de souche,
05:28 à mettre au pouvoir, et qui maintenant réprime ceux qui osent le critiquer,
05:35 et ceux qui osent s'élever contre l'emprise chinoise sur le pays.
05:40 - Et puis alors un épisode qui n'a rien à voir avec le Vietnam, et dont beaucoup de bitterois vont se souvenir,
05:46 début des années 2000, au moment de prendre votre retraite,
05:48 vous vous apercevez que l'administration française vous refuse vos points de retraite correspondant à vos années de détention,
05:54 vous pensiez que vous étiez parti faire du tourisme là-bas.
05:56 - Oui, ils ont dit que j'étais là-bas en congé pour suivre mon conjoint.
06:01 En somme, j'étais au club Met, dans la prison vietnamienne, et c'est pas la prison française, excusez-moi.
06:07 - Vous ne supportez pas ça, donc là vous aimez bien prendre de la hauteur,
06:10 après le drapeau sur la statue du GI, là vous montez sur le toit de la cathédrale Saint-Nazaire à Béviers,
06:15 c'était en juin 2003 exactement, et vous y restez combien de jours, combien de temps ?
06:21 - Alors d'abord c'était en 2001, 5 jours et 6 nuits en plein hiver, en plein décembre, -6°C sur le clocher,
06:28 et après en 2003, comme le nouveau gouvernement n'a pas reconnu mes revendications,
06:36 que le précédent gouvernement avait reconnues, je suis remonté en 2003,
06:40 et je suis resté 56 jours sur le clocher, par la canicule d'août, où les petits vieux tombaient comme des mouches.
06:49 - Il y a une photo extraordinaire dans votre livre, où je crois reconnaître,
06:54 Kléber Mesquida, président du conseil départemental, qui était venu vous soutenir, et Jean-Claude Guesso.
06:58 - Ils sont montés sur le clocher, et on a fait une conférence de presse à 60 mètres de haut,
07:03 sur le clocher, avec la bénédiction de l'archiprêtre Béthoulir.
07:09 - Pour terminer André Médras, pour continuer évidemment, pendant de longues minutes,
07:14 1er décembre 2019, donc le président vietnamien vous remet, vous êtes le premier étranger,
07:18 - 2009 - 2009 pardon, vous remet officiellement la nationalité vietnamienne,
07:23 vous êtes le premier étranger à la recevoir, c'est un moment important dans votre vie.
07:25 - Pour moi c'est un honneur, parce que cette nationalité elle est liée au combat,
07:30 de tous ces vietnamiens qui pendant des décades se sont battus finalement pour les libertés,
07:38 les libertés de base individuelles, mais à la liberté de leur peuple à s'autodéterminer,
07:43 dont j'ai été associé de façon tout à fait officielle à ce combat, pour moi c'était un honneur.
07:49 Et en même temps un engagement, en tant que citoyen vietnamien, de veiller à ce que la liberté,
07:57 l'égalité et la fraternité soient aussi des valeurs qui soient réelles au Vietnam,
08:03 ce qu'elles ne sont pas actuellement.
08:05 - Vietnam, entre le meilleur et le pire, 50 ans de fidélité au combat de ma jeunesse,
08:10 ça vient de sortir aux éditions "Inde Savante", "Inde Savante", c'est passionnant,
08:15 c'est remarquablement écrit, et bon c'est très agréable à lire aussi,
08:19 et je vous recommande sa lecture.
08:21 Merci beaucoup André Médras d'être venu ce matin.
08:23 - Merci à vous de m'avoir invité.
08:25 Si vous voulez réécouter cette interview, il n'y a pas de problème, vous pouvez aller sur notre site internet.