• il y a 4 mois
Maurice Berger, pédopsychiatre, apporte des explications sur la montée de la violence chez les jeunes : «On a chez ces jeunes qui font des homicides, un continuum depuis la petite enfance. Au niveau pénal et politique, nous avons une érosion de la peine, c’est-à-dire que notre société devient barbare dans la mesure où elle renonce à sanctuariser la protection du corps». 

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Transcription
00:00 -Chris Berger, médecin pédopsychiatre et connecté avec nous, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:04 Vous êtes en direct auteur de "Faire face à la violence en France" aux éditions L'Artilleur.
00:10 Et la question qui se pose effectivement, c'est qu'est-ce qui a changé depuis la mort de Thomas
00:14 au sein donc de cette violence, de cette ultra-violence des jeunes, des mineurs, des adolescents ?
00:19 Y a-t-il eu selon vous un avant et un après en matière de violence juvénile ?
00:26 -Oui, je dirais qu'il y a un après au sens où ces troubles, enfin ce type de meurtres,
00:32 deviennent de plus en plus fréquents, ou ces tentatives d'homicide.
00:36 L'autre, c'est-à-dire que la vie n'a plus de valeur.
00:41 Je suis vraiment frappé, par exemple, il y a quelques jours, j'ai vu un jeune Kosovar
00:46 qui avait failli tuer deux personnes et je lui demande ce qu'il en pense
00:50 et avec un haussement d'épaule, il me répond "il est mort, il est mort quand on tue quelqu'un".
00:56 Ou encore des raisonnements comme "de toute manière il serait mort un jour ou l'autre".
01:02 Donc face à un fonctionnement comme celui-là, ce qui n'a pas changé non plus,
01:10 c'est la position de notre gouvernement, des politiques et de beaucoup de magistrats.
01:18 C'est-à-dire qu'on raisonne toujours avec l'idée que c'est une crise d'adolescence en quelque sorte,
01:24 c'est un passage de la vie où on peut faire des choses graves, des bêtises.
01:33 Souvent on appelle ça de bêtises et ce n'est pas du tout le cas.
01:36 Si on reprend l'histoire de ces jeunes qui font des tentatives d'homicide ou des homicides,
01:41 on a un continuum depuis la petite enfance.
01:45 C'est-à-dire que ça a commencé souvent à la maternelle, au niveau scolaire
01:49 et en fait on ne commence à s'inquiéter que quand ils ont une force musculaire suffisante
01:54 pour faire des dégâts terribles.
01:56 Ça c'est ce que je vois dans ma pratique.
01:59 Mais au niveau gouvernemental, on a toujours une loi sur le Code pénal des mineurs
02:05 qui empêche la mise en place de butées dans ces actes.
02:09 C'est-à-dire pas de peine d'emprisonnement de moins d'un mois,
02:12 alternative à l'incarcération entre un et six mois.
02:15 Alors que nous avons toute une série de travaux qui montrent que les peines courtes
02:19 peuvent avoir un rôle de butée dans les agir.
02:22 Donc là, on continue à reproduire de l'identique et cette violence ne peut qu'augmenter.
02:28 Avec Maurice Berger, ce que vous avez cité tout à l'heure,
02:31 du point de vue du gouvernement ou de la loi,
02:33 ce qu'on pourrait appeler des crimes de crise d'adolescence.
02:36 Et vous, vous expliquez, vous remontez à la petite enfance, dès l'école notamment.
02:41 Que s'est-il passé justement pour que ces enfants deviennent des adolescents violents et ultra violents ?
02:48 Et est-ce que c'est cela qui crée cette forme de clivage, de fossé entre deux Frances
02:53 que l'on a voulu opposer dans cette affaire ?
02:57 Oui, je vais vous en parler.
03:00 Mais ce sur quoi je voudrais insister, c'est qu'actuellement, au niveau pénal
03:07 et au niveau, je dirais politique en général, parce que ça ne date pas de ce gouvernement,
03:12 nous avons une érosion de la peine.
03:15 C'est-à-dire que notre société devient barbare dans la mesure où elle renonce
03:21 à sanctuariser la protection du corps, l'intégrité de la protection physique.
03:26 Il faut arriver à X délits, X agressions pour qu'enfin il y ait une butée qui soit mise.
03:33 Et à ce moment-là, c'est trop tard.
03:35 Alors c'est vrai que dans la petite enfance, on a surtout des mineurs
03:40 qui ont été exposés à des scènes de violence conjugale pendant tout petit.
03:44 Et ça, ça rentre littéralement dans leur esprit, dans leur cerveau,
03:48 et ça va ressurgir de manière brutale.
03:51 On a des… qu'est-ce que c'est que les rixes, ces fonctionnements de rixes ?
03:55 En fait, c'est un peu plus compliqué que ça.
03:58 Ce sont des mineurs qui souvent n'ont qu'un très faible sens de l'identité.
04:03 Et donc, ils ont une identité groupale, c'est-à-dire j'appartiens à tel quartier,
04:07 parfois même à telle rue ou à telle ethnie, et quand ils frappent,
04:12 ce ne sont plus des individus, ils font partie d'un groupe,
04:17 et ils sont déshumanisés, ce n'est plus un tel qui frappe,
04:20 et la partie en face, le groupe en face est aussi déshumanisé, la victime aussi.
04:26 Donc il n'y a plus aucune butée, aucune limite à la violence.
04:30 Donc ce sont les peines, pardonnez-moi Maurice Berger,
04:33 les peines et notamment les peines courtes chez les adolescents, chez les mineurs,
04:37 qui pourraient arriver à régler, si tant est que ce soit possible, cette situation ?
04:42 Je vais reprendre ce qui se passe au niveau du gouvernement actuel.
04:49 Mais je répète, ça fait 10 ans, 12 ans que c'est comme ça.
04:54 Actuellement, si on prend M. Attal, il faut rétablir l'autorité.
05:00 Sauf qu'on a deux sortes de délinquance, ce que je dis est un peu trop tranché.
05:05 La première sorte de délinquance, c'est l'attaque au bien,
05:08 l'absentéisme scolaire, les incidilités.
05:13 Et là, c'est vrai que rétablir l'autorité, éventuellement en sanctionnant les parents,
05:19 pourra peut-être avoir un impact.
05:21 Mais cela n'aura aucun impact sur les violences,
05:27 parce que c'est un autre mode de fonctionnement psychique.
05:30 Ça peut être des clans, c'est-à-dire des groupes familiaux,
05:33 qui sont organisés avec le code de l'honneur
05:36 qui passe avant les lois de la République, par exemple.
05:39 Donc, pour ce qui est des violences, c'est d'abord…
05:43 Moi, je dirais, comme ces jeunes ne se rendent pas compte que ce qu'ils font est grave,
05:47 c'est la valeur de la sanction qui leur fait réaliser que leur acte a été grave.
05:53 Ce que je dis, c'est que la valeur de la sanction montre la valeur de l'acte,
05:58 alors qu'actuellement, on a blessure réelle, peine virtuelle,
06:03 c'est-à-dire du sursis, ce qui pour ces mineurs n'a aucun sens.
06:06 [Musique]
06:10 [SILENCE]

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