• il y a 5 mois
Patrick Artus, conseiller économique de Natixis, membre du Cercle des économistes et Marie-Paule Virard, journaliste économique sont les auteurs de “Quelle France en 2050 ? Face aux grands défis en Europe et dans le monde” et sont les invités du Grand entretien de France Inter ce dimanche.

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Transcription
00:00 Un saut dans le futur ce matin dans le Grand Entretien avec Marion Lourds et un exercice
00:06 d'anticipation, de prospective autour d'une question.
00:09 Quelle France en 2050 face aux grands défis en Europe et dans le monde ? Que nous est-il
00:15 permis d'espérer ? Ce sont des questions que pose un essai passionnant rédigé à
00:20 quatre mains, deux auteurs qui publient leur 16ème livre ensemble chez Odile Jacob.
00:27 Une journaliste spécialiste des questions économiques et un conseiller économique
00:32 de Natixis et membre du Cercle des économistes.
00:36 Bonjour Marie-Paul Virard et bonjour Patrick Artus.
00:39 Bonjour.
00:40 Bienvenue à tous les deux.
00:41 On a hâte de se projeter avec vous et j'invite les auditeurs d'Inter à poser des questions,
00:47 à se demander eux aussi à quoi ressemblera la France de 2050.
00:51 S'ils sont optimistes, pessimistes, qu'est-ce qu'ils voient comme les principaux chantiers
00:56 qui nous attendent ? Ils peuvent évidemment appeler au standard 01 45 24 7000 ou nous
01:03 écrire sur l'application France Inter.
01:06 Quelle France en 2050 ? Je vais vous poser une question toute simple à l'un et à l'autre
01:12 puisque vous êtes des personnes qui travaillaient sur des faits.
01:17 Quand on vous suit par exemple sur X Twitter, Patrick Artus, c'est un festival de courbes,
01:24 de data.
01:25 C'est assez fascinant pour essayer de comprendre le monde dans lequel on vit.
01:29 On a envie de vous dire que le monde aujourd'hui est incertain, que c'est l'incertitude
01:36 qui règne.
01:37 Comment répondre tout simplement à cette question ? Quelle France en 2050 ? Qui veut
01:43 commencer ? Marie-Paul Virard.
01:45 Effectivement, c'est la raison de notre travail aujourd'hui.
01:49 C'est que nous vivons une période où l'économie mondiale n'a jamais été autant bouleversée,
01:56 turbulée par de multiples ruptures.
01:59 Ruptures démographiques, ruptures géopolitiques, ruptures énergétiques, ruptures industrielles,
02:08 commerciales, technologiques évidemment, avec notamment l'irruption de l'IA.
02:13 Toutes ces ruptures bouleversent complètement la donne de l'économie mondiale.
02:19 Ça nous a paru un moment particulièrement intéressant pour regarder les conséquences
02:26 sur le niveau de vie, notre niveau de vie, sur l'avenir de nos enfants aussi.
02:32 Et ce d'autant plus que l'Europe n'est pas dans la meilleure posture pour affronter
02:38 cette situation.
02:39 Comment prévoir Patrick Arthus ? On dit que gouverner c'est prévoir et vous avez un rôle
02:44 justement auprès des décideurs pour essayer de comprendre ce qui nous attend.
02:50 Mais ce qui caractérise la période, c'est ce qu'on appelle les signes noirs, ce qu'on
02:55 n'a pas anticipé, l'imprévisible, ce qui fait irruption et défie les catégories.
03:01 Comment est-ce qu'on s'empare de cette question ? Quelle France en 2050 ?
03:06 Oui, 2050 permet d'éviter la tension sur les crises temporaires.
03:12 Le Covid à l'horizon de 2050 n'est plus vraiment quelque chose de significatif.
03:20 On est parti de la démographie et là la démographie joue un rôle extrêmement important.
03:26 On a des taux de fécondité, le nombre d'enfants que chaque femme a extrêmement bas dans certains
03:33 pays du monde, le Japon, la Corée, la Chine et l'Europe.
03:37 Par exemple, les États-Unis pour l'instant échappent à cette malédiction.
03:43 Et surtout, on a des gains de productivité.
03:46 La productivité, c'est la production que fait chaque personne, chaque salarié.
03:50 Et depuis une dizaine d'années, l'Europe a un recul de sa productivité.
03:56 Alors que les États-Unis continuent à avoir une croissance extrêmement rapide de sa productivité.
04:01 Et c'est ça qui creuse le fossé, qui est souvent commenté, entre le niveau de production
04:07 de bien-être des États-Unis et de l'Europe depuis dix ans.
04:10 Et donc on essaye de comprendre une question cruciale, il y a deux questions cruciales.
04:15 La question de l'immigration, évidemment sans ambiguïté, on pense que l'Europe n'évitera
04:22 pas d'avoir une immigration aussi importante que celle des États-Unis.
04:27 Et la question des causes de ce recul de la productivité.
04:31 Et nous, on met en avant des causes structurelles, pas des causes conjoncturelles.
04:36 C'est le déficit d'investissement, le déficit de recherche-développement, la dégradation
04:43 du système éducatif en Europe par rapport aux États-Unis par exemple.
04:47 Alors avant de développer sur tout ce que vous nous disiez, tout ce qui va se passer
04:50 en 2050, on va revenir peut-être en 2024 avec cette dégradation de la note de la dette
04:55 souveraine de la France.
04:57 C'est un vendredi soir qui est passé de AA à AA moins, grosso modo de 18 sur 20 à
05:01 17, c'est ce qu'explique le ministre de l'économie.
05:04 Donc la France est jugée moins apte à rembourser sa dette et ça a en réalité un lien aussi
05:08 avec ce que vous écrivez dans le livre sur la capacité d'investissement notamment.
05:12 Bruno Le Maire, lui, il dit qu'il n'y aura pas d'impact sur le quotidien des Français.
05:16 Il continue à dire aussi qu'il n'y aura pas de hausse d'impôt.
05:20 Qu'est-ce que vous dites vous Patrick Artus ? Est-ce qu'il a raison ?
05:23 Je crois qu'il va falloir inverser les priorités de politique économique.
05:27 C'est-à-dire que nous avons des estimations récentes qui montrent que le réchauffement
05:32 climatique a des effets beaucoup plus négatifs sur l'activité mondiale et l'Europe ou la
05:37 France n'échappe pas à cette situation que ce qu'on en envisageait auparavant.
05:41 Un chiffre, un degré de réchauffement climatique, ça fait perdre 12% de produits intérieurs
05:47 bruts à la planète.
05:48 C'est tellement important qu'il faut dire que la priorité numéro un de politique économique,
05:55 c'est la décarbonation.
05:56 Il n'y a pas d'ambiguïté.
05:59 Donc investir.
06:00 La décarbonation, ça veut dire des investissements.
06:03 Ce ne sont pas simplement les investissements de décarbonation, ce sont des investissements
06:08 pour préserver la biodiversité, pour améliorer la gestion de l'eau.
06:13 Ça implique un effort massif d'investissement.
06:17 Sur ce plan-là, on peut dire que l'Europe est moins bien outillée que les Etats-Unis
06:22 dans la mesure où nous avons une culture avant tout en Europe de l'équilibre financier
06:27 qui prend le pas sur l'ensemble des enjeux majeurs alors qu'aux Etats-Unis, par exemple,
06:33 on investit, on prend des risques, on s'endette éventuellement pour pouvoir relever les défis
06:41 des nouvelles technologies, du défi climatique.
06:45 C'est les 3% qui nous empêchent la règle des 3% ?
06:48 La règle des 3%, la règle du 60% de dette.
06:52 Le pacte va être revu à l'horizon 1er janvier 2025, mais c'est une révision à la marge.
06:59 En fait, on ne change pas nos totems.
07:01 C'est la culture européenne de la norme, de la règle qui prend le pas sur l'innovation,
07:07 le développement, la croissance.
07:09 Il y a de nombreux auditeurs qui sont au standard inter et qu'on va rejoindre très
07:15 rapidement pour qu'ils puissent dialoguer avec vous.
07:18 Vous parlez des semi-conducteurs.
07:20 Je prends un exemple parmi d'autres dans votre livre parce que c'est l'une des clés
07:25 du monde d'aujourd'hui et qui participe de ce qu'on appelle la grande accélération.
07:30 Ce qui est assez fascinant, c'est de voir qu'il y a ce qu'on appelle la loi de Moore.
07:34 Les microprocesseurs vont doubler en capacité tous les deux ans.
07:38 Ça s'est produit depuis les années 60.
07:40 Je ne sais pas si c'est toujours encore vrai, mais cette grande accélération des
07:45 choses est entrée dans nos vies.
07:48 Est-ce que la France est vraiment si mal outillée pour y répondre ?
07:53 Patrick Arthus ?
07:54 Pour l'instant, le problème c'est qu'il y a eu une théorie ou une habitude prise
08:03 qui est que l'industrie, ce n'était pas extrêmement important.
08:06 Effectivement, on change complètement de perspective aujourd'hui et on voit que l'industrie,
08:12 c'est extrêmement important.
08:13 Mais le problème, c'est que pendant suffisamment longtemps, on a cru que l'industrie, ce n'était
08:18 pas si important, qu'on pouvait se développer avec les services.
08:21 C'est une question qui se pose pour d'autres pays.
08:24 C'est une question qui est très présente en Inde par exemple.
08:27 Est-ce que l'Inde peut faire de la croissance uniquement basée sur les services ?
08:30 Nous nous défendons l'idée que l'industrie, c'est très important, mais que malheureusement,
08:37 la France a perdu ses avantages comparatifs pour faire de l'industrie.
08:41 On a plus beaucoup de jeunes qui font des études scientifiques, on a perdu les savoir-faire,
08:49 on a perdu le tissu industriel.
08:51 Il y a cinq fois plus d'ETI, c'est-à-dire d'entreprises de taille intermédiaire en
08:54 Allemagne qu'en France, dans l'industrie.
08:56 Je crois que la réindustrialisation, ça sera extrêmement compliqué.
09:01 L'exemple des semi-conducteurs est clair, mais il y a l'exemple des batteries électriques
09:05 aussi.
09:06 Ça nécessitera beaucoup d'argent public.
09:08 Et ça accroît le problème de finances publiques.
09:11 Il va falloir qu'on fasse des dépenses d'éducation, des dépenses de santé avec le vieillissement,
09:17 des dépenses militaires, des dépenses de réindustrialisation, alors qu'on a ce problème
09:22 de limites aux dépenses publiques.
09:24 Sur l'éducation des jeunes, qui conduit les jeunes à prendre des emplois dans l'industrie,
09:32 on ne fabrique actuellement chaque année qu'à peu près 40 000 ingénieurs par an,
09:38 alors qu'il en faudrait 60 000.
09:41 Et il manque aussi plusieurs centaines de milliers de techniciens.
09:45 Il n'y a pas suffisamment en France de vocation et de passion pour les métiers industriels,
09:52 qui restent des métiers qui sont plus ou moins dévalorisés dans l'esprit des jeunes
09:57 générations.
09:58 On va y venir.
09:59 Bonjour Agnès.
10:00 Bonjour.
10:01 Et bienvenue dans le Grand Entretien d'Inter.
10:04 Vous aviez des questions et des interventions à nous proposer.
10:09 Oui, alors moi je ne suis pas une technicienne ni de l'économie, ni de tout ça.
10:16 Et j'apprécie beaucoup le discours de vos invités, qui est très éclairant.
10:21 Mais si on revient dans l'actualité, à la peu de mobilisation qu'ont les Français
10:32 pour aller voter, je pense que ça tient essentiellement au manque d'espoir.
10:37 Et ils ne trouvent dans aucun candidat l'espoir nécessaire pour aller se mobiliser derrière
10:44 ce candidat.
10:45 Vous parlez des élections européennes ?
10:47 Je parle des élections européennes, mais ça rejoint une espèce d'ambiance morose.
10:54 Moi je vais aller voter, mais je suis entourée de gens qui ne vont pas aller voter parce
10:58 que personne n'est porteur d'espoir pour eux.
11:01 Et je pense que l'horizon 2050 se dessine de façon très floue, parce qu'à part les
11:08 punchlines et les promesses qui ne seront pas tenues, les mobilisations des uns des
11:13 autres, etc., il n'y a pas de fond dans le discours de nos politiques et c'est très
11:20 regrettable.
11:21 Alors justement, merci pour votre intervention Agnès.
11:23 Que nous est-il permis d'espérer ? C'est une question d'Emmanuel Kant que vous reprenez.
11:27 Qu'est-ce que vous lui répondez ?
11:28 Ce déclassement pèse énormément sur le moral des Européens en général, et des
11:34 Français en particulier, qui discernent, qui ont l'intuition que leur niveau de vie,
11:40 de bien-être collectif, l'avenir de leurs enfants est en jeu.
11:44 Et ça pèse évidemment sur leur vie quotidienne, mais ça pèse aussi je pense sur la vie démocratique.
11:51 Parce qu'une société qui est à ce point bousculée n'a plus forcément la lucidité
11:55 pour poser des choix, pour mesurer les enjeux essentiels et poser des choix raisonnés.
12:02 Et c'est en ça que cette situation est particulièrement grave, on peut dire, et
12:08 que il faut faire bouger les choses.
12:10 Il est minuit moins cinq pour la France et pour l'Europe, si on veut rester dans la
12:17 course par rapport aux Etats-Unis et à la Chine notamment.
12:21 Patrick Arthus, avec Marie-Paul Virard, vous êtes très alarmiste quand même sur l'Europe.
12:25 Si on cite votre livre, si rien n'est fait rapidement, l'économie européenne décrochera
12:29 face à ses grandes concurrentes entraînant le niveau et la qualité de vie des Européens
12:33 dans sa chute.
12:34 Vous mettez ça notamment sur le compte de la croissance faible.
12:37 Est-ce qu'on en est encore là à l'heure de la lutte contre le réchauffement climatique
12:41 dont vous parliez pour la biodiversité ? La croissance, c'est encore la panacée,
12:46 il en faut encore.
12:47 Je crois que la décroissance n'est pas une solution.
12:50 Parce que quel que soit le...
12:52 Imaginons qu'on élise un gouvernement adepte de la décroissance et qu'on se place sur
12:59 une trajectoire de réduction du produit intérieur brut.
13:02 Mais le niveau d'investissement qu'il faut faire pour faire la transition énergétique,
13:07 pour la biodiversité, ne changera pas.
13:09 Et donc en réalité, on a besoin de beaucoup de croissance parce qu'on a besoin de beaucoup
13:13 investir.
13:14 Et ce que ne comprennent pas les partisans de la décroissance, c'est que ça ne réglera
13:19 pas le problème.
13:20 Il faut avoir les conditions réunies pour investir beaucoup.
13:25 Et ça veut dire beaucoup d'épargne et ça veut dire beaucoup de revenus.
13:28 Et je crois, pour compléter ce qu'a dit Marie-Paul, je comprends votre auditrice,
13:35 je pense que le plus grave problème, c'est le problème de l'école et du système éducatif.
13:40 Le système éducatif a une qualité qui est décroissante et surtout, il perpétue les
13:45 inégalités sociales.
13:47 On voit bien que dans toutes les enquêtes, quand on va voir des détails de l'enquête
13:51 PISA, que les enfants d'ouvriers ou d'employés sont, dans une très grande proportion, ouvriers
14:01 ou employés eux-mêmes.
14:02 Et donc, il faudrait revenir à une qualité du système éducatif, ce qui implique de
14:08 redonner l'espoir de la promotion sociale par l'éducation.
14:11 Marie-Paul Véran, justement, si on revient à aujourd'hui, en ce moment, on est en
14:15 train de chercher des milliards d'économies en France et notamment dans l'éducation,
14:19 qui a beaucoup de mal à trouver justement où faire ses économies.
14:22 Est-ce que finalement, ça ne remet pas, et c'est ce qu'on disait tout à l'heure,
14:26 est-ce que vous allez jusqu'à dire qu'il faut remettre en cause les règles budgétaires
14:31 telles qu'elles existent aujourd'hui en Europe ? Ou en tout cas, oser les enfreindre ?
14:34 Oui, c'est-à-dire, je reviens sur ce que disait Patrick tout à l'heure, on est dans
14:38 une situation qui exige de faire des choix absolument radicaux et on ne peut plus se
14:43 contenter de mener un petit peu de réduction des dettes, des déficits, un peu d'investissement,
14:50 etc.
14:51 On est vraiment en retard et il faut prioriser.
14:55 Et ça, ça passe par une remise en cause complète, à notre avis, de la politique
14:59 économique européenne, à la fois la politique monétaire et la politique budgétaire, qui
15:04 doivent devenir des éléments de relance et d'aide au développement et au retour
15:11 à la croissance.
15:12 Donc, ça veut dire que, dans notre esprit, les 2% d'inflation, il n'y aurait pas de
15:19 drame si on allait à 3%.
15:22 C'est une règle que s'est fixée la Banque Centrale Européenne, c'est-à-dire qu'il
15:25 ne doit pas y avoir plus ou moins de 2%.
15:27 Voilà, exactement.
15:28 Il n'y aurait pas de drame si on laissait filer un petit peu plus l'inflation, il
15:33 n'y aurait pas de drame si on continuait à investir en dépit du problème de la
15:41 dette.
15:42 Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas agir sur la nature des dépenses.
15:46 Par exemple, en France, il y a un travail très minutieux qu'il faut faire sur la
15:51 qualité des dépenses, qui doivent être des dépenses dynamiques pour créer de la
15:55 croissance et non pas des dépenses de fonctionnement.
15:57 Et ça implique une réforme des dépenses publiques qu'on n'a jamais voulu faire
16:01 en France depuis des décennies.
16:02 C'est intéressant dans votre essai, parce que c'est vrai que vous faites le tour
16:05 de tout ce qui est en train de changer, tout ce qui est en train d'évoluer.
16:08 Je le disais, je parlais d'accélération, mais de ce qui bouleverse le monde auquel
16:13 nous sommes habitués et ce qui doit faire partie aujourd'hui de notre horizon.
16:20 Jeff Bezos, le patron d'Amazon, disait récemment à des entrepreneurs « Ne vous demandez
16:25 pas ce qui va changer.
16:26 Demandez-vous ce qui ne va pas changer ». Ça vous parle ? Mais justement, aujourd'hui,
16:32 ces certitudes-là, on ne les a plus, Patrick Artus.
16:35 Regardez les débats autour de l'intelligence artificielle.
16:39 Je lis la littérature d'économistes qui travaillent sur l'intelligence artificielle.
16:44 Vous avez des économistes extrêmement brillants et réputés qui vous disent que l'IA n'aura
16:50 à peu près pas d'influence sur la productivité et sur l'emploi et d'autres économistes
16:56 aussi brillants et aussi réputés qui vous disent que l'IA va conduire à un bouleversement
17:03 de la nature des emplois et une accélération très forte de la productivité.
17:06 Et je crois qu'on vit dans ces incertitudes.
17:12 Rappelez-vous Internet.
17:13 Alors Internet, c'est une expérience négative parce qu'à la fin des années 90, on pensait
17:19 qu'Internet révolutionnerait plein d'industries et produirait des gains de productivité
17:24 majeurs et ça n'a pas été le cas.
17:27 Il y a eu plus de chauffeurs Uber additionnels que de gens qui conçoivent Internet et Internet
17:34 a provoqué un ralentissement de la productivité.
17:36 Donc, les effets des innovations technologiques peuvent être surprenants parce que beaucoup
17:42 de ces effets passent par la nature des emplois qui sont créés.
17:46 Et Internet a créé beaucoup d'emplois très peu qualifiés.
17:50 - Uberisation.
17:51 - C'est Uberisation, Amazonisation, je ne sais pas quoi.
17:54 - Et ce sont des mots américains d'ailleurs, issus du vocabulaire venu d'outre-Atlantique.
18:00 Il y a une question que vous pose Florence.
18:02 Comment réfléchir avec l'éventualité de la guerre ? Est-ce que vous avez réfléchi
18:07 uniquement en temps de paix ? En hypothèse que la paix serait véritablement notre horizon
18:14 ou est-ce que c'est quelque chose que vous avez pris en compte ?
18:16 - On a pris en compte une situation où l'Europe accroissait fortement ses dépenses militaires.
18:27 Il y a des études qui montrent qu'il faudrait dépenser 3% du produit intérieur brut de
18:33 l'Union européenne pour avoir une défense dissuasive.
18:36 Et que cette dissuasion forçait la Russie, pour être clair, à adopter une attitude
18:45 beaucoup plus pacifique vis-à-vis de l'Europe.
18:47 Donc on est dans une hypothèse de hausse, c'est pratiquement un doublement des dépenses
18:53 militaires en Europe permettant à l'Europe d'exercer une dissuasion crédible.
18:57 - Alors vous, on a parlé du constat que l'Europe était peut-être en risque de déclassement.
19:04 On parle de comment éviter ce déclassement notamment en sortant des traités.
19:06 Et puis vous parlez de l'immigration, il faut quand même qu'on développe un tout petit
19:09 peu ce point avant la fin de l'entretien.
19:10 Parce que vous ce que vous dites c'est un rebours des idées reçues.
19:14 Ça permettrait de faire baisser le chômage, monter les salaires, on en a besoin.
19:17 - Oui parce que lorsqu'on n'a pas de croissance potentielle, de création de richesse à venir
19:27 importante, lorsque la productivité est en panne et où le vieillissement sévit, il
19:36 faut avoir recours à l'immigration si on veut maintenir tout simplement la capacité
19:40 de production.
19:41 Et il faut bien voir que contrairement à beaucoup d'idées reçues, les immigrés créent
19:48 plus de richesse qu'ils ne coûtent au modèle social par exemple en France.
19:53 Et une autre idée reçue c'est aussi qu'on voit souvent les immigrés comme des personnes
19:59 qui sont peu ou pas qualifiées.
20:01 Alors qu'en France par exemple, un immigré sur trois a une éducation de Bac+3 ou plus
20:10 contre 19% seulement pour les Français de souche.
20:14 Donc il y a bien un apport de qualité dans la création de richesse française qui est
20:22 plus importante encore une fois que le coût social collectif.
20:26 - On dit souvent que les Français sont pessimistes.
20:29 Patrick Arthus, est-ce que vous l'êtes ?
20:30 - Je crois que ça dépendra des politiques économiques menées.
20:37 Nous avons les moyens de réorienter la politique économique pour sortir du cercle vicieux.
20:44 On a un cercle vicieux où on n'est pas attractif donc on n'attire pas d'investissement donc
20:48 on croit peu.
20:49 Il faut absolument sortir de ce cercle vicieux.
20:52 - Et l'avenir n'est pas écrit mais en tout cas merci.
20:54 - Il faut une vision et une volonté politique.
20:56 - Merci aux très nombreux auditeurs qui ont participé à ce dialogue en intervenant sur
21:02 l'application France Inter.
21:03 Merci à tous les deux d'être venus du futur pour nous parler.
21:07 On part de cette question.
21:09 Quelle France en 2050 face aux grands défis en Europe et dans le monde ?
21:13 C'est publié chez Odile Jacob et c'est passionnant.

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