L'ART de trouver les CRIMINELS

  • il y a 4 mois
Labo du crime portraits-robots
Quand une enquête est dans l'impasse et qu'un témoin a pu voir le suspect, le portrait-robot peut être un outil utile aux policiers. Placardé dans les commissariats, publié à la une des journaux, ce portrait peut à lui seul faire rebondir l'enquête. Utile, le portrait-robot est aussi un outil très décrié. Dominique Rizet revient sur plusieurs affaires dans lesquelles il a joué un rôle important : celle de Thierry Paulin, le "tueur de vieilles dames"; celle du violeur en série Jean-Jacques Prevost et enfin celle de Marcel Barbeault, "le tueur de l'ombre".
Transcript
00:00 Un suspect en cavale, un violeur dans la nature, un assassin en liberté.
00:05 Dans l'enquête criminelle, le portrait robot peut se révéler indispensable.
00:09 Placardé sur les murs du commissariat ou publié dans les journaux,
00:13 il est un outil précieux lorsque les enquêteurs n'ont aucune piste.
00:17 Un outil pourtant présenté comme fragile et parfois décrié.
00:21 Le portrait robot a été initialisé en France par le commissaire divisionnaire Chabot,
00:25 chef du SRPJ de Lyon.
00:27 Il l'a utilisé dans le cadre de l'affaire Jeannette Marshall au cours des années 1955-1956.
00:33 Il a récupéré un jeu qui s'appelle le photorobot, l'origine,
00:37 et s'en est servi pour l'application de l'image.
00:41 Il a été utilisé pour l'application de l'image,
00:44 et il a été utilisé pour l'application de l'image.
00:47 Il s'appelle le photorobot, l'origine, et s'en est servi pour procéder,
00:52 à l'aide de témoignages qu'il a récupérés,
00:54 à l'établissement d'une photo de l'auteur présumé du crime.
00:59 En quoi consistait ce jeu de société ?
01:01 Ce jeu de société avait été au départ construit à l'aide du volontariat
01:07 d'une population d'un petit village qui avait procédé à des photographies d'identité
01:12 et avait donné l'autorisation à une personne de récupérer ses photographies,
01:17 de les remettre à un format identique,
01:19 et de procéder à des découpes en trois parties des visages.
01:23 Ces trois assemblages étaient mis sur une plaquette,
01:27 et on pouvait comme ça, assis, s'amuser à créer des portraits
01:32 avec différentes formes de yeux, de nez et de bouche.
01:36 Comment ça a évolué dans le temps ? Comment ça s'est passé en France,
01:39 et à l'étranger aussi ? J'imagine qu'à l'étranger, on a aussi progressé,
01:42 on a travaillé sur le portrait robot.
01:43 Alors du coup, après l'affaire de Jeannette Marshall,
01:46 l'inspecteur Emilien Paris a repris le système
01:49 et l'a modifié en lui apportant quelques améliorations.
01:53 Il a rajouté des chapeaux, des moustaches au jeu.
01:57 Ça a été adopté par la police judiciaire française,
02:00 et s'est baptisé "System Paris".
02:03 Et ça a été rapidement renommé, dans le jargon policier, "portrait robot".
02:08 Donc "System Paris", "portrait robot".
02:10 Voilà. Dans les années 60, dans la même période à peu près,
02:13 plusieurs services de police différents travaillent sur des systèmes identiques, similaires,
02:17 toujours en essayant d'apporter des améliorations.
02:20 Ainsi, dans les années 60, les moyens de communication,
02:24 et surtout de transmission de données, papiers,
02:26 étaient beaucoup moins importants que les nôtres actuelles.
02:30 Et de là est née la codification alphanumérique des portraits robots.
02:34 C'est-à-dire que chaque partie était cotée avec une lettre et un chiffre.
02:40 Ainsi, ça permettait, simplement par un coup de téléphone,
02:43 de Marseille à Paris, de donner le code alphanumérique,
02:47 et que l'opérateur, à l'autre bout de la France,
02:50 puisse simplement par le code alphanumérique, reprendre et recréer le portrait robot à l'identique.
02:54 Ça veut dire qu'on avait un album de références
02:57 qui était dans tous les services de gendarmerie ou de police en France,
03:00 et que le policier de Lille pouvait appeler celui de Marseille en lui disant
03:03 "le nez correspond à celui de la page 3, qui est codé A1, A4, A7".
03:07 Plus facilement. Tu as tel système de portrait robot, ok,
03:12 je te donne les codes. A5, A12, B12.
03:16 Et ainsi, il suffisait de noter, et après de reprendre, et de réinstaller.
03:21 Donc c'est une invention française à l'origine,
03:23 et dans quel cas, aujourd'hui, utilise-t-on le portrait robot ? Dans quel genre d'affaires ?
03:28 Alors le portrait robot, il est utilisé dans tous les crimes et les délits.
03:32 Dès que les enquêteurs se retrouvent avec un témoin ou une victime
03:35 qui est en mesure de nous donner des descriptifs en détail du visage,
03:40 on parle bien du visage, on fera appel à un portraitiste qui se déplacera
03:44 et qui tentera d'établir un portrait robot.
03:46 Automne 1984 à Paris.
03:49 La capitale s'apprête à vivre plusieurs années de peur et d'angoisse.
03:54 Un homme agresse, torture et tue au hasard des vieilles dames.
03:59 Sa première victime s'appelle Anna Pontus Barbier, une veuve de 83 ans qui vivait seule.
04:06 Manifestement, elle avait été agressée alors qu'elle regagnait son domicile.
04:11 On ne peut pas dire qu'elle allait le quitter, puisque son sac à provisions était rempli de ses provisions.
04:15 Elle avait donc regagné son domicile.
04:18 Seconde constatation, cette femme, on ne sait pas si elle s'est débattue,
04:22 mais toujours est-il qu'elle a subi des coups.
04:24 On trouve une de ses boucles d'oreilles au milieu de l'entrée,
04:27 elle a une boucle d'oreille qui lui a été arrachée,
04:29 elle a un oeil au beurre noir.
04:31 Elle ne s'est pas faite toute seule.
04:35 Manifestement, elle a subi des violences.
04:38 Elle a les poignets et les pieds liés. Par quoi ?
04:42 Par son foulard !
04:44 Quant à l'étape de l'appartement, c'est un bazar indescriptible.
04:48 Toutes les armoires, tous les meubles avaient été vidés.
04:54 Sa chambre a couché, on ne voyait pas le sol.
04:57 Quatre jours plus tard, nouvelle victime.
05:02 Suzanne Foucault, 89 ans, a été étranglée
05:05 et on lui a recouvert la tête d'un sac en plastique.
05:09 Ensuite, du 5 au 9 novembre,
05:13 quatre autres vieilles dames sont découvertes assassinées,
05:16 toujours dans Paris, la plupart dans le 18e arrondissement.
05:20 Toutes ont subi des violences terribles,
05:23 coups de cigarette, fractures du nez, de la mâchoire, côtes cassées.
05:27 Les policiers ont retrouvé des empreintes,
05:30 mais à l'époque, il n'y a pas de fichiers,
05:33 donc impossible d'identifier leur auteur.
05:36 Les crimes sont crapuleux et le butin souvent maigre.
05:40 Pas plus de 3 000 francs. 500 euros.
05:43 Il y avait une fréquence d'assassinats qui était assez impressionnante.
05:53 Le contexte a été très vite médiatisé,
05:56 puisqu'on a très rapidement parlé du tueur du siècle.
06:01 C'est des expressions qui impressionnent des gens sensibles,
06:05 notamment des personnes âgées.
06:07 Donc une campagne de presse forte
06:09 qui a très vite été relayée par certains élus,
06:13 et pas des moindres,
06:15 puisqu'à un certain moment, Charles Pascois est monté au créneau
06:19 avec une phrase qui est restée célèbre dans le dossier.
06:24 "Face à de tels monstres,
06:26 "je pense que par moments,
06:28 "on peut regretter l'abolition de la peine de mort."
06:31 La polémique enfle quand un nouveau meurtre,
06:34 celui de Jeanne Laurent, 82 ans,
06:36 est découvert le 12 novembre,
06:38 toujours dans le 18e arrondissement.
06:41 À 800 m de là, quelques heures plus tard,
06:44 on découvre le corps de Paul Victor, 77 ans.
06:47 Sa mort remonte à près d'une semaine.
06:50 On en est à 9 meurtres de vieilles dames depuis début octobre.
06:54 La tension monte d'un cri.
06:56 "La peine de mort !"
06:58 Mais l'enquête piétine.
07:00 À part les traces d'empreintes concordantes sur les lieux de 3 crimes,
07:04 les enquêteurs n'ont aucun indice.
07:06 Alors, ils décident de frapper fort.
07:08 Des dizaines d'inspecteurs de la brigade criminelle
07:11 quadrillent le quartier en civil.
07:13 Une centaine de policiers
07:15 et plusieurs compagnies de CRS
07:17 investissent Pigalle, Montmartre et La Goutte d'Or.
07:20 Plus de 100 personnes sont interpellées en vain.
07:23 La presse s'échauffe.
07:25 Et un matin, le journal Le Parisien affiche à sa une
07:28 un portrait robot.
07:30 Le titre est sans embages, c'est le tueur du 18e.
07:33 En publiant de sa propre initiative un portrait robot,
07:36 la presse pousse la police à la faute.
07:39 Un jour, place des Abbes,
07:41 les policiers interpellent un photographe
07:43 au portrait du Parisien.
07:45 C'est une fausse piste.
07:47 Je suis resté 3 heures en passant par tous les stades de l'angoisse,
07:51 fouille en règles,
07:53 je me suis retrouvé à poil dans face d'un inspecteur en civil.
07:57 - Vous avez eu peur ?
07:59 - Très peur, parce que je ne savais pas du tout ce qui m'arrivait.
08:02 La façon dont ça s'est passé, c'était plus du tout un contrôle d'identité.
08:05 Visiblement, j'avais l'impression qu'ils avaient mis la main sur quelqu'un,
08:09 c'était moi, et je ne savais pas pourquoi.
08:11 Au bout de 3 heures, en téléphonant à la brigade criminelle,
08:14 ils ont appris que ce portrait était en fait un portrait bidon.
08:17 Le faux coupable est finalement relâché.
08:20 - Comment les journalistes ont-ils pu obtenir ce portrait robot ?
08:24 Est-ce que c'est un enquêteur qui leur a donné ou bien ils l'ont fait eux-mêmes ?
08:27 - Surisé. Ceci n'est pas un portrait robot.
08:30 Ceci est un dessin.
08:32 - Donc ce ne sont pas les policiers qui leur ont donné ?
08:34 - C'est le fruit d'un témoignage certainement hasardeux
08:36 qui a été commandé à un dessinateur pour faire ce document.
08:40 Mais ce n'est pas un portrait robot.
08:42 - Ça veut dire que finalement n'importe qui peut faire des portraits robots ?
08:45 - Tout le monde peut s'amuser à faire un portrait robot.
08:47 L'intérêt du portrait robot est sa diffusion aux forces de police.
08:50 - Ce qui s'est passé dans l'affaire de ce dessin publié par Le Parisien,
08:55 ça peut être embêtant pour l'enquête ?
08:57 - On peut avoir des personnes qui vont identifier cet individu.
09:00 Cet individu peut être identifié par des services de police également
09:03 et être placé en garde à vue, subir des interrogatoires,
09:07 alors qu'il n'y est pour rien.
09:10 Pendant plus d'un an, après cet incident, il ne se passe rien.
09:14 Jusqu'en décembre 1985.
09:16 Et là, la peur change de quartier.
09:19 Elle s'installe dans le 14e arrondissement.
09:21 Trois crimes perpétrés dans un rayon de 400 mètres autour de l'église d'Alesia.
09:27 Parallèlement, le tueur frappe dans le 5e arrondissement,
09:30 puis dans le 12e et le 11e.
09:33 Trois autres meurtres, toujours en janvier.
09:36 Le mode opératoire rappelle le cauchemar des vieilles dames du 18e.
09:40 Mais la violence gratuite semble avoir disparu.
09:43 - Des sept homicides volontaires de janvier
09:49 ressemblent à la série de 84, avec toutefois une variante.
09:54 Les victimes, toujours pas d'effraction sur les portes,
09:57 mais en revanche, elles n'ont plus les pieds et les chevilles entravés.
10:02 - Là, il y a un petit espoir.
10:06 On se dit, c'est pas possible, ils vont bien faire une erreur,
10:09 ils vont bien se faire remarquer,
10:10 ils vont bien se faire arrêter, interpeller à un moment ou l'autre.
10:13 Il va falloir... On va avoir quelque chose, un signalement.
10:17 Et non. Et non.
10:20 On n'a toujours pas de signalement.
10:23 À nouveau, au mois de juin, donc on a une série,
10:27 je crois, pendant une période de 10 jours,
10:30 on a 6 personnes âgées encore, 6 vieilles dames
10:33 qui sont assassinées à leur domicile.
10:36 Et cette vague s'arrête vers le 23, 24 juin 1986.
10:41 - Mais la calmie ne dure pas.
10:43 En octobre et en novembre, le tueur frappe à nouveau.
10:46 Il attaque 11 personnes âgées à Paris,
10:48 dans le 12e et dans le 10e arrondissement.
10:51 - On sent la routine, manifestement,
10:58 mais il est moins concentré à son affaire,
11:02 si je peux m'exprimer ainsi.
11:04 Donc on a 6 victimes qui s'en tirent.
11:07 - Des victimes qui s'en tirent et qui parlent.
11:10 Toutes témoignent d'un seul agresseur.
11:12 L'une d'entre elles, Berthe Finalterry, 80 ans,
11:15 va jouer un rôle clé dans l'enquête.
11:17 Elle délivre enfin le premier témoignage valable sur le tueur.
11:22 - Alors grâce au témoignage de la victime à portrait robot,
11:26 le tueur va être établi.
11:28 Le voici. On est en 1986.
11:30 Comment faisait-on à l'époque ?
11:32 - En 1986, on utilisait le système Paris,
11:35 qui était donc issu du photojeu de M. Roger Dambron.
11:40 Là, si on regarde le portrait robot,
11:42 on voit qu'il y a visible, sur l'image,
11:45 deux codes alphanumériques,
11:47 qui sont le code alphanumérique de la partie haute du visage,
11:50 et le code alphanumérique de la partie basse du visage.
11:53 - Ça, c'est l'évolution.
11:54 - Oui, logiquement, qu'est-ce qui s'est passé ?
11:56 - Plusieurs époques et plusieurs lieux.
11:58 En France, le portrait robot, système Paris.
12:01 Aux Etats-Unis, 1958, la création de l'identifit,
12:06 un système avec des dessins.
12:08 1968-69, toujours aux Etats-Unis,
12:12 la création de l'identikit,
12:14 qui est là une substitution des dessins par des photographies.
12:19 - C'est-à-dire qu'on fait des parties de visage différentes.
12:21 Avant, c'était dessin des yeux, dessin du nez, dessin de la bouche.
12:23 Là, c'est photo des yeux, photo du nez, photo de la bouche.
12:26 - Voilà, tout à fait.
12:27 - Ce portrait robot, techniquement, comment a-t-il été établi ?
12:31 - On est en 1986.
12:33 Je pense que le portraitiste a fait les questions-réponses.
12:38 Comment était la bouche ? Comment était le nez ?
12:40 Pouvez-vous me le décrire,
12:42 pour essayer de faire ressurgir les souvenirs de cette victime ?
12:45 Actuellement, il va y avoir une grande discussion qui va être faite,
12:48 un entretien, sur lesquels nous,
12:50 on va pouvoir commencer à demander à la personne
12:52 de quoi vous souvenez-vous, tout simplement.
12:54 Comment était la personne ?
12:56 Est-ce que vous pouvez me faire une description de la personne ?
12:58 Déjà, on va essayer de la faire revenir sur la stature, tout simplement,
13:01 le type vestimentaire, l'allure.
13:04 Est-ce que c'était quelqu'un de costaud ? Est-ce que c'était quelqu'un d'athlétique ?
13:07 Est-ce que c'était quelqu'un qui avait plus un air de banlieue ou BCBG ?
13:10 Et de là, après, tout doucement,
13:12 on va commencer à aller plus proche de cette personne
13:15 et essayer de la faire remonter sur le visage.
13:17 Et là, on va commencer à essayer de discuter avec elle
13:19 pour savoir quels sont les éléments qui lui ont marqué, en premier.
13:22 Est-ce que c'est les yeux qui vous ont marqué ? Est-ce que c'est la bouche ?
13:24 Est-ce que c'est le nez ? Est-ce qu'il y avait une particularité ?
13:26 Est-ce que vous avez vu quelque chose d'étonnant ?
13:29 Un piercing ? Une boucle d'oreille ? Un tatouage ?
13:32 Et tout doucement, la personne va réfléchir, réfléchir,
13:35 et se remémoriser, tout doucement, ce visage.
13:38 Quand quelqu'un sait de se souvenir des éléments constitutifs d'un visage,
13:42 comment est-ce que vous allez essayer de chercher dans sa mémoire des souvenirs ?
13:45 Il y a trois difficultés pour établir un portrait robot.
13:48 La première difficulté, c'est la mémoire.
13:51 Les victimes ou les témoins assistent souvent à une scène qui est inattendue, fugace,
13:57 et donc ne prêtent pas attention,
14:00 et donc la mémoire n'est pas vigilante pour pouvoir enregistrer
14:03 et pouvoir reconstituer les éléments véritablement.
14:07 Après, il y a l'espace-temps.
14:09 L'espace-temps entre la vision de la personne dont on va chercher à établir un portrait robot
14:13 et l'établissement de ce portrait robot, qui va être important.
14:16 Plus on va passer de temps, moins les souvenirs seront présents.
14:20 Troisième point ?
14:21 Le troisième point, c'est la relation entre la victime, le témoin, et le portraitiste, l'opérateur.
14:26 Il faut qu'on s'entende sur la terminologie.
14:28 Grâce à ce portrait robot, l'enquête rebondit.
14:32 Tout le monde est mobilisé, regarde le portrait robot, va regarder si ça peut coller dans la rue, etc.
14:38 Il y a des contrôles d'identité qui se font partout.
14:41 Il faut absolument mettre la main sur cet individu.
14:45 D'autant que le tueur de Vieille Dame frappe encore à deux reprises dans le dixième arrondissement.
14:50 Fin novembre, la police a une description précise de l'agresseur.
14:56 Un garçon métis d'environ 1,80 m, les cheveux décolorés en blond, portant une boucle d'oreille à l'oreille gauche.
15:04 Toutes les forces de police sont sur les dents.
15:07 Après trois ans d'une traque insensée,
15:10 c'est finalement grâce au portrait robot que le tueur de Vieille Dame va être arrêté.
15:14 Il s'appelle Thierry Paulin.
15:16 Sur certains crimes, il a agi avec un complice, Jean-Thierry Maturin,
15:22 qui sera condamné à la perpétuité avec une peine de sûreté de 18 ans.
15:26 En revanche, Thierry Paulin ne sera jamais jugé.
15:29 Il est mort du sida en prison et reste présumé innocent.
15:33 Le tueur de Vieille Dame, Thierry Paulin, c'est lui.
15:39 Et il va être reconnu par un commissaire de police parisien qui a vu le portrait robot
15:45 et qui va croiser cet homme-là dans la rue, Thierry Paulin, et qui va le reconnaître.
15:50 C'est quand même le must en matière d'enquête criminelle,
15:54 qu'un auteur soit arrêté grâce au portrait robot.
15:57 Est-ce que vous, ça vous est déjà arrivé ?
15:59 Est-ce que vous avez déjà dessiné un portrait robot qui a permis d'arrêter un auteur ?
16:02 Directement, non.
16:04 J'ai fait des portraits robots qui ont aidé les enquêteurs à établir un panel de suspects potentiels
16:10 et d'interpeller après le suspect grâce au descriptif.
16:14 Alors, est-ce qu'on sait, est-ce qu'on a une idée du taux d'élucidation des affaires grâce au portrait robot ?
16:21 Non, ce n'est pas une statistique qui est prise en compte.
16:24 Le portrait robot, c'est une aide à l'enquête.
16:26 Donc, obligatoirement, il est noyé dans un amalgame de preuves, d'éléments, d'indices,
16:31 et sera un indice, comme un autre, dans une enquête.
16:34 L'affaire Paulin est l'exemple parfait de l'utilité du portrait robot dans une enquête criminelle.
16:40 Mais parfois, un portrait robot ne mène pas au coupable, même quand il est parfait.
16:45 Marseille, 11 janvier 1999.
16:51 Collège Jean Moulin, dans les quartiers Nord.
16:54 Il est 15h.
16:56 Caroline a terminé sa journée de cours.
16:59 Elle est en 5e, elle a 13 ans.
17:02 Tous ses copains sont déjà partis.
17:04 Caroline marche seule, à 400 mètres du collège, sous la bretelle d'autoroute.
17:10 Elle croise un oeil.
17:12 - Arrivait en fait à mon...
17:17 Euh, à mon niveau.
17:19 En fait, il sort un couteau.
17:22 Il me dit "Avance, avance, tais-toi, ou sinon je te tue."
17:28 Donc j'ai pas le choix, j'ai ce couteau de boucher...
17:32 Sous la gorge.
17:36 Donc je suis obligée de le suivre.
17:41 L'homme entraîne Caroline dans les fourrés.
17:45 Il lui enlève son cartable et ses chaussures, et lui attache les mains avec une porte.
17:52 Il...
17:54 Il me demande de m'allonger en fait.
17:58 Il plante son gros couteau...
18:02 Juste à côté de ma tête.
18:04 L'homme la viole, avec une bouchée de couteau.
18:18 L'homme la viole, avec ses doigts.
18:21 Puis il lui impose une fellation.
18:24 Quand il a fini, l'agresseur s'essuie avec un mouchoir et allonge à nouveau l'enfant.
18:31 - Je me suis dit "Bah mais c'est bon, ça y est, je vais mourir là, ça y est."
18:38 J'avais peur, non, je me suis oubliée...
18:42 "Ne me tuez pas, ne me tuez pas" et tout.
18:45 Et en fait, il me défait les liens, il me demande de compter jusqu'à 100.
18:52 Et en fait, je l'entends partir.
18:55 Caroline compte jusqu'à 50 et s'enfuit.
19:05 Elle est recueillie par une passante, qui l'aide à appeler sa famille.
19:10 Avec sa mère, l'adolescente porte plainte le soir même.
19:15 Les policiers recherchent tout de suite des preuves du crime.
19:19 Caroline est examinée par un gynécologue.
19:22 Des traces de sperme sont retrouvées dans sa bouche et sur son pantalon.
19:26 Mais l'ADN est inconnu.
19:28 Les policiers ne peuvent donc compter que sur le témoignage de Caroline.
19:32 Avec elle, ils épluchent les fichiers de délinquants.
19:36 Mais la petite est formelle, son agresseur n'y figure pas.
19:40 En revanche, Caroline a un souvenir très précis de son visage.
19:44 Elle peut dresser un portrait robot.
19:47 On est en 1999, une affaire donc assez proche de nous.
19:52 C'est le portrait robot, ici, du violeur des collèges,
19:55 qui a été réalisé à partir du témoignage de Caroline.
19:59 Alors, il existe des logiciels. Comment ça fonctionne, Stéphane Doublet ?
20:03 C'est un usage très simple, avec une base de données informatisée
20:07 et une interface qui permet de construire le visage
20:10 au fur et à mesure des éléments qu'on va recueillir sur le témoin et la victime.
20:14 Vous avez devant vous un logiciel. Comment ça marche ? En commence par quoi ?
20:18 On va commencer en fonction des éléments que le témoin va pouvoir nous donner.
20:22 Moi, je l'ai vu. Je vais vous le décrire.
20:24 Il avait un nez africain, un gros nez.
20:27 Il y a plusieurs familles de nez, j'imagine.
20:30 Et il avait des yeux d'asiatique, des yeux bridés.
20:34 Des yeux bridés en amande ? En amande.
20:37 Comme ceci ? Oui, très bien.
20:40 Et une petite bouche. Avec des lèvres fines ?
20:44 Petite, avec des lèvres fines. Celle du bas à gauche. En bas à gauche.
20:48 Là, oui. Celle-ci ? Plus grande, plus petite ? Plus petite.
20:51 Vous pouvez la resserrer, la modifier. Je peux la modifier. Je peux l'agrandir, la modifier.
20:56 D'accord. Plus serrée, plus serrée, plus fine. Plus serrée. Je peux la remonter, également.
21:00 Je peux la mettre plus proche du nez ? Oui, plus proche du nez.
21:04 Et il avait des oreilles décollées. Il avait des oreilles décollées. Dans ce cas-là, on va retourner dans la catégorie de tête.
21:09 Et on va aller chercher une tête un peu plus arrondie.
21:13 Mais il avait l'air plus méchant. Là, il paraît sympathique, mais il avait l'air plus méchant.
21:16 Le menton, vous l'avez vu ? Oui, il avait un gros menton.
21:19 D'accord. Il avait un gros menton. Oui, un menton comme ça, des cernes sous les yeux.
21:24 Profonde. Oui.
21:27 Alors, il avait des marques comme ça. Gratis.
21:31 Un peu plus basse, qui descendent un peu plus.
21:34 Il avait peut-être un évus, un grain de beauté. Joue droite, joue gauche.
21:41 Comme ça. Comme ça.
21:44 Pas de cheveux ? Chauvre ? Peut-être un peu de cheveux, mais sur la couronne, juste ici. Un peu sur l'étante, peut-être.
21:50 Les cheveux comme ça, un peu plus blanc, comme ça, c'est parfait.
21:54 Tout ce que vous venez de me donner comme renseignements sur l'individu, dans notre jargon, on appelle ça des phénotypes.
21:59 Qu'est-ce que c'est des phénotypes ?
22:01 Ce sont des caractéristiques groupales liées à la génotype de chaque individu.
22:06 Par exemple, chaque individu a deux oreilles, normalement constituées,
22:10 et deux oreilles qui sont totalement différentes l'une de l'autre.
22:13 Et l'oreille droite d'un individu sera totalement différente de l'oreille droite d'un autre individu.
22:19 Il y aura toujours des caractéristiques particulières à cette oreille.
22:23 C'est identique pour les dents, pour les blouches, pour les yeux, pour les sourcils, pour les cheveux, pour tout trait de visage.
22:30 Vous parlez de phénotype, mais j'imagine que quand vous demandez à quelqu'un, à un témoin, de vous donner des éléments, vous ne lui parlez pas de phénotype, vous lui dites quoi ?
22:37 On lui parle de caractéristiques. On essaie de rentrer dans le langage de la personne avec laquelle on parle.
22:42 On ne va pas chercher à prendre des termes savants ou scientifiques pour parler des yeux.
22:48 Est-ce que les yeux étaient ronds ? Est-ce qu'ils étaient grands ? Est-ce qu'ils étaient petits ? Est-ce qu'ils étaient tombants ?
22:52 On va rentrer dans des termes compréhensibles par tout le monde.
22:55 Bien évidemment, ce portrait robot, la finalité, il sera présenté au témoin avant d'être diffusé et sera signé par notre témoin pour qu'il valide bien le portrait robot par rapport aux souvenirs qu'il a.
23:06 Les policiers écoutent attentivement Caroline décrire son agresseur.
23:11 Il avait des lunettes rondes, non cerclées, des yeux bleus, un chatin clair, peut-être un peu blanc, un tout petit peu rond, mais pas trop.
23:21 Après, il devait avoir 25-30 ans.
23:27 Un physique passe partout, en somme.
23:30 Il est très, très banal. Il peut être n'importe qui.
23:35 Les gens qui ont affaire à la police ont souvent des cicatrices ou des tatouages qui sont répertoriés.
23:41 Et là, il n'y a aucun élément de ce style-là.
23:44 À défaut d'autre chose, les policiers montrent systématiquement le portrait robot pendant leur enquête de voisinage.
23:51 Ils démarchent les centres psychologiques, les facteurs, les commerçants, les chauffeurs de bus des quartiers nord de Marseille.
23:58 Mais personne n'a remarqué cet homme.
24:01 La brigade des mineurs n'a bientôt plus aucune piste pour identifier et arrêter le violeur de Caroline.
24:07 L'homme est toujours en liberté et il est dangereux.
24:10 Stéphane Doublé, quand on a le portrait robot d'un agresseur aussi dangereux que celui-ci, qu'est-ce qu'on peut faire ?
24:18 Tout d'abord, le portrait robot a été établi pour être diffusé auprès des services de police et de gendarmerie.
24:23 Chaque service de police et de gendarmerie va avoir la fiche de diffusion avec le descriptif de l'agresseur et son portrait.
24:30 Il va être donné à tous pour être présenté, éventuellement à des témoins, à des gens dans une rue.
24:37 Il y aura des lieux où l'agresseur aura commis ses bénéfés.
24:41 Après, si on se retrouve dans une situation d'une affaire sensible qui émeut l'opinion publique,
24:47 on peut prendre la décision de le publier dans la presse directement et de faire comme ça un appel à témoins.
24:54 Alors qui prend la décision de publier le portrait robot dans la presse ?
25:00 La décision finale revient soit au procureur de la République, soit au juge d'instruction en fonction du cadre d'enquête.
25:05 On va prendre les deux cas de figure. Quel problème ça peut poser de publier un portrait robot dans la presse ?
25:11 Si jamais notre portrait robot ressemble à Monsieur Tout-le-Monde, on va avoir des témoignages qui seront totalement farfelus.
25:18 Chaque témoignage devrait être vérifié.
25:20 Donc ça peut ouvrir des portes à des investigations qui ne seraient peut-être pas nécessaires.
25:24 De plus, on peut peut-être avoir aussi une autre problématique.
25:28 C'est celle d'avoir des personnes qui vont reconnaître en leur voisin, en leur beau-frère, l'auteur du portrait robot,
25:35 et commettre des actes sur une pauvre victime d'un portrait robot qui lui ressemble.
25:41 Le risque de l'hinchage ?
25:43 Là, encore plus avec des gens de la famille de la victime.
25:46 Donc ça c'est les inconvénients, mais quels sont les avantages maintenant de la publication du portrait robot dans la presse ?
25:54 L'avantage, il est simple, c'est qu'on va toucher un grand nombre de personnes.
25:59 On va toucher vraiment tout le monde.
26:02 C'est un avantage, mais il y a un revers de la médaille également.
26:05 Alors dans cette affaire du violeur des collèges à Marseille,
26:08 la famille de Caroline justement va récupérer ce portrait robot et effectuer des recherches de son côté.
26:17 C'est dangereux ça ?
26:18 Ça peut être dangereux, oui.
26:20 Si jamais ils identifient quelqu'un qui ressemble à ce portrait robot,
26:23 et en plus on est sur un portrait robot quand même, une personne assez banale,
26:28 on risque d'avoir directement une vengeance et de se faire justice soi-même.
26:33 Quatre mois plus tard, une autre adolescente est violée près de son lycée.
26:38 Cette fois, à Aix-en-Provence.
26:41 Le portrait robot de l'agresseur ressemble étrangement à celui qui a été dressé par Caroline.
26:46 Le violeur d'Aix-en-Provence a lui aussi les yeux bleus, des lunettes et les cheveux châtains.
26:52 Et lui aussi a agressé une gamine en plein jour sur le chemin du lycée.
26:57 On l'avait surnommé le Blond.
26:59 On avait un visage et on avait presque un nom.
27:02 On avait le portrait robot et c'était le Blond.
27:06 Tout le monde connaissait le Blond, tout le monde était à la recherche du Blond.
27:09 En moins de six mois, le Blond a déjà violé deux filles.
27:13 L'une à Marseille, l'autre à Aix.
27:16 Et un mois plus tard, le scénario recommence à Marseille.
27:20 Un nouveau viol à proximité d'une école.
27:23 Et le Blond ne s'arrête pas là.
27:25 En dix ans, il va faire huit victimes.
27:28 Avec des périodes d'accalmie de plusieurs années.
27:31 Puis il recommence, souvent au même endroit.
27:35 Finalement, c'est grâce à la vidéosurveillance que les policiers vont l'arrêter.
27:39 Ils ont installé une caméra dans le tunnel où le Blond a déjà agressé six jeunes filles.
27:44 Au bout de deux mois, les caméras filment une voiture grise qui entre dans le parking.
27:49 Le propriétaire a un comportement étrange.
27:52 Et surtout, il a les yeux bleus et des lunettes.
27:55 Il a 48 ans, il s'appelle Jean-Jacques Prévost.
27:58 L'homme ressemble au portrait robot.
28:00 L'ADN vient sceller son sort.
28:02 Jean-Jacques Prévost est bien le Blond, le violeur que la police recherche depuis maintenant dix ans.
28:07 Son procès s'ouvre en octobre 2010 à Aix-en-Provence.
28:11 Au terme des audiences, Jean-Jacques Prévost est condamné à 17 ans de prison, dont deux tiers de sûreté.
28:18 Dix ans pour arrêter quelqu'un dont on avait le portrait robot.
28:25 Ça prouve que ça ne marche pas toujours votre affaire.
28:27 Le portrait robot est une aide à l'enquête.
28:29 Dans ce cadre de dossier, effectivement, il n'a pas été d'une grande aide.
28:33 Mais il y a d'autres cas où le portrait robot a permis d'interpeller la personne assez rapidement, en tout cas de l'identifier.
28:39 Alors, entre-temps, on a arrêté quelqu'un qui ressemblait au portrait robot,
28:43 qu'une ou moins des victimes reconnaît, et qui va finalement être innocenté par son ADN.
28:50 Ça prouve bien que, pour établir un portrait robot en tout cas,
28:54 le témoignage humain n'est pas forcément une donnée fiable.
28:57 Non, mais nos services doivent obligatoirement essayer de récupérer le maximum d'éléments sur la casseur.
29:05 Si on ne fait pas de questionnement de ces témoins, de ces victimes, sur le descriptif de la casseur,
29:12 autant se fier simplement aux indices.
29:15 S'il n'y a aucun indice, le portrait robot, ou en tout cas le signalement de la casseur, sera à point déjà de départ pour une enquête.
29:21 Faire un fichier des portraits robots, est-ce que ça aurait un sens ?
29:25 Pourquoi pas ? Ça pourrait peut-être permettre le rapprochement judiciaire un peu plus efficace.
29:29 Et encore, le portrait robot, est-ce qu'il est véritablement fiable ?
29:32 Est-ce qu'on peut le prendre à 70% de fiabilité, ou à 30% ?
29:35 Si on les mélange tous dans un panel, après peut-être qu'il y aura encore d'autres erreurs.
29:39 Techniquement, comment ça fonctionnerait ?
29:41 Il faudrait soit l'œil humain, de toute façon il faudrait l'œil humain toujours derrière,
29:45 et un outil informatique assez puissant pour pouvoir faire des relations entre les éléments des portraits robots,
29:50 pour pouvoir faire un panel de portraits robots et rapprocher des dossiers ensemble.
29:55 Le portrait robot est le fruit du témoignage humain.
29:59 Et l'humain est souvent marqué par un détail.
30:01 Dans l'affaire Barbeau, l'un des premiers tueurs en série français, c'est son regard qui a traumatisé ces victimes rescapées.
30:08 Son portrait robot fait froid dans le dos.
30:10 Hiver 1969, dans l'Oise, en région parisienne.
30:15 Le 23 janvier, une femme est retrouvée morte le long de la voie ferrée, tuée d'une balle de 22 longs rifles.
30:22 La scène de crime est étrange, la victime est agenouillée, la tête contre le sol,
30:28 ses vêtements sont baissés jusqu'aux pieds, et relevées au-dessus des seins.
30:33 Elle a subi des violences sexuelles.
30:35 La victime s'appelle Thérèse Adam.
30:40 C'est une veuve de 46 ans qui vivait seule.
30:44 13 jours plus tôt, Thérèse Adam était venue au commissariat déclarer que quelqu'un voulait la tuer.
30:50 "Vous avez devant vous une future morte."
30:53 "Ah, ça nous a..." Alors on lui a demandé pourquoi.
30:56 Elle a dit "Je suis menacée, très menacée, on me surveille, on m'épie, etc."
31:02 "On était très inquiète."
31:03 Et Thérèse Adam était terrorisée depuis qu'une autre femme avait été attaquée, dans le quartier.
31:10 Cette femme était dans sa cuisine quand quelqu'un lui a tiré dessus de l'extérieur.
31:16 Six coups de feu.
31:17 Elle a reçu une balle dans l'épaule.
31:19 C'est jeté à terre, ça l'a sauvée.
31:22 Après cette histoire, Thérèse Adam était persuadée que ce serait elle, la prochaine cible.
31:28 "Des gens qui avaient peur et qui se sentaient menacés, il y en avait des tas."
31:31 "C'est là, elles venaient nous le dire."
31:33 "Mais combien d'autres ne venaient pas nous le dire et se sentaient autant menacées qu'elles y en avaient ?"
31:38 Thérèse Adam avait raison.
31:40 Elle a été victime du même homme, l'arme utilisée à la même.
31:44 Malheureusement, dans les deux cas, l'enquête aboutit à une impasse.
31:48 Les policiers ne trouvent rien.
31:50 Dix mois plus tard, en novembre 1969, une autre femme est tuée dans la même rue.
31:59 Sa fille Micheline, 17 ans, rentre du lycée vers 19h.
32:03 Un homme s'engouffre derrière elle au moment où elle ouvre la porte.
32:08 Au début, elles pensaient que c'était une plaisanterie.
32:14 Elles ont pensé à une plaisanterie parce que c'était tellement gros, cette histoire-là.
32:18 Elles pensaient à une plaisanterie.
32:19 Et puis quand elles ont vu que c'était sérieux, à ce moment-là, elles ont paniqué, bien sûr,
32:23 elles ont paniqué, mais elles étaient tenues par lui.
32:25 Alors, elles ont compris à un certain moment, à un moment donné,
32:29 elles ont compris que cet homme était là et allait les tuer.
32:33 Armées d'une carabine, l'homme les emmène dans le jardin, derrière la maison.
32:39 Mais une fois dehors, il s'aperçoit qu'il a oublié son sac à l'intérieur.
32:43 Il a dit à Mme Mérienne de ne pas bouger.
32:48 Il a pris la fille, il a dit "Viens avec moi".
32:50 Il l'a ramenée vers la maison avec l'intention, là, de la tenir,
32:53 de reprendre son sac et de revenir avec les autres balles.
32:56 Et puis, je sais pas pourquoi, alors là, pourquoi, il s'est ravisé, tout d'un coup.
33:01 Il a lâché la jeune Mérienne, il est revenu vers la mère, il l'a tuée,
33:06 avec certes l'intention ensuite de reprendre la jeune Mérienne
33:09 et d'aller faire la même chose avec elle.
33:12 Mais elle a profité de l'occasion, elle, ce laps de temps,
33:15 pour partir en courant et aller se réfugier chez le docteur Perdri, je crois.
33:19 Et ça lui a sauvé la vie, finalement.
33:21 - Lorsque Micheline Mérienne revient sur les lieux avec des voisins,
33:25 sa mère gît par terre, une balle dans la tête, elle meurt à l'hôpital.
33:30 Traumatisée, Micheline Mérienne fera quand même un portrait robot.
33:35 Le tueur avait un foulard sur le visage, il portait une casquette,
33:40 il avait un long imperméable, il était plutôt grand, costaud, jeune,
33:45 et il avait, dit-elle, des yeux de chat.
33:48 - Alors, finalement, Micheline Mérienne, la fille de la victime,
33:53 elle sait assez peu de choses du visage de l'assassin de sa mère.
33:56 Alors, que vaut son témoignage dans ces conditions ?
33:59 - Un témoignage est toujours bon à recueillir, de toute façon.
34:02 On a une taille, on a une stature, on a une allure de l'individu.
34:07 Effectivement, cette victime-témoin a un seul élément intéressant pour l'enquête,
34:13 c'est les yeux.
34:14 Effectivement, le regard perçant, c'est ce qui la marque.
34:17 - Elle a laissé sa mère pour aller chercher des voisins,
34:19 elle revient, elle retrouve sa mère morte.
34:22 Donc, elle a presque assisté à l'assassinat de sa mère.
34:25 Elle est choquée.
34:27 Comment faites-vous pour travailler dans ces conditions-là ?
34:30 - On va utiliser beaucoup de psychologie.
34:33 On va essayer, je pense, d'attendre quand même un laps de temps
34:36 pour qu'elle fasse plus ou moins le deuil,
34:39 en tout cas qu'elle retombe dans un état plus propice à aller rechercher les souvenirs.
34:44 Mais on va essayer de faire quand même assez rapidement,
34:46 sans brutalité, sans brusquerie, tranquillement,
34:50 qu'on entretient,
34:52 pour essayer de faire tranquillement ressurgir
34:54 les détails qui pourraient l'avoir marquée inconsciemment.
34:58 - C'est mieux de l'interroger sur place, dans cette maison,
35:01 là où ça s'est passé,
35:02 ou c'est mieux de l'emmener dans un endroit plus préservé,
35:05 dans une gendarmerie, dans un bureau ?
35:07 - Il faut tout de suite l'exfiltrer du lieu.
35:09 C'est pas possible de l'entendre, d'établir un portrait robot sur place.
35:12 C'est trop lui remettre trop de mauvais souvenirs en mémoire.
35:16 On va déjà lui demander de revivre la scène une deuxième fois,
35:19 si en plus on l'a fait vivre sur place.
35:22 Là, ça sera... On pourra pas en tirer quelque chose.
35:26 - Qui vous dit "c'est le bon moment pour l'entendre" ?
35:29 Est-ce que si cet enfant est effondré,
35:32 et que ça dure des jours,
35:34 qui va vous dire "ok, maintenant c'est le bon moment, vous pouvez l'entendre" ?
35:37 - Sur le cadre d'un enfant, d'une jeune adulte,
35:40 des psychologues vont travailler avec elle.
35:43 Bien évidemment, elle va être suivie.
35:45 On va avoir des enquêteurs spécialisés
35:47 qui vont également la suivre et l'entendre.
35:50 Des enquêteurs spécialisés en audition de mineurs victimes.
35:54 Eux vont pouvoir nous dire
35:56 "on peut essayer de tirer quelque chose du témoignage
35:59 et établir un portrait robot."
36:01 C'est eux qui nous diront "top, on y va."
36:04 - Au moment où vous recueillez le témoignage de ce jeune témoin,
36:08 est-ce que la personne spécialisée dans l'audition des mineurs,
36:11 j'imagine une femme gendarme,
36:13 s'il s'agit du témoignage d'une jeune fille,
36:15 est-ce qu'elle reste auprès de vous
36:17 ou êtes-vous seul avec elle pour lui poser des questions ?
36:20 - Nous allons nous associer à cet enquêteur spécialisé
36:24 et nous mettre en recul par rapport à ses questionnements.
36:28 Elle va se servir du jeu, bien souvent avec un enfant,
36:31 jouer avec pour essayer de l'amener à décrire ou à donner des éléments.
36:36 Et nous, nous allons récupérer ces éléments
36:39 pour essayer après de faire le portrait robot.
36:42 - Les crimes continuent.
36:44 Une femme, puis un couple et une autre jeune femme encore
36:48 sont victimes de celui que la presse appelle dorénavant
36:51 "le tueur de l'ombre".
36:53 La psychose s'installe.
36:55 Sur l'un des crimes, un témoin a vu un homme
37:01 qui pourrait bien être l'assassin.
37:03 Un nouveau portrait robot est effectué et diffusé.
37:06 S'ensuite, une nouvelle vague de dénonciations
37:09 et des centaines de vérifications.
37:11 Mais ça ne donne rien.
37:13 - On commence à en avoir marre, disons,
37:15 parce que ça, des années, ça dure.
37:17 On se dit, il faudra qu'on l'ait un jour.
37:19 Mais vous savez, on a beau trépigner, il faut attendre que ça vienne.
37:23 On a beau dire "je le veux", il faut attendre
37:25 que quelque chose tombe et qu'ils nous le fassent avoir.
37:27 Voilà, ça peut être un coup de fil, ça peut être un bon élément.
37:30 Voilà, c'est tout. On patiente, on patiente.
37:32 Et on courbe le dos et on continue le boulot.
37:36 - Après sept années de traque,
37:38 c'est finalement grâce à l'intuition d'un flic à l'ancienne,
37:41 Daniel Neveu, que le tueur de l'Oise
37:44 va être identifié et arrêté.
37:47 Il s'appelle Marcel Barbeau.
37:52 Placé en garde à vue, l'homme nie être l'assassin de nos gens.
37:56 Mais une arme retrouvée chez lui correspond à plusieurs crimes.
38:00 Finalement, Marcel Barbeau est condamné
38:03 à la réclusion criminelle à perpétuité.
38:07 Si le portrait robot ne permet pas d'arrêter le criminel à tous les coups,
38:11 dans l'affaire vaccin, il va permettre un véritable miracle.
38:15 Juillet 1992, au sud de l'île,
38:19 Nadja, 4 ans, passe l'été chez sa grand-mère.
38:23 L'après-midi, l'enfant joue au pied de l'immeuble
38:27 avec des cousins et des petits voisins.
38:30 Sa tante Anissa, qui a 10 ans, est chargée de les surveiller.
38:33 Elle voit sa nièce entrer dans l'immeuble.
38:36 Je vois un homme qui pénètre également dans l'immeuble.
38:39 Et lorsqu'il ressort, il tient Nadja dans ses bras.
38:42 Comme Nadja, c'est pas quelqu'un qui part facilement avec des étrangers
38:47 et qu'on est issus d'une grande famille,
38:50 je me suis dit que c'était un des oncles de Nadja qui venait la chercher.
38:54 D'autant plus qu'elle avait pas l'air d'être malheureuse,
38:57 elle avait l'air de connaître la personne.
39:00 Je la vois juste souriante et contente de s'en aller avec cet homme.
39:05 Mais Anissa veut en avoir le cœur net.
39:08 Je décide de me mettre à la poursuite de cet inconnu
39:15 et donc de courir après lui.
39:19 Il s'en va de façon très, très rapide dans la station de métro.
39:27 Malheureusement, sur le chemin, je suis tombée
39:30 et le temps que je me relève, il avait disparu,
39:33 donc il avait tourné sur la gauche.
39:36 Et à partir de ce moment-là, je l'ai plus revue.
39:39 Tout le monde cherche Nadja, mais personne ne la retrouve.
39:43 Alors, vers 20h, sa famille alerte la police.
39:47 Très vite, des moyens considérables sont déployés
39:51 pour l'envoyer à la police.
39:54 Très vite, des moyens considérables sont déployés
39:57 pour retrouver la petite fille.
39:59 Une soixantaine d'hommes sillonnent le quartier.
40:02 Pendant ce temps, les policiers recueillent le témoignage
40:05 de la seule personne qui a vu son ravisseur, Anissa.
40:08 L'homme que je vois était un homme grand,
40:12 châtain clair, qui était vêtu d'un tee-shirt rouge,
40:16 d'un pantalon de survêtement avec des bandes sur les côtés
40:19 et d'une paire de baskets.
40:23 Et...
40:25 J'ai pas eu le temps de voir son visage,
40:28 mais j'ai eu l'impression qu'il a été mal rasé.
40:31 Le signalement est diffusé.
40:33 On recherche un homme d'environ 1,80 m,
40:36 châtain clair, vêtu d'un pantalon de survêtement blanc
40:40 avec des rayures rouges.
40:43 Les policiers font le tour du quartier,
40:45 interrogent les voisins,
40:47 mais lorsque la nuit tombe, toujours rien.
40:51 Le lendemain, les journaux annoncent la disparition de Nadja
40:55 et publient le signalement de l'homme recherché par les policiers.
40:59 Le commissariat central de l'île est assailli d'appels.
41:02 À chaque fois, on va espérer.
41:06 On va placer des gens en garde à vue,
41:08 on va fouiller des logements, on va faire des perquisitions,
41:11 tout ça sans, malheureusement, aucun résultat.
41:14 Parmi tous les appels, il y a un témoignage troublant.
41:17 Un homme raconte que la veille au soir,
41:20 il a été bousculé près du lieu de l'enlèvement
41:23 par un type qui marchait à vive allure.
41:25 Il tenait une petite fille par la main.
41:28 Elle avait du mal à le suivre, mais ne semblait pas affouler.
41:32 Le témoin pense que c'était Nadja.
41:34 Les policiers décident de diffuser le portrait robot de cet homme.
41:39 Cette fois-ci, il serait plutôt brun, avec un nez de boxeur,
41:43 et là encore, il serait vêtu d'un jogging blanc à rayures rouges.
41:47 Quelques jours plus tard, le corps de Nadja est retrouvé sur un terrain vague.
41:52 Nadja a été violée avant de succomber à ses blessures.
41:56 Sur l'un de ses vêtements, on a trouvé l'ADN de son bourreau.
42:01 Un ADN qui ne parle pas.
42:03 Le temps passe et l'enquête s'enlise.
42:06 Ce n'est que 7 ans après la mort de Nadja que tout s'accélère.
42:13 Le 6 janvier 1999, une femme se présente au commissariat avec une petite fille de 6 ans.
42:19 Elle l'a trouvée dans la rue, elle errait seule, en larmes.
42:23 La petite fille raconte son cas de peur.
42:26 Elle faisait la quête devant chez elle pour l'opération pièce jaune,
42:29 avec son frère et sa soeur.
42:32 Ils sont montés faire du porte-à-porte dans les étages,
42:35 elle est restée seule en bas.
42:39 J'étais debout sur les marches et en fait l'homme y arrivait.
42:44 Et je lui ai demandé des pièces pour ajouter à mon sachet pour amener à l'école.
42:51 Et il m'a demandé de le suivre chez lui parce qu'il n'y avait pas de monnaie sur lui.
42:56 Et il a commencé à regarder à droite et à gauche, il a regardé un peu autour et il m'a pris par le bras.
43:05 L'homme entraîne Julie de l'autre côté du périphérique.
43:09 Il marche plusieurs kilomètres avant de rejoindre une voie ferrée.
43:13 Au bout d'une ruelle, il s'approche d'un mur de pierre et demande à Julie de se glisser dans une brèche.
43:22 De l'autre côté, la fillette découvre une usine désaffectée au milieu d'un terrain vague.
43:30 L'homme emmène Julie jusqu'à l'usine et la fait entrer dans un petit local puis il la déshabille.
43:35 Mais Julie résiste et retient son pantalon.
43:38 Je pleurais et c'est là qu'il a commencé à s'énerver et à menacer.
43:48 D'abord il a sorti sa matraque électrique.
43:54 C'était dans une pochette noire en velours, je m'en souviens.
43:57 Il m'avait dit "ouais, si t'arrêtes de pleurer", il m'a dit "je te tuerai comme j'ai fait aux autres petites filles avant toi".
44:04 Il m'a dit "tu ne reverras plus tes parents".
44:07 Et j'ai eu peur.
44:10 Donc j'ai essayé d'arrêter de pleurer.
44:13 Mais bon, c'était pas facile.
44:16 À 6 ans...
44:18 Julie est contrainte de se laisser faire.
44:21 L'homme se déshabille.
44:23 Dans l'usine en ruine, l'agresseur se masturbe, tenant très fort Julie contre lui.
44:29 Puis il la lâche et se rhabille.
44:32 Terrorisé, Julie enfile ses vêtements.
44:36 Puis tous les deux sortent de l'usine et rejoignent la rue en repassant par la brèche.
44:42 Julie marche devant, l'homme la suit.
44:46 Il m'a surtout prévenu que si je prévenais la police, quoi qu'il arrive, il me retrouverait et il me tuerait.
44:53 Je regardais à droite à gauche et j'essayais de regarder où il était, je ne l'ai pas vu partir.
44:59 Et là ça a été la panique aussi.
45:02 D'un coup, j'ai eu peur après.
45:05 Une petite fille de 6 ans se retrouvait comme ça, elle ne sait pas du tout où j'étais.
45:10 C'était des grands blocs, il y avait l'autoroute en dessous.
45:13 J'étais complètement perdue.
45:16 C'est là que l'automobiliste a recueilli Julie.
45:19 Grâce à son témoignage, les policiers établissent un portrait robot.
45:23 L'homme recherché est âgé d'une trentaine d'années, les yeux noirs, le crâne dégarni.
45:29 Au moment de l'agression, il portait un blouson vert avec un triangle dans le dos.
45:34 Comment procède-t-on pour établir un portrait robot à partir du témoignage d'un enfant, en l'occurrence d'une enfant ?
45:40 Au sein de la Gendarmerie nationale, nous avons un grand nombre d'enquêteurs qui sont spécialisés dans l'audition des victimes mineures.
45:46 Ces enquêteurs vont procéder à l'entretien de l'enfant, bien souvent sous forme de jeu,
45:54 pour pouvoir faire ressortir les souvenirs de cet enfant sans la violenter mentalement.
46:02 Est-ce que le témoignage de cet enfant est aussi fiable que celui d'un adulte ?
46:08 Bien sûr. La seule difficulté, c'est de pouvoir lui faire verbaliser la description de l'enfant.
46:15 Un enfant aura une très bonne mémoire et pourra être capable d'identifier quelqu'un sur une photographie.
46:22 En l'occurrence, la petite Julie avait une mémoire exceptionnelle pour une fille de 6 ans.
46:27 Très bonne mémoire, comme tous les enfants. Elle s'est axée sur son agresseur.
46:32 Tout le superflu ne la concernait plus. Elle était sur la personne qui lui faisait du mal.
46:38 Donc, automatiquement, elle l'a enregistré, la mémorisé et est capable de l'identifier.
46:44 Les jours suivants, Julie vit dans la peur que son agresseur la retrouve.
46:49 Elle lui a désobéi. Elle a tout raconté aux policiers.
46:53 Quelques jours après, je me suis mise à la fenêtre de ma cuisine.
46:59 Il y avait ma grand-mère à côté de moi et je l'ai vue repasser devant un bâtiment.
47:04 Et il m'a regardée et il m'a fait sourire.
47:09 Je n'ai quand même pas osé le dire. J'ai eu peur, oui.
47:16 Julie finit par le dire et sa mère prévient la police qui place 4 hommes en bas de chez elle.
47:22 Pendant cette planque, les policiers remarquent un marginal qui ressemble au portrait robot de l'agresseur.
47:29 Ils l'interpellent et décident de montrer sa photo à l'enfant.
47:34 Mais pour ne pas influencer Julie, les policiers glissent sa photo au milieu de 5 autres clichés tirés de leurs archives.
47:42 Le suspect est le numéro 3.
47:45 Ils vont chez elle lui présenter les photos.
47:49 Pour mémoire, la petite jouait avec sa sœur à un jeu vidéo.
47:55 Donc elle avait du mal à venir consulter l'album photographique.
48:00 Donc sa maman l'appelle à plusieurs reprises.
48:03 Je me vois ouvrir l'album sur la table de la cuisine et la gamine, ça dure 5 secondes.
48:12 La gamine regarde rapidement les photos et tout de suite pointe du doigt une des photos.
48:18 En l'occurrence le cliché 6, c'est-à-dire pas du tout notre suspect.
48:23 En disant c'est lui qui m'a fait mal.
48:27 Et elle s'en va rejouer à son jeu avec sa sœur.
48:32 Les policiers la rappellent pour qu'elle regarde une nouvelle fois.
48:36 Et sans hésitation, l'enfant désigne de nouveau la photo numéro 6.
48:41 Ça nous paraissait hors norme d'avoir pu mettre l'auteur des faits de manière quasiment accidentelle dans un album photographique alors que nous étions sur un autre suspect.
48:57 La photo numéro 6, c'est celle de Denis Vaccin.
49:01 Un homme de 31 ans, il est connu des services de police car 2 ans plus tôt, il a volé des ustensiles de cuisine dans une grande surface.
49:10 Denis Vaccin est marié, il travaille comme agent d'entretien dans une station service.
49:17 Les accusations de la fillette embarrassent les policiers.
49:21 A l'époque, les enquêtes en flagrant délit sont limitées à 5 jours.
49:26 Or, 9 jours ont passé depuis l'agression de Julie.
49:29 Les policiers ne peuvent plus l'interpeller.
49:32 Ils déposent donc une convocation dans la boîte aux lettres de Denis Vaccin.
49:38 Et 2 jours plus tard, ce qui s'annonçait comme un interrogatoire de routine, prend une toute autre tournure.
49:44 Immédiatement, ce qui nous saute aux yeux, c'est la ressemblance, puisque là on l'avait sur photo mais on ne l'avait jamais vu réellement, c'est la ressemblance de Denis Vaccin avec le portrait robot.
49:56 Le portrait robot est un robot qui a été inventé pour faire des choses.
50:01 On le fait rentrer dans le bureau, on le fait asseoir, et il est tremblant, il a... bon, il transpire.
50:08 Il a des détails physiques qui, effectivement, ne sont pas normaux pour quelqu'un qui n'a rien à se reprocher.
50:18 Tout de suite, je lui dis "on vous reproche, on te reproche d'avoir agressé une gamine".
50:27 Et là, j'ai pas le temps de finir ma phrase, puisque tout de suite, il me dit "oui, de toute façon, j'ai fait quelque chose de grave, mais vous ne pouvez pas comprendre, c'est moi".
50:39 Et puis j'ai plus rien à vous dire.
50:42 Ensuite, Denis Vaccin garde le silence.
50:47 Il est placé en garde à vue.
50:48 Les policiers font venir Julie au commissariat et lui présentent Vaccin parmi quatre hommes, derrière une glace santé.
50:56 J'ai vu une petite chaise, je suis montée dessus et j'ai regardé par la vitre.
51:02 Et je l'ai reconnue tout de suite.
51:05 Ça m'a sauté aux yeux.
51:08 Je n'ai pas réussi à parler, j'ai été prise tout de suite d'angoisse et je me suis mise à pleurer.
51:15 Denis Vaccin est confondu.
51:17 Pour le meurtre de Nadja et le viol de Julie, il sera condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une peine de sûreté de 29 ans.
51:26 Plusieurs autres affaires ressurgiront de son passé.
51:30 Le meurtre de deux fillettes et d'autres viols encore.
51:34 Donc c'est un miracle, dans cette affaire, on voit que le portrait robot peut mener jusqu'au criminel, même si c'est par hasard.
51:43 En tout cas, le portrait robot était vraiment fidèle.
51:45 Effectivement, ce portrait robot est assez fidèle.
51:48 En tout cas, il y a des descriptifs, il y a des parties qui sont vraiment bien identifiables par rapport aux photographies.
51:53 La mémoire d'un enfant est bien souvent excellente, très fidèle.
51:57 La difficulté, c'est toujours de se faire retranscrire des images à un enfant.
52:01 Et bien souvent, les jeunes enfants vont aller beaucoup plus sur une photographie.
52:05 Donc le portrait robot, pour identifier un auteur, on l'a vu dans l'affaire Vaccin, ça peut marcher.
52:09 Le portrait robot aussi, dans un autre type d'affaire, pour vieillir virtuellement une personne disparue, notamment un enfant.
52:18 Alors, non monsieur Elysée, on ne va plus parler de portrait robot.
52:21 On a une victime identifiée disparue.
52:24 Donc automatiquement, les familles vont nous donner une photographie de cette personne.
52:27 Par contre, comme dans le cadre de l'affaire Estel Mouzin, on va procéder...
52:32 Disparue en Seine-et-Marne.
52:33 Disparue en Seine-et-Marne.
52:34 On va procéder à un vieillissement des photographies en fonction des années passées.
52:39 Vieillissement artificiel.
52:40 Artificiel.
52:41 Qui va nous permettre de donner au visage de l'enfant les quelques années qui seront séparées de la date de disparition.
52:52 C'est une technique française, ça ?
52:53 C'est des techniques qui sont plutôt anglo-saxonnes, mais qui sont pratiquées en France.
52:58 Comment ça s'appelle ?
53:00 C'est du morphing.
53:01 Et l'avenir de votre métier ? L'avenir du concepteur de portrait robot, qu'est-ce que c'est ?
53:08 Alors, on peut aller extrapoler au plus loin.
53:12 Déjà, si on pouvait arriver à avoir des portraitistes qui soient en mesure de faire des portraits robots en 3D,
53:18 pouvoir justement jouer sur la face et le profil de trois quarts, ça serait déjà une belle avancée.
53:24 Parce que c'est bien différent, effectivement, de voir quelqu'un de face, de profil.
53:27 Et bien souvent, on se rend compte que les témoins voient quelqu'un, bien souvent de profil, très rapidement.
53:33 On ne peut pas faire un portrait robot de profil, actuellement.
53:36 Est-ce qu'on peut imaginer, Stéphane Doublet, qu'on donne un jour à une machine très intelligente,
53:41 l'ADN d'un suspect retrouvé sur une scène de crime, et que cette machine fabrique le portrait robot de l'auteur ?
53:48 Alors, c'est déjà faisable dans l'idée, en disant que sur une chaîne ADN,
53:56 on va pouvoir définir si la personne est d'origine européenne, maghrébine ou africaine,
54:04 connaître déjà, savoir si ses yeux sont clairs ou foncés.
54:09 Ça, c'est des moyens que l'on peut déjà avoir avec l'ADN.
54:11 Ce n'est pas utilisé en France.
54:14 C'est une question d'éontologie, également.
54:17 Actuellement, en France, seul le juge d'instruction est maître des preuves qu'il va donner au procès pénal.
54:24 Peut-être que plus loin, on essaiera de travailler sur ce sujet.
54:29 Dresser le portrait robot d'un criminel à partir de son ADN, voilà donc ce qui serait infaillible.
54:35 Car aujourd'hui, ce qui n'est pas fiable, c'est le témoignage humain qui permet de l'établir.
54:40 [Musique]
55:00 [SILENCE]

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