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00:00 On a l'impression que le violeur n'existe pas.
00:02 On en entend parler, mais on ne l'a jamais rencontré.
00:04 On n'a jamais eu un violeur en face de nous qui nous disait
00:06 "Bonjour, je suis agresseur sexuel."
00:08 Alors qu'on est entouré d'agresseurs et de violeurs.
00:12 On a tous rencontré au moins une fois dans notre vie un incesteur.
00:17 La première fois que j'ai été violée, j'avais 5 ans.
00:23 Et c'était en Haïti.
00:24 Et ensuite, après, quand je suis arrivée à Paris à l'âge de 6 ans,
00:28 ensuite ça s'est reproduit à 12 ans.
00:30 C'est des choses qui nous arrivent, on sait que c'est mal,
00:32 on sait que c'est pas bien,
00:33 mais en même temps on ne sait pas pourquoi c'est pas bien.
00:35 Tu sais que c'est pas bien déjà parce que la personne te dit
00:37 "Si t'en parles, t'es cuit."
00:39 Et puis, ça te dégoûte.
00:42 À 12 ans, t'as pas la maturité sexuelle
00:44 pour comprendre que l'on est en train de te violer.
00:47 Pendant 2 ans, je pensais que j'allais avoir un bébé qui allait sortir de mon ventre.
00:51 Et donc c'était la honte aussi de se dire
00:53 "Oh là là, mais autour de moi, les gens vont savoir que j'ai fait ça."
00:57 Je sais que ma grand-mère me disait toujours
00:59 "Arrête de traîner, ne traîne pas avec les garçons."
01:02 Quand j'ai eu la première fois mes règles,
01:05 c'était "T'es une femme, fais attention."
01:07 Mais ok, mais...
01:09 Il y avait quelque chose que j'aurais pas dû faire.
01:11 Le cerveau range tout ça quelque part dans des petites boîtes.
01:15 C'est pas hyper bien rangé, mais c'est quelque part.
01:17 Et en fait, pour pouvoir vivre et avancer,
01:20 on oublie, le cerveau fait un travail qui fait qu'il ne faut plus penser à ça.
01:25 En général, ça se réanime quand il y a un gros trauma.
01:29 Et moi, ça a été au décès de ma mère.
01:31 J'allais avoir 40 ans.
01:32 Les souvenirs, comme cela, reviennent à n'importe quel âge,
01:36 même à 60 ans, 75 ans.
01:39 J'en ai rencontré des femmes qui me l'ont dit.
01:42 Donc il faut que l'on puisse en parler.
01:43 Si la prescription saute, je me dis peut-être qu'il y a des gardes fous.
01:47 C'est de la prévention vis-à-vis des violeurs et des agresseurs.
01:49 L'idée, c'est pas de dire "Il faut faire sauter la prescription
01:52 pour mettre tout le monde en prison."
01:54 De toute façon, c'est impossible.
01:55 Qu'est-ce que l'on peut mettre en place justement pour qu'il y ait réparation ?
01:58 J'ai des personnes autour de moi qui me disent
01:59 "En fait, 30 ans après la majorité, c'est bien
02:02 parce qu'il faut que pour qu'on puisse avancer,
02:05 pour que la société puisse continuer à fonctionner,
02:08 il faut pouvoir oublier."
02:09 Mais avant d'oublier, il faut comprendre ce qui nous est arrivé
02:13 et il faut qu'il y ait un travail collectif et sociétal qui soit fait.
02:17 Et le travail ne doit pas venir que des victimes.
02:20 On s'en fout en fait des victimes, mais on s'en tape, royal.
02:23 Fallait parler plus tôt, soit tu l'as cherché,
02:25 enfin, on s'en tape des victimes.
02:27 Mais quand on s'attaque véritablement aux agresseurs,
02:32 et comme il y en a pléthore,
02:34 là tout de suite, on se sent pas bien.
02:36 "Ah non, mais attention, là elle m'a accusée en fait,
02:38 elle vient de dire que j'étais..."
02:39 Mais non, c'est pas du tout ça.
02:40 Mais c'est pas le bon moment en fait.
02:42 Il n'y a jamais de bon moment.
02:44 Et je pense que jusqu'à la fin de ma vie, je vais lutter avec ça en fait.
02:47 C'est un peu comme un handicap invisible.
02:50 J'ai pas de soucis à me dire, oui, il faut aller de l'avant,
02:53 de toute façon je fais que ça.
02:55 Mais aller de l'avant avec des béquilles, c'est chiant en fait.
02:59 Sans les organes de presse,
03:03 sans les décisionnaires,
03:04 sans des personnes qui ont de l'influence,
03:08 on n'y arrivera pas.
03:09 C'est ce que j'attends de la plupart d'entre nous,
03:13 de se remettre en question.
03:14 [Musique]