Le directeur du quotidien, Jérôme Fenoglio, explique sur franceinfo les raisons de ce partenariat, critiqué par plusieurs concurrents.
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00:00Et votre invité Média, Céline Bay d'Arcourt, est le directeur du journal Le Monde, dont la diffusion augmente.
00:04610 000 abonnés numériques et papiers, il est le premier média français à avoir conclu un accord avec une entreprise d'intelligence artificielle.
00:12Bonjour Jérôme Fennoglio. Bonjour.
00:13C'est un accord avec OpenAI, le créateur de ChatGPT.
00:16Vous considérez qu'il vaut mieux faire partie du processus de développement de l'IA sous peine d'être pillée par ce dispositif ?
00:24Nous considérons qu'il faut défendre nos droits et défendre la valeur de ce que nous faisons,
00:27c'est-à-dire du journalisme indépendant avec une rédaction qui a beaucoup gandit ces dernières années.
00:31Nous pensons qu'il ne faut pas laisser auprès de l'IA une chaise vide qui ferait qu'ils se fonderaient uniquement sur des sites peu fiables pour alimenter leur moteur de recherche.
00:41Nous pensons qu'il faut défendre la formation de qualité et donc, oui, participer à ce développement-là en défendant nos droits,
00:47c'est-à-dire en signant des contrats qui reconnaissent que ce que nous faisons a de la valeur et donc nous devons être payés de manière tout à fait substantielle.
00:54Et ça veut dire que ChatGPT s'entraîne avec les contenus du Monde ?
00:58Ça veut dire que ChatGPT, sur une partie de son activité, pour l'actualité récente, peut utiliser tous les articles du Monde
01:04pour élaborer des réponses courtes qui renvoient vers les articles du Monde, qui nous citent, c'est très important,
01:10on a fait valoir évidemment un droit à la source qui ne nous pille pas, mais qui s'appuie sur les informations les plus véridiques que nous essayons de publier tous les jours.
01:18Mais vous êtes en train de nourrir la bête là, c'est pas un risque que vous prenez justement en permettant à ChatGPT de performer ?
01:25Je pense que sur l'intelligence artificielle, ChatGPT et les autres ont beaucoup de mal à faire le travail que nous faisons nous,
01:29le travail d'enquête, le travail de vérification, le travail de terrain tous les jours.
01:33Je demande à avoir une intelligence artificielle aujourd'hui sur le terrain en Ukraine et ailleurs.
01:37Donc nous, on ne nourrit pas la bête, on l'alimente avec des bonnes données, des données qui sont rémunérées,
01:43qui nous permettent, nous, de faire le bon journalisme.
01:45Rémunérées combien justement ? Quelles sommes-vous touchées pour ça ?
01:47Nous sommes tenus par un accord confidentiel, nous avons signé un contrat qui nous interdit de donner la somme, c'est très substantiel.
01:53Donc ça nous permet vraiment aujourd'hui d'accroître notre développement.
01:57Nous sommes une des très très rares rédactions qui a fait grandir sa rédaction.
02:00On est aujourd'hui 540 journalistes, si on avait 300 en 2010 on va dire.
02:05C'est quand même quelque chose, c'est un effort qui a besoin d'une diversité de ressources.
02:11Celle-là s'y ajoute, c'est une reconnaissance de l'importance qu'on peut avoir, c'est un bon accord pour nous.
02:16Mais plusieurs médias auraient aimé négocier collectivement pour peser plus lourd, pourquoi avez-vous préféré la jouer solo ?
02:21On n'a pas préféré la jouer solo, le chat GPT s'est adressé à nous.
02:24Dans tous les pays on voit bien qu'il s'adresse vers un acteur majeur du paysage, dans les bassins linguistiques on va dire.
02:32En France il a considéré que c'était le monde aujourd'hui avec qui il pouvait discuter parce que nos données sont fiables,
02:38parce qu'il voit bien que nous défendons un journalisme dont il a besoin pour pouvoir envoyer à des sources qui sont fiables.
02:46Donc nous avons discuté avec eux en nous disant que, oui on démarre nous, mais en même temps, comme je l'ai dit,
02:53nous supportons plus que d'autres le coup d'une rédaction qui grandit avec des correspondants à l'étranger.
02:59Beaucoup de choses qui aujourd'hui nous donnent beaucoup de visibilité, beaucoup de responsabilité, beaucoup de critiques aussi.
03:05Et donc si on peut avoir de temps en temps la contrepartie avec un accord qui reconnaît cette importance qui nous est prêtée,
03:11ça fait du bien à notre modèle économique.
03:13Et vous au monde, comment vous vous servez de l'intelligence artificielle et de chat GPT notamment ?
03:17On ne se sert pas de chat GPT à l'heure qu'il est.
03:20Vous avez un accord avec eux mais vous ne vous en servez pas ?
03:23Ce n'est pas un accord exclusif, on n'est pas du tout obligé.
03:25Je pense avoir des discussions pour avoir recours à des logiciels dans la rédaction, peut-être hors la rédaction, on verra bien.
03:32Mais ce n'est pas du tout un accord exclusif.
03:34Chat GPT peut discuter avec d'autres et nous, nous pouvons contracter avec beaucoup d'autres entreprises qui font de l'intelligence artificielle.
03:40Chez nous, l'intelligence artificielle nous a permis de développer un site en langue anglaise.
03:44Nous n'aurions pas pu traduire chaque jour 50 articles en anglais si nous n'avions pas l'aide d'un logiciel dit d'intelligence artificielle générative
03:52qui fait passer en anglais ces textes et qui nous permet d'accroître notre visibilité.
03:56C'est un exemple parmi d'autres et ce n'est pas chat GPT.
03:58Jérôme Fennoglio, il s'est passé quelque chose d'assez exceptionnel la semaine dernière.
04:01Le Monde a présenté ses excuses à ses lecteurs et au gouverneur de la Banque de France après un article sur ses notes de frais
04:07que vous jugez exemple à la pluie abusive, hôtel de luxe, voyage en classe à faire.
04:11Or, l'intéressé a justifié ses dépenses et là, le Monde a réexaminé les éléments dont le journal disposait.
04:18Il est écrit dans vos colonnes que les dépenses mentionnées ne justifiaient pas un article construit sous cet angle et que c'était une erreur de votre part.
04:25Comment avez-vous pu publier une telle enquête ?
04:27Alors, ce n'est pas exceptionnel de rectifier une erreur.
04:31Là, en l'occurrence, les chiffres ne sont pas faux.
04:33Il y a eu une mauvaise discussion.
04:35En fait, la discussion n'a pas eu assez lieu en amont de la publication autour de ces chiffres.
04:41Est-ce qu'ils pouvaient être considérés comme abusifs ?
04:43Donc, nous avons reconnu une erreur de publication.
04:45Cet article n'aurait pas dû être publié.
04:47Nous avons manqué de discussion tous ensemble pour estimer l'ampleur.
04:52Une erreur d'appréciation.
04:53Une erreur d'appréciation, exactement.
04:54Et dans ces cas-là, qu'est-ce qu'on fait ?
04:56On s'excuse.
04:57La discussion éditoriale qui aurait dû avoir lieu en amont a eu lieu en aval de la publication.
05:02Il faut le reconnaître.
05:03Cela fait partie de la fiabilité d'un journal, aujourd'hui.
05:06Personne ne prétend que nous sommes infaillibles.
05:08Nous ne le serons pas plus à l'avenir avec nos accords IA, etc.
05:11Mais il faut savoir reconnaître quand on se trompe.
05:13Cela fait partie de la fiabilité.
05:14Et donc, du coup, il faut savoir assumer devant tout le monde
05:17qu'une discussion éditoriale n'a pas eu lieu et le reconnaître.
05:20Mais alors, prenons cet exemple pour revenir à Chat-GPT et à l'intelligence artificielle.
05:25Cette enquête, qui s'est avérée inexacte, aurait continué à exister via le robot,
05:30qui l'aurait ressorti.
05:31Là, vous avez une responsabilité encore plus grande, désormais.
05:34Non, le robot n'aurait pas ressorti l'enquête telle qu'elle.
05:37Le robot aurait vu au bout d'un certain temps que nous avons fait des précisions.
05:41Il aurait pris en compte notre retour en arrière.
05:43Le robot aurait pris, évidemment, en compte le retour en arrière.
05:46C'est pour ça qu'il faut être précis.
05:48C'est pour ça qu'il faut savoir s'excuser.
05:49C'est pour ça qu'il faut savoir rectifier.
05:50Mais c'était vrai avant.
05:51Quand on publiait dans le journal quelque chose qui était faux,
05:54qui reste imprimé pour toute éternité, à l'édition suivante, il faut savoir le reconnaître
06:01et il faut que ce soit imprimé aussi.
06:02Donc, c'est vrai de toute la vie aujourd'hui du journalisme.
06:05Quand on fait une erreur, il faut la reconnaître.
06:07Un dernier mot sur les JO de Paris qui arrivent à Grandpas.
06:11Est-ce un événement important au monde, sur lequel vous misez particulièrement
06:14pour peut-être élargir votre lectorat ?
06:16Ce n'est pas là-dessus qu'on vous attend.
06:17Non, mais c'est un événement mondial.
06:19On nous attend sur les événements mondiaux.
06:21C'est un événement sociétal.
06:22C'est un événement urbain.
06:24C'est un événement extrêmement important pour la visibilité de ce qu'est la France
06:29aujourd'hui, de notre culture.
06:30Donc, évidemment que toutes les rédactions du Monde et du groupe Le Monde,
06:34Télérama, Courrier international, sont évidemment mobilisées.
06:38Nous avons plus de 100 journalistes qui ne vont pas seulement suivre le sport,
06:41mais tout ce qu'il y a autour du sport.
06:42Les JO, ce n'est pas que du sport.
06:44Merci beaucoup Jérôme Fénoglio et bon été, bon JO à vous.
06:47Merci.
06:48Merci du quotidien Le Monde.
06:49Merci beaucoup à tous les deux.