• il y a 7 mois
En 2023, une découverte extraordinaire a eu lieu dans les réserves du Musée d'Aquitaine à Bordeaux : un tombeau présumé être celui de Michel de Montaigne, le célèbre philosophe français du XVIe siècle. Cette découverte a donné lieu à une enquête passionnante menée par des archéologues et des historiens, retracée dans le documentaire "Montaigne et le tombeau mystérieux".

Le documentaire

Diffusé sur diverses plateformes telles que RMC BFM Play et France 3 Nouvelle-Aquitaine, ce documentaire nous plonge au cœur de cette énigme historique. On y suit les différentes étapes de l'enquête, depuis l'exhumation du tombeau jusqu'à l'analyse des ossements et des objets retrouvés. Les experts utilisent des techniques de pointe, telles que l'analyse ADN et la datation au carbone 14, pour tenter de confirmer l'identité du défunt et d'élucider les mystères qui entourent sa mort et son inhumation.

Un voyage à travers l'histoire

Au-delà de la simple recherche de l'identité du défunt, "Montaigne et le tombeau mystérieux" nous offre un voyage fascinant à travers l'histoire et l'archéologie. Le documentaire nous permet de découvrir la vie et l'œuvre de Montaigne, ainsi que les pratiques funéraires de l'époque. On y découvre également les coulisses du travail des archéologues et des historiens, et les défis qu'ils doivent relever pour reconstituer le passé.

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Transcription
00:00Enquête policière dont le personnage central n'est autre que Michel de Montaigne.
00:05Un cercueil portant le nom de Michel de Montaigne, c'est ce qu'ont révélé de récentes investigations.
00:10Si c'est bien Montaigne qui se trouve dans ce tombeau, qu'est-ce qu'il fait dans ce musée d'Aquitaine ?
00:30Découvrir la sépulture qu'on croyait disparue de Michel de Montaigne, célèbre philosophe du XVIe siècle dans les réserves d'un musée, voilà qui a de quoi surprendre.
00:41Tout commence en 2018 avec la fin de la restauration du cénotaphe de Michel de Montaigne au musée d'Aquitaine.
00:49Le cénotaphe de Michel de Montaigne a été érigé en 1593 à la demande de son épouse Françoise de la Chassaigne.
00:56Il est donc postérieur à sa mort de quelques mois puisque Montaigne est mort le 13 septembre 1592.
01:03Ce qu'il faut bien comprendre c'est qu'un cénotaphe est un monument funéraire qui est vide.
01:07Il n'y a pas le corps à l'intérieur.
01:09Il est apparu un certain nombre d'interrogations sur la sépulture de Michel de Montaigne.
01:15En mars 2018, la restauration de ce monument se termine.
01:20Il y a une petite cérémonie, une inauguration avec le maire de l'époque Alain Juppé.
01:25Et durant la soirée, il se repose la question mais où est le corps de Michel de Montaigne ?
01:31Laurent Védrine, alors tout nouveau directeur du musée d'Aquitaine, décide d'aller vérifier une ancienne rumeur.
01:39Et si le corps du célèbre philosophe se trouvait là, au cœur des réserves, dans ce petit édifice qui ne porte aucune inscription ?
01:46Certains disaient que oui, il s'agissait bien du tombeau de Michel de Montaigne.
01:50D'autres disaient qu'il y avait eu déjà des ossements mais que tout avait été enlevé.
01:55D'autres encore disaient que ce petit édicule avait servi de lieu de stockage pour des produits chimiques
02:02de l'ancien laboratoire de physique-chimie de l'université de Bordeaux-Sciences.
02:06Bref, on avait 4 ou 5 versions différentes.
02:09On a, en septembre 2018, fait passer ce qu'on appelle une caméra filaire pour voir ce qu'il y avait derrière ce mur.
02:18Ce vide est occupé par un cercueil et ce cercueil a une plaque.
02:24Cette plaque porte la mention de Michel de Montaigne.
02:30Quand on a découvert ça il y a quelques mois, ça a été vraiment la stupéfaction.
02:37Ça a été aussi beaucoup d'interrogations, notamment aussi par rapport au fait qu'en dessous il y a un crâne.
02:44Et là, bien sûr, se pose véritablement la question de qui s'agit-il ?
02:48Est-ce qu'il y a une connexion, un lien avec le cercueil sur lequel est placée la mention Michel de Montaigne ou pas ?
02:54Mais que fait Montaigne, s'il s'agit bien de lui, mort en Dordogne à la fin du XVIe siècle,
03:00dans les sous-sols d'un bâtiment qui date du XIXe siècle ?
03:04Et à qui appartient le crâne de la chambre inférieure du tombeau ?
03:09Alors qu'une fouille se prépare pour ouvrir le caveau et en savoir plus sur ce cercueil mystérieux,
03:14revenons un peu sur le personnage de Montaigne.
03:18Philosophe, humaniste, écrivain, ancien maire de Bordeaux,
03:22de nombreuses avenues portent son nom à Paris, Bordeaux ou Périgueux.
03:26Pourtant, peu de personnes connaissent réellement sa vie et son œuvre,
03:30même si tout le monde a bien sûr entendu parler de ses fameux essais.
03:34Montaigne dit bien dans les essais « c'est moi que je peins ».
03:37C'est une espèce d'autoportrait, mais ce n'est pas une autobiographie parce qu'il ne dit pratiquement rien de sa vie.
03:43Il ne raconte que très peu d'anecdotes maintenant.
03:46C'est lui qu'il peint en tant qu'il est le sujet de sa vie, mais plus encore de sa pensée.
03:52Et c'est pourquoi Montaigne est à la fois un philosophe et un écrivain.
03:57Comme il est la matière de son ouvrage, il s'intéresse à tout, y compris même sa relation aux femmes,
04:02y compris même sur les questions de sa sexualité, sur ses envies, sur ses désirs,
04:08sur son physique, sur ses douleurs, sur ses colères, sur ses faiblesses, sur ses qualités.
04:14Et donc les essais ne sont pas simplement une compilation de réflexions et d'éruditions,
04:18compilant le savoir des philosophes antiques.
04:22Non, il les confronte finalement à ce qu'il est lui pour comprendre ce que nous sommes nous.
04:28Il est très, très moderne dans ses interrogations.
04:31Ce n'est pas un philosophe qui se construit un système, c'est quelqu'un dont la pensée varie en fonction des événements, en fonction des lectures.
04:39Il va comparer les Athéniens, les hommes de son temps, mais il veut voir le genre humain ou l'humaine condition.
04:52La bibliothèque municipale de Bordeaux conserve dans ses réserves un trésor pour les historiens et les passionnés de littérature.
05:04Un exemplaire original des essais ayant appartenu à Michel de Montaigne.
05:14Voici le document le plus précieux de toute la bibliothèque de Bordeaux.
05:18C'est le fameux exemplaire de Bordeaux.
05:20C'est un exemplaire des essais de 1588 que Montaigne a totalement annoté de sa main.
05:26C'est un témoignage unique sur la façon dont Montaigne travaillait.
05:30C'est l'auteur d'une seule œuvre, mais il passe sa vie à corriger son œuvre, la reprendre incessamment.
05:37Seule la mort est venue interrompre le travail de sa vie.
05:40C'est quand même une chance extraordinaire d'avoir réussi à conserver ce document.
05:46C'est le seul témoignage de l'écriture de Montaigne en train de se faire.
05:51Comme Montaigne écrit au fil de la plume, il a un talent d'improvisateur qui est éblouissant.
05:57Il écrit les idées comme elles lui viennent, dans son présent à lui, et son présent à lui ne cesse de rencontrer le nôtre.
06:06Dans les additions, on trouve quelques citations qui sont aujourd'hui extrêmement célèbres.
06:12Par exemple, « Parce que c'était lui, parce que c'était moi », lorsque Montaigne parle de son amitié avec la Boétie,
06:19ne figurait pas dans l'édition de 1580, elle ne figurait pas non plus dans l'édition de 1588.
06:26Elle est portée sur l'exemplaire de Bordeaux, à l'encre noire, par Michel de Montaigne.
06:31« Si l'on me demande pourquoi je l'aimais, je sens que je ne peux l'expliquer, sauf en disant parce que c'était lui,
06:39parce que c'était moi. »
06:43J'adore lire Montaigne parce qu'à chaque fois que je lis Montaigne, c'est comme si je l'entendais penser, c'est comme s'il pensait avec moi.
06:49C'est quelqu'un qui est toujours en train de perfectionner, de reprendre, et c'est comme si on était avec lui, en train de penser avec lui.
06:57Montaigne est un de ces rares auteurs qui nous emmène dans le cheminement de sa pensée.
07:03Comment on a pu, alors que l'on glorifie le personnage, oublier cette dépouille avec ce petit édifice,
07:11ce tombeau finalement qui s'est retrouvé remisé derrière un certain nombre d'étagères dans un bâti qui n'a cessé d'être réaménagé,
07:18faisant que la mémoire s'est diluée.
07:20C'est pour ça que ces fouilles sont à la fois importantes d'un point de vue historique,
07:24importantes d'un point de vue scientifique, mais aussi également importantes d'un point de vue humain.
07:30Laurent Védrine a fait appel à une équipe d'archéologues,
07:33qui décident de lancer une étude pour essayer de démontrer que le petit édifice a bien un rapport avec le Cénotaphe,
07:39ce monument funéraire de Michel de Montaigne.
07:45Pour commencer, ils se rendent en repérage de l'autre côté du tombeau, aujourd'hui difficile d'accès,
07:50du fait des nombreux murs érigés après la construction du bâtiment.
07:54Tu ouvres une porte, t'as des couloirs, t'ouvres une porte, t'as encore un couloir.
08:05Voilà, et tu vois qu'il n'a pas le même aspect que l'autre côté ?
08:09Oui.
08:10Je vais essayer de voir comment ça se cadre.
08:19Grâce aux toutes dernières technologies de numérisation 3D et de données géoréférencées,
08:24les archéologues vont tenter de reconstituer le plan original du bâtiment,
08:28pour voir si Cénotaphe et tombeau sont bien liés.
08:40On va découvrir où est le tombeau.
08:43Tu ne veux pas derrière ?
08:45Tu t'en fous un d'abord de ce côté ?
08:49Tiens.
08:51Il est là en fait, il est derrière, juste là.
08:58Ah, c'est là.
09:00C'est là.
09:01C'est là.
09:02C'est là.
09:03C'est là.
09:04C'est là.
09:05C'est là.
09:06C'est là.
09:07C'est là.
09:09Ah, très bien.
09:11Le caveau, en fait, on est quasiment à l'aplomb, et en gros, il est au niveau du comptoir.
09:15On garde l'espace ?
09:16Oui, oui, ça colle.
09:21Lors de la création du bâtiment, et jusqu'aux années 1980,
09:24le Cénotaphe se trouvait au centre du hall principal.
09:29Dès sa conception, le caveau en sous-sol a donc bien été pensé
09:32pour se trouver à l'aplomb du monument funéraire,
09:35et donc très probablement pour y recueillir la dépouille de montagne.
09:41Si aujourd'hui de nombreux murs coupent le caveau de part en part,
09:44il devait être à l'origine au centre d'une grande salle vide,
09:47dédiée à la mémoire du philosophe.
09:55En novembre 2019, sous la direction d'Hélène Rivellas,
09:59archéologue à Bordeaux-Métropole,
10:01une équipe de spécialistes va tenter d'ouvrir ce caveau
10:04pour en savoir plus et prouver qu'il s'agit bien là
10:07de la sépulture de Michel de Montey.
10:34Musique
10:56Il y a un oeil qui montagne en rouge.
10:58Oui, c'est énorme.
11:01Ah oui.
11:03Ah oui, c'est écrit en rouge.
11:05Il y a la marque de Michel de Montey sur tout le côté.
11:08Sur une des planches latérales, on voit que plusieurs lettres apparaissent
11:12et ces lettres sont écrites en rouge et elles composent le nom de Montey.
11:17Ça c'est quelque chose que vous ne saviez pas ?
11:19Non, pas du tout.
11:20Ça c'est la surprise du jour, la première.
11:32Oui.
11:44On ne voit pas grand-chose.
11:45Il y a au-dessus de l'écart entre les deux planches à droite...
11:48Attends, il y a écrit quelque chose.
11:51Michel de...
11:55Vous voulez que je fasse une photo ?
11:57Mon Dieu, Gérard !
12:02Ah ouais, tu vois, top.
12:04Ça c'est du plomb, je pense.
12:07On voit le bord de la boîte en plomb dedans.
12:09Et le couvercle horizontal, juste là.
12:21Il y a un contenant en plomb, à l'intérieur.
12:23Bon, super.
12:24Voilà.
12:25C'est très bonne nouvelle.
12:27C'était pour moi un espoir.
12:30On en parlait un petit peu ce matin.
12:32De se dire peut-être qu'on a un espèce de conditionnement,
12:36je ne sais pas comment...
12:37Un contenant.
12:38Un contenant, voilà, peut-être d'origine.
12:41Là aussi, toujours avec cette question, c'était bien Michel Montey,
12:44mais en tout cas on a quelque chose de plus ancien,
12:46manifestement, que le cercueil.
12:48Donc là aussi c'est intéressant.
12:50C'est un indice en faveur du fait que ce soit bien nuit.
12:54D'après les textes qu'on connaît, ce que dit Laurent,
12:56c'est qu'il a été inhumé dans un cercueil en plomb.
12:58À l'origine.
12:59Mais on ne savait pas le devenir, finalement, de ce cercueil.
13:02On ne savait pas s'il avait été conservé au cours des différents événements
13:05qui ont eu lieu.
13:06Le fait qu'il y ait ce cercueil qui semble intact,
13:08peut-être, ça on va voir demain à l'ouverture,
13:10mais c'est un indice aussi supplémentaire.
13:15On sait que Michel Héquem, seigneur de Montaigne,
13:18est mort à 59 ans le 13 septembre 1592
13:22dans son château de Dordogne, à Saint-Michel-de-Montagne.
13:26Le château actuel a conservé la tour qui servait de bureau
13:29au célèbre philosophe.
13:33C'est là qu'il a vécu une grande partie de sa vie
13:35et qu'il a écrit les essais.
13:41Anne-Marie Cocula est historienne.
13:43Elle a consacré une grande partie de ses recherches
13:45à l'étude de la vie de Montaigne.
13:47La montée est pleine de périls.
13:56Quel était le usage de cette pièce ?
13:58C'est sa chambre.
14:00Là, ça, c'est pas du tout un lit d'époque.
14:03Et là, vous avez ce lieu.
14:08Finalement, est-ce que c'est pas ça, les derniers moments ?
14:11Mais si, le voilà, le dernier moment de Montaigne.
14:13Voilà, c'est celui-là.
14:15Les derniers moments de Montaigne,
14:17c'est dans la pièce à côté.
14:20Peut-être, on ne sait pas.
14:22Il a pu mourir là.
14:24Il semble être tombé malade d'un abcès à la gorge
14:26qui lui aurait empêché de parler.
14:28Exactement, avec une aphasie.
14:30D'où la présence aussi sur le tableau
14:32de billets que l'on voit qui sont tombés
14:34pour qu'ils puissent communiquer
14:36avec ses proches.
14:38C'est l'interprétation.
14:40Mais d'après le seul témoignage indirect que l'on ait.
14:47Montaigne écrit merveilleusement dans les essais
14:49« Tu ne meurs pas de ce que tu es malade.
14:52Tu meurs de ce que tu es vivant. »
14:54Il combat ce que j'appelle la forclusion de la mort.
14:57Ceux qui veulent n'y penser jamais.
14:59Ce qui est le cas du plus grand nombre.
15:01Les gens vivent comme s'ils étaient immortels.
15:03Et Montaigne écrit joliment
15:05« Ils vont, ils viennent, ils courent, ils dansent.
15:07Deux morts, nulle nouvelle. »
15:09Ils vivent comme s'ils ne devaient pas mourir.
15:11Mais dès que la mort les frappe
15:13ou frappe l'un de leurs proches,
15:15il montre quel désespoir, quel chagrin, quelle angoisse.
15:17Il faut y pourvoir de plus bonheur.
15:20Il faut y penser plus tôt.
15:22Et il essaye de vivre et la vie
15:25et la certitude de la mort
15:27dans ce qu'il appelle merveilleusement
15:29la nonchalance.
15:31« Je veux qu'on agisse et qu'on prolonge
15:33les offices de la vie tant qu'on peut.
15:35Et que la mort me trouve plantant mes choux,
15:38mes nonchalant d'ailes,
15:40et encore plus de mon jardin imparfait. »
15:45C'est ce qu'on appelle le Beuter.
15:47Un ouvrage imprimé sur lequel
15:50Montaigne a porté des indications manuscrites
15:54pour indiquer tous les moments marquants de sa vie.
15:57Montaigne n'est pas le seul annotateur de cet ouvrage.
16:00C'est le livre de raison de la famille.
16:02Il y a une évocation de la mort de Michel de Montaigne
16:07en septembre 1592.
16:09« Cette année 1592,
16:11mourut Michel Seigneur de Montaigne,
16:13âgé de 59 ans et demi, à Montaigne.
16:16Son cœur fut mis dans l'église Saint-Michel
16:19et Françoise de la Chassaigne,
16:21dame de Montaigne, sa veuve,
16:23fit porter son corps à Bourdeau
16:25et le fit enterrer en l'église des Feuillants
16:28où elle leur fit faire un tombeau élevé
16:31et acheta pour cela la fondation de l'église. »
16:41Au moment de son embaumement,
16:43le cœur de Montaigne est donc prélevé
16:45et mis dans l'église du village, tout près du château.
16:49Quelques mois après sa mort,
16:51le corps de Montaigne voyage ensuite jusqu'à Bordeaux,
16:53ville à laquelle il était très attaché
16:55et dont il a été maire.
16:57Il va être inhumé au couvent des Feuillants,
16:59aujourd'hui détruit.
17:01D'anciennes archives permettent de se figurer
17:03l'église de ce couvent et l'emplacement
17:05où devait se trouver Montaigne.
17:07Laurent Védrine a également retrouvé
17:09l'ancien plan de cette chapelle
17:11située à l'emplacement actuel du musée d'Aquitaine.
17:16« Le cénotaphe qui était juste devant le maître-hôtel,
17:20donc qui avait vraiment une place centrale
17:22dans l'église des Feuillants,
17:24il y a eu des travaux de restauration
17:26au début du XVIIe siècle
17:28et à ce moment-là, on sait que le cénotaphe,
17:30le tombeau de Michel de Montaigne,
17:32ont été déplacés dans cette chapelle-ci. »
17:36« Entre 1593,
17:38date d'inhumation de Michel de Montaigne,
17:40et aujourd'hui,
17:42à la fois le cénotaphe et le corps
17:44ont été plusieurs fois déplacés,
17:46notamment à la Révolution française,
17:48où il est apparu comme étant
17:50une figure révolutionnaire,
17:52puisque les 100 culottes qui vont s'installer
17:54dans le couvent des Feuillants
17:56où Michel de Montaigne est inhumé,
17:58vont prendre le nom de 8e section,
18:00Michel de Montaigne. »
18:02Et cette section révolutionnaire,
18:04c'est une réalité historique,
18:06il faudra qu'on le vérifie,
18:08qui ont été justement garants
18:10de la mémoire de Michel de Montaigne
18:12et garants de sa dépouille.
18:14« Il y aura d'ailleurs la consécration,
18:16même au-delà du consulat,
18:18puisqu'en 1800, on décidera
18:20de rendre hommage à Michel de Montaigne,
18:22cette fois-ci en l'exhumant
18:24et en allant l'amener près des Alliés tournis
18:26dans les bâtiments du musée de l'époque
18:28des Arts et des Belles-Lèvres. »
18:30Le corps de Montaigne est exhumé,
18:32mais le chroniqueur bordelais Bernardo
18:34fait cette remarque.
18:36« Le 23 septembre 1800,
18:38on imagina de transférer
18:40les cendres de Montaigne de la chapelle
18:42où elle reposait depuis plus de deux siècles
18:44dans une salle de la bibliothèque publique
18:46de Bordeaux.
18:48Toutes les parties de la tête étaient bien conservées,
18:50entre autres les dents,
18:52qui tenaient encore dans la mâchoire.
18:54Quelques-uns se sont permis d'en arracher,
18:56ainsi que des osselets des doigts.
18:58On a fait une erreur,
19:00ce n'était pas Montaigne qui est resté au feuillant.
19:02On a reconnu ensuite que c'était l'une
19:04de ses parentes que l'on avait promenée ainsi
19:06dans Bordeaux. »
19:08Or, en 1803, un certain Baron de Cayla
19:10fait un rapport
19:12avec le soutien de Joseph de Montaigne
19:14par lequel il indique
19:16qu'il y a eu une erreur sur le corps
19:18qui a été déplacé,
19:20qui a été exhumé, et que ce n'est pas
19:22Michel de Montaigne qui a été amené
19:24au musée des Arts et Belles-Lèvres
19:26de Bordeaux.
19:28Ce rapport est tellement concret
19:30et complet dans son argumentation
19:32que le préfet de l'époque décide
19:34la réanimation du corps
19:36au couvent des feuillants.
19:38Ce rapport-là a disparu,
19:40et c'est à partir de là que tout le doute
19:42ne cesse finalement de naître.
19:46En 1871,
19:48un incendie ravage la chapelle
19:50et le couvent des feuillants est rasé.
19:54Sur le même emplacement se construit alors
19:56la faculté qui deviendra par la suite
19:58musée d'Aquitaine.
20:00Mais après ces différents déplacements
20:02sur plusieurs siècles, comment avoir la certitude
20:04que le cercueil déposé dans le tombeau
20:06est bien celui du philosophe ?
20:08Après différentes prises de données
20:10et dans la crainte de sa dislocation,
20:12les archéologues décident à présent
20:14d'extraire le cercueil du tombeau
20:16pour en avoir le cœur net.
20:26...
20:48Michel de Montaigne.
20:50Ça commence là.
20:52CHL.
20:54De Montaigne.
20:56...
21:14Ne bouge pas.
21:16Moi, ce que je propose de faire,
21:18c'est ça, tout doucement.
21:20...
21:22...
21:24...
21:26...
21:28...
21:30Essaie.
21:32T'as plu, t'es plus fort que moi.
21:34...
21:42P'tain !
21:44Faut qu'on le re-dresse, non ?
21:46Alors ben, je ne sais pas.
21:48En parallèle de la fouille, Michel Pernaut et Rebecca Zea, spécialistes du papier et
22:02du métal, entreprennent l'ouverture de la bouteille en verre pour en lire le message.
22:07Procès verbal de translation des restes de Michel Montaigne aujourd'hui jeudi 11 mars
22:251886 à 9 heures du matin.
22:29Là on voit 24, là on voit deux points et là on voit qu'il y a quelque chose d'écrit
22:47mais on n'arrive pas très bien à lire en fait.
22:52Les chiffres qui sont peints sur le cercueil correspondent très probablement à une date
23:07qui correspond en fait à l'exhumation des corps c'est-à-dire que la chapelle est incendie
23:12en 1871 et donc on va sur ce cercueil on va peindre Michel de Montaigne la date 24
23:2112 1880 pour dire voilà ici c'est bien Montaigne et il ne faut pas le confondre.
23:27Le couvent des feuillants n'avait pas qu'une seule dépouille à savoir Michel de Montaigne.
23:35Il y avait entre cinq et sept corps également qui étaient à cet emplacement.
23:40Aucun d'entre eux à l'exception d'un ne portait une épitaphe c'est-à-dire une inscription.
23:44Le seul qui était identifié était celui de Françoise de la Chassaigne non pas les
23:49autres.
23:50Donc il a été retenu que c'était le cercueil situé à côté de Françoise de la Chassaigne
23:54qui était celui de Michel de Montaigne mais il y avait aussi d'autres grandes familles
23:58qui se sont faites inhumer au couvent des feuillants au total en 1881 c'est 55 corps
24:03qui ont été exhumés.
24:04L'ensemble de ces corps sont amenés au dépositoire de la chartreuse y compris le
24:09cercueil de Michel de Montaigne qui a été à partir de là identifié comme tel.
24:15Le cercueil de Montaigne et les 55 autres dépouilles du couvent des feuillants sont
24:19placées dans la tente des travaux au dépositoire de la chartreuse.
24:22La femme de Montaigne, Françoise de la Chassaigne et leur fille seront ensuite réinhumées
24:27dans un château familial tandis qu'une tombe est érigée pour les autres défunts.
24:31Celui qu'on pense être Montaigne est quant à lui amené dans le caveau construit pour
24:36lui en sous-sol du palais des facultés.
24:38Pour éviter la contamination ADN, archéologues et techniciens s'équipent de combinaisons
24:45stériles avant de s'attaquer à l'ouverture du cercueil de bois.
25:08Alors là le cercueil en plomb est abîmé donc on voit par l'ouverture des os du pied
25:37qui sont complètement disloqués, on voit notamment le tagus.
25:40Il y a un métatarsien aussi à côté, donc t'as un métatarsien, t'as du bassin et t'as
26:06du fémur.
26:07Donc on est quand même dans une logique anatomique.
26:09Il va y avoir des moments où les vestiges humains sont à l'air libre, ils sont contaminables
26:25par les contaminants ambiants dans l'air libre, donc il est nécessaire vraiment avant
26:30les prélèvements ADN de minimiser les contaminations, on ne peut jamais les empêcher complètement
26:35mais de les minimiser au maximum.
26:36Est-ce que vous avez la référence de l'ADN des descendants de Montaigne ?
26:40Pas encore.
26:41L'historien Laurent Coste va s'attaquer à des recherches en archive pour essayer d'arriver
26:47jusqu'à aujourd'hui.
26:48Cela fait combien de générations en tout ?
26:50Une vingtaine je pense.
26:51Une vingtaine de générations ?
26:52Laurent Coste, historien, se rend aux archives de Bordeaux Métropole pour essayer de trouver
26:58des documents d'époque et compléter son enquête généalogique sur la descendance
27:03de Michel de Montaigne.
27:05Il espère retrouver la piste d'un descendant actuel de Montaigne pour permettre à la généticienne
27:10de faire des comparaisons avec l'ADN qui sera prélevé sur les ossements se trouvant
27:14dans le cercueil.
27:15Cela permettrait d'apporter la preuve indiscutable de l'identité du défunt, mais c'est une
27:21mission longue et complexe.
27:22Alors nous avons ici le contrat de mariage de Michel de Montaigne et de Françoise de
27:37la Chassaigne en 1565, donc Montaigne et son épouse ont eu donc six filles dont la plupart
27:45sont mortes en bas âge à quelques semaines ou quelques mois et seul Léonor a pu avoir
27:51une descendance.
27:52Pour l'identification individuelle, il nous faut un descendant direct, soit d'une
27:57lignée maternelle, donc par l'ADN mitochondriale transmise par les femmes.
28:01Donc ce que Laurent Coste a recherché, ce sont des descendantes des sœurs de Michel
28:07de Montaigne, parce que les sœurs de Michel de Montaigne portaient le même ADN mitochondrial
28:12que Michel de Montaigne et ont transmis potentiellement via les filles, qui ont eu des filles, qui
28:18ont eu des filles, cet ADN mitochondrial à une descendante actuelle.
28:22Il faut donc pour les différentes sœurs faire des arbres généalogiques et arriver à trouver
28:31à chaque fois des filles.
28:32Il y a parfois à l'époque des familles très nombreuses, mais si vous comptez le
28:40nombre d'enfants qui meurent en bas âge, les filles qui rentrent dans les ordres comme
28:45religieuses, celles qui se marient mais qui n'ont pas d'enfants ou qui n'ont que des
28:51fils, là nous sommes au milieu du XVIe siècle, ça veut dire qu'on a à peu près 5 siècles
28:58de filiation à retrouver.
28:59En l'état actuel, je n'ai pas identifié de ligne totalement féminine jusqu'à nos
29:06jours.
29:07Ne pouvant aller plus loin dans l'étude des ossements repérés à l'intérieur du
29:15contenant en plomb, les archéologues s'attaquent à présent à la chambre inférieure du caveau.
29:19Si c'est à lui, c'est cassé à l'endroit, à l'emplacement des dents.
29:40Ce crâne et cette mandibule reposaient dans cette chambre sans forcément de soins.
30:08Ils ont été déposés là comme ça, le crâne est un petit peu à l'envers, la mandibule
30:12allait à côté, il y avait même deux dents qui étaient tombées, qui étaient juste
30:14à l'entrée.
30:15Et ce qui est vraiment curieux, c'est qu'on n'a donc aucune information alors qu'on est
30:20quand même toute fin 19e, 20e, début 21e.
30:24La grande surprise qu'il y a eu dans le début finalement des fouilles qui ont été lancées,
30:32c'est dans la deuxième chambre funéraire de découvrir, alors qu'on ne s'y attendait
30:36pas du tout, et qu'aucune trace historique ne le mentionne, de découvrir un crâne avec
30:41une mandibule.
30:42Il y a un joli trou à l'arrière du crâne, vous voyez ?
30:46Ça a la forme d'un coup de pioche, donc c'est quelque chose qu'on voit finalement assez
30:51souvent quand on fouille des cimetières paroissiaux qui ont été utilisées pendant plusieurs
30:56siècles.
30:57Donc les fossoyeurs, sans faire exprès, abîment les ossements et c'est vrai que là, c'est
31:00l'impression que ça donne pour l'instant.
31:01Les archéologues se préparent pour être dans des conditions optimales, les plus stériles
31:09possibles, pour effectuer les prélèvements des vestiges osseux, afin de préserver au
31:13mieux l'ADN ancien potentiellement présent.
31:15Par contre, il faudra que tu te décontamine les gants entre la mandibule et le crâne.
31:20Ouais, pour pas que ça arrive.
31:21Ça marche.
31:22D'accord, maintenant, tu vas arriver à l'intérieur.
31:23Alors attention, je vais...
31:25Bonjour, tu vas être au dernier?
31:26Oui, merci.
31:27Merci.
31:28OK, hop, pardon.
31:29Ok, tu vas faire quoi, là ?
31:30Je vais faire la poche, je la mets à côté pour qu'elle soit plus facile à tirer.
31:31Vous pouvez enlever le crâne.
31:32Je vais enlever le crâne.
31:33Parfait.
31:34C'est bon.
31:35C'est bon.
31:36Vous avez tout?
31:37C'est bon, le crâne est en place.
31:38Le crâne est en place.
31:39C'est bien.
31:40Ok, merci.
31:41C'est bon.
31:42C'est bon.
31:43C'est bon.
31:44C'est bon.
31:45C'est bon.
31:46C'est bon.
31:47J'ai le crâne.
31:48C'est bon.
31:49C'est bon.
31:50...
32:03C'est un bien enfermé, non ?
32:05...
32:08Peut-être que c'est bête, mais je me demande si c'est pas...
32:12Enfin, ça ressemble au plomb d'hier, quoi.
32:14Non, mais ce que je veux dire, c'est que peut-être
32:17que cet individu était aussi dans le sens qu'il est en train de...
32:20...
32:27Le seul don qui est conservé présente une très importante carie,
32:31alors que les dents mandibulaires, il n'y en a aucune.
32:34C'est assez étonnant.
32:35C'est une piste après de recherche.
32:37Pour l'ADN, on aura une réponse intéressante
32:40pour savoir si c'est un seul ou deux.
32:42Déjà, on se posait des questions sur ces éléments osseux,
32:45si c'est un individu supplémentaire,
32:46mais si on en a deux supplémentaires,
32:48c'est vraiment super intéressant, prometteur.
32:52On ne sait absolument pas si c'est un crâne d'une personne
32:55qui est contemporaine à Michel de Montaigne
32:57ou qui est postérieure.
32:59On peut voir, néanmoins, que dans le cadre des enduits,
33:02du mastic qui a servi à sceller, effectivement, la dalle funéraire,
33:05que cette dernière ne présente pas les mêmes grains
33:08que le mastic qui a permis de sceller la dalle funéraire
33:11où se trouve, avec présomption, Michel de Montaigne.
33:14A priori, c'est resté intact,
33:15et en bas, on a ces traces qui laissent penser
33:18que ça a peut-être déjà été réouvert.
33:20La dalle n'était pas autant enfoncée qu'en haut.
33:22En plus, sachant qu'il n'y a pas de cercueil à l'intérieur,
33:25est-ce qu'il y en a eu un qui a été enlevé ?
33:29Aujourd'hui, nous avons à la fois une quête
33:31de la recherche de l'identification
33:33et de la preuve de l'identification de Michel de Montaigne,
33:36mais nous avons également un mystère, une énigme complète
33:39qui vient d'apparaître.
33:40Comment se fait-il qu'il y ait ici un crâne
33:43et une mandibule
33:44dans cet édifice qui date de 1886 ?
33:52Suite à la découverte du contenant en plomb,
33:54bien mieux préservé que ce qui était attendu,
33:56la fouille de 2019 se termine,
33:58le temps de réunir de nouveaux spécialistes.
34:03Elle doit reprendre en avril 2020,
34:06mais un événement mondial va bouleverser les plans
34:08de notre équipe d'archéologues.
34:11La pandémie de Covid-19 frappe la planète
34:14et le pays se met à battre au rythme des confinements
34:16et des déconfinements.
34:20Les masques apparaissent sur les visages.
34:22La peur de la maladie et de la contagion
34:24prennent leur place dans la vie de tout un chacun.
34:27Parmi les choses auxquelles Michel de Montaigne a dû faire face,
34:30notamment dans le cadre de son deuxième mandat de maire,
34:34c'est une épidémie de peste à Bordeaux.
34:36Il a connu plusieurs épidémies de peste.
34:38Il en a connu quand il était collégien,
34:40jeune enfant au collège de Guyenne.
34:42Et puis, il y a eu la grande épidémie de peste
34:44qui se conjugue pour Montaigne
34:47avec la fin de son second mandat en 1585.
34:51Il ne se trouve pas à Bordeaux à ce moment-là
34:53et il ne va pas revenir dans la ville.
34:55Et d'ailleurs, il a écrit
34:57que la question de la contagion lui avait fait peur.
35:00Quand on lit Montaigne aujourd'hui,
35:02on se dit qu'on a beaucoup de chance
35:04parce qu'on vit une époque tellement moins difficile que la sienne.
35:07Et je l'ai dit souvent ces derniers mois,
35:10face à la pandémie de Covid-19,
35:13j'ai souvent rappelé que Montaigne, lui, il avait vécu la peste.
35:16Et que c'était quand même autre chose.
35:18Vous n'aviez aucune chance d'en réchapper
35:20dès lors que vous étiez contaminé.
35:22Et puis, nous nous plaignons du terrorisme.
35:24Nous avons bien sûr raison, il faut combattre le terrorisme.
35:26Mais Montaigne, il a vécu les guerres de religion.
35:28Les deux nuits de la Saint-Barthélemy,
35:31il y a eu uniquement à Paris
35:333000 protestants assassinés par les catholiques.
35:37Il n'a connu, dans son âge adulte, dans son âge d'op,
35:41que la guerre civile.
35:43Il n'a pas vécu une époque heureuse.
35:46Il a vécu une époque du malheur des temps,
35:48comme le dit l'historien Jean Delumeau.
35:51Ce n'est pas la bonne période.
35:53Montaigne a vécu bien pire que nous.
35:56Et il le vit avec un mélange de courage et de sérénité
36:00qui, pour moi, et pour nous, si on le lit,
36:03est une vraie leçon.
36:05Par exemple, s'agissant de la maladie,
36:08en plus, lui, il a souffert de la gravelle,
36:10comme vous disait, la maladie de la pierre,
36:11les coliques néphritiques.
36:12Et donc, il a souffert atrocement pendant des semaines.
36:15Et puis, ça recommençait six mois plus tard.
36:18Voilà, et donc, il est confronté à la paix,
36:20confronté aux coliques néphritiques.
36:24Et pourtant, il continue d'aimer la vie.
36:28Je passe le temps quand il est mauvais et désagréable.
36:31Quand il est bon, je ne veux pas le passer.
36:34Je le goûte à nouveau, je m'y arrête.
36:37Il faut passer le mauvais en courant et s'arrêter au bon.
36:43En septembre 2020, enfin, la fouille archéologique peut reprendre,
36:47avec des équipements renforcés.
36:50Durant un an, le cercueil restait intact
36:52dans les réserves du musée d'Aquitaine,
36:54comme si les archéologues étaient partis la veille.
36:58Fouiller des restes humains, c'est ma spécialité.
37:00Ce que j'y sers, quand on fouille une sépulture,
37:03on va avoir accès à une partie de la mentalité
37:06des individus qui ont pris en charge ce défunt.
37:09Ça peut paraître assez spécial, mais au final,
37:12pour moi, c'est s'approcher au plus près de nos ancêtres.
37:17C'est sûr que c'est un mouvement qui va être émouvant,
37:20puisque déjà, on l'attend depuis quasiment un an.
37:23La possibilité qu'il s'agisse de Michel de Montaigne,
37:25ça ajoute encore un petit peu plus au suspense
37:29et aux émotions qu'on peut ressentir
37:31quand on a affaire à une fouille comme celle-ci.
37:42Avec beaucoup de précaution pour ne pas abîmer les vestiges,
37:45les archéologues entament l'ouverture du contenant en plomb.
37:50Tu le tiens ?
37:51Je le prends.
38:05On se débrouille ?
38:06On se débrouille.
38:09Si tu tombes dans l'espace.
38:13Super.
38:15C'est bon ?
38:17On va l'arrêter ?
38:18On va l'arrêter ?
38:19Oui.
38:20Allez.
38:22C'est bon, tu ne me vois pas ?
38:23Côte.
38:24Attention, le bruit est fragile.
38:27Ça se tient mécaniquement, il n'y a pas besoin de tout mettre dessus.
38:39Ça fait des cheveux, c'est sûr.
38:41C'est comme ci, là ?
38:42Ça sort...
38:43Je fais attention ici.
38:44Là, regarde.
38:45Juliette ?
38:46Là, on a des éléments qui pourraient être du tissu.
38:54Ce n'est pas simple.
38:55Ah, non ?
38:57C'est une surprise.
38:58C'est ça.
39:09C'est à la fois bien conservé en même temps.
39:11Ça me fait un peu peur, toutes les réactions chimiques avec le plomb.
39:15Ils sont loin d'être bénéfiques pour la bière.
39:18Oui.
39:19Tu as vu la barbiche sur la mandibule ?
39:24Ah, oui.
39:25Ah, oui.
39:29Les dents sont magnifiques.
39:31Oui.
39:32Il n'a quasiment pas de caries, il semble-t-il.
39:35Oui.
39:3859 ans.
39:43Bonjour.
39:44Bonjour.
39:46Voilà.
39:49Vas-y.
39:54C'est un état de conservation incroyable.
39:58Les cheveux... Ah, oui.
40:00Tu as tous les os qui ont glissé vers la gauche.
40:04Oui.
40:06Michel de Montaigne était atteint de la maladie de la gravelle.
40:09Il avait des calculs rénaux.
40:11Ces derniers, avec la décomposition du corps,
40:13se retrouvent-ils finalement au fond du cercueil ?
40:16Et puis, à la mort de Michel de Montaigne,
40:18son coeur est resté à l'église Saint-Michel de Montaigne,
40:21ce qui veut dire qu'il y a eu extrusion du coeur.
40:25Et donc, à partir de là, peut-être qu'il y a encore des traces
40:29de cette opération sur le squelette.
40:31Et sur les traces de sillage éventuels sur les côtes,
40:36le bassin, les calculs rénaux, tout ça,
40:39aujourd'hui, c'est pas encore...
40:40C'est trop tôt pour pouvoir l'observer, c'est ça ?
40:44Surtout que là, en plus, vu que tout a glissé,
40:48là, les côtes, elles sont pas du tout observables.
40:50S'ils auraient été en place, on aurait peut-être pu le voir,
40:54mais là, c'est pas du tout le cas.
40:56Le bassin, tu vois, il est couvert de différents éléments,
41:01donc là, il faut pas trop faire des observations.
41:04Et puis, les calculs rénaux, ça peut être très petit.
41:07D'accord.
41:10Pas trop les voir.
41:11Et puis, sur le frontal, là,
41:13il y a un tissu.
41:15D'accord.
41:16Un bord dessus, comme un bonnet.
41:19D'accord.
41:20OK.
41:24Qu'est-ce que ça te fait, Laurent, là ?
41:26C'est... C'est énormément d'émotions, en fait.
41:30Je pense que c'est quelque chose de très important,
41:32ce qui est en train de se passer aujourd'hui.
41:34J'en ai l'intime conviction.
41:37Musique douce
41:39Au sous-sol du musée, la tension est palpable.
41:42Il s'agit de prélever le crâne de l'individu,
41:45qui sera ensuite étudié en laboratoire
41:47et pour lequel une reconstitution faciale sera entreprise.
41:51Musique douce
41:55Donc, Jean-Bernard, c'est bon, tu l'as eu, hein ?
41:57Musique douce
42:24Musique douce
42:27Musique douce
42:30Musique douce
42:33Musique douce
42:37Musique douce
42:40L'étrange mandibule qui porte encore une barbe
42:42est à son tour extraite pour analyse.
42:45Musique douce
42:48Musique douce
42:51Musique douce
42:55Tous les éléments présents sont recueillis
42:57comme autant d'indices pour notre enquête.
42:59Fragments de tissu, ADN, matière organique,
43:02ossements, restes botaniques, métal
43:05et même les insectes découverts dans le sarcophage
43:08sont soigneusement prélevés.
43:10Après la fouille, vient le temps de l'analyse en laboratoire
43:13pour les différents spécialistes de l'équipe d'Hélène Réveillas.
43:17Au laboratoire Pacea,
43:19les tissus retrouvés dans la tombe sont examinés avec soin.
43:22C'est des prélèvements qui ont été faits au fond du sarcophage.
43:26Il semble que ce soit le tissu du linceul.
43:29Donc, je suis venue prélever ce tissu
43:33qui barrait le front du personnage
43:36parce qu'il gênait, en fait,
43:39les analyses anthropologiques et les prélèvements pour l'ADN.
43:43Je peux juste dire à ce stade
43:45que le tissu qui forme le haut du bonnet, là,
43:48est un tissu très fin. Je pense que c'est un satin.
43:51Et si le textile a été préservé sur cette partie-là,
43:55c'est peut-être que cette zone n'a pas été
43:59au contact des jus de décomposition,
44:03qui sont agressifs.
44:05Toujours à Bordeaux,
44:07Renan Ledevin, de l'Institut Plaquemat,
44:09est chargé de scanner le crâne en trois dimensions
44:12pour la reconstitution faciale.
44:19Ensuite, des analyses ADN vont être menées
44:22par Marie-France de Guyoux, la paléogénéticienne.
44:26Nous avons récupéré 12 % d'ADN endogène.
44:29Tout ce que nous allons pouvoir faire,
44:31c'est tester si les données génétiques à disposition
44:35sont conciliables ou pas.
44:37Par exemple, nous pouvons identifier
44:39qu'il s'agit d'un squelette
44:41qui n'a pas d'ADN endogène.
44:43C'est-à-dire qu'il n'a pas d'ADN endogène.
44:46Nous pouvons identifier qu'il s'agit d'un squelette
44:48provenant d'un homme.
44:50Nous avons un génome qui vient se placer
44:52dans la variabilité génétique
44:54des populations d'Europe de l'Ouest.
44:56Mais nous ne pourrons pas aller plus loin
44:58tant que nous n'aurons pas un descendant vivant
45:00permettant une identification.
45:02Pour le caveau inférieur,
45:04on a récupéré deux vestiges,
45:06le crâne complet,
45:08et puis nous avons récupéré une dent de la mandibule
45:11qui apparemment appartiendrait peut-être à un autre individu.
45:14Jusqu'à présent, ce que nous avons pu faire
45:16sur ces vestiges, c'est déterminer le sexe génétique,
45:19et donc nous avons pu démontrer
45:21que les deux vestiges appartenaient à des femmes.
45:23Quand j'ai réalisé les prélèvements en 2019,
45:26la mandibule présentait toutes ses dents
45:29et vraiment un état dentaire assez parfait,
45:33donc quasiment pas d'usure, aucune carie,
45:36alors que le maxillaire ne présentait plus qu'une seule dent,
45:39avec une carie assez volumineuse
45:41et beaucoup de pertes antémortem.
45:43Ça paraissait assez peu cohérent,
45:45et on a des problèmes d'occlusion,
45:47c'est-à-dire la manière dont s'articulent le maxillaire
45:50et les dents de la mandibule.
45:52Pour le moment, on n'a aucune idée
45:54de qui sont ces deux individus,
45:56donc d'une part le crâne et de l'autre la mandibule,
45:59qui ont été retrouvés dans la chambre inférieure.
46:02Hélène Réveillasse retourne au musée d'Aquitaine
46:04pour étudier les ossements de l'individu
46:06supposé être Michel de Montaigne.
46:08Elle espère trouver des réponses
46:10aux différentes pistes de recherche.
46:13Aucune trace ni sur le sternum ni sur les côtes
46:16qui pourrait prouver un prélèvement du cœur.
46:19L'absence de traces ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu prélèvement,
46:22puisqu'on ouvre au niveau de l'abdomen,
46:24on passe la main et on va chercher le cœur.
46:27Et là, si on s'y prend correctement,
46:29il n'y a aucune raison qu'on laisse de traces sur les os.
46:34Donc potentiellement, si on a prélevé le cœur du squelette fouillé,
46:38ça peut être cette technique qui a été employée.
46:41Ici, là, il y a une alvéole qui s'est refermée.
46:44L'alvéole, en fait, c'est l'emplacement d'une dent.
46:47Donc ça veut dire que l'individu l'a perdue au cours de son vivant.
46:50On voit bien la différence avec une dent qui a été perdue antémortem,
46:53donc avant le décès, et une dent qui a été perdue
46:56alors que le corps était déjà décomposé.
46:59On a une seule perte antémortem, c'est-à-dire avant le décès,
47:02et ce qui est assez amusant, c'est que Michel de Montaigne
47:05relate dans ses écrits qu'il a perdu une dent au cours de sa vie.
47:11Et a priori, il n'y a pas vraiment de caries au premier regard, comme ça.
47:16D'après ce qu'on sait de Montaigne, il avait une bonne hygiène dentaire.
47:19Donc si c'est lui, c'est pas très courant, effectivement.
47:23Ça colle quelque part avec ce qu'on sait
47:25de la dentition de Michel de Montaigne, mais d'après ce qu'il nous a dit.
47:29Ce sont des indices qui vont dans le bon sens,
47:31mais qui permettent pas de trancher pour le moment.
47:35Les résultats que nous avons pour l'instant
47:37ne permettent pas d'éliminer l'hypothèse qu'il s'agisse de Michel de Montaigne,
47:40puisqu'on a bien un sujet de sexe masculin, de plus de 30 ans.
47:45On a un individu dans un certain rang social,
47:47puisqu'il est dans un sarcophage en plomb,
47:49avec peut-être un tissu là aussi assez coûteux.
47:53Pierre Guyomarche a fait aussi une reconstitution faciale
47:57à partir du scanner du crâne et de la mandibule
48:00que nous avons réalisé.
48:02Ce qu'il va essayer de faire ensuite,
48:04c'est de comparer le résultat obtenu à partir du crâne et de la mandibule fouillé
48:09avec des représentations connues de Michel de Montaigne.
48:12Donc on en a deux qu'on pense à peu près fiables.
48:15La première, c'est un portrait qui a été réalisé par François de Quenelle,
48:18où Michel de Montaigne est représenté un petit peu de profil.
48:21Et la deuxième, pour laquelle nous sommes un peu plus optimistes peut-être,
48:25c'est le gisant sur le cénotaphe.
48:28D'après les pratiques qui avaient lieu à l'époque moderne,
48:31les gisants étaient sculptés à partir d'un masque mortuaire.
48:34Donc on pense que c'est peut-être une représentation assez fidèle
48:38de Michel de Montaigne.
48:40Il a réussi à faire une tête qui reste très neutre.
48:44Et donc ça donne ceci.
48:46Il cale donc notre crâne et notre mandibule
48:49avec un visage théorique.
48:52Donc au niveau des cohérences, on a la fendue,
48:55la position relative du nez, des yeux, la bouche,
48:58les uns par rapport aux autres.
49:00Par contre, il y a quelques soucis au niveau de l'arête nasale,
49:04mais aussi les oreilles et la profondeur des yeux.
49:08Donc on a un premier résultat
49:11qui est comme, finalement, le squelette biologique.
49:14Il ne permet pas d'éliminer l'hypothèse qu'il s'agisse de Michel de Montaigne,
49:18mais il ne permet pas non plus d'en être certain.
49:21On croit parfois que les sceptiques, c'est ceux qui disent
49:24« je ne sais rien ».
49:26Mais objecte Montaigne, si tu ne sais rien,
49:29tu sais au moins que tu ne sais rien.
49:31Il dit qu'il y a deux ignorances.
49:33Il y a l'ignorance du type inculte qui ne sait rien,
49:36et puis il y a ce qu'il appelle la « docte-ignorance ».
49:39L'ignorance des savants qui savent beaucoup de choses
49:42et qui pourtant le sentiment,
49:44et justement parce qu'ils savent beaucoup de choses,
49:47qu'ils ignorent l'essentiel.
49:49Il s'agit d'aimer la vérité plus que la certitude,
49:52mais je dirais d'aimer la vie encore plus que la vérité
49:55ou que la quête de la vérité.
49:57Comme quoi les chercheurs n'ont plus qu'à lire Montaigne.
50:00Si tous les indices recueillis semblent aller dans le bon sens
50:03pour définir l'identité du défunt du sarcophage en plomb
50:06et prouver le fait qu'il s'agisse bien de la sépulture de Michel de Montaigne,
50:10il est probable également qu'on ne puisse jamais en apporter la preuve irréfutable.
50:14Nous espérons qu'il s'agit effectivement bien de Michel de Montaigne
50:18mais arriverons-nous à le savoir cette fois-ci de façon bien déterminée,
50:23sans avoir ce doute de l'erreur qui existe depuis 1800 ?
50:26Eh bien, c'est une affaire à suivre.
50:28Si c'est lui, si c'est bien lui,
50:32je pense, moi je me dis tout à fait personnellement sans doute,
50:35à une telle découverte qui est importante,
50:39je préfère quand même l'existence des essais.
50:43Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le cadavre de Montaigne,
50:46c'est Montaigne en tant qu'il est vivant
50:49et en tant que grâce aux essais, il est perpétuellement vivant.
50:54Cette enquête archéologique nous aura permis de croiser de nombreuses disciplines,
50:58à la fois historiques, littéraires et scientifiques.
51:01Elle nous aura permis d'aller plus loin sur les connaissances des pratiques funéraires au XVIe siècle
51:06et sur la volonté de ceux qui ont, au XIXe siècle, souhaité cette réunimation.
51:11Mais surtout, cette enquête nous aura permis de redécouvrir la personnalité
51:15et le travail de Michel de Montaigne, qui continue de nous parler à travers les siècles.
51:45Sous-titrage ST' 501

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