• il y a 7 mois
Transcription
00:00Ça ne va pas être facile de reprendre la parole après autant de noirceur et de mal-être
00:14et de malaise.
00:15Mais on va essayer.
00:16Oui, avant toute chose, je voulais présenter une invitée qui va nous rejoindre tout à
00:21l'heure, Hélène Midjavilay, que vous pouvez voir ici au premier rang et qui est la productrice
00:28de Joseph depuis ce dernier court-métrage, Scale, et qui a fondé sa société de production
00:37Mélocotone en 2011, avec laquelle elle produit depuis sa rencontre avec Joseph à Clermont-Ferrand,
00:45désormais elle produit aussi de l'animation et notamment vous développez ensemble un
00:50projet de long-métrage dont on va parler tout à l'heure.
00:52Alors Joseph, manifestement, en fait, ce qui ressort, je trouve, à la vue de tes films,
01:05quand on les regarde les uns après les autres, c'est la grande cohérence stylistique, visuelle,
01:11graphique qui s'est imposée en fait dès ton premier film et donc on va essayer de
01:18comprendre un peu comment tu as construit ce style visuel et graphique.
01:22Mais avant ça, je voulais savoir, finalement, comment est-ce que tu es arrivé à l'animation ?
01:29D'où te vient ce choix ? Est-ce que c'est d'abord un désir de cinéma, un désir de prise de vue réelle
01:36ou est-ce que ça t'est arrivé d'une autre manière ?
01:38Donc c'est une bonne question. J'ai grandi en regardant beaucoup des films plutôt déprimants,
01:55britanniques et européens. C'est une coïncidence que j'emploie le mot déprimant réellement. Mon
02:01premier amour, c'était vraiment de raconter des histoires et je pensais peut-être qu'il y avait
02:10cette chose qui pouvait aussi se faire en prise de vue réelle. Mais j'ai réalisé en fait que je
02:15voulais raconter des histoires différemment, aussi parce qu'à l'université, j'ai découvert
02:20aussi d'autres formes artistiques qui exprimaient beaucoup de choses pour moi, la peinture et
02:28encore d'autres. Et donc je voulais peut-être approcher cette chose de raconter des histoires,
02:34mais de le faire par d'autres moyens. Donc ma première expérience liée à l'animation,
02:43c'était vraiment le coup de foudre de la découverte du cinéma de Jan Svankmajer,
02:49qui est un réalisateur tchèque surréaliste, absolument époustouflant. Et en fait,
02:56il a une qualité dans son travail très tactile, très texturé, avec des problématiques sous-jacentes
03:06politiques et sociales, qui m'ont tout de suite porté à vouloir expérimenter avec l'argile,
03:13le latex et des matériels tactiles comme ça, qui m'ont tout de suite porté vers une pratique
03:19de stop-motion. Mais en fait, quand j'ai donc candidaté au Royal College of Art avec cette pratique-là,
03:27leur refus m'a fait réaliser aussi que peut-être cette pratique était trop proche de cet exemple
03:38que j'ai trouvé en Jan Svankmajer et peut-être d'autres brothers Quay, des frères Quay.
03:46Et donc ça m'a amené à la question tout de suite de comment faire en fait quelque chose qui soit plus
03:52personnel et qui soit vraiment à l'image de ce qui m'habite. Et en fait, j'ai donc pris
04:00ressources dans le travail d'Aubrey Beardsley, d'Egon Scheele, de Gustave Klimt, en fait, pour me porter
04:08vers une animation qui serait donc graphique, dessinée. J'ai peu de compétences en tant que dessinateur
04:16et en termes de films d'animation, strictement en parlant, techniques. Et donc, cette peut-être lacune initiale
04:26m'a porté vers mon approche personnelle, qui est celle de la rotoscopie.
04:33On va venir à ces questions de références qui sont aussi visuelles et picturales.
04:41Mais avant d'en venir là, je vais quand même vous montrer un petit extrait d'un des films de Jan Svankmajer
04:47qui a inspiré un des premiers films, en fait, que tu as vus et qui t'ont spécialement marqué,
04:57les possibilités du dialogue. Parce que je trouve ça quand même assez frappant à quel point toutes les influences
05:03citées par Joseph, on peut effectivement, une fois qu'on les connaît, les retrouver de manière très frappante
05:13dans ces films. Donc, pour ceux qui ne connaîtraient pas Jan Svankmajer, c'est un animateur d'une autre génération
05:18puisqu'il a réalisé son premier film en 1964. Il est toujours actif et il se réclame de ce qu'il appelle
05:26un surréalisme sarcastique par opposition à un surréalisme lyrique qui serait celui de l'Europe de l'Ouest.
05:33Et je voulais rappeler ça aussi parce que la parenté avec Svankmajer n'est pas seulement plastique,
05:40elle est aussi dans un certain état d'esprit un peu grinçant.
05:50Donc, on va regarder vraiment un court extrait d'une minute des possibilités du dialogue.
06:26Rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr
06:56Rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr
07:26Rrrrrrrrr
07:37Rrrrrrr
07:44Pardon pour cette coupe, c'est pas très agréable.
07:47Mais je pense que vous avez compris le principe
07:51qui tourne beaucoup autour du malaise
07:55de la rencontre entre différentes textures.
08:02Tu disais tout à l'heure qu'après cette rencontre-là,
08:07tu t'es dirigée vers la National Film and School Television.
08:11Tu peux peut-être rappeler ton parcours d'études avant cette école-là
08:17et ensuite, finalement, ce que tu as rencontré à la NFTS
08:21et ce que tu en as retiré en tant qu'école de cinéma ?
08:25Oui, je suis allé à la NFTS en 2006.
08:31Ça, c'était après le refus du Royal College of Arts.
08:34Et donc, ce souhait d'être auteur
08:39et peut-être plus individuel dans mon approche de la réalisation,
08:44m'a permis de faire ce que j'ai pu faire en tant qu'école de cinéma.
08:49J'ai eu l'occasion d'aller à l'Université d'Ottawa
08:53et de faire un film de la réalisation
08:56qui était peut-être plus cultivé au Royal College of Arts.
09:01En fait, je l'ai abandonné en faveur d'un cinéma plus collaboratif
09:05aux National Film and Television School
09:08parce que c'était peut-être plus lié à leur façon d'enseigner.
09:13Donc, il y avait des anciens élèves comme Ramsay ou Nick Park,
09:19des exemplaires de cette école.
09:22Et donc, c'est ça qui a fait que j'ai transitionné
09:25vers une approche plus collaborative du cinéma.
09:28Donc, Nick Park, c'était le futur auteur des Voilà, c'est Gros Mythes.
09:37Donc, côté cinéma, tu cites immédiatement
09:40le cinéma anglais déprimant type Ken Loach,
09:46Lynn Rabsey ou Transporting, qui fait partie de tes références.
09:53Et puis, il y a une autre influence déterminante
09:56qui est celle du Dogme 95.
09:58Est-ce que tu peux en parler un petit peu ?
10:05Donc, à l'université, quand j'étais à l'université,
10:08c'était vraiment en même temps
10:10qu'il y avait le manifeste Dogme 95 qui est sorti.
10:15Et ça m'a vraiment fasciné, cette approche
10:17de tourner uniquement en lumière naturelle,
10:20de tourner dans des décors réels sans ajouter des éléments extérieurs.
10:26Et c'est très loin de l'animation, finalement.
10:29Mais quelque part, il y a quelque chose qui...
10:32Enfin, en tout cas, il y a eu ce moment décisif
10:34de voir Fest End de Thomas Vintenberg.
10:37Et ça m'est resté.
10:39J'ai voulu créer des films qui étaient dans cet esprit-là.
10:46Donc, j'aimerais peut-être ajouter que pour moi,
10:49le cinéma, c'est quelque chose qui se doit d'être quand même viscéral,
10:54qu'est d'être physique et immédiat.
10:56Et j'adore le malaise.
10:58Je pense que cet accident, cet événement, en fait,
11:02où ce silence qui est malaisant,
11:04c'est quelque chose qui est vraiment inhérent
11:07à la pratique artistique.
11:09Et je pense que ce n'est pas seulement du divertissement.
11:12Il y a cette chose aussi qu'il faut traverser,
11:16qui nous fait nous sentir mal.
11:18Et c'est vrai que c'est étonnant de t'entendre citer
11:21le mouvement du dogme 95 au premier abord,
11:25puisqu'il y a chez eux une recherche de naturalisme,
11:28de refus du filtre, de la lumière, des décors, etc.
11:34Alors que quelque part, ton cinéma va vraiment à l'inverse
11:37d'un point de vue esthétique.
11:40En revanche, il y a quelque chose
11:42qui se rapproche très fortement de ce cinéma-là.
11:44En tout cas, tel que eux le formulent,
11:47c'est la recherche de la vérité à tout prix.
11:50Est-ce que ça, ça t'a intéressé chez eux ?
11:59Oui, en fait, il y a quelque chose qui est fascinant pour moi.
12:04Par exemple, déjà dans Stand Up, mon film de fin d'études,
12:07et aussi dans The Pub, on m'a aussi beaucoup demandé
12:12est-ce que c'est des films documentaires ?
12:14Et ça m'a un peu frappé.
12:16En même temps, c'est vrai que le sound design est très réaliste.
12:21Et par ailleurs, ce sont des scènes souvent que j'ai pu entendre.
12:27Par exemple, quand je vivais au-dessus d'un pub,
12:29j'étais vraiment proche de cette réalité-là.
12:31Et donc, certes, c'est peut-être exagéré au niveau de l'image
12:36et dans la patte graphique, mais ça prend vraiment racine,
12:40ça se ressource dans la réalité.
12:50Et pour ce qui est de tes inspirations artistiques,
12:54tu les as évoquées tout à l'heure.
12:56Est-ce que tu veux en dire un mot ?
12:58Qu'est-ce qui t'a frappé ?
12:59Qu'est-ce qui continue à t'intéresser chez ces peintres ?
13:06Donc oui, ces artistes, pour moi,
13:10disent plus que tout un catalogue de films.
13:15Et rien que prendre Egon Schill,
13:17c'est comme si chaque trait était raconté de quelque chose.
13:20C'est si précis et c'est si chargé d'émotions.
13:24Et dans l'animation, comme vous le savez,
13:28ça prend vraiment tellement de temps
13:31et il n'y a aucune répétition.
13:33Chaque photogramme est dessiné,
13:35ce qui veut dire que je me souviens de là où j'étais
13:41et dans quel état j'étais avec chaque ligne que je dessinais.
13:44Et je pense que ça me porte à être émerveillé
13:48de la simplicité de tout ce qu'il peut évoquer.
14:04Oui, peut-être qu'il y a quelque chose de romantique
14:07dans le fait que Beardsley et Schill sont morts jeunes,
14:13quand ils avaient la vingtaine,
14:16et qu'ils ont pu créer dans ce temps court
14:20autant de travail qui est resté, qui dure avec le temps.
14:25Et avec Paula Rego, il y a quelque chose qui...
14:31En fait, ça raconte tellement de choses dans son imaginaire
14:35qui puissent dans les contes de fées,
14:37mais avec quelque chose, une tournure sombre.
14:42Et ce qui me frappe aussi,
14:43parce qu'il y a d'autres artistes que tu cites très souvent,
14:46comme David Hockney ou Dali,
14:50ou le photographe Martin Parr,
14:53ou le peintre Lucien Freud,
14:55c'est aussi une capacité narrative
14:59très forte à l'intérieur de chaque image,
15:02y compris les images fixes.
15:08Voilà, et ce n'était pas une question.
15:11Mais l'autre chose qui me fascine,
15:14c'est que tu sembles avoir trouvé ton style, ta patte,
15:19dès tes tout premiers films d'étudiants.
15:22On va peut-être les montrer pour que ce soit plus clair.
15:30Est-ce que tu veux dire un mot sur Big On Love avant qu'on le montre ?
15:36C'était juste un film de première année,
15:40c'est vraiment quelque chose pour expérimenter.
15:45J'ai expérimenté la technique de rotoscopie
15:48et j'ai réalisé que ça avait vraiment peu d'intérêt
15:51s'il n'y avait pas quelque chose qui était exagéré,
15:53par exemple une langue ou des yeux.
16:00C'est un film de première année,
16:02c'est vraiment quelque chose pour expérimenter.
16:29Oh.
16:50Pourquoi as-tu fait ça ?
16:53Je suppose que je pensais que tu avais besoin d'un touchement de femme.
16:55Tu l'as fait ?
17:00Tiens.
17:02Très bien.
17:23Quand je faisais encore des animations sur papier.
17:30Tout de suite, je vais vous montrer aussi un extrait de Stand Up.
17:35Est-ce que Joseph, tu veux expliquer juste avant
17:39d'où vient ce film, l'idée de ce film,
17:42de montrer un comique en plein numéro de Stand Up ?
17:49Après avoir exploré cette idée d'un dialogue intérieur,
17:56j'ai tout de suite compris que peut-être c'était quelque chose
18:01qui pouvait être exploré à travers un comique de Stand Up
18:07et que ce serait parfait comme approche et comme personnage
18:13pour porter cette histoire parce qu'il y a cette chose malaisante
18:17et très intense dans l'expérience de faire du Stand Up
18:21et aussi on est très exposés et vulnérables.
18:24Donc là également, on va voir un court extrait.
18:28Juste pour remettre en contexte, le personnage principal
18:33est en plein numéro comique qui est en train de tourner très mal
18:36puisque le public le rejette et le traite de raté.
18:53...
19:23...
19:47...
20:09Une fois de plus, désolée pour ces coupes.
20:12Mais sachez que vous pouvez retrouver les films de Joseph
20:16sur son site si vous voulez le voir en entier.
20:21Je crois qu'on trouve déjà cette disposition pour la mise en scène
20:29du malaise mais aussi de l'échec.
20:32Est-ce que pour toi, faire des films, c'est vraiment aller toucher
20:37là où ça fait mal ? Est-ce que c'est ça ton intention ?
20:41Est-ce que tu es un pervers sadique en tant que cinéaste ?
20:51Oui, je pense qu'on peut dire que c'est l'intention.
20:56C'est ce qui me parle dans le travail des autres.
21:00C'est ce qui me porte à créer dans mes propres films.
21:05Si ces films ont tourné, qu'ils ont pu aller dans divers continents
21:09et pays, je pense que c'est parce qu'ils expriment peut-être quelque chose
21:15qu'on peut retrouver beaucoup dans la Grande-Bretagne,
21:21ce malaise social qui fascine les publics, aussi dans un côté voyeur
21:28où on voit ces scènes, ce comique qui est en train de complètement
21:33rater son coup, ou des familles qui sont dysfonctionnelles.
21:39Quelque part, ça parle à une condition humaine.
21:43Oui aussi, au sujet du stand-up, c'est marrant, mais il y a un ami
21:48qui produit une série en ce moment sur Netflix.
21:53Vous avez peut-être entendu parler, Baby Reindeer.
21:58Il y a un photogramme de ce film qui m'ont demandé de pouvoir l'utiliser.
22:05Finalement, ça n'a pas été utilisé, mais peut-être qu'il y a cette parité
22:09autour du malaise et de quelque chose de viscéral et de physique et d'immédiat
22:14qui sort dans le malaise créé par le fait d'être à la merci d'un public
22:21quand on est comique de stand-up.
22:25Je crois que cette sensation de malaise, elle est permise,
22:31en tout cas, elle est exprimée particulièrement par cette technique
22:36de la rotoscopie. On va en parler un petit peu.
22:40Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec cette technique,
22:43c'est une technique très ancienne dans l'animation.
22:46Elle a été brevetée en 1915 par les frères Fleischer,
22:51qui sont les créateurs de Betty Boop.
22:55Ou de Coco le clown.
22:58A l'origine, l'idée, c'est une technique qui permet de reproduire
23:03image par image un tournage réel en le redessinant.
23:08Ça permet de profiter du naturalisme du mouvement
23:12tout en imprimant un style graphique spécifique.
23:16Evidemment, avec les évolutions technologiques, on n'a plus besoin
23:19de papier pour redessiner, pour rotoscoper.
23:25Tout peut être fait par ordinateur.
23:28Mais le principe reste le même, puisqu'on pratique toujours
23:32un tournage en prise de vue réelle, avant de redessiner en animation
23:37par-dessus les séquences filmées.
23:40Cette technique, Joseph, comment est-ce que tu l'as découverte ?
23:45Pourquoi est-ce que tu as plongé là-dedans ?
23:49Et pourquoi est-ce que tu la gardes toujours aujourd'hui ?
23:56Je l'ai découverte, je pense, parce que je ne sais pas très bien dessiner.
23:59Oui, après, c'est devenu peut-être une façon de continuer à employer
24:09les méthodes du cinéma traditionnel, c'est-à-dire travailler avec une équipe,
24:14avec des acteurs, des monteurs.
24:17Mais ensuite, d'utiliser ce genre d'outils,
24:21d'utiliser ce genre d'outils, d'utiliser ce genre d'outils,
24:25d'utiliser ce genre d'outils,
24:27mais ensuite de pouvoir ajouter à ces éléments en prise de vue réelle
24:34d'autres couches d'intérêt, de profondeur.
24:38Et c'est devenu une façon parfaite pour moi de m'exprimer.
24:44Ça me permet aussi d'utiliser ma propre image comme référence.
24:52Comme vous voyez, on peut me reconnaître un peu dans ces images.
24:57Et ça permet aussi d'explorer des thèmes qui sont peut-être parfois délicats.
25:04Par exemple, même l'injection d'une drogue, ça peut être une image très explicite
25:09si elle est vue en prise de vue réelle.
25:12Mais en animation, c'est tout de suite plus digeste avec ce côté fantastique
25:17qui est ajouté.
25:19Et donc, ça permet d'ouvrir la conversation sur des choses qui ne sont peut-être pas évidentes.
25:24En tout cas, j'ai l'impression que ce qui t'intéresse dans la rotoscopie,
25:28ce n'est pas tant le naturalisme du mouvement,
25:31que justement le frottement entre l'impression de réalité
25:36et le côté déformant, bizarre du dessin que tu imprimes dessus.
25:46Et je suis tombé sur un texte d'un réalisateur québécois, Pierre Hébert.
25:54En fait, il définit l'animation comme ça.
25:59Je vais vous le lire, je le cite.
26:02La rotoscopie a accompagné l'animation sur toute la durée de son histoire
26:06comme une sorte de double fantomatique.
26:12Il dit aussi, la rotoscopie constitue une sorte de retour du refoulé,
26:17comme si l'animation avait besoin de faire ressurgir son autre absolu,
26:21le mouvement réel.
26:23L'expression, le double fantomatique et le retour du refoulé,
26:27ce sont des phrases qui fonctionnent particulièrement bien avec ton cinéma.
26:32Qu'est-ce que tu en penses ?
26:37Tout de suite, je peux dire que je suis réprimé et que mes films le sont aussi.
26:44La rotoscopie, c'est déjà un mot qui est peut-être mal vu
26:51dans des cercles d'animation.
26:53Dans certains festivals, on peut entendre que c'est peut-être
26:57une technique plus facile ou inférieure d'animation.
27:01Mais à mon sens, c'est une technique qui peut être brillante ou ennuyeuse.
27:08L'intérêt de cette technique est plutôt dans sa capacité à déformer
27:15ou à le morphing spécifiquement, une espèce de métamorphose
27:20ou une transformation de l'image organique.
27:24Aujourd'hui, il y a d'autres techniques qui s'apparentent un peu à la rotoscopie,
27:30qui permettent en tout cas de capturer un mouvement réel,
27:34comme par exemple la motion control, mais qui ne fonctionnent pas
27:37tout à fait de la même manière.
27:39Est-ce que ce sont des techniques qui t'ont intéressé,
27:41que tu as exploré, que tu as envisagé ?
27:43Oui, il y a souvent une conversation autour d'autres technologies,
27:49de l'IA, comment ça peut aider dans le processus.
27:53Et c'est vrai que je vois qu'à l'échelle de Scale, par exemple,
27:57ça peut aider au niveau de la production, des toiles de fond,
28:01des arrière-plans.
28:03Mais j'ai aussi l'impression qu'il y a toujours besoin
28:06de cette touche personnelle.
28:07Même chez des réalisateurs que j'admire beaucoup,
28:10Richard Linklater avec Waking Life,
28:13il a en fait quelque chose qui peut-être se perd un peu,
28:19même si j'aime beaucoup ses films.
28:21Et c'est pour ça que quelque part, je pense qu'il y a quelque chose
28:25d'un peu maso chez moi, peut-être, mais j'ai envie de dessiner
28:29chaque photogramme pour ne pas perdre cette touche personnelle.
28:33Et donc, avec le côté aussi dépréciatif que peuvent avoir
28:38parfois certaines personnes sur la rotoscopie,
28:41ce ne serait pas de la vraie animation.
28:43Il y a aussi l'idée que c'est une technique qui peut être très économe.
28:47Est-ce que ça, ça t'intéresse ?
28:49Ça te plaît ?
28:51Oui, ça m'intéresse.
28:53Je pense que c'est une technique qui peut être très économe.
28:56Je pense que c'est une technique qui peut être très économe.
28:58Est-ce que ça, ça t'intéresse ?
29:00Ça te parle, en tant qu'animateur ?
29:07Financièrement, mais aussi en énergie, en temps de travail.
29:17Est-ce que tu trouves que c'est vrai ?
29:18Financièrement, mais aussi en énergie, en temps de travail.
29:25Je pense que ça peut être, si c'est quelque chose comme l'effet,
29:30si on prend la technique de Bob Saviston,
29:35qui a fait cet effet pour Richard Linklater.
29:42En effet, on gagne en temps,
29:45mais en fait, ma forme est plutôt peu économique.
29:51Mais par contre, c'est vrai que quand on a travaillé sur Scale,
29:58et c'est le premier film où il a fallu que je travaille avec une équipe
30:02et que je délègue aussi une partie de ce travail d'animation.
30:07L'enjeu, c'était aussi de comment rendre ce style,
30:11qui était personnel, mais avec une équipe.
30:13Je suis plutôt heureux parce que le pari me paraît réussi.
30:19Et c'est grâce à une équipe très talentueuse d'animateurs.
30:25On va rester encore un peu sur les films que tu as réalisés quasiment entièrement seul,
30:31notamment Family Portrait.
30:33Est-ce que tu peux revenir sur l'origine de ce film,
30:36de cette idée du portrait de famille ?
30:37Après Stand Up, j'étais un peu à la recherche d'autres situations malaisantes,
30:45un peu de ce type.
30:47Au début, je pensais aux dîners de famille,
30:51des situations comme ça.
30:53Mais il y avait ce site web qui s'appelle Awkward Family Photos,
30:58et il y avait juste une collection de photos de famille très étranges.
31:04J'étais toujours fasciné par l'histoire derrière ces images,
31:09parce qu'elles racontaient tellement plus que juste cet arrêt sur image.
31:14C'est là d'où j'ai tiré l'inspiration pour Family Portrait.
31:19C'est un film que j'ai animé exclusivement sur papier.
31:24C'était aussi le film qui a été le plus rapide pour moi de créer.
31:29En trois ou quatre mois, j'ai passé du scénario jusqu'à un film fini.
31:34C'était quand même un peu douloureux,
31:36mais c'était tourné en un jour seulement,
31:41dans des superbes conditions, avec des comédiens géniaux.
31:47Je me suis retrouvé avec plein de photogrammes,
31:52de piles énormes que j'ai distribués un peu partout.
31:56Je voulais en apporter, mais je ne voulais pas sembler trop arrogant.
32:27C'est assez scénarisé, réellement.
32:33Dans Stand Up, c'était un vrai acteur, un vrai comédien de stand-up.
32:41Il a insisté sur le fait de ne pas improviser,
32:45parce qu'il ne voulait pas qu'on confonde ce scénario et ses répliques
32:49pour quelque chose qu'il dirait dans son stand-up à lui.
32:54Par contre, dans A Family Portrait, le rôle du père, c'était un ami à moi,
33:02et lui, il a un peu pris des libertés.
33:05Et pourtant, ses répliques qu'il a improvisées sont certaines qui font vraiment rire.
33:11Donc, je lui pardonne.
33:13Et je peux ajouter que The Pub, c'est peut-être mon film le plus improvisé.
33:18L'acteur du gangster, notamment, c'était vraiment de l'impro,
33:24ce qu'il a fait avec le gorille.
33:26C'était écrit dans le scénario, mais j'avais l'intention de le faire au niveau de l'animation,
33:31et il m'a donné beaucoup de matériel avec lequel travailler.
33:36Et dernière question pour The Pub, et puis ensuite, on passera à ton dernier film.
33:44D'où vient l'idée de ce film ?
33:47Est-ce qu'à ce stade, tu avais décidé de faire une collection des lieux potentiellement les plus glauques pour tes films ?
34:03Oui, je vivais à l'époque au-dessus d'un pub à Camden, à Londres,
34:12avec le manager du pub, la manageuse, et aujourd'hui, on a des enfants ensemble,
34:19on est toujours ensemble d'ailleurs, et elle n'est pas anglaise,
34:23donc elle avait ce regard un peu témoin de la culture britannique,
34:28qui n'était pas toujours glorieuse, en tout cas,
34:32mais ce regard qu'elle portait sur le pub, pour moi, ça me faisait prendre un pas de côté dans mon regard.
34:42Et j'ai commencé à écrire ce film et à le créer pendant une résidence au Japon,
34:48pour lequel je l'avais vendu un peu comme un regard sur ma culture que j'allais présenter au Japon.
35:02Je ne sais pas s'ils vont t'embaucher comme ambassadeur en Angleterre ?
35:06Pour la dernière partie de cette discussion, on va inviter Hélène Midjavilay à se joindre à nous.
35:26Hélène, est-ce que tu veux raconter un peu comment tu as rencontré Joseph,
35:31ce qui t'a attiré dans son travail, et comment s'est mise en place la collaboration ?
35:39En fait, ça marche, oui.
35:42On s'est rencontrés avec Joseph au festival de Clermont-Ferrand,
35:47qui est un des festivals les plus importants pour les courts-métrages dans le monde,
35:52et moi je suis allée directement le voir pour travailler avec lui,
35:56parce que j'avais déjà vu ses films tournés, ses premiers films avant Scale,
36:03avaient eu effectivement un succès important au festival,
36:07donc il était déjà très identifié, et donc tout naturellement je suis allée le voir.
36:14Et pour moi c'était un challenge, parce que moi je ne venais pas de l'animation avec ma société,
36:21j'ai produit beaucoup de courts-métrages de fiction, maintenant je passe au long,
36:24et c'était une première animation pour moi,
36:30donc j'ai été très reconnaissante à Joseph de me faire confiance,
36:36puisqu'il y a un gros challenge technique, et que c'est toujours difficile de faire sa première animation,
36:41comme c'est difficile de faire son premier long.
36:44Donc voilà, ça s'est fait comme ça, et puis on a eu un long travail de développement,
36:48parce qu'effectivement, comme on l'a dit jusqu'ici,
36:54le style de Joseph est très particulier, et donc le risque,
37:00si on voulait produire un film où lui ne dessinerait pas de bout en bout,
37:06c'était vraiment d'avoir quelque chose de cohérent,
37:09et d'avoir quelque chose où on le reconnaît,
37:11c'est qu'on ne se retrouve pas avec un public qui dise,
37:13bon c'est super, mais en fait il y a eu une production, du coup c'est plus du Joseph Pierce.
37:17Et effectivement, on aurait pu décider de lever de l'argent non territorialisé,
37:26d'être à peu près libre avec l'argent qu'on avait,
37:29et juste de lui allouer cet argent et qu'il dessine entièrement le film.
37:32Mais ce n'était pas ça qui était intéressant, ni pour Joseph, ni pour moi,
37:37l'idée c'était justement de commencer à travailler avec une équipe,
37:42pour pouvoir aussi voir vers l'avenir,
37:44et voir comment on pouvait déléguer ce style qui était vraiment si personnel.
37:51Justement, est-ce que vous pouvez préciser techniquement,
37:55peut-être Joseph, comment tu as fait pour déléguer ce style,
38:00et aussi ensuite en termes de production, comment vous vous êtes organisé,
38:03puisqu'en plus c'était une coproduction,
38:05donc d'autres enjeux de répartition du travail.
38:14J'adore le travail dur.
38:44Je vis à Londres avec une Polonaise très talentueuse, Natasha Setner,
38:48qui dessinait avec lui, et qui dessinait certains plans,
38:53et qui faisait des retouches sur certains plans qui nous remontaient.
38:57Il y avait une directrice d'animation en France,
39:01qui chapeautait les deux studios à Lyon et à Strasbourg,
39:04et qui recevait les plans,
39:07et avant qu'ils soient envoyés à Joseph, faisait faire des retouches,
39:11ensuite Joseph demandait d'autres retouches,
39:12parfois elles étaient finalisées par Natasha,
39:15donc il y avait neuf animateurs et deux fonctions de supervision très importantes,
39:20en plus du travail très important de Joseph.
39:28Quand on produit un film comme ça, qui est assez ambitieux,
39:33il s'agit du coup de lever un financement conséquent,
39:36effectivement c'est une technique, la technique de Joseph,
39:39qui n'est pas du tout une technique qui est peu coûteuse,
39:42parce qu'il s'agit de financer deux voire trois films pour un budget de films,
39:47puisqu'on a le tournage en prise de vue réelle,
39:51et puis toute l'animation qui est faite comme si le film était entièrement dessiné en 2D,
39:55image par image, très précisément, donc c'est très cher.
39:58Il s'agit d'aller chercher de l'argent dans différents territoires,
40:02avec les partenaires avec qui on aimerait travailler,
40:06et une fois que l'argent est levé,
40:08la répartition du travail n'est pas forcément évidente,
40:13puisqu'il y a de multiples possibilités.
40:17Dans le cas d'une production comme celle-ci,
40:20comme il y a plusieurs étapes à la production,
40:23le point positif c'est qu'on peut découper la production
40:28en différentes parts de production qu'on va allouer à chacun des partenaires,
40:33et donc ce découpage demande une réflexion stratégique et financière
40:40assez poussée avec tous les tenants et aboutissants,
40:43et donc conduit parfois à prendre des décisions qui sont même irrationnelles.
40:48Par exemple, on a pris la décision de tourner la partie prise de vue réelle à Londres,
40:53financièrement c'était totalement irrationnel,
40:56à ce moment-là c'était le Covid,
40:59on avait en France le CNC qui prenait en charge les pertes liées au tournage
41:07qui étaient arrêtées pour cause de Covid,
41:10en Angleterre je n'avais pas ça,
41:12donc si on avait eu juste un seul cas Covid pendant les six jours de tournage,
41:17en fait j'aurais perdu 50 000 euros d'un seul coup,
41:20mais on a pris ce risque,
41:23parce qu'en revanche le choix du tournage à Londres,
41:26artistiquement il était incontestable.
41:28Et puis après on a organisé au mieux entre les différents studios
41:37qui ont tous été très compétents et très coopératifs,
41:41et avec qui on discute pour la suite,
41:44et effectivement pour que ça fonctionne,
41:48les fonctions de supervision étaient vraiment cruciales,
41:51et tout ça a pu s'organiser alors que chacun restait chez soi,
41:54puisqu'on était en plein Covid.
41:57Oui, alors ça, ça paraît complètement fou,
42:00ça fait un peu film du futur.
42:02Si j'ai bien compris techniquement,
42:05mais vous allez me corriger si j'ai mal compris,
42:08pour déléguer ton style,
42:11ce que tu fais c'est que tu dessines la première image du plan
42:14et ensuite tu délègues le plan à un animateur, c'est ça ?
42:20Oui, plus ou moins,
42:22en tout cas c'est la première et la dernière image du plan,
42:25et si c'est complexe, peut-être quelques plans,
42:29quelques photogrammes au cours de ce plan, quelques frames.
42:34En tout, pour le film, j'ai dessiné 800 poses clés,
42:40pas pour scale, ce qui n'est quand même pas rien au final,
42:46et du coup j'ai aussi créé une bibliographie
42:50qui posait un peu les règles
42:53pour que ça préserve une cohérence.
42:56Ok, alors il ne nous reste plus beaucoup de temps
42:59et encore beaucoup de questions,
43:02du coup j'ai un peu envie de proposer
43:05que ce soit à vous de prendre la parole si vous le souhaitez,
43:09comme ça vous pourrez choisir quels aspects
43:12on continue à développer avec Joseph et Hélène,
43:16si vous avez des questions à poser.
43:19Bonsoir, merci pour cette séance.
43:22Je me posais une question sur The Pub,
43:25il y a des éléments du décor qui ne sont pas visibles tout le temps,
43:28comme la pancarte Please, donc, ni Love,
43:31et je me demandais pour rappeler comment vous avez eu cette idée
43:35de ne pas faire apparaître le décor tout le temps,
43:38enfin, certains éléments du décor tout le temps.
43:41Donc c'est une chose que j'ai déjà explorée avec Stand Up,
43:46et c'était peut-être plus par paresse,
43:50dans la mesure qu'il fallait animer tout ce public,
43:55et donc parfois juste je l'éteignais comme ça,
43:59et comme ça je pouvais me concentrer sur ce qui m'intéressait,
44:03mais en fait cette chose,
44:05ça a plu, et finalement,
44:08donc avec Pub, il y avait ce monde réel qui me fascinait,
44:12qui me tenait à cœur,
44:15de le représenter, le lieu du Pub,
44:18et donc en fait c'était peut-être quelque chose de plus sélectif
44:22pour guider le regard du spectateur,
44:25un peu manipuler cette expérience pour attirer l'œil,
44:29là où ça s'était intéressé.
44:32C'était le Pub où j'habitais, où on a tourné,
44:36donc c'est un peu un personnage à part entière.
45:01La rotoscopie, parce que quand je vois vos films,
45:04effectivement au début, la première impression c'est
45:08ah, c'est de la rotoscopie, et on reconnaît votre style,
45:11mais en fait je trouve que ce n'est pas ou très très peu de la rotoscopie,
45:15la rotoscopie n'est qu'un point de départ
45:19pour s'en éloigner beaucoup,
45:23et donc est-ce que vous considérez quand même
45:26que ce que vous faites se rattache à la rotoscopie,
45:28ou c'est juste un point de départ,
45:31un peu comme d'autres cinéastes d'animation vont tourner des séquences
45:36pour s'en servir d'inspiration en redessinant ensemble ?
45:58Oui, c'est un point de départ,
46:01comme d'autres animateurs le feraient.
46:04Plus je m'éloigne de l'action live,
46:09plus c'est intéressant,
46:13et plus mon esprit peut s'éloigner.
46:16C'est vraiment un argument semantique,
46:20et c'est quelque chose qu'on parle quand on parle de fonds,
46:24et ça semble un peu ridicule,
46:26mais c'est vraiment la situation.
46:29Il y a eu un film de Richard Linklater il y a quelques années,
46:33qui n'était pas autorisé d'être fait pour l'Oscar,
46:36car c'était considéré de la rotoscopie.
46:39J'ai peut-être raisonné, mais c'est quelque chose comme ça.
46:56Et finalement, à partir du moment où il y a une recherche avec différentes techniques,
47:03c'est juste un mot qui est...
47:06S'il est mal utilisé, c'est dommage.
47:13À mon regard, oui, quand je regarde mes films,
47:17je ne vois plus de la rotoscopie, en effet.
47:20Mon cerveau me joue un peu des tours,
47:22et même dans le processus,
47:28c'est vrai que ça ressemble peut-être comme d'autres filmmakers
47:32qui filment des séquences pour référence.
47:36C'est vrai que ça se rapproche de ça.
47:39Et aussi, le plus que je me détache de ces images initialement tournées,
47:44le plus je sens que je peux me libérer et imaginer librement.
47:49Donc, quelque part, il y a un peu...
47:52Comme si c'était une question sémantique absurde
47:55qui n'était pas si intéressante que ça.
47:58Et ça me fait penser que Linklater était privé dans un nouveau film,
48:04un film récent à lui, d'un Oscar pour un film d'animation,
48:08parce que c'était un film en rotoscopie.
48:13C'est juste un mot, mais une phrase pour répondre à ce que disait Hélène.
48:17Il y a des films qui ne sont plus en rotoscopie,
48:20et qui, à l'arrivée, on ne voit pas que c'est en rotoscopie,
48:23alors que pour Josette, c'est presque le contraire,
48:26d'un certain point de vue.
48:28C'est-à-dire que ça donne l'illusion que c'en est,
48:30alors que ça n'en est pas beaucoup, pas vraiment.
48:38Je vais juste en profiter pour montrer d'autres étapes de fabrication de Skye.
48:44Ici, l'animatique.
48:47Est-ce que j'ai le moyen de prendre des photos ?
49:17Est-ce que tu comptes adapter encore une autre de ces nouvelles au cinéma ?
49:29Je me souviens, avec Skye, que j'étais vraiment très fasciné
49:35et frappé par cette notion qu'un homme confonde
49:41et pense qu'il y a une confusion entre ses veines
49:43et le système autoroutier du Royaume-Uni.
49:48C'est seulement plus tard, en travaillant avec la rotoscopie,
49:52que j'ai pu constater que c'était un lien parfait
49:57entre ma façon de travailler et son récit,
50:01et que ça devait se faire.
50:03World Self, il faut dire qu'il occupe un espace assez particulier
50:07dans le champ littéraire,
50:09parce que ce n'est pas tout à fait de la science-fiction.
50:11On peut dire que c'est comme une déformation de la réalité.
50:15Pour moi, c'est une première adaptation
50:18et je pense que ça intervient à un espace intéressant pour moi,
50:23parce que je pense que je me retrouve aussi
50:26dans ce cadre-figure de déformation de la réalité.
50:30Il y a une expression que tu utilises souvent,
50:33c'est celle de monologue intérieur,
50:35la représentation d'un monologue intérieur.
50:38Il me semble que c'est une expression qu'on trouve plutôt d'habitude
50:42dans le monde littéraire pour qualifier le travail d'écrivain
50:45comme Virginia Woolf, James Joyce, Faulkner.
50:49Il se trouve que tu as fait ta première adaptation littéraire,
50:53tu te prépares à en faire une deuxième.
50:56Est-ce que pour toi, il y a quelque chose de fondamentalement littéraire
51:00dans l'animation ?
51:02Pas vraiment, parce que c'est assez difficile, en fait.
51:07Will Smouth, il a cette façon d'écrire
51:14où il y a des jeux de langage et c'est assez littéraire.
51:20Peut-être qu'on perd l'histoire, un peu,
51:25et on a de moins en moins de choses à dire.
51:28Et on a de moins en moins de visuels ou d'images.
51:33On est dans la langue et ça devient très gratifiant
51:40de retrouver l'image et de pouvoir peut-être extraire ce récit.
51:48Pour terminer, je me disais que vous pourriez peut-être nous dire
51:52un mot de votre projet de long métrage que vous développez en ce moment.
51:59Qu'est-ce que ça va être ? De quoi ça va parler ? Où ça en est ?
52:05Hélène a parlé beaucoup plus que moi, donc vous pouvez expliquer.
52:10Donc, How the Dead Live,
52:13Ainsi vivent les morts, en français.
52:17C'est donc une adaptation d'un roman de Will Self.
52:21On poursuit le travail avec Will Self,
52:23puisqu'il y a vraiment une communauté artistique entre Will Self et Joseph.
52:31Will Self, c'est un auteur vraiment très brillant et très exigeant.
52:36Et il a salué les choix artistiques de Joseph pour le court-métrage.
52:42Le court-métrage a un petit peu constitué le début d'un dialogue entre eux.
52:47C'est un peu tout naturellement, quand on a cherché le matériel sur lequel travailler,
52:54qu'on est retombé sur Will Self qui, effectivement, a cette place très particulière
52:58d'avoir ce décrochage du réel sans être dans le fantastique.
53:04Et le film, ce sera une réflexion satirique et métaphysique sur la mort,
53:10et sur l'au-delà.
53:12Le livre, lui-même, suit la structure du livre tibétain des morts.
53:18Et donc, notre film aussi, d'une certaine manière,
53:21on est encore au début de l'écriture, mais on y découvrira, en un mot,
53:26Lily, qui meurt du cancer et qui ne croit pas au paradis.
53:30Et donc, quand elle meurt, elle est surprise de découvrir que non seulement
53:34le paradis ou la mort, c'est le paradis.
53:36Et donc, quand elle meurt, elle est surprise de découvrir
53:39que non seulement le paradis, ou en tout cas l'au-delà, existe,
53:42mais c'est une banlieue un peu détruite, un peu bastardisée de Londres.
53:51Et elle est accompagnée dans la vie après la mort par un guide spirituel
53:56qui est un chauffeur de taxi aborigène et qui lui fait découvrir ce monde
54:01où elle découvre les graisses qui sont des formes.
54:06On va les découvrir peut-être dans les images après.
54:09Des formes qui sont un petit peu la somme du poids qu'elle a gagné
54:13et reperdu année après année.
54:15Elle découvre un fœtus calcifié qui lui chante des chansons des années 90.
54:20Et en fait, dans toute cette découverte de l'au-delà,
54:23alors qu'elle se rend à ces réunions des personnellement morts
54:28organisées par la mortocratie, elle n'a de cesse de vouloir retrouver
54:33ces deux filles dans le monde des vivants.
54:36Et donc, elle met tout en œuvre pour les retrouver.
54:39Et donc, c'est comme un coming of age un peu tardif
54:45où on découvre cette femme qui va réussir à résoudre dans la mort
54:49ce qu'elle n'a pas su résoudre de son vivant.
54:54Et finalement, on a peu de prise sur ces enfants,
54:58à les laisser partir et se retrouver elles deux entre elles.
55:03Et on est au tout début de l'écriture.
55:06Grâce à la sélection de ce qu'est la semaine de la critique,
55:09on a pu commencer à le développer à l'atelier Next Step,
55:12suivi d'un autre atelier qui s'appelle Pop-up.
55:14On a eu une petite aide à l'écriture de la région Grand Est
55:17et je l'ai présenté dans un workshop de producteurs qui s'appelle ACE.
55:23Et on continue avec notre co-auteur Nadja Dumouchel.
55:29Et voilà, vers une version plus aboutie dans l'optique de financer
55:38et produire dans les prochaines années.
55:42Et c'est donc un projet de long métrage animé adulte.
55:46On sait que c'est vraiment un défi à mettre en place,
55:51à financer, à développer.
55:53Joseph, qu'est-ce que tu penses de la production animée adulte en ce moment ?
56:01Est-ce qu'il y a d'autres films qui t'ont inspiré, donné envie d'y aller ?
56:06Tu penses qu'on en est à quel état en ce moment, à ce niveau-là ?
56:13Je ne sais pas si je suis vraiment à jour,
56:17mais je peux dire que j'étais très encouragé de voir des films
56:20tels que Persepolis, Waltz avec Bashir.
56:24J'ai perdu mon corps, je ne sais pas si c'est la traduction française,
56:27I lost my body.
56:32Bien que c'est encourageant de voir ces films,
56:36ça n'enlève pas que c'est difficile à vendre les films d'animation pour adultes.
56:42En tout cas, c'est le cas au Royaume-Uni.
56:45Mais je pense qu'avec ces cours, peut-être qu'on a quelque chose
56:48qui peut faire preuve de la capacité à passer à la prochaine étape,
56:54le long métrage.
57:00Ça reste un marché de niche.
57:03C'est effectivement un gros challenge de financer une animation adulte,
57:09mais les distributeurs, les vendeurs commencent petit à petit
57:13à s'ouvrir de plus en plus.
57:15Et les spectateurs, quand on voit la sélection cannoise de cette année,
57:20il y a des films d'animation là où il n'y en avait jamais avant.
57:25C'est quand même plutôt positif comme évolution.
57:29On peut aussi imaginer que le film rencontre l'intérêt
57:34de plusieurs partenaires internationaux et qu'on réussisse à monter
57:37un financement comme ça entre divers pays.
57:40Du coup, il ne nous reste plus qu'à vous souhaiter vraiment bon courage,
57:44bonne chance et on a hâte de voir ce futur film sur les écrans.
57:50Merci beaucoup Hélène et Joseph et à très bientôt pour le long métrage.

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