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00:00Et d'abord, Manon Brisset, si vous le permettez, une question d'actualité concernant la Nouvelle-Calédonie.
00:03L'avion d'Emmanuel Macron se pose d'ici deux heures et demie, sans doute un peu moins à Nouméa.
00:09Qu'est-ce que vous attendez exactement de cette visite du président de la République ?
00:12Qu'est-ce qu'il devrait annoncer selon vous pour faire baisser la tension qui est très vive depuis plus d'une semaine sur place ?
00:18Le premier signe d'apaisement que j'attends de la part du président de la République, c'est le retrait de ce qui a mis le feu aux poudres,
00:25c'est-à-dire le projet de loi constitutionnel qui a été poussé avec force, imposé de force par le gouvernement
00:32et qui a finalement fait voler en éclat 35 ans de paix civile en Nouvelle-Calédonie, issus des accords de Nouméa.
00:39Et on voit l'irresponsabilité de ce gouvernement.
00:42J'ai le sentiment qu'ils ont pris une énorme boîte d'allumettes, qu'ils l'ont craqué sur la Nouvelle-Calédonie,
00:48et puis après, ils viennent crier au feu.
00:49Maintenant, c'est à eux d'être responsables, de retirer le projet de loi constitutionnel
00:54et de ramener l'ensemble des parties prenantes autour de la table pour réengager un dialogue
00:59et collectivement trouver la porte de sortie sur cette crise.
01:01Mais vous pensez qu'il peut faire 24 heures d'avion, 24 heures aller, 24 heures retour,
01:06juste pour annoncer qu'il va retirer cette réforme ?
01:09Pas uniquement.
01:09Sa présence en Nouvelle-Calédonie, aussi une réponse aux différentes parties prenantes en Nouvelle-Calédonie
01:15qui ont dit « mais on ne va pas régler cette immense difficulté qu'on a face à nous à travers un Skype de Paris à Nouméa ».
01:24Donc, venez, et puis on en discute, remettons l'ensemble des parties prenantes autour de la table.
01:29Il faut reprendre le long cours issu des accords de Nouméa qui a été interrompu par ce passage en force
01:36qui illustre la brutalité globale de ce gouvernement.
01:39Ce n'est pas la première fois qu'ils se disent « bon, ce qu'en pense la population, on s'en fout, on passe en force ».
01:44Non, en fait, à chaque fois qu'ils passent en force, ça crée du désordre dans le pays.
01:48Je vais même plus loin.
01:49Je pense que c'est Emmanuel Macron qui crée du chaos dans le pays.
01:53Emmanuel Macron est un agent du chaos.
01:56Un agent du chaos ?
01:57Oui, tout ce qu'il touche, ça crée du chaos.
02:00La situation en Nouvelle-Calédonie en est l'illustration.
02:02On se souvient aussi de la mobilisation des Gilets jaunes.
02:05On pourrait prendre tant d'exemples dans les deux quinquennats comme président de la République.
02:11Et je pense qu'il doit faire la démonstration qu'il n'est pas simplement cet agent du chaos.
02:15Maintenant, il doit ramener de l'ordre et du calme.
02:17Et pour ça, il faut qu'il fasse un geste.
02:19Encore une petite question avant de passer la parole à Pierre.
02:21Vous avez parlé dans un tweet de cet accord, de ce gouvernement qui aurait fait voler en éclats la stratégie de décolonisation.
02:28Il y a toujours un processus de décolonisation à l'œuvre ?
02:31Oui, ce terme est utilisé noir sur blanc, est écrit noir sur blanc dans les accords de Nouméa
02:37qui a entamé ce processus de décolonisation
02:40qui est intéressant d'ailleurs si on dézoome un petit peu.
02:42C'est un des processus de décolonisation qui s'est passé le mieux jusqu'à présent.
02:47La Nouvelle-Calédonie, c'est un des 17 territoires à décoloniser selon les Nations Unies.
02:52Et comme je le disais, les accords de Nouméa ouvraient une trajectoire, ouvraient une séquence
02:59qui n'est aujourd'hui pas refermée ou alors refermée avec brutalité par le gouvernement.
03:03Et c'est cette séquence qu'on doit reprendre pour arriver au terme du processus de décolonisation qui n'est pas encore terminé.
03:09Mais alors justement, sur ces accords de Nouméa,
03:12si on reprend le préambule dans lequel effectivement le mot décolonisation est utilisé,
03:18ça prévoit un destin commun entre les Kanaks d'un côté,
03:23mais aussi les populations venues d'ailleurs au cours des XIXe, des XXe siècle, les Bagnards notamment.
03:29Vous, Manon Aubry, vous parlez de Kanaki.
03:33Si vous parlez de Kanaki, on a l'impression que ce territoire pour vous n'appartient qu'aux Kanaks.
03:38Non, je souhaite ce destin commun, mais je souhaite qu'il puisse être justement pour que ce soit un destin commun qui soit discuté collectivement.
03:45Ça ne peut pas être une décision unilatérale à Paris prise contre l'assentiment d'une grande partie des parties prenantes de Nouvelle-Calédonie
03:53qui peut permettre ce destin commun.
03:55Vous voyez ce que vient de faire le président de la République et ce gouvernement.
03:58C'est tout sauf créer du destin commun puisqu'il a monté les communautés les unes contre les autres en Nouvelle-Calédonie.
04:04Ce n'est pas ce qu'on souhaite, ce n'est pas ce que je souhaite.
04:06Et c'est pour ça que la meilleure manière de refaire du destin commun,
04:10c'est de mettre les différentes parties prenantes autour de la table,
04:13d'adresser aussi des questions sociales profondes.
04:15Quand vous avez un taux de chômage, un taux de pauvreté qui est bien plus élevé dans la population Kanak
04:21que dans le reste de la population en Nouvelle-Calédonie,
04:23il y a énormément d'enjeux à traiter en Nouvelle-Calédonie.
04:26Et ce dont je suis sûre, et ce qu'a démontré malheureusement les dix derniers jours,
04:30c'est qu'on ne règle pas la situation, une situation politique, par de la brutalité.
04:35On la règle par des solutions, par des propositions politiques.
04:38Mais est-ce que vous diriez qu'il y a du racisme anti-blanc en Nouvelle-Calédonie ?
04:44C'est en tout cas l'opinion de 57% des Français dans un sondage Opinion Web pour Europe 1C News.
04:49Et JDD, est-ce que vous êtes d'accord avec la majorité de nos concitoyens ?
04:52Il y a certainement un sentiment, un ressentiment qui dénote justement
04:56de cet affrontement de communautés les unes contre les autres.
04:59Mais moi, je refuse de tomber dans le piège qui nous est tendu,
05:03précisément de faire s'affronter les communautés les unes contre les autres.
05:06Ce que je souhaite pour revenir à l'apaisement, c'est précisément que tout le monde puisse vivre ensemble.
05:10Mais pour ça, on ne peut pas faire fi de l'histoire de la Nouvelle-Calédonie,
05:15qui a un peuple, qui a un territoire, avec un peuple qui a été colonisé.
05:20Il faut en tenir compte.
05:21Et c'est pour ça qu'il faut reprendre le long et lent, patient processus des accords de Nouméa.
05:26Il y a 41% environ de la population qui est canadienne, d'autres, évidemment,
05:30qui viennent de Wallis et Futuna et aussi de métropole.
05:33Comment vivre ensemble après ces événements ?
05:36Parce que c'est de ça aussi dont il va s'agir.
05:38C'est de retrouver les fils du dialogue, certes au niveau politique,
05:42mais au niveau des habitants, des voisins, parfois des familles.
05:45Et ça, ça va être extrêmement difficile.
05:47Il y a eu une rupture entre les peuples.
05:49Mais il y a eu une rupture entre les peuples qui a été introduite par une décision unilatérale de Paris.
05:54C'est ça qui a mis le feu aux poudres.
05:56Et on se souvient, et ces événements nous remémorent de manière assez terrible,
06:01d'autres événements qui ont eu lieu dans le passé.
06:03On se souvient notamment à Ouvéa.
06:05Et après ça, parce qu'il y a eu un signe envoyé par la France et par l'État français
06:11qui a joué, finalement, le rôle de médiateur.
06:14C'est ce rôle que l'État français doit reprendre, le rôle de médiateur,
06:17pour pouvoir créer du vivre ensemble.
06:19Et malheureusement, avec ce projet de loi constitutionnel,
06:22l'État français est sorti de son rôle de médiateur, de neutralité
06:26qu'il avait réussi à construire après les derniers événements.
06:28Oui, mais là, je vous parle de reconstruire le lien entre habitants.
06:31Il faut leur dire, vous avez un avenir en commun.
06:35Il y a une voie médiane entre l'indépendance ou la République ?
06:42Vous savez, j'ai toujours défendu le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
06:46Donc ça veut dire que ce sera aux populations en Nouvelle-Calédonie
06:49de décider la manière dont elles vont organiser les choses.
06:52Et justement, je suis très prudente à ne pas tomber dans le même travers
06:56que celui du président de la République, à moi, depuis Paris,
06:58dire, on va organiser les choses de telle manière,
07:00et vous allez voir, ça va bien se passer.
07:02Ce dont je veux sussuir, pour que ça se passe bien,
07:05il faut impliquer un maximum de parties prenantes en Nouvelle-Calédonie,
07:09et c'est précisément l'erreur qu'a faite Emmanuel Macron.
07:11Marine Le Pen propose, par exemple, un référendum dans 40 ans.
07:13C'est une solution ?
07:16Pardon, je rigole, mais quelle hypocrisie de la part du Rassemblement national.
07:21Je rappelle que le Rassemblement national a voté le projet de loi constitutionnel
07:26la semaine dernière, qui a mis le feu aux poudres.
07:28Puis ensuite, ils viennent donner des leçons en disant,
07:30il faut peut-être un nouveau référendum.
07:32Mais ils font partie du problème, le Rassemblement national.
07:35Et j'ai envie de dire, une nouvelle fois,
07:37parce que ce n'est pas la première fois qu'ils ajoutent leur voix
07:39aux voix des macronistes, ils se sont alliés ensemble
07:44pour imposer avec force des décisions
07:47qui sont venues de Paris à la Nouvelle-Calédonie.
07:49Donc, pardon, mais les leçons du Rassemblement national
07:52sur la manière dont on devrait s'y prendre en Nouvelle-Calédonie,
07:55qu'ils repassent.
07:56Vous avez des irresponsables un peu entêtés,
07:59comme Emmanuel Macron lui-même, qui continue sur sa trajectoire,
08:03et vous avez des irresponsables hypocrites,
08:05comme ceux du Rassemblement national,
08:07qui changent de chemise au fur et à mesure de la météo et du vent.
08:12Nous, nous avons été constants, nous avons toujours défendu
08:15à la fois les accords de Nouméa,
08:16les droits des peuples à disposer d'eux-mêmes,
08:18et une évolution progressive, y compris du corps électoral
08:21en Nouvelle-Calédonie, mais de manière concertée.
08:23Et avec une consultation du peuple ou pas ?
08:25Un référendum à la clé ?
08:26Bien sûr, mais pourquoi il y a un enjeu sur le référendum
08:30pour qu'on comprenne bien, et j'en profite
08:32puisqu'on a un peu de temps pour faire de la pédagogie,
08:34il y a eu trois référendums en Nouvelle-Calédonie,
08:36c'est ce que prévoyaient les accords de Nouméa,
08:39mais le troisième référendum est contesté par les Canaques,
08:43puisqu'il s'est déroulé juste après le Covid,
08:46dans une période de deuil canaque,
08:48les Canaques avaient demandé à ce que la date soit reportée,
08:51l'État français, malheureusement, l'a refusé,
08:53et il y a eu une abstention massive,
08:56on est passé de 14 % d'abstention à plus de 50 % d'abstention.
09:00Donc oui, il faut qu'il y ait un nouveau référendum,
09:03mais plus que ça, ce que prévoient les accords de Nouméa,
09:05ce n'est pas seulement trois référendums,
09:07c'est à la suite de ces trois référendums
09:09que, de nouveau, les parties prenantes se retrouvent autour de la table
09:12pour trouver un chemin en commun,
09:13et c'est cette étape qui est aussi manquante dans ce processus.
09:16Un mot des violences qui ont eu lieu, des émeutes, des pillages,
09:19six personnes sont mortes, dont deux gendarmes.
09:22Vous condamnez ces violences, évidemment.
09:24Bien sûr, et c'est une situation terrible
09:26quand on en arrive à avoir des vies
09:30qui sont enlevées par des niveaux de violence
09:33sans doute sans précédent en Nouvelle-Calédonie,
09:36et je voudrais avoir une pensée pour les familles endeuillées
09:40des six personnes.
09:41Je veux aussi dire que le meilleur moyen
09:44de protéger la population calédonienne,
09:46le meilleur moyen de protéger nos forces de l'ordre
09:49qui sont envoyées au front en Nouvelle-Calédonie,
09:51c'est d'essayer de ramener le calme,
09:53et ramener le calme, ça passe par un signal,
09:55et le retrait de ce projet de loi constitutionnel,
09:57je pense que tout le monde en sortira gagné.